LES, ou SAMOIEDES, (Géographie moderne) peuples de l'empire russien, dans sa partie septentrionale, entre la Tartarie asiatique et Archangel, étendus le long de la mer jusqu'en Sibérie.

Quoique ces peuples paraissent semblables aux Lapons, ils ne sont point de la même race. Ils ignorent, comme eux, l'usage du pain ; ils ont, comme eux, le secours des rugiferes ou rennes qu'ils attellent à leurs traineaux. Ils vivent dans des cavernes, dans des huttes au milieu des neiges : mais d'ailleurs la nature a mis entre cette espèce d'hommes et celle des Lapons des différences très-marquées. Leur mâchoire supérieure plus avancée, est au niveau de leur nez ; et leurs oreilles sont plus rehaussées. Les hommes et les femmes n'ont de poil que sur la tête ; le mamelon est d'un noir d'ébene. Les Lapons et les Lapones ne sont marqués à aucuns de ces signes.

Les races des Samoyèdes et des Hottentots paraissent les deux extrêmes de notre continent. Et si l'on fait attention aux mamelles noires des femmes samoyèdes, et au tablier que la nature a donné aux Hottentots, et qui descend à la moitié de leurs cuisses, on aura quelqu'idée des variétés de notre espèce animale ; variétés ignorées dans nos villes, où presque tout est inconnu, hors ce qui nous environne.

Les Samoyèdes ont dans leur Morale, des singularités aussi grandes qu'en Physique. Ils ne rendent aucun culte à l'Etre suprême ; ils approchent du Manichéïsme, ou plutôt de l'ancienne religion des Mages, en ce seul point, qu'ils reconnaissent un bon et un mauvais principe. Le climat horrible qu'ils habitent, semble en quelque manière excuser cette créance si ancienne chez tant de peuples, et si naturelle aux ignorants et aux infortunés.

On n'entend parler chez eux, ni de larcins, ni de meurtres, étant presque sans passions, ils sont sans injustice. Il n'y a aucun terme dans leur langue, pour exprimer le vice et la vertu. Leur extrême simplicité ne leur a pas encore permis de former des notions abstraites ; le sentiment seul les dirige ; et c'est peut-être une preuve incontestable, que les hommes aiment la justice par instinct, quand leurs passions funestes ne les aveuglent pas.

On persuada quelques-uns de ces Sauvages, de se laisser conduire à Moscow. Tout les y frappa d'admiration. Ils regardèrent l'empereur comme leur dieu, et se soumirent à lui donner tous les ans une offrande de deux martres-zibelines par habitant. On établit bientôt quelques colonies au-delà de l'Oby, et de l'Irtis ; on y bâtit même des forteresses. Un cosaque fut envoyé dans le pays en 1595, et le conquit pour les czars avec quelques soldats et quelqu'artillerie, comme Cortez subjugua le Méxique ; mais il ne conquit que des déserts, Histoire de Russie par M. de Voltaire.

Les Samoyèdes s'étendent le long de la mer jusqu'en Sibérie. Ils s'établissent au nombre de sept ou huit hommes et femmes, en quatre ou cinq tentes différentes. Ils s'occupent à faire des chaises, des rames, des machines à vider l'eau des bateaux, etc. Ils sont habillés de peaux de rennes, qui leur pendent depuis le col jusqu'aux genoux, le poil en-dehors. Leurs cheveux sont noirs, épais, comme ceux des Sauvages ; et ils les coupent de temps en temps par flocons. Les femmes en tressent une partie, et y ajoutent pour ornement, de petites pièces de cuivre, avec une bandelette de drap rouge ou bleu : elles portent par-dessus un bonnet fourré. Leur chaussure consiste en bottines. Leur fil est fait de nerfs d'animaux ; leurs mouchoirs sont de nervures de bouleau fort délié, cousues ensemble.

Leurs tentes sont formées d'écorces d'arbres, cousues par bandes, et soutenues avec des perches. Elles sont ouvertes par le haut, pour en laisser sortir la fumée ; l'entrée a environ quatre pieds d'élévation, et est couverte d'une grande pièce de la même écorce, qu'ils soulèvent pour y entrer et pour en sortir ; leur foyer est au milieu de cette tente.

Leurs traineaux ont ordinairement huit pieds de long, sur trois pieds quatre pouces de large, s'élevant sur le devant comme des patins. Le conducteur est assis sur le derrière, les jambes croisées, en laissant pendre quelquefois une par-dehors. Il a devant lui une petite planche arrondie par le haut, et une semblable, mais un peu élevée par derrière, et tient à la main un grand bâton garni d'un bouton par le bout, dont il se sert pour pousser, et faire avancer les rennes qui les tirent.

Ils ont chez eux des magiciens qui leur prédisent le bien et le mal qui peut leur arriver. Ils ont aussi des gens qui vendent les vents à ceux qui navigent. Pour cet effet, ils donnent à celui qui entreprend quelque voyage, une corde nouée de trois nœuds, en les avertissant qu'en dénouant le premier, ils auront un vent médiocre ; que s'ils dénouent le second, le vent sera fort ; et que s'ils délient le troisième, il s'élevera une tempête qui les mettra en danger.

Les Samoyèdes prennent à la chasse les chiens marins, lorsqu'ils viennent s'accoupler sur la glace. Ils s'habillent de la peau, vivent de la chair, et emploient l'huîle à différents usages. Lorsque leurs enfants meurent à la mamelle, ils les enveloppent d'un drap, et les pendent à un arbre dans le bois : mais ils enterrent les autres.

Ce peuple est répandu de différents côtés, jusqu'aux principales rivières de la Sibérie, comme l'Oby, le Jénicéa, le LÉna et l'Amur, qui vont toutes se décharger dans le grand Océan. En un mot, les Samoyèdes occupent une vaste étendue de pays, des deux côtés de l'Oby, au nord-est de la Moscovie, depuis le tropique jusqu'à l'Océan septentrional. Ils parlent des langues différentes ; car ceux qui habitent la côte de la mer, et ceux qui demeurent aux environs d'Archangel, sur la Dwina, n'ont pas le même langage.

Quoique leur manière de vivre paraisse triste aux Moscovites, ils la goutent par préférence à toute autre ; et leurs députés dirent au czar, que si sa majesté impériale connaissait les charmes de leur climat, il viendrait sans-doute l'habiter par préférence à Moscow.

C'est en vain que les czars ont établi la religion chrétienne chez les Samoyèdes qui leur sont soumis, ils n'ont pu détruire les superstitions de ces peuples, qui mêlent toujours dans leurs enchantements, les noms de leurs idoles, avec ce que le Christianisme a de plus respectable. (D.J.)