(Géographie moderne) bourg d'Angleterre, en Berckshire, où naquit en 1627 (Guillaume) Lloyd, très-savant écrivain, qui de degré en degré devint évêque de S. Asaph, ensuite de Lichtfield et Coventry en 1692, et finalement de Worcester en 1699. C'est en occupant ce siege qu'il est mort en 1717, dans la 91 année de son âge. C'était un grand critique des auteurs grecs et latins, mais plus encore de nos livres sacrés. Profondément versé dans l'histoire et dans la chronologie, il a trouvé peu de maîtres à ces deux égards. Les matériaux qu'il avait recueillis sur toutes sortes de sujets, avec un discernement délicat, remplissaient plusieurs volumes, où tout était disposé avec tant de méthode, qu'il en aurait peu couté d'en faire des livres intéressants.

Il serait trop long de donner ici le catalogue de ses ouvrages, c'est assez de dire que la plupart roulent sur des matières théologiques, qu'il a traité d'ordinaire en sermons peu connus des étrangers. Son essai sur les soixante-douze semaines de Daniel, est un livre très-curieux, quoiqu'il ne mérite pas, ce me semble, l'éloge qu'en a fait M. Marshal, en disant qu'il lui parait infiniment meilleur qu'aucun autre qu'on ait jamais donné ; c'est pourquoi je me flatte qu'on sera bien aise de trouver ici les observations du chevalier Newton sur l'ouvrage de l'évêque de Worcester.

" J'ai lu, dit ce grand homme, l'écrit que mylord, évêque de Worcester, a envoyé au docteur Prideaux, et je l'ai trouvé plein d'excellentes remarques sur l'ancienne année ; mais il ne prouve pas qu'aucune nation ancienne se soit servie de l'année de douze mois et de trois cent soixante jours, sans la corriger de temps en temps sur le cours des astres, pour faire correspondre les mois au cours de la lune, et l'année à celui du soleil, et pour régler le retour des saisons et le temps des fruits de la terre.

Les premiers peuples, avant qu'ils se servissent de cycles artificiels, réglaient leurs calculs du temps par le cours du soleil et de la lune, Genèse c. xiv. et pour savoir quels jours de chaque mois de l'année ils devaient célébrer leurs fêtes, et à quelle divinité, ils avaient besoin d'un calendrier ; et il était le plus naturel de donner dans ce calendrier trente jours à chaque mois lunaire, et douze mois lunaires à l'année solaire, parce que ce sont là les nombres ronds, qui approchent le plus du cours du soleil et de la lune. C'est ce qui fit que les anciens comptaient que les années luni-solaires étaient de douze mois, ou de 360 jours, et qu'ils divisèrent l'écliptique en douze signes, et en 360 parties égales, qui correspondaient aux douze mois et aux 360 jours qu'ils croyaient que le soleil employait à faire son tour dans le ciel.

Mais je ne trouve point, que par rapport aux affaires civiles, aucuns peuples aient suivi ce calendrier luni-solaire ; lorsqu'ils trouvaient qu'il différait du cours du soleil et de la lune, ils le corrigeaient de temps en temps, retranchant un jour ou deux du mois toutes les fois qu'ils le trouvaient plus long que le temps de la révolution de la lune, et ajoutant un mois à l'année aussi souvent qu'ils s'apercevaient que douze mois n'atteignaient pas le temps du retour des quatre saisons et des fruits de la terre. Ainsi la correction du calendrier lunisolaire était l'affaire des prêtres. C'est à cette réforme du calendrier primitif, et pour le mettre de plus en plus d'accord avec les révolutions du soleil et de la lune, et n'être pas obligés d'y revenir si souvent, que tous les différents cycles d'année inventés depuis, doivent leur origine.

Après qu'ils eurent remarqué que douze mois lunaires ne suffisaient pas pour atteindre le point du retour du soleil et des saisons, ils ajoutèrent un mois à chaque seconde année, et formèrent leur triétéride, nommée plus proprement diétéride. Et quand ils trouvèrent le cycle biennal trop long, et qu'il avait besoin de correction une fois en huit ans, ils retranchèrent un mois intercalaire une fois tous les huit ans, et formèrent l'octoètéride dont la moitié était leur tétraètéride. Ces cycles étaient aussi anciens chez les Grecs que le temps de Cadmus, de Minos, d'Hercule idéen, et du grand Bacchus ou Osiris, ce qui semble indiquer qu'ils avaient été apportés en Grèce par les colonies des Egyptiens et des Phéniciens, et par l'armée de Bacchus.

Dans la suite, quelques grecs changèrent la manière de placer les mois intercalaires, ayant découvert à la longue, que l'octoètéride n'atteignait pas le point du retour des saisons, et ne répondait pas exactement au cours du soleil et de la lune, mais qu'elle avait besoin d'être corrigée de temps en temps sur le cours du soleil, pour conserver la régularité des saisons.

Méton inventa le cycle de dix-neuf ans, dans lequel on ajoutait sept mois en dix-neuf ans, et c'est ce cycle qui est encore en usage. A l'égard de la longueur des mois, quelques uns des grecs les faisaient alternativement de 29 et de 30 jours, et par le moyen de ce cycle ils étaient en état de compter exactement, sans avoir besoin de le corriger qu'une seule fois dans l'espace d'un an ou deux.

Les Chaldéens réduisaient l'année luni-solaire à un cycle de douze ans ; ainsi ils semblent avoir ajouté un mois à la fin de chaque troisième année, et avoir à la fin de chaque révolution de douze ans, corrigé leur cycle sur le cours du soleil et de la lune : car tous les cycles d'année servaient à régler l'intercalation des mois.

L'année luni-solaire étant d'une longueur incertaine, et par cette raison peu propre aux usages astronomiques, les Egyptiens, lorsqu'ils s'appliquèrent à observer les étoiles par rapport à la navigation, mesurèrent la juste longueur de l'année solaire par le lever héliaque et le coucher des étoiles, et abandonnant l'année du calendrier, ils adoptèrent l'année solaire, qu'ils firent de 365 jours. Cette année fut reçue des astronomes de Babylone, par les mages de Perse, et par les Grecs dans leur ere de Philippe ; et elle devint l'année des Romains après la correction de Jules-César, qui ajouta un jour intercalaire tous les quatre ans. Enfin le pape Grégoire XIII. y a fait une nouvelle correction.

Mais les habitants de l'Arabie heureuse, se servant de l'ancienne année de douze mois lunaires, sans la corriger sur le cours du soleil, ont transmis aux nations mahométanes, une année proprement lunaire, en réglant leurs mois sur le cours de la lune.

Vous voyez donc que toutes les nations ont tâché de régler leur année sur le cours du soleil et de la lune, ou de l'un des deux ; par conséquent on ne peut admettre sans bonne preuve, qu'il y ait eu quelque peuple qui se soit servi d'une année de 360 jours, sans égard au cours d'aucun de ces deux luminaires. Simplicius dit dans son commentaire sur le premier livre d'Aristote intitulé, Physica Acroasis, apud Theodorum Gazam de mensibus : nous mettons le commencement de l'année ou au solstice d'été, comme le peuple de l'Attique ; ou à l'équinoxe de l'automne, comme les habitants de l'Asie ; ou au solstice d'hiver, comme les Romains ; ou à l'équinoxe du printemps, comme les Arabes et ceux qui habitent du côté de Damas ; et nous mettons le commencement du mois ou à la pleine-lune, ou à la nouvelle lune. Il nous dit que l'ancienne année des Romains, des Grecs, des Asiatiques, des Syriens et des Arabes était luni-solaire, et s'accordait avec le cours du soleil et de la lune.

C'est ainsi que l'année que les Israélites apportèrent d'Egypte était luni-solaire, et commençait en automne. Moyse en mit le commencement au printemps, et le premier mois fut nommé abib, parce que le blé se formait en épi dans ce mais-là. Diodore de Sicîle nous dit aussi qu'Uranus, ancien roi d'Egypte et de Libye, se servait de l'année lunisolaire. De même encore l'année que les Samaritains apportèrent des provinces de l'empire assyrien, et les Juifs de Babylone, était luni-solaire, et commençait au printemps. Les Chaldéens étaient un peuple arabe, et les années arabiques étaient luni-solaires. Scaliger et d'autres nous apprennent que l'année ancienne, en usage en Perse, aux Indes, à la Chine et dans les îles voisines, était l'année luni-solaire. L'essence de cette espèce d'année, est d'être composée de mois lunaires, et de périodes solaires.

Géminus nous dit que tous les anciens grecs, suivant l'autorité de leurs lois, et les décisions de leurs oracles, faisaient accorder leur année avec le cours du soleil, et leurs mois et les jours du mois avec le cours de la lune ; afin que les mêmes sacrifices tombassent toujours dans les mêmes saisons de l'année, et sur les mêmes jours du mois lunaire ; et qu'ils prétendaient que cela était agréable aux dieux, et conforme aux institutions et aux coutumes de leur pays.

Cicéron assure que les Siciliens et les autres grecs retranchent quelquefois un jour ou deux du mois (c'est-à-dire au mois du calendrier de 30 jours), et quelquefois l'allongent d'un jour ou deux, pour faire correspondre leurs jours et leurs mois avec le cours du soleil et de la lune. Censorin dit que les anciens peuples d'Italie avaient tous leurs différentes années, mais toutes corrigées sur l'année naturelle, par l'intercalation de leurs mois qui se faisait différemment.

Par ce moyen, les anciennes fêtes et les solennités des peuples de la Grèce, de la Sicîle et de l'Italie, qui se célébraient à de certains jours de certains mois (telles que les jeux olympiques et pythiques, les bacchanales, les céréales, &c.), tombaient toujours dans la même saison de l'année ; et l'année d'Hésiode commençait dans l'été après le lever des Pléïades, et son mois lénaeon était un mois d'hiver, à en juger par la manière dont il le représente. De la même façon, les mois des Asiatiques tombaient aussi dans les mêmes saisons ; car Galien dit : Quod tempus Romae est Septembris, Pergami apud nos Hyperheretaeus, Athenis vero mysteria, ea namque erant Boèdromione. La même chose avait lieu par rapport aux jours et aux mois des Juifs.

Le sanhédrin publiait les nouvelles lunes, dès que la nouvelle lune paraissait ; et lorsque le blé se trouvait assez mûr pour en offrir les premiers fruits au milieu du 13e mois, ils ajoutaient ce mois à la vieille année, et commençaient la nouvelle au 14e mois. C'était par quelque arrangement pareil que les mois des années des Chaldéens tombaient aussi toujours dans les mêmes saisons ; car comme la diétéride, la tétraétéride et l'octoètéride des Grecs tiraient leur origine de l'intercalation des mois, la dodécaétéride des Babyloniens venait du même principe ; et le but de ces intercalations était d'ajuster l'année au cours du soleil, et d'empêcher les mois de s'éloigner de leur saison propre.

Suidas nous dit que 120 sares font 2220 ans ; selon les Chaldéens, le sare contenant 222 mois lunaires, qui font 18 ans et six mois. Dans ce calcul, douze mois lunaires font l'année des Chaldéens, et 18 de ces années et six mois (je crois qu'il parle de mois intercalaires), font le sare. Athénée, lib. XIV. nous dit d'après Bérose, que les Babyloniens célébraient annuellement la fête nommée sacoea, le seizième jour du mois de lous, c'est-à-dire le 16 du mois lunaire appelé lous par les Macédoniens. Cette fête tombait donc toujours dans la même saison de l'année, de même que le mois babylonien où elle se célébrait.

Lors donc que Cléobule, un des sept sages, Hippocrate, Hérodote, Aristote, Plutarque, Manethon, représentent l'ancienne année des Grecs, des Romains ou des Egyptiens, comme composée de douze mois égaux, ou de 360 jours ; que Cyrus par allusion à ce nombre de jours, fit couper la rivière de Gyndes en 360 canaux, et que les Athéniens ayant égard à ce même nombre de jours, dressèrent 360 statues à Démétrius ; tout cela doit s'entendre de l'année du calendrier des anciens, avant qu'elle fût corrigée sur le cours du soleil et de la lune. Et lorsqu'ils avaient à Athènes quatre , désignant les quatre saisons de l'année ; douze , selon le nombre des mois ; et chaque , trente ; ils corrigeaient de temps en temps l'année sur le cours des astres, pour tenir les saisons dans leur ordre naturel.

Quand Hérodote intercale un mois de 30 jours tous les deux ans, cela doit être entendu de la diétéride des anciens continuée pendant 70 ans, sans correction sur le cours de la lune. Et quand Moyse calcule la durée du déluge par des mois de 30 jours, cela doit s'entendre de mois vulgaires, non rectifiés sur le cours de la lune, à cause de la pluie continuelle qui l'empêchait de se montrer.

Quand David établit douze départements de gardes, un pour chaque mois de l'année, il n'eut égard qu'aux mois vulgaires de l'année mosaïque, sans pourvoir aux mois intercalaires, parce qu'ils étaient incertains, et qu'ils pouvaient être remplis par les douze départements ; celui qui aurait dû être de service le premier mois de l'année suivante, entrait en fonction dans le mois intercalaire quand il arrivait, et le second département servait alors le premier mois de l'année suivante.

Quand les Babyloniens disaient, au rapport de Diodore de Sicile, qu'il y avait douze dieux principaux, assignant à chacun d'eux un mois et un signe dans le zodiaque, et que le soleil parcourait ces douze signes chaque année, et la lune tous les mois, ils font connaître que l'année chaldéenne était solaire, qu'elle était composée de douze mois lunaires égaux, correspondants aux douze signes et à leurs degrés, et ils parlent des mois et des jours de l'année du calendrier, n'étant point corrigée par le cours du soleil et de la lune ; en faisant correspondre ces mois aux douze signes, ils les fixèrent aux saisons de l'année, au moyen des corrections inventées pour cet usage.

Les Juifs, pendant leur séjour à Babylone, se servirent de cette année dans leurs contrats et dans leurs affaires civiles, et ils en rapportèrent l'usage avec eux à leur retour de Babylone à Jérusalem, ayant toujours depuis donné à leurs mois les noms babyloniens, ce qu'ils n'auraient pas fait si leurs mois lunaires n'avaient pas été les mêmes que ceux des Babyloniens.

Il est donc évident que l'année luni-solaire avec son calendrier était fort ancienne et d'un usage universel ; Noé s'en était servi ; elle avait passé de lui à sa postérité, et avait donné lieu à la division du zodiaque en douze signes, et à l'invention de la diétéride, tétraétéride et des autres anciens cycles, pour éviter la peine de la corriger tous les mois sur la lune, et chaque année sur le soleil ; cette année a continué à être en usage en Egypte, jusqu'à l'établissement de leur année solaire de 365 jours ; en Chaldée et chez les nations voisines, jusqu'à l'expédition de Cyrus au-delà du Gyndes, et jusqu'à la prise de Babylone par ce prince ; en Grèce jusqu'au temps des sept sages et de l'empire des Grecs et des Perses ; en Italie jusqu'au règne des Latins, et jusqu'à ce qu'enfin les Arabes en ont formé leurs années lunaires.

Je ne trouve point, conclut Newton, chez les anciens, d'année qui ne fût luni-solaire, ou solaire, ou lunaire, non plus que d'autre calendrier que ceux de ces années-là. Une de 360 jours n'est aucune de celles-là. Le commencement de cette année aurait parcouru toutes les saisons dans l'espace de 70 ans. Une révolution si remarquable aurait été marquée dans l'histoire, et ne doit pas être supposée sans en donner de bonnes preuves ". (D.J.)