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Catégorie : Histoire ancienne & moderne
S. m. (Histoire ancienne et moderne) homme d'une taille excessive, comparée avec la taille ordinaire des autres hommes.

La question de l'existence des géants a été souvent agitée. D'un côté, pour la prouver, on allegue les témoignages de toute l'antiquité, laquelle fait mention de plusieurs hommes d'une taille demesurée qui ont paru en divers temps ; l'Ecriture-sainte en parle aussi : les poètes, les historiens profanes et les anciens voyageurs s'accordent à en dire des choses étonnantes. De plus, pour donner un poids décisif à cette opinion, on rapporte des découvertes de squeletes ou d'ossements si monstrueux, qu'il a fallu que les hommes qui les ont animés aient été de vrais colosses : enfin on le confirme par le récit des navigateurs.

Cependant, d'un autre côté, lorsqu'on vient à examiner de près tous ces témoignages : à prendre dans leur signification la plus naturelle les paroles du texte sacré ; à réduire les exagérations orientales ou poétiques à un sens raisonnable ; à peser le mérite des auteurs ; à ramener les voyageurs d'un certain ordre, aux choses qu'ils ont vues eux-mêmes, ou apprises de témoins irréprochables ; à considérer les prétendus ossements de squeletes humains ; à apprécier l'autorité des navigateurs dont il s'agit ici, et à suivre la sage analogie de la nature, presque toujours uniforme dans ses productions, le problème en question ne parait plus si difficîle à résoudre. Suivons pour nous éclairer, la manière dont on le discute.

On remarque d'abord au sujet du texte sacré, que les mots employés de nephilim et de gibborim, que les septante ont traduits par celui de gigantes, et nous par le mot géans, signifient proprement des hommes tombés dans des crimes affreux, et plus monstrueux par leurs désordres que par l'énormité de leur taille. C'est ainsi que ces termes hébreux ont été interprétés par Théodoret, S. Chrysostome, et après eux par nos plus savants modernes.

On dit ensuite que le fondement sur lequel Josephe, et quelques pères de l'Eglise après lui, ont cru qu'il y avait eu des géans, est manifestement faux, puisqu'ils supposent qu'ils étaient sortis du commerce des anges avec les filles des hommes ; fable fondée sur un exemplaire de la version des septante et sur le livre d'Enoch, qui au lieu des enfants de Dieu, c'est-à-dire des descendants de Seth, qui avaient épousé les filles de Caïn, ont rendu le mot hébreu par celui d'anges.

On observe, en troisième lieu, qu'il n'est pas question dans le Deutéronome (ch. IIIe Ve 2.) de la taille gigantesque d'Og, roi de Basan ; il ne s'agit que de la longueur de son lit, qui était de neuf coudées ; c'est-à-dire, suivant l'appréciation de quelques modernes, de treize pieds et demi. Si présentement l'on considère que les Orientaux mettaient leur faste en vastes lits de parade, l'on trouvera que l'exemple le plus respectable qu'on allegue d'un géant, ne porte que sur la grandeur d'un lit qui servait à sa magnificence.

Pour ce qui regarde Goliath, on croit qu'il serait très-permis de prendre les six coudées et une palme que l'auteur du premier livre des Rois lui donne, pour une expression qui ne désigne autre chose qu'une grande taille au-dessus de l'ordinaire ; elle était telle dans Goliath, qu'il paraissait avoir plus de six coudées : il semblait grand comme une perche de six coudées et une palme. Notre foi n'est point intéressée dans le plus ou le moins d'exactitude du récit des faits qui ne la concernent point.

Si l'on passe aux témoignages des auteurs profanes allégués en faveur de l'existence des géans, on pense qu'il n'est pas possible de s'y laisser surprendre, quand on se donnera la peine de faire la discussion du caractère de ces auteurs, et des faits qu'ils avancent.

Dans cette critique, Hérodote, accusé en général d'erreur et même de mensonge par Strabon, en cent choses de sa connaissance, l'est en particulier par ce géographe et par Aulu-Gelle, au sujet de douze pieds et un quart que cet historien donne au squelete d'Oreste qu'on avait découvert je ne sais où.

Plutarque doit être repris avec raison d'avoir copié de Gabinius, écrivain tenu pour suspect de son temps même, la fable de 60 coudées qu'il dit que Sertorius reconnut sur le cadavre du géant Antée, qu'il fit déterrer dans la ville de Tanger.

Le passage dans lequel Pline semble attribuer au squelete d'Orion trouvé en Candie, xlvj. coudées, s'il est bien examiné, ne peut qu'être altéré par quelque copiste, qui aura placé au-devant du chiffre VIe celui de xl, car il n'est pas naturel que l'ordre d'une gradation, comme celle qui parait qu'a voulu suivre cet auteur, en comptant depuis VIIe jusqu'à IXe coudées, se trouve interrompu par le nombre de xlvj. placé au milieu de la gradation.

La variation de Solin sur le même fait, ne lui donne pas plus de crédit qu'à Pline, dont on sait qu'il n'est que le copiste.

Phlégon sera sifflé dans la relation de son géant Macrosyris, par le ridicule de cinq mille ans de vie qu'il lui donne dans l'épitaphe qu'il en rapporte.

Apollonius, Antigonus, Caristius, et Philostrate le jeune, auteurs déjà décrédités par le faux merveilleux dont ils ont rempli leurs écrits, le deviennent bien davantage par leur fable d'un géant de cent coudées.

Quantité d'autres narrations de ce caractère se trouvent détruites par les seules circonstances dont les auteurs les ont accompagnées. Plusieurs nous disent que d'abord qu'on s'est approché des cadavres de ces géans, ils sont tombés en poussière ; et ils le devaient, pour prévenir la curiosité de ceux qui auraient voulu s'en éclaircir.

Où y a-t-il plus de contradictions et d'anachronismes que dans la prétendue découverte du corps de Pallas, fils d'Evandre ? la langue dans laquelle est faite son épitaphe, son style, cette lampe qui ne s'éteignit, après 2300 ans de clarté, que par l'accident d'un petit trou, et autres puérilités de ce genre, ne sont qu'une preuve de la simplicité de Fostat, évêque d'Avila, qui a pris pour vrai un conte de la chronique du moine Hélinand, forgé dans un siècle d'ignorance.

Les corps des Cyclopes qui ont été trouvés dans différentes cavernes, avaient, selon Fazel, 20 ou 30 coudées de hauteur ; et le P. Kircher, qui a Ve et mesuré toutes ces cavernes, ne donne à la plus grande de toutes que 15 à 20 palmes.

Pour ce qui regarde les découvertes de dents, de côtes, de vertèbres, de fémur, d'omoplates, qu'on donne, attendu leur grandeur et leur grosseur, pour des of de géans, que tant de villes conservent encore, et montrent comme tels, les Physiciens ont prouvé que c'étaient des os, des dents, des côtes, des vertèbres, des fémurs, des omoplates d'éléphans, de vraies parties de squeletes d'animaux terrestres, ou de veaux marins, de baleines, et d'autres animaux cétacés, enterrés par hasard, par accidents, en différents lieux de la terre ; ou quelquefois d'autres productions de la nature, qui se joue souvent en de pareilles ressemblances.

Ces os, par exemple, qu'on montrait à Paris en 1613, et qui furent ensuite promenés en Flandres et en Angleterre, comme s'ils eussent été de Teutobochus dont parle l'histoire Romaine, se trouvèrent des of d'éléphans. On envoya en 1630 à MM. de Peyresc une grosse dent qu'on lui donna pour être celle d'un géant ; il en prit l'empreinte sur de la cire ; et quand on vint à la comparer à celle d'un éléphant qui fut déterré dans le même temps à Tunis, elles se trouvèrent de la même grandeur, figure, et proportion. La fourberie n'est pas nouvelle : Suétone remarque dans la vie d'Auguste, que dès ce temps-là, l'on avait imaginé de faire passer de grands ossements d'animaux terrestres pour des of de géants ou des reliques de héros. Tout concourait à tromper le peuple à ces deux égards. Quoique Séneque parle des géants comme d'êtres imaginaires, son discours prouve que le peuple en admettait l'existence. La coutume des anciens de représenter leurs héros beaucoup plus grands que nature, avait nécessairement le pouvoir sur l'imagination, de la porter à admettre dans certains hommes au-dessus du vulgaire, une taille demesurée. Les statues de nos rois ne nous en imposent-elles pas encore tous les jours à cet égard ? il est vraisemblable que parmi ceux qui considéreront dans quatre ou cinq cent ans la figure de bronze qui représente Henri IV. sur le pont-neuf, si cette statue subsiste encore, la plus grande partie se persuaderont que ce monarque immortel par ses exploits et ses rares qualités, était un des hommes de la plus haute taille.

Cependant quelques modernes assez philosophes pour connaître les sources de nos illusions, assez versés dans la critique pour démêler la vérité du mensonge, assez sages pour ne donner aucune confiance ni aux prétendus ossements humains ni à toutes les relations de l'antiquité sur l'existence des géans, ne laissent pas que d'être ébranlés par les récits de plusieurs navigateurs, qui rapportent qu'à l'extrémité du Chily vers les terres Magellaniques, il se trouve une race d'hommes dont la taille est gigantesque, ce sont les Patagons. M. Frezier dit avoir appris de quelques espagnols, qui prétendaient avoir Ve quelques-uns de ces hommes, qu'ils avaient quatre varres de hauteur, c'est-à-dire neuf à dix pieds.

Mais on a très-bien observé que M. Frezier ne dit pas avoir Ve lui-même quelques-uns de ces géants : et comme les relations vagues des Portugais, des Espagnols, et des premiers navigateurs hollandais, ne sont point confirmées par des voyageurs éclairés de ce siècle ; que de plus elles sont remplies d'exagérations ou de faussetés en tant d'autres choses, on ne saurait trop s'en défier.

Enfin il est contre toute vraisemblance, comme le remarque l'auteur de l'histoire naturelle, " qu'il existe dans le monde une race d'hommes composée de géans, surtout lorsqu'on leur supposera dix pieds de hauteur ; car le volume du corps d'un tel homme serait huit fois plus considérable que celui d'un homme ordinaire. Il semble que la hauteur ordinaire des hommes étant de cinq pieds, les limites ne s'étendent guère qu'à un pied au-dessus et au-dessous ; un homme de six pieds est en effet un homme très-grand, et un homme de quatre pieds est très-petit : les géants et les nains qui sont au-dessus et au-dessous de ces termes de grandeur, doivent donc être regardés comme des variétés très-rares, individuelles et accidentelles ".

L'expérience nous apprend que lorsqu'il se rencontre quelquefois parmi nous des géans, c'est-à-dire des hommes qui aient sept à huit pieds, ils sont d'ordinaire mal conformés, malades, et inhabiles aux fonctions les plus communes.

Après tout, si ces géants des terres Magellaniques existent, ce que le temps seul peut apprendre, " ils sont du-moins en fort petit nombre ; car les habitants des terres du détroit et des îles voisines sont des sauvages d'une taille médiocre ".

On lit dans les journaux que le P. Joseph Tarrubia, espagnol, a fait imprimer tout récemment (1756) une giganthologie, dans lequel ouvrage il prétend réfuter le chevalier Hans-Sloane, et prouver l'existence des géants sur des monuments d'antiquité indienne : mais en attendant que quelqu'un se donne la peine d'examiner la valeur de pareils monuments, qui selon toute apparence ne seront pas plus authentiques que tant d'autres en ce genre ; le lecteur curieux d'une bonne giganthologie physique, fera bien d'étudier celle du même chevalier Hans-Sloane, qui n'a pas plu au bon père espagnol ; elle est insérée dans les Transact. philosoph. n°. 404 ; et par extrait, dans le suppl. du Dict. de Chambers. (D.J.)

GEANS, (Mythologie) enfants de la Terre qui firent la guerre aux dieux : Hésiode fait naître ces géants du sang qui sortit de la plaie d'Uranus ; Apollodore, Ovide, et les autres poètes les font fils de la terre, qui dans sa colere les vomit de son sein pour faire la guerre aux dieux exterminateurs des Titants.

Ces géans, disent-ils, étaient d'une taille monstrueuse et d'une force proportionnée à cette prodigieuse hauteur ; ils avaient cent mains chacun, et des serpens au lieu de jambes. Résolus de déthroner Jupiter, ils entreprirent de l'assiéger jusque sur son trône, et entassèrent pour y réussir le mont Ossa sur le Pélion, et l'Olympe sur le mont Ossa, d'où ils essayèrent d'escalader le ciel, jetant sans-cesse contre les dieux de grands quartiers de pierre, dont les unes qui tombaient dans la mer, devenaient des iles, et celles qui retombaient sur la terre faisaient des montagnes. Jupiter effrayé lui-même à la vue de si redoutables ennemis, appela les dieux à sa défense ; mais il en fut assez mal secondé ; car ils s'enfuirent tous en Egypte, où la peur les fit cacher sous la figure de différentes espèces d'animaux.

Un ancien oracle avait prononcé que les géants seraient invincibles, et qu'aucun des dieux ne pourrait leur ôter la vie, à-moins qu'ils n'appelassent quelque mortel à leur secours. Jupiter ayant défendu à l'Aurore, à la Lune et au Soleil d'annoncer ses desseins, devança la Terre qui cherchait à soutenir ses enfants, et par l'avis de Pallas fit venir Hercule pour combattre avec lui ; à l'aide de ce héros, il extermina les géants Encélade, Polybetès, Alcyonée, Porphyrion, les deux Aloïdes, Ephialte, Othus, Eurytus, Clytius, Tithyus, Pallas, Hippolitus, Agrius, Thaon, et le redoutable Typhon, qui lui seul, dit Homère, donna plus de peine aux dieux que tous les autres géants ensemble. Jupiter après les avoir défaits, les précipita jusqu'au fond du Tartare, ou, suivant d'autres poètes, il les enterra vivants, soit sous le mont Ethna, soit en différents pays ; Encélade fut enseveli sous la Sicile, Polybetès sous l'île de Lango, Othus sous l'île de Candie, et Typhon sous l'île d'Ischia.

Ces prétendus géants de la fable n'étaient, suivant plusieurs de nos Mythologistes, que des brigands de Thessalie qui vinrent attaquer Jupiter sur le mont Olympe où ce prince avait fait bâtir une forte citadelle : ce mont Olympe, ajoutent-ils, a été pris par les plus anciens poètes pour le Ciel, et parce que les monts Ossa et Pélyon, qui sont peu éloignés de l'Olympe, servaient de retraite à ces bandits qui s'y étaient fortifiés, et qui de-là tenaient en respect la garnison de l'Olympe, on imagina de leur faire entasser montagnes sur montagnes, pour atteindre jusqu'au ciel.

Mais quoique cette explication soit généralement adoptée, je croirais plutôt que toute la fable des géants n'est qu'une tradition défigurée de l'histoire de Typhon et d'Osiris. On sait qu'il y avait en Egypte des monuments plus anciens que les fables des Grecs, des villes fondées et un culte établi en l'honneur des mêmes animaux dont leurs poètes nous disent que les dieux prirent la figure, en se retirant de frayeur dans ce pays-là. (D.J.)

GEANS, (ossements de) Histoire naturelle Voyez OSSEMENS FOSSILES.

GEANS, (pavé des) Histoire naturelle Lythol. en anglais Giant's causeway. Voyez PAVE.




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