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Catégorie : Antiquité & Médailles
ou SARAPIS (Mythologie, Médailles, Inscription, Monuments, Pierres gravées et Littérature) c'était un grand dieu des Egyptiens, connu, selon toute apparence, par ce peuple, longtemps avant les Ptolémées, selon l'opinion de M. Cuper, qui nous parait la plus vraisemblable. Tacite, hist. liv. IV. ch. lxxxiij. le prétend aussi. Les Egyptiens, dit-il, nation superstitieuse, révéraient Sérapis plus qu'aucune autre divinité : Serapin dedita gens superstitionibus super alios colit.

Ce n'était pas seulement le dieu tutélaire de toute l'Egypte en général, plusieurs des principales villes de ce royaume l'avaient choisi pour leur patron particulier, et le firent graver sur leurs monnaies en cette qualité ; mais entre toutes ces villes, aucune ne lui rendit des honneurs plus solennels et plus surprenans que celle d'Alexandrie. Alexandria civitas quae conditorem Alexandrum macedonem gloriatur, Serapin atque Isin cultu penè attonitae venerationis observat, dit Macrobe, liv. I. Saturn.

On l'y adorait, selon Tacite, comme une espèce de divinité universelle qui représentait Esculape, Osiris, Jupiter, Pluton : deum ipsum multi Aesculapium quod medeatur aegris corporibus, quidam Osirin antiquissimum illis gentibus numen, plerique Jovem, ut rerum omnium potentem, plurimi ditem patrem insignibus quae in ipso manifesta aut per ambages conjectant. On le prenait aussi pour Jupiter Ammon, pour le Soleil, selon Macrobe, et pour Neptune. Le buste de Sérapis, au revers d'Antonin Pie, nous le montre, dans Seguin, sous presque tous ces différents rapports ; le boisseau sur la tête, la couronne rayonnée, les cornes de bélier, la corne d'abondance devant lui, et derrière lui un sceptre à trois pointes entortillé d'un serpent, même avec la cuirasse, comme le dieu Mars.

On s'était aussi formé de Sérapis une idée comme d'un dieu unique, qui comprenait les attributs de toutes les autres divinités ; ce qui donna lieu aux payens de publier que les Chrétiens et les Juifs, qui ne reconnaissaient qu'un seul Dieu, adoraient Sérapis ; c'est ce qu'assure l'empereur Hadrien dans une lettre à Severianus, rapportée dans Vopiscus d'après Phlegon : illi, dit-il, qui Serapin colunt christiani sunt, et qui se Christi episcopos dicunt, unus illis Deus est ; hunc Christiani, hunc Judaei, hunc omnes venerantur, et gentes.

C'est à cette divinité qu'était consacré le superbe temple d'Alexandrie, dans lequel on transféra la statue de ce dieu, que les habitants de Sinope possédaient, et qu'ils adoraient sous le nom de Jupiter Sérapis, Plutus ou Pluton.

Il est très-singulier que les Alexandrins qui avaient cette divinité chez eux pour ainsi dire, puisqu'elle était la première divinité de toute l'Egypte, se soient avisés de l'aller chercher au-delà des mers, et dans une ville aussi éloignée d'Alexandrie que l'était Sinope, et d'adorer Jupiter-Sérapis, divinité égyptienne, sous le titre d'un dieu étranger, savoir sous celui de , Jupiter de Sinope. Tacite, Plutarque et Eustathe nous en disent la raison, dont le détail serait trop long à raconter autrement que par l'extrait suivant.

Entre plusieurs temples des plus magnifiques dont Ptolemée Soter, fils de Lagus, avait orné la nouvelle ville d'Alexandrie, qu'il avait choisie pour la capitale de son royaume, il en avait fait bâtir un beaucoup plus superbe qu'aucun autre, et tout éclatant d'or. Comme il était en suspens à quel dieu il devait le dédier, un génie d'une beauté charmante, et d'une taille au-dessus de l'humaine, lui étant apparu en songe, lui conseilla de faire venir sa statue du Pont, après quoi il disparut en s'élevant dans les airs environné de flammes.

Ce prince ayant raconté sa vision à Timothée, savant athénien, de la race des Eumolpides, il apprit de lui que près de Sinope, ville de Pont, était un vieux temple consacré à Jupiter-Plutus ; dont la statue était singulièrement respectée par les habitants de cette contrée. Sur cet avis, Ptolemée envoya Timothée en ambassade à Scydrothemis roi de Sinope, pour le prier, en lui offrant en même temps de riches présents, de vouloir bien lui accorder ce dieu.

Scydrothemis fit d'abord de grandes difficultés, et cependant retint Timothée à sa cour le plus longtemps qu'il put, en l'amusant toujours de belles promesses. Mais enfin au bout de trois ans, le dieu se déclara de lui-même, et se rendit de son temple sur le vaisseau de l'ambassadeur, qui aussi-tôt ayant mis à la voile, arriva, par un miracle encore plus inoui, en trois jours dans Alexandrie.

Cette divinité y fut reçue avec toutes les marques possibles de vénération ; et à l'instant Ptolemée la fit mettre dans le temple qu'il lui avait destiné, avec d'autant plus de pompe, qu'il reconnut que c'était le portrait même qui lui était apparu, et que c'était aussi l'image de Jupiter-Sérapis, qui était adoré en Egypte pour le dieu Pluton. C'est ce même dieu qu'Athénée nomme le Jupiter égyptien, et Martial le Jupiter pharius, comme étant la divinité du Nil.

Scis quoties Phario madeat Jove fusca syene.

Tacite rapporte que Jupiter-Sérapis était encore en vénération de son temps dans Alexandrie ; qu'on s'adressait à lui comme à un oracle, et que Vespasien étant venu dans cette ville, se renferma dans le temple de ce dieu pour le consulter sur les affaires de l'empire. On publia même que ce prince avait opéré quelques miracles par la puissance de Sérapis ; et l'on eut grand soin de semer ces faux bruits parmi le peuple, tant pour y accréditer davantage le culte de cette divinité, que pour rendre la majesté impériale toujours plus respectable aux Egyptiens.

Les Athéniens qui avaient reçu la connaissance de l'Egypte par Cécrops et Erecthée, deux de leurs rois qui étaient de ce pays-là, reçurent en même temps le culte d'Isis et de Sérapis, qu'ils établirent dans la Thrace et sur les côtes du Pont-Euxin, où ils furent puissants pendant un assez long espace de temps, et où ils fondèrent tant de célèbres colonies.

Quand même les historiens se tairaient sur ce point, quantité de médailles nous apprennent que Jupiter-Plutus ou Sérapis, fut la divinité tutélaire de plusieurs villes considérables des environs de cette mer, surtout de la Thrace et de la Moesie inférieure ; les médailles de Marcianopole, d'Odesse et de Dionysiopole en rendent témoignage.

Les médailles nous disent encore que ce dieu ne fut pas moins révéré dans l'Arabie, la Phénicie et la Syrie, qu'en Asie, en Thrace et dans la basse Moesie ; c'est ce dont nous assurent les médailles de Bostra, de Ptolémaïs, de Césarée, de Palestine, d'Aelia capitolina, d'Antioche de Syrie, où il eut même un temple fameux.

La ville de Sinope en particulier avait pu recevoir le culte de Sérapis, si ce n'est immédiatement des habitants des provinces voisines, qui le tenaient des Syriens et des Phéniciens, chez qui il était passé de l'Egypte, au-moins des Colches, colonie égyptienne, avec qui Sinope était en relation de commerce, ou bien même des Milésiens dont cette ville était colonie.

Ce ne fut point sans de grandes raisons que les Sinopiens prirent Jupiter-Plutus, c'est-à-dire Sérapis, pour leur divinité tutélaire ; car outre que plusieurs auteurs prétendent que ce fut Jupiter-même, et non pas Apollon qui transporta de Grèce en Asie Sinope, fondatrice de la ville de ce nom, les Sinopiens étaient aussi persuadés que c'était à Jupiter-Plutus, dieu des mines, qu'ils étaient redevables de l'opulence où les mettait le grand trafic qu'ils faisaient sur toutes les côtes de la mer Noire, d'une quantité prodigieuse de fer qu'ils tiraient des mines de leur contrée et des pays voisins ; raison pour laquelle vraisemblablement Pomponius Méla nomme les Sinopiens chalibes, c'est-à-dire forgerons ou marchands de fer.

Le culte de Sérapis passa de la Grèce chez les Romains, qui lui élevèrent un temple dans le cirque de Flaminius, et établirent des fêtes en son honneur en différents temps de l'année. Une multitude presque innombrable fréquentait le temple de ce dieu ; de jeunes gens entr'autres y couraient en foule, pour obtenir de lui, comme une faveur signalée, qu'il leur fit trouver des personnes faciles qui eussent la complaisance de se livrer à leur passion. Un nombre presqu'infini de malades et d'infirmes allaient lui demander leur guérison, ou plutôt se persuader qu'ils l'avaient reçue. Enfin les maux qu'occasionna le culte de Sérapis, obligea les empereurs de l'abolir dans Rome, et Théodose détruisit son temple à Alexandrie.

Cette divinité figurait Jupiter qui commande au ciel et à la terre, et le dieu Plutus ou Pluton qui préside aux enfers et à tous les lieux souterrains, surtout aux mines, et par conséquent aux richesses puisqu'on les en tire ; c'est à cause de ces deux différents rapports qu'on présente ce dieu sur les médailles, tantôt avec une aigle sur sa main droite, ainsi qu'on le voit au revers d'une médaille de Mithridate V. père de Mithridate Eupator, et d'une autre médaille de Caracalla, où Sérapis parait à-demi couché sur un triclinium, espèce de canapé ; tantôt avec le cerbère à ses pieds, ainsi qu'il est si souvent gravé sur les médailles de plusieurs villes d'Asie, de Thrace et de Grèce : par exemple sur celle de Pergame, de Laodicée, de Sidé de Pamphilie, de Nysa en Carie, d'Amasie dans le Pont, où se voit dans le champ de la médaille une étoile, pour marquer la puissance de ce dieu dans les cieux ; des Callatiens dans la Thrace, des Pénéates en Arcadie, et même des Marcianopolitains dans la basse Moesie.

Sérapis tel qu'il est gravé sur une médaille de Gordien Pie, expliquée dans les mémoires de littérature, a un boisseau, ou un panier sur la tête, à la manière des divinités d'Egypte ; type qui signifie non-seulement que l'abondance et tous les biens venaient des dieux, mais aussi que c'était eux qui mesuraient, c'est-à-dire qui réglaient tout sur la terre selon leur volonté. On donne particulièrement ce symbole à Sérapis, comme inventeur de l'agriculture : il lui convient encore comme dieu des richesses, pour marquer qu'elles procurent aux hommes tous les besoins de la vie ; d'où vient que les anciens mettaient quelquefois une corne d'abondance à la main, comme il parait sur quelques médailles.

Ce dieu, dont le caractère est de ne faire que du bien, n'a point dans la médaille de Gordien Pie, la foudre à la main, ainsi que le porte le plus souvent Jupiter, comme divinité terrible ; mais il tient dans sa main gauche hastam puram, sceptre qui étant émoussé par le haut sans fer aigu, à la différence des lances ordinaires, désigne que la bonté et la clémence sont le propre des dieux.

La main droite de la figure du dieu, et ses regards levés vers le ciel, semblent attester qu'il ne commande pas moins aux cieux que sur la terre, et aux enfers. C'est aussi l'attitude qu'a ce dieu sur plusieurs médailles des villes de l'Egypte, de Syrie, d'Asie et de Thrace. On le voit ainsi sur les médailles de Busiris, de Cabase, de Ménélas, d'Oxyrinche, de Prosope, de Naréolis, de Coptos et d'autres villes d'Egypte ; si ce n'est que cette divinité porte souvent sur la main droite l'animal, ou autre symbole de la ville dont elle est la patrone ; par exemple un lion, un cerf, un ibis, le lotus, une palme et autres types.

Sérapis a la même attitude sur les médailles d'Amasie, de Tomes, et d'Anchiale dans le Pont, de Nicée, de Ciane en Bithynie, de Mida en Phrygie, de Césarée la Germanique en Syrie, de Césarée de Cappadoce, ayant le mont Argée sur la main droite ; de Perinthe, de Sardis, de Bizuenne, de Callasie, de Mesembrie dans la Thrace, etc.

Mais le symbole le plus commun, et le plus universellement employé dans les médailles, images, statues, et pierres gravées de Sérapis, est le boisseau ou panier appelé en latin calathus, qu'il porte sur sa tête ; la forme n'en est pas la même par-tout ; quelquefois ce panier est également large dans toute sa hauteur ; ailleurs on le voit évasé par le haut, ici élevé, là plat, d'autres fois orné dans son contour de branches feuillées, le plus souvent tout uni ; dans d'autres, tressé en manière de jonc ; ou enfin entouré de plusieurs bandes horizontales, et terminé par une espèce de rebord, saillant dans sa partie supérieure.

Le muid se trouve sur la tête de quelques divinités égyptiennes, et en particulier sur celle d'Isis ; mais on peut dire que c'est proprement l'attribut de Sérapis ; ceux qui regardent ce dieu comme étant le soleil, prétendent que le boisseau mis au haut de sa tête, marque la prodigieuse élévation de cet astre ; d'autres, que cette divinité conduit tout avec poids et mesure ; quelques-uns enfin, en considérant Sérapis comme l'inventeur de l'agriculture. Il n'est pas possible de suivre tous ces détails ; les autres attributs de Sérapis, sont le cerbere, les rayons, le serpent, le bâton, les cornes de belier, le trident, la corne d'abondance, l'ibis, le vaisseau, le papillon, l'aigle, le cerf, et le phalle. On ne s'attend pas sans doute qu'on établisse les raisons qui ont fait donner à cette divinité tous ces différents attributs ; mais on peut lire les Mémoires de littérat. tom. X. in-4°. les auteurs de l'art numismatique ; Spanheim en particulier ; et finalement une dissertation sur le dieu Sérapis, imprimée récemment à Amsterdam, in-12. (D.J.)




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