ILE DE, (Géographie moderne) île d'Afrique, et l'une des Canaries ; elle a l'île des Salvages au nord, la grande Canarie à l'orient, l'île de Gomère au midi, et l'île de Palme à l'occident ; son grand commerce, et l'excellent vin de Malvaisie qu'elle produit, la rendent la plus considérable de toutes les îles Canaries ; elle a dix-huit lieues de longueur, et huit de largeur ; ses coteaux offrent à la vue abondance d'orangers, de citronniers, et de grenadiers.

Il est vrai que son terroir est en général fort inégal, et rempli de rochers arides ; mais on plante des vignes dans les petits intervalles de terre qu'il laisse, et c'est une terre sulphureuse extrêmement fertîle : on y voit tous les grains et tous les fruits de l'Europe, ils sont excellents quoiqu'en petite quantité : on y a aussi la plupart des meilleurs fruits de l'Amérique ; il y a des années où les recoltes de blé vont à cent pour un : on y trouve du gibier en abondance ; le poisson n'y manque pas, ni les fontaines et les sources d'eau fraiche ; enfin l'argent est fort commun dans cette ile. Sa capitale s'appelle Laguna ; mais la fameuse montagne de cette ile, nommée le Pic de Ténériffe, mérite en particulier notre attention. Voyez TENERIFFE, Pic de. (D.J.)

TENERIFFE, Pic de, (Géographie moderne) le Pic de Ténériffe, que les habitants appellent Pico de Terraira, est regardé comme la plus haute montagne du monde, et on en voit en mer le sommet à soixante milles de distance. On ne peut monter sur cette montagne que dans les mois de Juillet et d'Aout, car dans les autres mois le Pic est couvert de neige ; son sommet parait distinctement au-dessus des nues ; souvent même on les voit au milieu de sa hauteur ; mais puisque la neige tombe et s'y conserve, il en résulte qu'il n'est pas au-dessus de la moyenne région de l'air.

Il faut deux jours pour arriver au haut de cette montagne, dont l'extrémité n'est pas faite en pointe, comme on pourrait l'imaginer de son nom, mais elle est unie et plate. C'est de ce sommet qu'on peut apercevoir distinctement, par un temps serein, le reste des îles Canaries, quoique quelques-unes en soient éloignées de plus de seize lieues.

On tire de cette montagne une grande quantité de pierres sulphureuses, et de soufre minéral, que l'on transporte en Espagne. Il est difficîle de douter que cette montagne n'ait été autrefois brulante, puisqu'il y a plusieurs endroits sur les bords du Pic qui fument encore ; dans d'autres, si on retourne les pierres, on y trouve attaché de très-beau soufre pur : on trouve aussi çà et là des pierres luisantes et semblables au mâchefer ; tout le fonds de l'île parait chargé de soufre : on y rencontre dans sa partie méridionale des quartiers de rochers brulés, entassés les uns sur les autres, par des tremblements de terre. Cette île en éprouva un terrible en 1704 ; il dura depuis le 24 Décembre, jusqu'au 5 Janvier de l'année suivante ; la terre s'étant entr'ouverte, il s'y forma deux bouches de feu, qui jetèrent des cendres, de la fumée, des pierres embrasées, des torrents de soufre, et d'autres matières bitumineuses. Tout cela est confirmé par la relation de M. Evens, qui fit un voyage dans cette île en 1715. Voyez les Transact. philos. n°. 345.

Nous devons au père Feuillée des observations importantes qu'il a faites au Pic de Ténériffe, et par lesquelles il a trouvé que la hauteur du sommet du Pic, au-dessus du niveau de la mer, était de deux mille deux cent treize taises. Ce père partit dans le mois d'Aout, avec M. Verguin, M. Daniel médecin irlandais, et d'autres curieux, pour monter sur le Pic.

Au bout d'une marche de cinq heures, fort difficîle à cause des rochers et des précipices, ils arrivèrent à une forêt de pins, située sur une croupe de montagne, appelée monte Verde ; on y fit l'expérience du baromètre, le mercure se tint à 23 pouces 0 ligne ; après avoir monté jusqu'auprès du pic isolé qui fait le sommet de la montagne, on fut obligé d'y passer la nuit ; le lendemain le P. Feuillée se blessa en montant sur une roche, et fut obligé de rester au bas de ce pic isolé ; il y fit l'expérience du mercure, qui se tint à 18 pouces 7 lignes 1/2. M. Verguin et les autres montèrent avec beaucoup de peine au sommet du pic.

Ce sommet est terminé par une espèce de cône tronqué, creux en-dedans, qui est l'ouverture d'un volcan, et qu'on appelle à cause de cela, la caldera, c'est-à-dire la chaudière. Ce creux est ovale, et ses bords terminés inégalement ; on en peut cependant prendre une idée assez juste, en imaginant le bout d'un cône tronqué obliquement à l'axe : le grand axe de cet ovale, est d'environ 40 taises, le petit de 30 ; le mercure ayant été mis en expérience sur son bord le plus élevé, se tint à 17 pouces 5 lignes : le fond de ce creux est fort chaud ; il en sort une fumée sulphureuse, à - travers une infinité de petits trous recouverts par de gros rochers ; on y trouve du soufre qui se liquéfie, et s'évapore facilement par une chaleur égale à celle du corps humain.

Ceux qui étaient au sommet du pic, parlèrent à ceux qui étaient restés au sommet de la pointe, d'où on les entendait fort distinctement, même lorsqu'ils parlaient entr'eux ; mais ils ne purent jamais entendre les réponses qu'on leur fit ; ils roulèrent le long de la croupe du pic, de grosses pierres qui descendaient avec une rapidité étonnante, et qui en bondissant, faisaient un bruit plus grand que les coups de gros canons : ce qui fit juger que cette montagne est creuse en-dedans.

En descendant de la montagne, ils passèrent à une citerne naturelle, dont l'ouverture est à l'orient de la montagne, et dont l'eau est extrêmement froide ; ils ne virent aucune vraisemblance de ce que quelques voyageurs ont rapporté, que cette citerne communique avec la mer.

Nous avons aussi des relations de négociants anglais, qui ont eu la curiosité de monter au sommet de cette montagne. Telle est la relation publiée par Sprat, dans son histoire de la société royale. Les curieux dont il parle, eurent à peine fait une lieue pour grimper sur le pic, que le chemin se trouvant trop rude pour y faire passer leurs montures, ils les laissèrent avec quelques-uns de leurs valets : comme ils s'avançaient toujours vers le haut, l'un d'entr'eux se sentit tout-à-coup saisi de frissons de fièvre, avec flux de ventre, et vomissement. Le poil des chevaux qui étaient chargés de leur bagage, était hérissé comme la soie des pourceaux ; le vin qui pendait dans des bouteilles, au dos d'un cheval, était devenu si froid qu'ils furent contraints d'allumer du feu pour le chauffer avant que d'en boire, quoique la constitution de l'air fût assez tempérée.

Après que le soleil fut couché, il commença à faire si froid, par un vent impétueux qui se leva, qu'ils s'arrêtèrent entre de grosses pierres sous un rocher, où ils firent un grand feu toute la nuit ; sur les quatre heures du matin, ils recommencèrent à monter, et étant arrivés une lieue plus haut, un des leurs, à qui les forces manquèrent, fut contraint de demeurer à l'endroit où les rochers noirs commencent ; les autres poursuivirent leur voyage jusqu'au pain de sucre, où ils rencontrèrent de nouveau du sable blanc, et étant parvenus aux rochers noirs qui sont tout unis comme un pavé, il leur fallut encore marcher une bonne heure, pour grimper au plus haut du pic, où enfin ils arrivèrent.

Ils découvrirent de-là, l'île de Palme à seize lieues, et celle de Gomer à sept. Le soleil ne fut pas fort élevé, que les nuées qui remplirent l'air, dérobèrent à leur vue et la mer, et toute l'ile, à la réserve des sommets des montagnes situées plus bas que le pic, auquel elles paraissaient attachées ; après s'être arrêtés au sommet pendant quelque temps, ils descendirent par un chemin sablonneux, et ne trouvèrent dans toute la route que des pins, et une certaine plante garnie d'épines comme la ronce, qui croit parmi ce sable blanc.

From Atlas far, beyond a waste of plains,

Proud Teneriffe, his giant-brother reigns ;

With breathing fire his pitchy nostrils glow,

As from his sides, he shakes the fleecy snow ;

Around their hoary prince from wat'ry beds,

His subject islands rise their verdant heads ;

The waves so gently wash each rising hill,

The land seems floating, and the ocean still.

C'est Garth, excellent poète et médecin de grand mérite, qui a fait ces beaux vers sur le pic des Canaries. Longitude de ce pic, suivant Cassini, 1. 51. 30. latit. 28. 30. Long. suivant le père Feuillée, 1. 9. 30. latit. 28. 13. 20.

Les observations réitérées, faites à l'Orotava, ville située dans l'île de Ténériffe, par le même père Feuillée, donnent très-exactement la différence en longitude, entre Paris et le pic de Ténériffe, de 18. 53. 00. ou 1. 15. 32. ce qui est d'autant plus utîle que les cartes hollandaises font passer par ce pic leur premier méridien, et qu'on en découvre le sommet en mer, à la distance d'environ trente lieues.

Il était important de déterminer la longitude du pic de Ténériffe, puisqu'elle doit être d'un grand secours sur mer, pour corriger les routes estimées. (D.J.)

TENERIFFE, (Géographie moderne) ville de l'Amérique méridionale, dans la Terre-ferme, au gouvernement de Sainte-Marthe, sur la rive droite de la rivière appelée Rio-grande de la Madalena, à 40 lieues de la ville de Sainte-Marthe. Latit. 9. 46. (D.J.)