ou REIMS, (Géographie moderne) ville de France en Champagne, capitale du Rémais, sur la rivière de Vêle, (en latin Vidula), dans une plaine entourée de collines qui produisent d'excellents vins, à 12 lieues au nord-ouest de Châlons, à 38 au nord-ouest de Nancy, à 26 au nord de Troie., et à 36 nord-est de Paris. Long. 21. 43. latit. 49. 15.

Cette ville est très-ancienne, et conserve encore plusieurs restes d'antiquités. Elle a pris son nom des peuples Rhemi ou Remais, mais elle s'appelait Duroncourt en langue gauloise ; c'est ce mot que les Grecs et les Latins ont tourné selon l'inflexion de leur langue ; Jules César l'a nommé Durocortum, Strabon, ; Ptolémée, ; et Etienne, . L'itinéraire d'Antonin et la carte de Peutinger l'appellent Durocortorum.

Cette ville était la capitale des peuples rémais du temps de Jules César, lesquels peuples avaient beaucoup de pouvoir dans la Gaule belgique, étaient alliés des Chartrains ou Carnutes, et jouissaient de leur propre et naturelle liberté. De plus cette ville tenait à Rome par un des grands chemins de l'empire, et par sept chemins qui en sortaient. Elle était des plus fidèles alliés du peuple romain. Sous les empereurs, il y avait à Rheims un magasin d'armes et une manufacture où l'on dorait les armes impériales. Il reste encore des vestiges près de Rheims, des chemins publics qui conduisaient de cette ville dans plusieurs autres de l'empire, et qui prouvent la grandeur des maîtres du monde qui les ont fait faire. Enfin lorsque Constantin créa une nouvelle belgique, il lui donna la ville de Rheims pour métropole.

Elle fut célèbre sous les premiers rois de France, puisque Clovis y fut baptisé avec les principaux de sa cour par l'évêque S. Remi, qui l'avait instruit dans la religion chrétienne. Les rois mérovingiens donnèrent dans la suite de grands biens à l'église de Rheims, en sorte que les archevêques devinrent seigneurs temporels de la plus grande partie de leur diocèse. Sous les enfants de Louis le Débonnaire, cette ville échut à Charles le Chauve, et fit partie du royaume de Neustrie, sans que depuis elle en ait été séparée jusqu'à présent.

Les rois Louis le Jeune et Philippe-Auguste son fils donnèrent le titre de duc à l'archevêque Guillaume de Champagne, cardinal et frère de la reine Adelle, et ils lui confirmèrent les droits de sacrer et couronner les rois de France, qui leur avaient été fortement contestés dans ce siecle-là. Aussi tous les successeurs de Philippe-Auguste ont été sacrés à Rheims, excepté Henri IV. qui fit faire cette cérémonie à Chartres, parce que Rheims était attachée au parti de la ligue, et que l'archevêché était possédé par le cardinal Pellevé, l'un des plus envenimés ennemis de la maison royale. Le sacre de Philippe-Auguste passe pour avoir été le plus célèbre de tous ceux qui l'ont précédé et qui l'ont suivi. Tous les pairs de France y assistèrent en personne, ce qui est sans exemple.

Rheims est le siege d'un présidial, d'une élection, d'un hôtel des monnaies, et ce qui la distingue encore, le siege d'un archevêché qui porte le titre de premier duc et pair de France, légat né du saint siege, et primat de la Gaule belgique.

Son église métropolitaine, dédiée à la Vierge, tient un des premiers rangs dans les églises de France. Elle a été bâtie avant l'an 406, et son portail, quoique gothique, est très-estimé. La plus célèbre des cinq abbayes qui sont à Rheims est celle de S. Remi, de l'ordre de S. Benait. On y voit le tombeau du saint, et l'on y conserve la sainte ampoule qui contient l'huîle de laquelle on sacre nos rais.

On vient d'y construire une place royale ; l'architecture est de M. le Gendre, ingénieur de la province ; et la statue pédestre est de M. Pigal. C'est un Louis XV. protecteur du commerce et des lais.

Les rhémais commercent en étoffes de laine et en vin. Citons-en les savants.

Lange (Français), avocat, s'est acquis de la réputation par son livre intitulé le praticien français, qui a été imprimé nombre de fais. L'auteur est mort en 1684 à 74 ans.

Lalement (Pierre), chanoine régulier de Ste Géneviève, y naquit en 1592, et devint chancelier de l'université de Paris, où il mourut en 1673, âgé de 81 ans. Quoiqu'il ne manquât pas d'érudition sacrée et profane, il n'a publié que des livres de dévotion en français ; on estime les trois petits traités qu'il a fait sur la mort, intitulés, la mort des justes, le testament spirituel, et les saints désirs de la mort.

Bergier (Nicolas), né à Rheims en 1557, s'attacha à M. de Bellièvre, et mourut dans son château en 1623. Il avait fait l'histoire de sa patrie en seize livres, dont on n'a publié que les deux premiers ; mais il est fort connu par l'histoire des grands chemins de l'empire romain, ouvrage utîle et plein d'érudition que son fils mit au jour à Paris en deux volumes in-4 °. Il a été réimprimé dans la même ville en 1681, et depuis à Bruxelles en 1728.

Coquillart, poète français, né à Rheims, et official de cette ville. Il a vécu sous le règne de Louis XI. ses poésies ont été mises au jour en 1532, et réimprimées à Paris chez Coutelier en 1714, in-12.

Mopinot (dom Simon), bénédictin, né à Rheims en 1685, travailla avec dom Pierre Coustant à la collection des lettres des papes, dont le premier volume parut à Paris en 1721, in-fol. Il mourut en 1724 dans la trente-neuvième année de son âge.

Monantheuil (Henri de), né à Rheims vers l'an 1536, cultiva les Mathématiques et la Médecine. On trouvera son article et la liste de ses écrits dans le P. Nicéron, tome XV.

Ressant (Pierre), garde du cabinet des médailles de Louis XIV. était de Rheims, ainsi que Pierre-Antoine Oudinet son parent, qu'il appela à Paris, et qui devint de l'académie des Inscriptions en 1701. M. Oudinet a donné quelques dissertations curieuses sur les médailles. Il mourut en 1712, âgé de 69 ans. Le P. Nicéron a fait son article dans ses Mémoires des hommes illustres, tomes IX et X.

Ruinart (dom Thierry) bénédiction et savant critique, naquit à Rheims en 1657, et mourut en 1709. On lui doit la vie du P. Mabillon son maître, et avec lequel il avait composé le VIe siècle des actes des saints de l'ordre de S. Benait. On doit beaucoup d'autres recherches aux seuls bénédictins de ce royaume ; ce sont eux qui ont dévoilé les anciens rits de l'Eglise, et qui ont achevé de tirer de dessous terre les décombres du moyen âge. Dom Ruinart publia à Paris en 1689, in-4 °. son recueil latin des actes des premiers martyrs, ouvrage qu'on a depuis traduit en français et publié à Paris en 1708 en deux volumes in-8 °. Cet ouvrage est accompagné d'une préface, dans laquelle dom Ruinart soutient contre Dodwel, que l'Eglise eut dans les premiers siècles une foule prodigieuse de martyrs. Je n'entrerai point dans cette dispute littéraire ; mais peut-être que le savant bénédictin n'a pas assez distingué les martyrs chrétiens de ceux qui sont morts naturellement, et les persécutions politiques de celles qui eurent lieu pour simple cause de religion. (D.J.)

RHEIMS, concîle de l'an 1148. tenu à, (Histoire ecclésiastique) ce fameux concîle fut tenu par le pape Eugène III, en l'absence de Louis le Jeune ; voici ce qu'en dit l'auteur de l'abrégé chronol. de l'hist. de France.

Si le grand concours des prélats rendait un concîle écumenique, celui-là l'aurait été, car on y en comptait onze cent, parmi lesquels étaient les primats d'Espagne et d'Angleterre, ayant le pape à leur tête ; mais Eugène III lui-même, dans sa lettre à l'évêque de Ravennes, ne le qualifie que l'assemblée de toutes les Gaules cisalpines, ce qui prouve qu'il y avait peu de prélats italiens, et ce qui fut apparemment une des raisons qui empêchèrent que le concîle ne fût écumenique. Ce fut dans ce concile, qu'un certain fou nommé Eon, abusé lui-même par ces mots, per eum qui venturus est, fut condamné à être enfermé. On ne croirait pas qu'une telle extravagance eut trouvé des sectateurs, mais la persécution en fit éclore ; ce concîle contient dix-sept canons, appelés communément les canons d'Eugène III, et dont la plupart sont insérés dans le droit.

On peut remarquer entr'autres canons le sixième, qui défend aux avoués des Eglises de rien prendre sur elle, ni par eux, ni par leurs inférieurs, au-delà de leurs anciens droits, sous peine d'être privés, après leur mort, de la sépulture ecclésrastique ; le septième défend aux évêques, diacres, sous-diacres, moines et religieuses, de se marier ; le douzième défend les joutes, tournois, etc. (qui étaient nés en France, et qui avaient été imités dans toute l'Europe) sous peine pour ceux qui y perdront la vie, d'être privés de la sépulture ecclésiastique, etc. Ce fut aussi dans ce concîle que fut jugée l'affaire de Gilbert de la Porée, évêque de Poitiers, sur certaine question métaphysique au sujet de la Trinité.

Ce qui est principalement à remarquer, c'est que ce concîle étant séparé, le pape forma une congrégation sur cette affaire, dans laquelle les cardinaux prétendirent que les évêques de France n'étaient pas en droit de juger des dogmes ; et que ce droit était réservé au pape seul, assisté des cardinaux. En effet, la profession de foi des évêques de France ne fut pas insérée dans les actes du concîle qui se conservent dans la bibliothèque du Vatican ; mais les évêques de France ne manquèrent pas de l'insérer dans les copies qu'ils tirèrent pour eux de ce même concile. S. Bernard y joue un grand rôle. Pontificat d'Eugène III. par Dom Delannes, pag. 161. (D.J.)