S. f. (Géographie et Physique) est une quantité d'eau, qui en sortant de certaines couches de la terre entr'ouvertes, se trouve recueillie dans un bassin plus ou moins considérable, dont l'écoulement perpétuel ou interrompu fournit à une partie de la dépense des différents canaux distribués sur la surface des continens et des iles.

Je crois qu'il est à-propos de fixer ici les acceptions précises suivant lesquelles il parait que sont employés les termes de fontaine et de source. Source semble être en usage dans toutes les occasions où l'on se borne à considérer ces canaux naturels qui servent de conduits souterrains aux eaux, à quelque profondeur qu'ils soient placés, ou bien le produit de ces espèces d'aqueducs. Fontaine indique un bassin à la surface de la terre, et versant au-dehors ce qu'il reçoit par des sources ou intérieures ou voisines. Exemples. Les sources du Rhône, du Tessin, du Rhin, sont dans le mont S. Gothard ; la fontaine d'Arcueil est à mi-côte ; la source de Rungis fournit environ 50 pouces d'eau : les sources des mines sont très-difficiles à épuiser ; les sources des puits de Modene sont à 63 pieds de profondeur. La plupart des lacs qui versent leurs eaux dans les fleuves sont entretenus par des sources intérieures. Dans le bassin de cette fontaine on aperçoit l'eau des sources qui en jaillissant écarte les sables d'où elle sort. Après les pluies, et à l'entrée de l'hiver, les sources qui inondent les terres donnent beaucoup.

La première question qui se présente à ceux qui ont considéré avec attention ces sources perpétuelles et abondantes, est de demander quelle peut être la cause du cours perpétuel de ces fontaines, qui par la réunion de leurs eaux servent à entretenir le Rhône, le Rhin, le Danube, le Volga, les fleuves S. Laurent, de la Plata, des Amazones ; quels sont les réservoirs invisibles qui remplissent les canaux multipliés des rivières et les vastes lits des fleuves ; par quel mécanisme enfin ces réservoirs réparent abondamment leurs pertes journalières.

Ensuite à mesure qu'on étudie plus en détail les fontaines, on y observe plusieurs singularités très-frappantes, tant dans leur écoulement que dans leurs eaux ; et ces discussions sont par leurs objets aussi agréables qu'utiles. D'après ces considérations, nous croyons devoir nous attacher dans cet article à deux points de vue intéressants sur les fontaines : leur origine et leurs singularités.

ORIGINE DES FONTAINES. L'origine des fontaines a de tout temps piqué la curiosité des Philosophes. Les anciens ont leurs hypothèses sur ce mécanisme, ainsi que les modernes. Mais ce sont pour la plupart des plans informes, qui surtout dans les premiers, et même dans certains écrivains de nos jours, ont le défaut général que Séneque reprochait avec tant de fondement aux physiciens de son temps, dont il connaissait si bien les ressources philosophiques. Illud ante omnia mihi dicendum est, opiniones veterum parùm exactas esse et rudes : circa verum adhuc errabatur : nova omnia erant primò tentantibus. Quaest. nat. lib. VI. c. IVe

Les anciens, en parlant de l'origine des fontaines, ne nous présentent rien de précis et de fondé ; outre qu'ils n'ont traité cette question qu'en passant, et sans insister sur ses détails, ils ne paraissent s'être attachés ni aux faits particuliers ni à leur concert ; ces raisons sont plus que suffisantes pour nous déterminer à passer légèrement sur leurs hypothèses. Quel fruit peut-on retirer pour l'éclaircissement de la question présente, en voyant Platon ou d'autres anciens philosophes au nom desquels il parle, indiquer pour le réservoir commun des fontaines et des sources, les gouffres du Tartare, et faire remonter l'eau par cascades de ce gouffre à la surface de la terre ? Peut-être que des érudits trouveront dans ces réveries populaires l'abîme que Woodward prétend faire servir à la circulation des eaux souterraines. Nous ne croirons pas au reste devoir revendiquer pour notre siècle cette dernière hypothése comme plus appuyée que l'ancienne. Quelles lumières et quelles ressources trouve-t-on dans le système embrassé par Aristote et par Séneque le naturaliste ? Ces philosophes ont imaginé que l'air se condensait et se changeait en eau par la stagnation et l'humidité qu'il éprouvait dans les souterrains. Ils se fondaient sur ce principe, que tout se fait de tout ; ainsi, selon eux l'air se change en eau et l'eau en air par des transmutations, au milieu desquelles la nature sait garder une juste compensation qui entretient toujours l'équilibre entre les éléments. Ces transmutations livreraient toute l'économie admirable de la nature à une confusion et à une anarchie affreuse. L'eau considérée sans mélange sera toujours eau et inaltérable dans ses éléments. Voyez EAU, ELEMENT. Il est vrai qu'on a observé de nos jours un fait qui semblerait autoriser ces prétentions. L'eau la plus pure laisse après plusieurs distillations réitérées quelques principes terreux au fond de la cucurbite. Ce fait remarqué par Boyle et par Hook avait donné lieu à Newton de conclure que l'eau se changeait en terre. Mais Boerhaave qui a vérifié effectivement ce résultat, prétend avec beaucoup plus de raison que les molécules de l'eau sont inaltérables, et que le résidu terreux est le produit des corps legers qui flottent dans l'air, ou la suite d'une inexactitude indispensable dans la manipulation. Ainsi les anciens n'étaient autorisés à supposer ces transmutations que par le besoin qu'ils en avaient. Si après cela nous voyons Aristote avoir recours aux montagnes qui boivent les eaux souterraines comme des éponges ou d'autres agens, ces secours subsidiaires ne nous offrent aucune unité dans ses idées. Pline nous rapporte quelques faits, mais donne peu de vues. Vitruve a entrevu le vrai en s'attachant au produit des pluies.

Saint Thomas et les Scholastiques de Coimbre tranchent plutôt la question qu'ils ne la résolvent, en admettant ou l'ascendant des astres, ou la faculté attractive de la terre qui rassemble les eaux dans son sein par une force que la Providence lui a départie suivant ses vues et ses desseins. Van-Helmont prétend que l'eau renfermée dans les entrailles de la terre n'est point assujettie aux règles de l'hydrostatique, mais qu'elle dépend alors uniquement de l'impression que lui communique cet esprit qui anime le monde souterrain, et qui la met en mouvement dans les abîmes profonds qu'elle remplit. En conséquence de ces idées il met en jeu ce qu'il appelle la propriété vivifiante du sable pur, et la circulation animée qui en résulte des eaux de la mer visible dans une mer invisible, qu'il s'efforce de prouver par l'Ecriture. Cet abus n'est pas particulier à ce fameux médecin : plusieurs autres écrivains ont cru décider la question par des passages des livres sacrés qu'ils interprétaient selon leurs caprices, ou se sont servi de cette autorité respectable comme de preuve subsidiaire. On ne peut trop s'élever contre ce procédé religieux en apparence, mais qui aux yeux d'un physicien éclairé et chrétien, n'est que l'emploi indécent d'un langage sacré fait pour diriger notre croyance et notre conduite, et non pour appuyer des préjugés, des préventions, et des inductions imaginaires, en un mot des systèmes. Ces espèces de théologies physiques dérogeant à la majesté de l'Ecriture et aux droits de la raison, ne laissent apercevoir qu'un mélange toujours ridicule de faits divins et d'idées humaines.

L'érudition de Scaliger ne nous présente que des discussions vagues sur ce que les autres ont pensé et sur ce qu'il se croit en droit d'y ajouter, mais ne nous offre d'ailleurs aucun fait décisif. Cardan après avoir examiné d'une vue assez générale les deux principales hypothèses qui étaient en honneur de son temps, et avoir grossi les difficultés de chacune, finit par les embrasser toutes les deux en assignant à l'une et à l'autre ses opérations particulières. Dans l'une on attribuait l'origine des fontaines uniquement aux pluies ; dans l'autre on prétendait qu'elles n'empruntaient leurs eaux que de la mer. Ces deux opinions sont presque les seules qui aient partagé les Physiciens dans tous les temps. Plusieurs écrivains depuis Cardan ont adopté l'une des deux ; mais la plupart se sont bornés à des moyens très-imparfaits. Tels sont Lydiat, Davity, Gassendi, Duhamel, Schottus, et le père Français. On peut consulter sur ces détails le traité de Perrault de l'origine des fontaines ; on y trouvera vingt-deux hypothèses, qui toutes se rapportent aux deux principales dont nous venons de parler. On ajoutera aux auteurs qui y figurent, Plot, dont l'ouvrage est une espèce de déclamation où l'on trouve beaucoup de crédulité, peu de raisons, et encore moins de choix et de certitude dans les faits. Cet anglais adopte les canaux souterrains. Bernard Palissy qui avait plus Ve et mieux Ve que tous ces savants, était si persuadé que les pluies formaient les fontaines, et que l'organisation des premières couches de la terre était très-favorable à l'amas des eaux, à leur circulation, et à leur émanation, qu'il publiait hautement être en état de les imiter. Il aurait organisé un petit monticule suivant la distribution des couches qu'il avait remarquées à la surface de la terre dans les lieux qui lui avaient offert des sources. On verra par la suite que cette promesse n'était point l'effet de ces charlatanismes dont les Savants ne sont pas exempts, et que les ignorants qui s'en plaignent et qui en sont les dupes, rendent souvent nécessaires.

La première chose qui se présente dans cette question, est que les fleuves et les rivières vont se rendre dans des golfes ou dans de grands lacs où ils portent continuellement leurs eaux. Or depuis tant de siècles que ces eaux se rassemblent dans ces grands réservoirs, l'océan et les autres mers auraient débordé de toutes parts et inondé la terre, si les vastes canaux qui s'y déchargent y portaient des eaux étrangères qui ajoutassent à leur immense volume. Il faut donc que ce soit la mer qui fournisse aux fontaines cette quantité d'eau qui lui rentre ; et qu'en conséquence de cette circulation les fleuves puissent couler perpétuellement, et transporter une masse d'eau considérable, sans trop remplir le vaste bassin qui la reçoit.

Ce raisonnement est un point fixe auquel doivent se réunir toutes les opinions qu'il est possible d'imaginer sur cette matière, et qui se présente d'abord dès qu'on se propose de discuter celles qui le sont déjà. Mais comment l'eau va-t-elle de la mer aux fontaines ? Nous savons bien la route qu'elle tient pour retourner des fontaines à la mer, parce que les canaux de conduite sont pour la plupart exposés à la vue du peuple comme des Physiciens : mais ces derniers ne sont pas d'accord sur le mécanisme qui reporte l'immense quantité d'eau que les fleuves charrient, dans les réservoirs de leurs sources.

Je considère en second lieu que l'eau de la mer est salée, et que celle des fontaines est douce, ou que si elle est chargée de matières étrangères, on peut se convaincre aisément qu'elle ne les tire pas de la mer. Il faut donc que le mécanisme du transport, ou que nos tuyaux de conduite soient organisés de façon à faire perdre à l'eau de la mer, dans le trajet, sa salure, sa viscosité, et son amertume.

En combinant les moyens que les auteurs qui ont écrit avec le plus de lumières et de sagesse sur l'origine des fontaines, ont essayé d'établir pour se procurer ce double avantage, on peut les rappeler à deux classes générales. Dans la première sont ceux qui prétendent que les vapeurs qui s'élèvent par évaporation de dessus la surface de la mer, emportées et dissoutes dans l'atmosphère, voiturées ensuite par les vents sous la forme de nuages épais et de brouillards, arrêtées par les sommets élevés des montagnes, condensées en rosée, en neige, en pluie, saisissant les diverses ouvertures que les plans inclinés des collines leur offrent pour s'insinuer dans les corps des montagnes ou dans les couches propres à contenir l'eau, s'arrêtent et s'assemblent sur des lits de tuf et de glaise, et forment en s'échappant par la pente de ces lits et par leur propre poids, une fontaine passagère ou perpétuelle, suivant l'étendue du bassin qui les rassemble, ou plutôt suivant celle des couches qui fournissent au bassin.

Dans la seconde classe sont ceux qui imaginent dans la masse du globe des canaux souterrains, par lesquels les eaux de la mer s'insinuent, se filtrent, se distillent, et vont en s'élevant insensiblement remplir les cavernes qui fournissent à la dépense des fontaines. Ceux qui soutiennent cette dernière opinion, l'exposent ainsi. La terre est remplie de grandes cavités et de canaux souterrains, qui sont comme autant d'aqueducs naturels, par lesquels les eaux de la mer parviennent dans des cavernes creusées sous les bases des montagnes. Le feu souterrain fait éprouver aux eaux rassemblées dans ces espèces de cucurbites, un degré de chaleur capable de la faire monter en vapeurs dans le corps même de la montagne, comme dans le chapiteau d'un alembic. Par cette distillation, l'eau salée dépose ses sels au fond de ces grandes chaudières ; mais le haut des cavernes est assez froid pour condenser et fixer les vapeurs qui se rassemblent et s'accrochent aux inégalités des rochers, se filtrent à-travers les couches de terres entr'ouvertes, coulent sur les premiers lits qu'elles rencontrent, jusqu'à ce qu'elles puissent se montrer en-dehors par des ouvertures favorables à un écoulement, ou qu'après avoir formé un amas, elles se creusent un passage et produisent une fontaine.

Cette distillation, cette espèce de laboratoire souterrain, est de l'invention de Descartes (Princip. IV. part. §. 64.), qui dans les matières de Physique imagina trop, calcula peu, et s'attacha encore moins à renfermer les faits dans de certaines limites, et à s'aider pour parvenir à la solution des questions obscures de ce qui était exposé à ses yeux. Avant Descartes, ceux qui avaient admis ces routes souterraines, n'avaient pas distillé pour dégager les sels de l'eau de la mer ; et il faut avouer que cette ressource aurait simplifié leur échafaudage, sans le rendre néanmoins plus solide.

Dans la suite, M. de la Hire (Mém. de l'acad. an. 1703.) crut devoir abandonner les alembics comme inutiles, et comme un travail imité de l'art toujours suspect de supposition dans la nature. Il se restreignit à dire, qu'il suffisait que l'eau de la mer parvint par des conduits souterrains, dans de grands réservoirs placés sous les continens au niveau de la mer, d'où la chaleur du sein de la terre, ou même le feu central, put l'élever dans de petits canaux multipliés qui vont se terminer aux couches de la surface de la terre, où les vapeurs se condensent en partie par le froid et en partie par des sels qui les fixent. C'est pour le dire en passant, une méprise assez singulière de prétendre que les sels qui se dissolvent dans les vapeurs, puissent les fixer. Selon d'autres physiciens, cette même force qui soutient les liqueurs au-dessus de leur niveau dans les tubes capillaires, ou entre des plans contigus, peut faciliter considérablement l'élévation de l'eau marine adoucie. Voyez CAPILLAIRE, TUBE, ATTRACTION. On a fait jouer aussi par supplément, l'action du flux et reflux ; on a cru en tirer avantage, en supposant que son impulsion était capable de faire monter à une très-grande hauteur, malgré les lois de l'équilibre, les eaux qui circulent dans les canaux souterrains ; ils ont cru aussi que le ressort de l'air dilaté par la chaleur souterraine, et qui soulève les molécules du fluide parmi lesquelles il est dispersé, y entrait aussi pour beaucoup.

La distillation imaginée par Descartes, avait pour but de dessaler l'eau de la mer, et de l'élever au-dessus de son niveau : mais ceux qui se sont contentés de la faire filtrer au-travers des lits étroits et des couches de la terre, comme M. de la Hire, ont cru avec l'aide de la chaleur, obtenir le même avantage, et ils se sont fait illusion. 1°. L'eau de la mer que l'on veut faire monter par l'action des canaux capillaires formés entre les interstices des sables ou autres terres, ne produit jamais aucun écoulement ; parce que les sables et les terres n'attirent point les eaux douces ou salées en assez grande quantité pour produire cet effet. M. Perrault (orig. des font. pag. 154.) prit un tuyau de plomb d'un pouce huit lignes de diamètre, et de deux pieds de long ; il attacha un reticule de toîle par le bas, et l'emplit de sable de rivière sec et passé au gros sas. Ce tuyau ayant été placé perpendiculairement dans un vase d'eau, à la profondeur de quatre lignes, le liquide monta à 18 pouces dans le sable. Boyle, Hauksbée et de la Hire, ont fait de semblables expériences, et l'eau s'est élevée de même à une hauteur considérable : mais M. Perrault alla plus loin. Il fit à son tuyau de plomb une ouverture latérale de sept à huit lignes de diamètre ; et à deux pouces au-dessus de la surface de l'eau du vase à cette ouverture, il adapta dans une situation inclinée un tuyau aussi plein de sable, et y plaça un morceau de papier gris qui débordait vers l'orifice inférieur. L'eau pénétra dans cette espèce de gouttière et dans le papier gris ; mais il n'en tomba aucune goutte par ce canal ; on n'en put même exprimer en pressant avec les doigts, le papier gris mouillé. Tout cet équipage tiré hors du vase, ne produisit aucun écoulement ; il n'avait lieu que lorsqu'on versait de l'eau par le haut du tuyau ; et le tuyau ayant été rempli de terre au lieu de sable, on n'aperçut aucun écoulement, et la terre absorbait plus d'eau que le sable, quand on en versait par le haut ; ce qui a été observé depuis par M. de Reaumur. Il parait qu'il faut pour pénétrer la terre, une quantité d'eau égale au tiers de sa masse.

M. Perrault soumit à la même expérience de l'eau salée ; les sables contractaient d'abord un certain degré de salure, et l'eau diminuait un peu son amertume : mais lorsque les couloirs s'étaient une fois chargés de sels, l'eau qui s'y filtrait n'en déposait plus. Et d'ailleurs des percolations réitérées au-travers de cent différentes matières sabloneuses, n'ont point entièrement dessalé l'eau de la mer. Voilà des faits très-destructifs des suppositions précédentes. On peut ajouter à ces expériences d'autres faits aussi décisifs. Si l'eau se dessalait par filtration, moins elle aurait fait de trajet dans les couches terrestres, et moins elle serait dessalée : or on trouve des fontaines et même des puits d'eau douce, sur les bords de la mer, et des sources même dans le fond de la mer, comme nous le verrons par la suite. Il est vrai que quand les eaux de la mer pénètrent dans les sables en se réunissant aux pluies, elles produisent un mélange saumache et salin ; mais il suffit qu'on trouve des eaux douces dans des fontaines abondantes et dans des puits voisins de la mer, pour que l'on puisse soutenir que les eaux de la mer ne peuvent se dessaler par une filtration souterraine. On n'alléguera pas sans-doute les eaux salées, puisqu'il s'en trouve au milieu des terres, comme en Alsace, en Franche-Comté, à Salins ; et d'ailleurs il est certain que cette eau n'est salée, que parce qu'elle dissout des mines de sel.

En général, on peut opposer à l'hypothèse que nous venons de décrire, plusieurs difficultés très-fortes.

1°. On suppose fort gratuitement des passages libres et ouverts, depuis le lit de la mer jusqu'au pied des montagnes. On n'a pu prouver par aucun fait l'existence de ces canaux souterrains ; on a plutôt prouvé le besoin que l'on en a, que leur réalité ou leur usage. Comment concevoir que le lit de la mer soit criblé d'ouvertures, et la masse du globe toute percée de canaux souterrains ? voyons-nous que la plupart des lacs et des étangs perdent leurs eaux autrement que par des couches de glaise ? Le fond de la mer est tapissé et recouvert d'une matière visqueuse, qui ne lui permet pas de s'extravaser aussi facilement et aussi abondamment qu'il est nécessaire de le supposer, pour disperser avec autant de profusion les fontaines sur la surface des îles et des continens. Quand même la terre pénétrerait certaines couches de son fond à une profondeur assez considérable, on ne peut en conclure la filtration de ses eaux dans la masse du globe. Prétendre outre cela, que les gouffres qui paraissent absorber l'eau de la mer, soient les bouches de ces canaux souterrains, c'est s'attacher à des apparences pour le moins incertaines, comme nous le verrons par la suite.

On n'a pas plus de lumières sur ces grands réservoirs ou ces immenses dépôts, qui, selon quelques auteurs, fournissent l'eau à une certaine portion de la surface du globe ; sur ces lacs souterrains décrits dans Kircher (mund. subterr.) sous le nom d'Hydrophilacia, et dont il a cru devoir donner des plans pour rassurer la crédulité de ceux qui seraient portés à ne les pas adopter sur sa parole.

2°. Quand leur existence serait aussi certaine qu'elle est douteuse à ceux qui n'imaginent pas gratuitement, il ne s'ensuivrait pas que ces lacs eussent une communication avec la mer. Les lacs souterrains que l'on a découverts, sont d'eau douce : au sur plus ils tirent visiblement leurs eaux des couches supérieures de la terre. On observe constamment toutes les fois qu'on visite des souterrains, que les eaux se filtrent au-travers de l'épaisseur de la croute de terre qui leur sert de voute. Lorsqu'on fait un étalage de ces cavernes fameuses, par lesquelles on voudrait nous persuader l'existence et l'emploi de ces réservoirs souterrains, on nous donne lieu de recueillir des faits très-décisifs contre ces suppositions : car la caverne de Baumannia située dans les montagnes de la forêt d'Hircinie, celle de Podpetschio dans la Carniole, celles de la Kiovie, de la Podolie, toutes celles que Scheuchzer a eu lieu d'examiner dans les Alpes, celles qu'on trouve en Angleterre, sont la plupart à sec, et l'on y remarque tout-au-plus quelques filets d'eau qui viennent des voutes et des congélations, formées par les dépôts successifs des eaux qui se filtrent au-travers des couches supérieures. La forme des fluors, la configuration des stalactites en cul-de-lampe, annonce la direction des eaux gouttières. Les filets d'eau et ces espèces de courants, tarissent par la sécheresse, comme on l'a remarqué dans les caves de l'observatoire et dans la grotte d'Arcy en Bourgogne, dans laquelle il passe en certain temps une espèce de torrent qui traverse une de ses cavités. Si l'on examine l'eau des puits et des sources, on trouvera qu'elle a des propriétés dépendantes de la nature des couches de terre supérieures au bassin qui contient les eaux. Dans la ville de Modene et à quatre mille aux environs, en quelqu'endroit que l'on fouille, lorsqu'on est parvenu à la profondeur de 63 pieds, et qu'on a percé la terre, l'eau jaillit avec une si grande force, qu'elle remplit les puits en peu de temps, et qu'elle coule même continuellement par-dessus ses bords. Or cet effet indique un réservoir supérieur au sol de Modene, qui élève l'eau de ses puits au niveau de son terrain, et qui par conséquent doit être placé dans les montagnes voisines. Et n'est-il pas plus naturel qu'il soit le produit des pluies qui tombent sur les collines et les montagnes de Saint-Pélerin, que de supposer un effort de filtration ou de distillation des eaux de la mer qui ait guindé ces eaux à cette hauteur, pour les faire remonter au niveau du sol de Modene ? Ainsi on n'a aucun fait qui établisse des évaporations, des distillations, ou des percolations du centre du globe à la circonférence ; mais au contraire, toutes les observations nous font remarquer des filtrations dans les premières couches du globe.

3°. Les merveilleux alembics, la chaleur qui entretient leur travail, le froid qui condense leurs vapeurs, la direction du cou du chapiteau ou des aludels d'ascension, qui doit être telle qu'elle empêche les vapeurs de retomber dans le fond de la cucurbite, et de produire par-là une circulation infructueuse ; combien de suppositions pour réunir tous ces avantages ; comment le feu serait-il assez violent pour changer en vapeurs cette eau salée et pesante qu'on tire de la mer, et la faire monter jusqu'aux premières couches de la terre ? Le degré de chaleur qu'on a eu lieu d'observer dans les souterrains, n'est pas capable de produire ces effets. Quelle accélération dans le travail, et quelle capacité dans l'alembic n'exigerait pas la distillation d'une source aussi abondante que celles qu'on rencontre assez ordinairement ! L'eau réduite en vapeur à la chaleur de l'eau bouillante, occupant un espace 14000 fois plus grand, les eaux réduites en vapeurs et comprimées dans les cavernes, sont plus capables de produire des agitations violentes, que des distillations. D'ailleurs si le feu est trop violent dans les souterrains, l'eau sortira salée de la cucurbite, etc.

4°. Après une certaine interruption de pluies, la plupart des fontaines ou tarissent ou diminuent considérablement ; et l'abondance réparait dans leur bassin, après des pluies abondantes, ou la fonte des neiges. Or si un travail souterrain fournit d'eau les réservoirs des sources, que peut opérer la température extérieure pour en ralentir ou en accélérer les opérations ? Il est vrai que certains physiciens ne disconviennent pas que les eaux pluviales ne puissent, en se joignant au produit des canaux souterrains, former après leur réunion une plus grande abondance d'eau dans les réservoirs, et y faire sentir un déchet considérable par leur soustraction : mais après cet aveu, ils ne peuvent se dissimuler que les eaux de pluies n'influent très-visiblement dans les écoulements des fontaines, et que cet effet ne soit une présomption très-forte pour s'y borner, si le produit des pluies suffit à l'entretien des sources, comme nous le ferons voir par la suite. Voodward prétend qu'il y a, lors des pluies, moins de dissipation dans les couches du globe, où se rassemblent les eaux évaporées de l'abîme par leur feu central, et que la sécheresse fournit une transpiration abondante de ces vapeurs. Ceci serait recevable, si la circulation des eaux dans les couches qui peuvent ressentir les différents effets de l'humidité et de la sécheresse, ne se faisait pas de la circonférence au centre, ou dans la direction des couches qui contiennent les eaux.

5°. Pourquoi l'eau de la mer irait-elle chercher le centre, ou du moins les endroits les plus élevés des continens, pour y entretenir les fontaines ? Descartes nous répondra qu'il y a sous ces montagnes et sous ces endroits élevés, des alembics : mais de la mer à ces prétendus alembics, quelle correspondance a-t-il établi ? Ne serait-il pas plus naturel que les sources fussent plus abondantes sur les bords de la mer, que dans le centre des terres ; et dans les plaines, que dans les pays montueux ? Outre qu'on ne remarque pas cette disposition dans les sources, la grande quantité de pluie qui tombe sur les bords de la mer, serait la cause naturelle de cet effet, si le terrain était favorable aux sources.

6°. Il reste enfin une dernière difficulté. 1°. Le résidu des sels dont l'eau se dépouille, ou par distillation, ou par filtration, ne doit-il pas avoir formé des obstructions dans les canaux souterrains, et avoir enfin comblé depuis longtemps tous les alembics ? 2°. La mer par ces dépôts n'a-t-elle pas dû perdre une quantité prodigieuse de ses sels ? Pour donner une idée de ces deux effets, il faut apprécier la quantité de sel que l'eau de la mer aurait déposée dans les cavités, et dont elle se serait réellement appauvrie. Il parait par les expériences de M. le comte de Marsigly, de Halley et de Halles, qu'une livre d'eau de la mer tient en dissolution quatre gros de sel, c'est-à-dire un trente-deuxième de son poids : ainsi trente-deux livres d'eau produisent une livre de sel, et soixante-quatre en donneront deux. Le pié-cube d'eau pesant 70 livres, on peut pour une plus grande exactitude compter deux livres de sel dans ces 70. Nous partirons donc de ce principe, qu'un pié-cube d'eau douce doit avoir déposé deux livres de sel avant que de parvenir à la source d'une rivière. Or s'il passe sous le pont-royal, suivant la détermination de M. Mariotte, 288, 000, 000 de piés-cubes d'eau en 24 heures, cette quantité d'eau aura déposé sous terre 576, 000, 000 de livres de sel.

Cependant comme ceux qui admettent la circulation intérieure de l'eau de la mer conviennent que les pluies grossissent les rivières, nous réduisons ce produit à la moitié : ainsi l'eau de la Seine laisse chaque jour dans les entrailles de la terre 288 millions de livres de sel, et nous aurons plus de cent milliards de livres pour l'année : mais qu'est-ce que la Seine comparée avec toutes les rivières de l'Europe, et enfin du monde entier ? quel amas prodigieux de sel aura donc formé dans des canaux souterrains, la masse immense d'eau que les fleuves et les rivières déchargent dans la mer depuis tant de siècles ! Voyez SALURE et MER.

On peut réduire à trois classes les physiciens qui ont essayé de répondre à ces difficultés.

I. M. Gualtieri (Journ. des Sçav. an. 1725. Juin) dans des réflexions adressées à M. Valisnieri, exige seulement qu'on lui accorde deux propositions. La première, qu'il se trouve au fond de la mer une terre particulière ou un couloir, au-travers duquel l'eau de la mer ne peut passer sans se dépouiller de son sel. La seconde, que l'eau de la mer fait équilibre à une colonne d'eau douce, qui s'insinue dans l'intérieur du globe à une hauteur qui est en raison inverse de sa pesanteur spécifique, c'est-à-dire dans le rapport de 103 à 100. Pour établir sa première proposition, il allegue l'analogie des filtrations des sucs dans les animaux et dans les végétaux, et enfin l'adoucissement de l'eau de la mer par évaporation. Ce qui embarrasse d'abord, c'est de savoir où les sels se déposeront dans le filtre particulier qui aura la vertu d'adoucir l'eau de la mer. Dans les animaux, les sucs qui n'entrent point dans certains couloirs, sont absorbés par d'autres ; sans cela il se formerait des obstructions, comme il doit s'en former au fond de la mer.

En second lieu, si la colonne d'eau souterraine est en équilibre avec celle de l'eau marine, par quelle force l'eau pénétrera-t-elle les couloirs ? D'ailleurs si l'on suppose que la mer est aussi profonde que les montagnes sont élevées, le rapport de pesanteur spécifique de 100 à 103, qui se trouve entre l'eau douce et l'eau salée, ne peut élever l'eau douce qu'au 3/100 de la hauteur des montagnes ; ainsi elle ne parviendra jamais au sommet même des collines de moyenne grandeur.

II. D'autres physiciens n'ont pas été alarmés des blocs de sels aussi énormes que la mer doit déposer dans les entrailles de la terre ; leur imagination a été aussi féconde pour creuser des alembics et des canaux souterrains, que l'eau salée peut être active pour combler les uns et boucher les autres ; elle a formé un échafaudage de nouvelles pièces, qui jouent selon ses vœux et selon les besoins du système. Voyez Méditations sur les fontaines, de Kuhn.

On a rencontré dans l'Océan et dans certains détroits ou mers particulières, des espèces de gouffres où les eaux sont violemment agitées, et paraissent s'engloutir dans des cavités souterraines qui les rejettent avec la même violence. Le plus fameux de ces gouffres est près des côtes de la Laponie, dans la mer du Nord ; il engloutit les baleines, les vaisseaux, etc. et rejette ensuite les débris de tout ce qu'il parait avoir absorbé. On en place un auprès de l'île d'Eubée, qui absorbe et rend les eaux sept fois en vingt-quatre heures : celui de Charibde près des côtes de la Calabre absorbe et vomit trois fois le jour ; ceux de Sylla dans le détroit de la Sicile, du détroit de Babelmandel, du golfe Persique, du détroit de Magellan, ne sont qu'absorbans. On soupçonne outre cela que sous les bancs de sable, sous les roches à fleur d'eau, et dans la mer Caspienne en particulier, il y a beaucoup de ces gouffres tant absorbans que vomissants.

Comme ils sont près des îles et des continens, on en conclut que les eaux absorbées sont englouties dans les souterrains de la terre-ferme ; et que réciproquement, les eaux rejetées sortent de dessous les continens. Ces gouffres ne sont que les larges orifices des canaux souterrains : l'eau de la mer engloutie d'abord dans ces grandes bouches, se distribue ensuite par les branches principales des conduits souterrains, et se porte jusqu'au-dessous des continens. Elle parvient ensuite par des ramifications qu'on multiplie à l'infini, sous les montagnes, les cavernes, et les autres cavités de la terre : en vertu de la grande division qu'elle éprouve pour lors, elle se trouve plus exposée à l'action de la chaleur souterraine : elle est réduite en vapeurs, et s'élève dans les premières couches de la terre, où elle forme des réservoirs qui fournissent à l'écoulement des sources et des fontaines.

Mais ce qu'il faut bien remarquer, l'eau, à l'extrémité des branches principales, perd par évaporation à chaque instant une si grande quantité d'eau douce, qu'elle acquiert une salure et une gravité spécifique plus considérable que celle qui remplit les gouffres : en conséquence, cette eau plus salée est déterminée par son poids à refluer par les ramifications qui aboutissent aux branches principales, parce que le sel ne se dépose que dans les ramifications où l'évaporation commence ; et ces ramifications par lesquelles l'eau salée coule, s'abouchent ordinairement aux branches principales d'un autre gouffre vomissant. L'eau se décharge par ce moyen dans la mer, en y reportant à chaque instant le résidu salin des eaux évaporées et dulcifiées. Ainsi les conduits souterrains se débarrassent du sel qui pourrait s'y accumuler par l'évaporation de l'eau douce ; et la mer répare la salure qu'elle perdrait insensiblement. A mesure que l'évaporation s'opère à l'extrémité des branches principales des gouffres absorbans, le produit de cette distillation trouve des conduits prêts à le recevoir pour le décharger dans un gouffre vomissant. Quelquefois les résidus salins prendront la route des branches principales du gouffre absorbant ; et alors ce gouffre sera absorbant et vomissant en même temps. Mais le plus souvent, le gouffre vomissant sera distingué de l'absorbant. Ainsi les fontaines de la Sicîle et du royaume de Naples sont entretenues par le gouffre absorbant de Sylla, qui porte ses eaux dans les souterrains de l'île et de la pointe de l'Italie ; le résidu salin de l'évaporation est reporté à la mer par Charibde, gouffre vomissant, et par quelque autre ouverture. Les courants que l'on observe assez ordinairement dans les détroits, sont produits par la décharge des eaux salées qui refluent des souterrains : tels sont les courants du Bosphore de Thrace, produits par les eaux qui se déchargent des souterrains de l'Asie mineure, et qui se jettent dans le Pont-Euxin, pour réparer la quantité de salure qu'il perd en coulant dans la Méditerranée par l'Hellespont, et ne réparant cette eau salée que par l'eau douce des fleuves qu'il reçoit. De même la mer Caspienne ayant de ces gouffres absorbans qui lui enlèvent de l'eau salée, répare cette perte par des gouffres vomissants qui lui viennent des souterrains de la Russie et de la Tartarie. Les gouffres absorbans de l'Océan septentrional forment les fleuves de la Russie, de la Tartarie ; et d'autres gouffres vomissants déchargent une partie de leurs sels dans la mer Caspienne.

Il est aisé de faire voir que cette complication de nouveaux agens introduits par M. Kuhn dans l'hypothèse cartésienne, les rend suspects d'avoir été enfantés par le besoin. Car ces gouffres absorbans et vomissants, dont on croit reconnaître et indiquer les bouches dans le Maelstroom de Norvège, dans Sylla, dans Charibde, etc. ne sont rien moins que des ouvertures de canaux souterrains, dont les conduits se continuent dans la solidité du globe, et sous la masse des continens. La tourmente qu'y éprouve l'eau de la mer est dépendante des marées ; et ces mouvements réguliers qui balancent les eaux de l'Océan, n'ont aucune correspondance avec les besoins des cucurbites souterraines. D'ailleurs après le calme on voit voltiger sur la surface de l'eau les débris de ce qu'il a absorbé. Il en est de même de tous les autres, qui ne sont pas placés au hasard dans les détroits, ou pour répandre les eaux de la mer sous les continens voisins : mais parce que dans ces parages le fond de la mer étant parsemé de rochers et creusé inégalement, présente à la masse des eaux resserrées dans un canal étroit, des obstacles qui les agitent et les bouleversent ; Struys et le P. Avril avaient prétendu avoir découvert des gouffres dans la mer Caspienne, où les eaux de ce grand lac s'engloutissaient pour se rendre ou dans le Pont-Euxin, ou dans le golfe Persique : mais les savants envoyés par le Czar, qui nous ont procuré la véritable figure de cette mer, n'en ont pas même trouvé les apparences. On a trouvé des eaux chaudes et douces dans le gouffre de Charibde. Enfin tous les courants d'eau qu'on a découverts dans des canaux souterrains, sont dirigés vers la mer, et ne voiturent absolument que des eaux douces. Les eaux qui sortent du fond de la mer dans les golfes Arabique et Persique, sont douces. Ainsi tous les faits semblent détruire les suppositions des gouffres absorbans et vomissants.

J'observe d'ailleurs qu'en supposant la réalité de ces gouffres, leur travail souterrain est contraire aux principes de l'Hydrostatique. Ces gouffres ont été formés avec le globe : car il ne faudrait rien redouter dans le genre des suppositions, si l'on chargeait les eaux de produire de telles excavations. Je dis donc que les extrémités intérieures de ces canaux absorbans et vomissants sont inférieures au niveau du fond de la mer ; puisque le vomissant prend l'eau où l'absorbant la quitte, c'est-à-dire dans le lieu où la distillation s'opere. Or ces deux canaux ont dû d'abord être absorbans, puisque l'eau de la mer a dû s'engloutir également dans leur capacité, en vertu de la même pente.

De ce que les deux gouffres s'abouchent l'un à l'autre, leurs branches principales peuvent être considérées comme des tuyaux communiquans qui sont adaptés à un bassin commun, et remplis d'une liqueur homogène. Il est donc constant que les liquides ont dû y rester en équilibre, jusqu'à ce qu'une nouvelle cause vint le troubler ; et cette cause est l'évaporation de l'eau douce destinée à former les fontaines. Mais l'on suppose bien gratuitement que l'évaporation ne s'opère qu'à l'extrémité du gouffre absorbant. Pourquoi la chaleur souterraine qui en est la cause, n'agira-t-elle pas également à l'extrémité des branches principales de ces deux gouffres, puisqu'elles sont également exposées à son action ; car elles se réunissent l'une à l'autre, l'une reportant à la mer le résidu salin des eaux que l'autre absorbe ? S'il n'y a plus d'inégalité dans la pression, le jeu alternatif des gouffres absorbans et vomissants est entièrement déconcerté et réduit à la seule action d'absorber.

Malgré ces difficultés, nous supposerons que tout le mécanisme que nous avons décrit ait pu recevoir de l'activité par des ressources que nous ignorons dans la nature, mais qu'on imaginera ; le travail de la distillation étant une fois commencé, les canaux absorbans seront toujours pleins : à mesure que l'eau douce s'évaporera, une égale quantité d'eau salée succédera sans violence ; et de même, le gouffre vomissant rejettera insensiblement ses eaux salées. On ne doit donc pas remarquer des agitations aussi terribles à l'embouchure des conduits souterrains ; et les agitations des gouffres de la mer prouveraient trop.

A-t-on au surplus pensé à nous rassurer sur des obstacles qu'on doit craindre à chaque instant pour la circulation libre des eaux ? L'eau évaporée doit être dégagée de toute sa salure avant que de s'insinuer dans les ramifications étroites : car si elle en conserve, et qu'elle la perde en route, voilà un principe d'obstruction pour ces petits tuyaux capillaires. Comment le résidu salin est-il déterminé à se porter dans les ramifications des gouffres vomissants ? Comment l'eau devenue plus salée conserve-t-elle une fluidité assez grande pour refluer avec une célérité et une facilité qui n'interrompra pas le travail de cette circulation continuelle ? Comment l'eau divisée dans ces cavités très-étroites n'y dépose-t-elle pas des couches de sel qui les bouchent ; ou ne s'évapore-t-elle pas entièrement, de telle sorte que le sel se durcisse en masse solide : car elle est exposée à un feu capable d'agir sur des volumes d'eau plus considérables ? Pourquoi enfin toute l'eau ne se sépare-t-elle pas des sels lors de la première distillation ; de sorte que le résidu salin soit une masse solide et incapable d'être entrainée par des canaux étroits ? Combien d'inconvénients et d'embarras n'éprouvent pas ceux qui veulent compliquer leurs ressources à mesure que de nouveaux faits font naître de nouvelles difficultés ? Ces suppléments, ces secours étrangers, bien loin de soulager la faiblesse d'une hypothèse, la montrent dans un plus grand jour, et la surchargent de nouvelles suppositions, qui entraînent la ruine d'un tout mal concerté.

III. Ceux que je place dans cette troisième classe ont tellement réduit leurs prétentions d'après les faits, qu'elles paraissent être les seules de toutes celles que j'ai exposées, qui puissent trouver des partisans parmi les personnes raisonnables et instruites. Pour jeter du jour sur cette matière, ils distinguent exactement ce qui concerne l'origine des fontaines d'avec l'origine des rivières. Les fontaines proprement dites sont en très-petit nombre, et versent une quantité d'eau peu considérable dans les canaux des rivières : le sur plus vient 1°. des pluies qui coulent sur la terre sans avoir pénétré dans les premières couches ; 2°. des sources que les eaux pluviales font naître, et dont l'écoulement est visiblement assujetti aux saisons humides ; 3°. enfin des sources insensibles qui doivent être distribuées le long du lit des rivières et des ruisseaux. Perrault, quoiqu'opposé aux physiciens de cette classe, a remarqué que quand les rivières sont grosses, elles poussent dans les terres, bien loin au-delà de leurs rivages, des eaux qui redescendent ensuite quand les rivières sont plus basses ; et ce dernier observateur, qui a beaucoup travaillé à détruire les canaux souterrains, et à établir l'hypothèse des pluies, Ve même jusqu'à prétendre que les eaux des rivières extravasées remontent jusqu'au sommet des collines et des montagnes, entre les couches de terre qui aboutissent au canal des rivières, et vont former par cette ascension souterraine les réservoirs des fontaines proprement dites : c'est ce qui fait le fond de tout son système ; qu'il suffira d'avoir exposé ici.

Guglielmini, dans son traité des rivières, a distingué toutes les choses que nous venons de détailler. Il a de plus observé plus précisément que Perrault ces petites sources qui se trouvent le long des rivières, il a remarqué que si l'on creusait dans le lit des ruisseaux qui sont à sec, plusieurs trous, on y trouvait de l'eau à une petite profondeur, et que la surface de l'eau de ces trous suivait la pente des ruisseaux ; en sorte que les espèces de fontaines artificielles sont des vestiges encore subsistants des sources qui donnaient dans le temps que les ruisseaux coulaient à plein canal. On conclut de tous ces faits, que la plupart des eaux qui remplissent les canaux des rivières, proviennent des pluies ; et que les sources insensibles et passageres prises dans la totalité, ont pour principe de leur entretien les eaux pluviales, comme les observations constantes le prouvent à ceux qui examinent sans préjugés.

Mais on se retranche à dire qu'une partie de l'eau des fontaines, ou de quelques-unes des fontaines proprement dites, est élevée de la mer par des conduits souterrains. On insinue que la mer peut bien ne transmettre dans leurs réservoirs que le tiers ou le quart des eaux qu'elles versent dans les rivières. Ces physiciens se sont déterminés à un parti aussi modéré, par l'évidence des faits, et pour éviter les inconvénients que nous avons exposés ci-dessus : nous adoptons les faits qu'ils nous offrent ; mais certains inconvénients restent dans toute leur étendue : car 1°. l'obstruction des conduits souterrains par le sel est toujours à craindre, si leur capacité est proportionnée à la quantité d'eau qu'ils tirent de la mer ; un petit conduit doit être aussi-tôt bouché par une petite quantité d'eau salée qui y circule, qu'un grand canal par une grande masse : 2°. la difficulté du dessalement par les filtrations, etc. subsiste toujours. On ne peut être autorisé à recourir à ce supplément, qu'autant qu'on serait assuré, 1°. que les pluies qui produisent si manifestement de si grands effets, ne seraient pas assez abondantes pour suffire à tout : 2°. que certaines sources ne pourraient recevoir de la pluie en vertu de leur situation, une provision suffisante pour leur entretien : c'est ce que nous examinerons par la suite. Pourquoi percer à grands frais la masse du globe entier, pour conduire une aussi faible provision ? Serait-ce parce qu'on tient encore à de vieilles prétentions adoptées sans examen ?

Après l'exposition de tout ce qui concerne cette hypothèse, il se présente une réflexion à laquelle nous ne pouvons nous refuser. En faisant circuler, à force de suppositions gratuites, les eaux salées dans la masse du globe, et en tirant ces eaux d'un réservoir aussi immense que la mer, on a été séduit sans-doute par l'abondance et la continuité de la provision : mais on a perdu de vue un principe bien important : la probabilité d'une circulation libre et infaillible, telle qu'on a dû la supposer d'après l'expérience, décroit comme le nombre des pièces qui jouent pour concourir à cet effet, et comme le nombre des obstacles qui s'opposent à leur jeu. Il n'y a d'avantageux que le réservoir : mais combien peu de sûretés pour la conduite de l'eau ? Cette défectuosité paraitra encore plus sensiblement, lorsque nous aurons exposé les moyens simples et faciles de l'hypothèse des pluies. Dans le choix des plans physiques, on doit s'attacher à ceux où l'on emploie des agens sensibles et apparents dont on peut évaluer les effets et apprécier les limites, en se fondant sur des observations susceptibles de précision. N'est-on pas dans la règle, lorsqu'on part de faits, qu'on combine des faits pour en expliquer d'autres, surtout après s'être assurés que les premiers faits sont les éléments des derniers ? D'ailleurs, c'est de l'ensemble de tous les phénomènes du globe, c'est de l'appréciation de tout ce qui se rencontre en grand dans les effets surprenans qui piquent notre curiosité, qu'on doit partir pour découvrir les opérations compliquées, où la nature étale sa magnificence en cachant ses ressources ; où elle présente, il est vrai, assez d'ouvertures pour la sagacité et l'attention d'un observateur qui a l'esprit de recherche, mais assez peu de prise pour l'imagination et la legereté d'un homme à systèmes.

Il y a certaines expériences fondamentales sur lesquelles toute une question est appuyée ; il faut les faire, si l'on veut raisonner juste sur cet objet : autrement tous les raisonnements sont des spéculations en l'air. Du nombre de ces expériences principales est l'observation de la quantité de pluie qui tombe sur la terre ; et celle de la quantité d'évaporation. Delà dépend la théorie des fontaines, celle des rivières, des vapeurs, et de plusieurs autres sujets aussi curieux qu'intéressants, dont il est impossible de rien dire de positif, sans les précisions que les seuls faits peuvent donner : la plupart de ceux qui ont travaillé sur cette partie de la Physique, se sont attachés à ces déterminations fondamentales. Le P. Labbé, jésuite, tourna ses vues de ce côté-là. Wren, au commencement de l'établissement de la Société royale, pour faire ces expériences imagina une machine qui se vuidait d'elle-même lorsqu'elle était pleine d'eau, et qui marquait, par le moyen d'une aiguille, combien de fois elle se vuidait. MM. Mariotte, Perrault, de la Hire, et enfin toutes les académies et les divers physiciens, ont continué à s'assurer, suivant la diversité des climats et la différente constitution de chaque année, de la quantité d'eau pluviale. Il ne parait pas qu'on se soit attaché à mesurer avec autant d'attention celle de l'eau évaporée, ou celle de la dépense des rivières en différents endroits. Au défaut de ces déterminations locales, nous pouvons nous borner à des estimes générales, avec les restrictions qu'elles exigent.

Ces réflexions nous conduisent naturellement à l'hypothèse qui rapporte l'entretien des fontaines aux pluies. Pour établir cette opinion, et prouver que les pluies, les neiges, les brouillards, les rosées, et généralement toutes les vapeurs qui s'élèvent tant de la mer que des continens, sont les seules causes qui entretiennent les fontaines, les puits, les rivières, et toutes les eaux qui circulent dans l'atmosphère, à la surface, et dans les premières couches du globe ; toute la question se réduit à constater 1°. si les vapeurs qui s'élèvent de la mer et qui se résolvent en pluies, sont suffisantes pour fournir d'eau la superficie des continens et le lit des fleuves. 2°. si l'eau pluviale peut pénétrer les premières couches de la terre, s'y rassembler, et former des réservoirs assez abondants pour entretenir les fontaines. Toutes les circonstances qui accompagnent ce grand phénomène du commerce perpétuel de l'eau douce avec l'eau de la mer, s'expliqueront naturellement après l'établissement de ces deux points importants.

§. I. Pour mettre la première proposition dans tout son jour, il ne faut que déterminer par le calcul la quantité d'eau qui peut s'élever de la mer par évaporation, celle qui tombe en pluie, en neige, etc. et enfin celle que les rivières déchargent dans la mer : et au cas que les deux premières quantités surpassent la dernière, la question est décidée.

La quantité de vapeurs qui s'élèvent de la mer a été appréciée par M. Halley, transact. philosophiq. n°. 189. Il a trouvé par des observations assez précises, que l'eau salée au même degré que l'est ordinairement l'eau de la mer, c'est-à-dire celle qui a dissous une quantité de sel égale à la trente-deuxième partie de son poids, et exposée à un degré de chaleur égal à celle qui règne dans nos étés les plus chauds, perd par évaporation la soixantième partie d'un pouce d'eau en deux heures. Ainsi la mer perd une superficie d'un dixième de pouce en douze heures.

Nous devons observer ici que plus l'eau est profonde, plus est grande la quantité de vapeurs qui s'en éléve, toutes les autres circonstances restant les mêmes. Ce résultat établi par des expériences d'Halley, de MM. Krafft et Richmann (Mém. de Petersbourg 1749.), détruit absolument une prétention de M. Kuhn, qui soutient sans preuve que le produit de l'évaporation diminue comme la profondeur de l'eau augmente.

En nous attachant aux résultats de M. Halley, et après avoir déterminé la surface de l'Océan ou de quelques-uns de ses golfes, ou d'un grand lac comme la mer Caspienne et la mer Morte, on peut connaître combien il s'en élève de vapeurs.

Car une surface de dix pouces carrés perd tous les jours un pouce cubique d'eau, un degré carré trente-trois millions de tonnes. En faisant toutes les réductions des irrégularités du bassin de la mer Méditerranée, ce golfe a environ quarante degrés de longueur sur quatre de largeur, et son étendue superficielle est de cent soixante degrés carrés ; par conséquent toute la Méditerranée, suivant la proportion ci-devant établie, doit perdre en vapeurs pour le moins 5, 280, 000, 000 tonnes d'eau en douze heures dans un beau jour d'été.

A l'égard de l'évaporation des vents qui peut entrer pour beaucoup dans l'élévation des vapeurs et leur transport, il n'y a rien de fixe ; et nous pécherons plutôt par défaut que par excès, en ne comprenant point ces produits dans notre évaluation.

En donnant à la mer Caspienne trois cent lieues de longueur et cinquante lieues de largeur, toute sa superficie sera de quinze mille lieues carrées à vingt-cinq au degré, et par conséquent de vingt-quatre degrés carrés. On aura sept cent quatre-vingt-douze millions de tonnes d'eau qui s'évaporent par jour de toute la surface de la mer Caspienne. Le lac Aral qui a cent lieues de longueur sur cinquante de largeur, ou huit degrés carrés, perd deux cent soixante-quatre millions de tonnes d'eau. La mer Morte en Judée qui a 72 milles de long sur 18 milles de large, doit perdre tous les jours près de neuf millions de tonnes d'eau.

La plupart des lacs n'ont presque d'autres voies que l'évaporation pour rendre l'eau que des rivières très-considérables y versent : tels sont le lac de Morago en Perse, celui de Titicaca en Amérique, tous ceux de l'Afrique qui reçoivent les rivières de la Barbarie qui se dirigent au sud. Voyez LAC.

Pour avoir une idée de la masse immense du produit de l'évaporation qui s'opère sur toute la mer, nous supposerons la moitié du globe couverte par la mer, et l'autre partie occupée par les continents et les îles ; la surface de la terre étant de 171, 981, 012 milles carrés d'Italie, à 60 au degré, la surface de la mer sera de 85990506 milles carrés, ce qui donnera 47, 019, 786, 000, 000 de tonnes d'eau par jour.

En comparant maintenant cette quantité d'eau avec celle que les fleuves y portent chaque jour, on pourra voir quelle proportion il y a entre le produit de l'évaporation et la quantité d'eau qui rentre dans le bassin de la mer par les fleuves. Pour y parvenir nous nous attacherons au Pô, dont nous avons des détails assurés. Ce fleuve arrose un pays de 380 milles de longueur ; sa largeur est de cent perches de Boulogne ou de mille pieds, et sa profondeur de 10 pieds. (Ricciol. Géographie réformat. page...) Il parcourt quatre milles en une heure, et il fournit à la mer vingt mille perches cubiques d'eau en une heure, ou 4800000 en un jour. Mais un mille cubique contient 125000, 000 perches cubiques ; ainsi le Pô décharge en vingt-six jours un mille cubique d'eau dans la mer.

Resterait à déterminer quelle proportion il y a entre le Pô et toutes les rivières du globe, ce qui est impossible : mais pour le savoir à-peu-près, supposons que la quantité d'eau portée à la mer par les grandes rivières de tous les pays, soit proportionnelle à l'étendue et à la surface de ces pays ; ce qui est très-vraisemblable, puisque les plus grands fleuves sont ceux qui parcourent une plus grande étendue de terrain : ainsi le pays arrosé par le Pô et par les rivières qui y tombent de chaque côté, viennent des sources ou des torrents qui se ramifient à 60 milles de distance du canal principal. Ainsi ce fleuve et les rivières qu'il reçoit arrosent ou plutôt épuisent l'eau d'une surface de 380 milles de long sur 120 milles de large ; ce qui forme en tout 45, 600 milles carrés. Mais la surface de toute la partie seche du globe est, suivant que nous l'avons supposé, de 85990506 milles carrés ; par conséquent la quantité d'eau que toutes les rivières portent à la mer sera 1874 fois plus considérable que la quantité d'eau fournie par le Pô. Or ce fleuve porte à la mer 4800, 000 perches cubiques d'eau ; la mer recevra donc de tous les fleuves de la terre 89, 952, 00000 perches cubiques dans le même temps : ce qui est bien moins considérable que l'évaporation que nous avons déduite de l'expérience. Car il résulte de ce calcul que la quantité d'eau enlevée par évaporation de dessus la surface de la mer, et transportée par les vents sur la terre, est d'environ 245 lignes ou de vingt pouces cinq lignes par an, et des deux tiers d'une ligne par jour ; ce qui est un très-petit produit en comparaison d'un dixième de pouce que l'expérience nous donne. On voit bien qu'on peut la doubler pour tenir compte de l'eau qui retombe sur la mer, et qui n'est pas transportée sur les continents, ou bien de celle qui s'élève en vapeurs de dessus la surface des continents, pour retomber en pluie dans la mer. Toutes ces raisons de compensation mettront entre la quantité d'eau que la mer perd par évaporation, et celle qui lui rentre par les fleuves, une juste proportion. Histoire naturelle tome I.

Si nous faisons l'application de ces calculs à quelques golfes particuliers, on peut approcher encore plus de cette égalité de pertes et de retours : la Méditerranée, par exemple, reçoit neuf rivières considérables, l'Ebre, le Rhône, le Tibre, le Pô, le Danube, le Niester, le Boristhène, le Don, et le Nil. Nous supposerons, après M. Halley, chacune de ces rivières dix fois plus forte que la Tamise, afin de compenser tous les petits canaux qui se rendent dans le bassin de ce golfe : or la Tamise au pont de Kingston, où la marée monte rarement, a cent aulnes de large et trois aulnes de profondeur ; ses eaux parcourent deux milles par heure : si donc on multiplie cent aulnes par trois, et le produit trois cent aulnes carrées par quarante-huit milles, ou 84480 aulnes carrées que la Tamise parcourt en un jour, le produit sera de 25344000 aulnes cubiques d'eau, ou 203 00000 tonnes que la Tamise verse dans la mer. Mais si chacune des neuf rivières fournit dix fois autant d'eau que la Tamise, chacune d'elles portera donc tous les jours dans la Méditerranée deux cent trois millions de tonnes par jour. Or cette quantité ne fait guère plus que le tiers de ce qu'elle en perd par l'évaporation. Bien loin de déborder par l'eau des rivières qui s'y déchargent, ou d'avoir besoin de canaux souterrains qui en absorbent les eaux, cette mer serait bientôt à sec, si les vapeurs qui s'en exhalent n'y retombaient en grande partie par le moyen des pluies et des rosées.

Comme la mer Noire reçoit elle seule presqu'autant d'eau que la Méditerranée, elle ne peut contenir toute la quantité d'eau que les fleuves y versent ; elle en décharge le surplus dans la mer de Grèce, par les détroits de Constantinople et des Dardanelles. Il y a aussi un semblable courant dans le détroit de Gibraltar ; ce qui compense aussi en bonne partie ce que l'évaporation enlève de plus que le produit des fleuves. Comme la mer Noire perd insensiblement plus d'eau salée qu'elle n'en reçoit, en supposant que les fleuves y en portent une certaine masse, cette déperdition successive doit diminuer la salure de la mer Noire, à moins qu'elle ne répare cette perte en dissolvant quelques mines de sel.

Il est aisé de faire voir que les grands lacs, comme la mer Caspienne et le lac Aral, ne reçoivent pas plus d'eau qu'il ne s'en évapore de dessus leur surface. Nulle nécessité d'ouvrir des canaux souterrains de communication avec le golfe Persique. Le Jourdain fournit à la mer Morte environ six millions de tonnes d'eau par jour ; elle en perd neuf par évaporation ; les trois millions de surplus peuvent lui être aisément restitués par les torrents qui s'y précipitent des montagnes de Moab et autres qui environnent son bassin, et par les vapeurs et les pluies qui y retombent.

Il est donc prouvé par tous ces détails, que l'Océan et ses différents golfes, ainsi que les grands lacs, perdent par évaporation une plus grande quantité d'eau que les fleuves et les rivières n'en déchargent dans ces grands bassins ; maintenant il ne nous reste qu'à fortifier cette preuve, en comparant ce qui tombe de pluie sur la terre avec les produits de l'évaporation et avec la dépense des fleuves.

Il résulte des observations faites par l'académie des Sciences pendant une suite d'années considérable, que la quantité moyenne de la pluie qui tombe à Paris est de dix-huit à dix-neuf pouces de hauteur chaque année. La quantité est plus considérable en Hollande et le long des bords de la mer ; et en Italie elle peut aller à quarante-cinq pouces. Nous réduisons la totalité à trente pouces, ce qui se trouve excéder la détermination de la dépense des fleuves, que nous avons déduite ci-devant d'une évaluation assez grossière. Mais nous remarquerons qu'il tombe beaucoup plus de pluie qu'il n'en entre dans les canaux des rivières et des fleuves, et qu'il ne s'en rassemble dans le réservoir des sources, parce que l'évaporation agit sur la surface des terres, et enlève une quantité d'eau assez considérable qui retombe le plus souvent en rosées, ou qui entre dans la dépense des végétaux.

Pour grossir cette dépense des végétaux, on allegue une expérience de M. de la Hire (Mém. de l'Académ. ann. 1703. page 69.) par laquelle il parait constant que deux feuilles de figuier de moyenne grandeur absorbèrent deux gros d'eau depuis cinq heures et demie du matin jusqu'à onze heures du matin ; on objecte de même les expériences de Halles, qui présentent des résultats capables d'appuyer les mêmes inductions.

Mais j'observe d'abord que l'imbibition de ces expériences est forcée, et ne se trouve pas à ce degré dans le cours ordinaire de la végétation. D'ailleurs, s'il parait par des expériences de M. Guettard, ann. 1752. que les feuilles des végétaux ne tirent pas pendant la chaleur les vapeurs de l'atmosphère, ou que les végétaux peuvent subsister sans ce secours ; tout se réduira donc à considérer la dépense que les végétaux font de la pluie, comme une espèce d'évaporation, puisque tout ce qui entre dans la circulation est fourni par les racines. Ainsi l'on doit entendre que les végétaux tirent de la terre plus ou moins humide par leurs racines, de l'eau qui s'évapore pendant le jour par les pores des feuilles.

Cette dépense est considérable, mais il ne faut pas en abuser pour en conclure l'insuffisance des pluies ; car quand un terrain est couvert de plantes, il ne s'évapore que très-peu d'eau immédiatement du fond de la terre ; tout s'opère par les végétaux : d'ailleurs cette évaporation ne dure qu'une petite partie de l'année, et dans un temps où les pluies sont plus abondantes. Au surplus, il pleut davantage sur les endroits couverts de végétaux, comme de forêts ; ainsi ce que les végétaux évaporeraient de plus que ce qui s'élève de la terre immédiatement, peut leur être fourni par les pluies plus abondantes : le surplus sera donc employé à l'entretien des sources, à-peu près comme dans les autres cantons nuds.

Tous les observateurs ont remarqué que l'eau évaporée dans un vase était plus considérable que l'eau pluviale, et cela dans le rapport de 5 à 3. Si la surface de la terre était par-tout unie, sans montagne et sans vallons, et que la pluie demeurât au même endroit où elle tombe, la surface de la terre serait seche une grande partie de l'année, au moins à Paris : mais parce que cette surface est inégale, une partie de l'eau s'imbibe dans les terres, comme nous le verrons par la suite, et s'y conserve sans s'évaporer ; l'autre partie se rassemble dans les lieux bas, où étant fort haute, et n'ayant que peu de surface par rapport à son volume, elle n'éprouve qu'une évaporation peu sensible. Cette distribution des eaux fait que la somme de la pluie, quoiqu'inférieure à l'évaporation possible, fournit aisément au cours perpétuel des fontaines. D'un autre côté, les lieux élevés moins imbibés d'eau, ramassent les rosées, les brouillards, etc.

En second lieu, si nous comparons la quantité de l'eau pluviale avec celle qui est nécessaire pour fournir le lit des rivières, nous trouverons que l'eau pluviale est plus que suffisante pour perpétuer le cours des fontaines et des eaux qui circulent sur la surface des continens. M. Perrault (voyez p. 198. de l'origine des fontaines) est le premier qui ait pensé à recourir à cette preuve de fait capable d'imposer silence à ceux qui ne veulent qu'imaginer pour se dispenser d'ouvrir les yeux sur les détails qu'offre la nature. Il établit pour principe, qu'un pouce d'eau douce donne en vingt-quatre heures 83 muids d'eau à 240 pintes par muid ; ou ce qui est la même chose, huit pieds cubes d'eau ; il se restreint à dix-neuf pouces un tiers pour la quantité moyenne de pluie qui tombe aux environs de Paris. D'après ces principes, il a évalué la quantité d'eau que la Seine charrie depuis sa source jusqu'à Arnay-le-Duc ; et il donne trois lieues de long sur deux lieues de large, à la surface du terrain qui peut décharger dans le canal de la Seine les eaux que la pluie peut verser. Si sur cette étendue de six lieues carrées, qui font un million 245144 taises carrées, il est tombé dix-neuf pouces un tiers de pluie, ce sera une lame d'eau de dix-neuf pouces un tiers qui recouvrira tout le terrain ; en supposant que toute cette eau y soit retenue, sans pouvoir s'écouler. Si on en calcule le total, on trouvera que cette grande quantité d'eau monte à deux cent vingt-quatre millions 899942 muids, qui peuvent se jeter dans le canal de la Seine, au-dessus d'Arnay-le-Duc, pendant l'année, en retranchant ce qui est enlevé par évaporation. M. Perrault s'est assuré ensuite que le canal de la Seine ne contenait que douze cent pouces d'eau courante, qui produisent, suivant ses principes, 36 millions 453600 muids d'eau pendant un an ; laquelle somme étant soustraite de 224 millions 899942 muids, produit total de la pluie, donne pour reste 188 millions 446342 muids : en sorte que la Seine ne dépense pas la sixième partie de l'eau qui arrose le terrain qu'elle parcourt.

A ce calcul Plot oppose le produit des sources de Willow-Bridge, qui est de 33 millions 901848 muids ; pendant que le terrain qui pourrait rassembler les eaux de pluie dans les réservoirs de ces sources, ne donne sur le pied de 19 pouces un tiers, que 29 millions 89994 muids, ce qui fait 4 millions 811854 muids de moins que la quantité produite par les sources ; sans y comprendre ce que l'évaporation, les torrents, et les plantes peuvent soustraire aux réservoirs des sources. Nous répondrons que dans certains endroits de l'Angleterre, suivant des observations faites avec précision, il tombe jusqu'à quarante pouces d'eau. Suivant Derham, il tombe 42 pieds de pluie dans la province de Lancastre. Halles a trouvé 3 pouces de rosée et 22 pouces de pluie ; ce qui fait 25 pouces. Statiq. des vég. exp. 19.

Il ne parait pas que Plot, qui a disserté si longuement sur les fontaines, ait fait aucune observation sur le produit des pluies à Willow-Bridge ; ni qu'il se soit assuré de la plus grande étendue des couches qui pouvaient verser de l'eau dans leur réservoir.

M. Mariotte, en suivant le plan de M. Perrault, a embrassé par ses calculs une plus grande étendue de terrain ; il a trouvé, en estimant le produit de la pluie à 15 pouces, qu'il formait en un an sur toute la superficie que traversent l'Armanson, l'Yonne, le Loin, l'Aube, la Marne, et les autres rivières qui grossissent la Seine, une masse de 714 milliards 150 millions de pieds cubes. Le total eut été d'un quart plus fort, s'il eut fait l'évaluation sur le pied de vingt pouces. Ensuite M. Mariotte ayant mesuré la quantité de l'eau de la Seine qui passe sous le pont-royal, il la trouva seulement de douze millions de pieds cubes par heure, c'est-à-dire, de 5 milliards 120 millions de pieds cubes par an. L'eau pluviale se trouve être sextuple de la dépense de la Seine ; proportion déjà trouvée à-peu-près par Perrault, au-dessus d'Arnay-le-Duc.

Je ne dois pas dissimuler ici que M. Gualtieri a trouvé des rapports bien différents, en comparant l'eau de pluie qu'il suppose tomber en Italie, avec la quantité que les fleuves et tous les canaux portent à la mer. Il réduit toute la surface de l'Italie en un parallélogramme rectangle, dont la longueur est de 600 milles et la largeur de 120 : ensuite il trouve deux trillions sept cent billions de pieds cubes d'eau pour le produit de la pluie évaluée sur le pied de 18 à 19 pouces ; évaluation trop peu considérable pour l'Italie : car, suivant des observations faites avec soin pendant dix ans par M. Poleni, à Padoue, il parait que la quantité moyenne de la pluie dans cette partie de l'Italie, est de 45 pouces, et 43 pouces un quart à Pise ; il est vrai qu'il n'en tombe que dix-sept à Rome : mais en se restraignant à 40 pouces, on trouve un résultat fort approchant de la quantité d'eau que portent dans la mer toutes les rivières de l'Italie pendant un an, suivant des déterminations trop vagues ou trop visiblement forcées pour être opposées à celles de Mariotte : car M. Gualtieri, pour déterminer la quantité d'eau que toutes les rivières de l'Italie portent à la mer pendant un an, la suppose, sans aucun fondement, égale à celle que verserait un canal de 1250 pieds de largeur, et de 15 pieds de profondeur, qu'il trouve de 5522 391 000 000 000 pieds cubes ; ce qui fait 2 trillions 822 billions 391 millions de plus que n'en peut fournir la pluie.

Il en est de même du calcul de M. Gualtieri sur la comparaison de la quantité d'eau évaporée de dessus la surface de la Méditerranée, avec celle que les fleuves y portent : nous croyons qu'il n'ébranle point celui que nous avons donné plus haut, ses appréciations étant dirigées sur les prétentions d'un système pour la défense duquel nous l'avons Ve figurer assez faiblement.

Après la discussion dans laquelle nous venons d'entrer, on peut puiser de nouveaux motifs qui en appuyent les résultats, dans la considération générale de la distribution des sources et de la circulation des vapeurs sur le globe. Voyez SOURCE, VAPEURS, PLUIE, ROSEE, FLEUVE. On trouve que ces deux objets sont liés comme les causes le sont aux effets.

Nous observerons ici qu'il y a une très-grande différence entre les estimes de Riccioli sur la quantité d'eau que le Pô décharge dans la mer ; et celles de MM. Perrault et Mariotte par rapport à la Seine. Le terrain qui verse ses eaux dans le Pô doit lui en fournir à raison de 20 pouces et demi de hauteur ; et suivant les déterminations de Perrault, le terrain qui environne le canal de la Seine au-dessus d'Arnay-le-Duc, lui en fournit seulement trois pouces trois quarts ce qui est la sixième partie de dix-neuf pouces quelques lignes à quoi on évalue le produit moyen de la pluie aux environs de Paris ; et le terrain qui décharge ses eaux dans la Seine au-dessus de Paris, n'en fournit, suivant Mariotte, qu'à raison de deux pouces et demi de hauteur. En prenant un milieu entre les deux estimes de Perrault et de Mariotte, la quantité d'eau que la Seine recevrait de tous les pays qui épanchent leurs eaux dans son canal, se réduirait à une couche de trois pouces d'épaisseur. Or cette quantité n'est que la septième partie ou environ, de celle que reçoit le Pô au terrain qu'il parcourt. Le Piémont parait, il est vrai, plus abondant en eau que la Bourgogne et la Champagne ; et d'ailleurs étant couvert de neiges pendant plusieurs mois de l'année, il y a moins d'évaporation : cependant il semble que l'estime de Riccioli est trop forte ; et Guglielmini l'insinue assez clairement.

Cette discussion nous donne lieu de remarquer que quelque probabilité que les résultats locaux puissent avoir, on ne doit pas s'en appuyer pour en tirer des conséquences générales. On ne peut être autorisé par les déterminations de MM. Mariotte et Perrault à conclure, par exemple, qu'il n'entre dans le canal des rivières que la sixième partie de l'eau des pluies : car, suivant celles de Riccioli sur le Pô, on trouverait que les rivières entraîneraient tout le produit des eaux pluviales, en l'estimant à vingt pouces : plusieurs raisons peuvent contribuer à ces variations. Il tombe une plus grande quantité d'eau dans un pays que dans un autre : les canaux qui rassemblent les eaux peuvent les réunir plus favorablement. Une surface, quoique peu étendue, se trouve coupée par des ruisseaux fort multipliés ; dans d'autres, les canaux sont plus au large ; et suivant qu'on opérera sur un terrain, ou sur un autre, on en tirera des conclusions plus ou moins défavorables au système des pluies.

On pourra conclure quelque chose de plus certain et de plus décisif pour les inductions générales, si au lieu d'un terrain arbitraire que l'on suppose fournir de l'eau à une rivière, on s'attachait à un pays pris en totalité, comme à l'Angleterre, à l'Italie. Mais alors si la variété des terrains se fait moins sentir, il y a plus de difficulté d'apprécier d'une vue générale et vague, comme M. Gualtieri, la masse totale que les rivières charrient dans la mer. On ne peut tirer parti de ces généralisations, qu'autant qu'on a multiplié les observations dans un très-grand nombre d'endroits particuliers, sur le produit de la pluie et la quantité d'eau que les rivières charrient : en sorte que ces observations scrupuleuses sont les éléments naturels d'un calcul général, qui se trouve assujetti à des limites précises.

Si l'on prouve constamment que ce que chaque pays verse dans une rivière peut lui être fourni par la pluie, outre ce qui circule dans l'atmosphère en vapeurs, on sera en état de tirer des conclusions générales. Ainsi MM. Perrault et Mariotte ont travaillé sur un bon plan ; et il doit être suivi, quoi qu'en dise M. Sedileau, t. X. mém. de l'acad. ann. 1699.

Au reste, les calculs généraux que nous avons donnés, d'après M. Halley, tout incertains qu'ils sont, portent sur des observations fondamentales, et doivent satisfaire davantage que la simple négative de ceux qui décident généralement que les pluies sont insuffisantes pour l'entretien des fontaines et des rivières. J'avoue cependant que ceux qui réduiraient le produit des canaux souterrains à un vingtième ou à un dixième du produit des rivières, ne pourraient être convaincus par les déterminations que nous avons données, puisqu'elles ne vont pas à ce degré de précision. Mais il est d'autres preuves qui doivent les faire renoncer à un moyen aussi caché que la distillation souterraine, dont le produit est si incertain, pour s'attacher à des opérations aussi évidentes que celles des pluies, et dont les effets sont si étendus et peuvent se déterminer de plus en plus avec précision.

Nous avons Ve plus haut que ceux qui se restraignaient à dire que les canaux souterrains fournissaient seulement à une petite partie des sources, alléguaient quelques observations pour se maintenir dans leurs retranchements. Ainsi M. de la Hire prétend, (mém. de l'acad. ann. 1703.) que la source de Rungis près Paris, ne peut venir des pluies : cette source fournit 50 pouces d'eau ou environ, qui coule toujours, et qui souffre peu de changements : or selon cet académicien, tout l'espace de terre dont elle peut tirer ses eaux, n'est pas assez grand pour fournir à ces écoulements. M. Gualtieri objecte de même que les sources du Modenais ne peuvent tirer assez d'eau des montagnes de S. Pélerin. Guglielmini assure qu'il y a plusieurs sources dans la Valteline, etc. qui ne peuvent provenir des eaux pluviales. Mais comme tous ces physiciens n'alleguent aucun fait précis, et ne donnent que des assertions très-vagues, nous croyons devoir nous en tenir à des déterminations plus précises. Qu'on compare exactement l'eau de pluie, le produit d'une fontaine, et l'espace de terrain qui y peut verser ses eaux ; et alors on pourra compter sur ces résultats.

Voilà les seules objections qu'on puisse adopter. Par ce qu'on a déjà fait dans ce genre, on peut présumer que l'eau de pluie ne se trouvera jamais au-dessous du produit d'une fontaine quelconque.

§. II. Il nous reste à établir la pénétration de l'eau pluviale dans les premières couches de la terre. Je conviens d'abord qu'en général les terres cultivées ou incultes, les terrains plats et montueux, ne s'imbibent d'eau ordinairement qu'à la profondeur de deux pieds. On observe aussi la même impénétrabilité sous les lacs ou sous les étangs dont l'eau ne diminue guère que par évaporation.

Mais cependant quelque parti que l'on prenne sur cette matière, on est forcé par des faits incontestables d'admettre cette pénétration. Car les pluies augmentent assez rapidement le produit des sources, leurs eaux grossissent et se troublent ; et leur cours se soutient dans une certaine abondance après les pluies. Ainsi il faut avouer que l'eau trouve des issues assez favorables pour qu'elle parvienne à une profondeur égale à celle des réservoirs de ces sources : ce qui établit incontestablement une pénétration de l'eau de pluie capable d'entretenir le cours-perpétuel ou passager de toutes les fontaines, si la quantité d'eau pluviale est suffisante, comme nous l'avons prouvé d'après les observations. Combien de fontaines qui coulent en Mai et tarissent en Septembre au pied de ces montagnes couvertes de neiges ? Certains amas de neiges se fondent en été, quand le Soleil darde dessus ses rayons ; et on remarque alors sur les croupes des écoulements abondants dans certaines sources pendant quelques heures du jour ; et même à plusieurs reprises, si le Soleil ne donne sur ces neiges qu'à quelques heures différentes de la journée. Le reste du temps, ces neiges étant à l'ombre des pointes de rochers qui interceptent la chaleur du Soleil, elles ne fondent point : ces alternatives prouvent une pénétration prompte et facile. Combien de puits très-profonds tarissent ou diminuent par la sécheresse ? Les eaux de pluies pénétrent donc les terres assez profondément pour les abreuver ; et il ne parait pas que les fontaines qui tarissent, ou qui soient sensibles à la sécheresse et aux pluies, aient un réservoir moins profond, ou un cours moins abondant que celles qui coulent perpétuellement sans altération.

J'ai été longtemps à portée d'observer ces effets d'une manière sensible dans une fontaine très-abondante située à Soulaines, au nord de Bar-sur-Aube, et à trois lieues de cette ville. Suivant des déterminations qui sont susceptibles d'une très-grande justesse, cette source jette par minute, dans les basses eaux, 1550 pieds cubes, et dans les grandes eaux, ou ses accès d'augmentation, 5814. Cette fontaine sort d'une roche entr'ouverte, et dont l'ouverture est dans une situation horizontale. Le fond où elle est placée est l'extrémité d'une gorge formée par deux revers de collines, qui à deux lieues au-dessus vers le midi, vont se réunir à quelques montagnes d'une moyenne grandeur. Cette disposition forme un cul de sac, et leur aspect présente une espèce d'amphithéâtre dont la pente est favorable à l'écoulement des eaux, et les dirige toutes vers le bourg au milieu duquel la source est placée. C'est une observation constante, que s'il pleut dans l'étendue de cet amphithéâtre, à la distance d'une ou de deux lieues et demie, la source augmente, et acquiert une impétuosité qui lui fait franchir les bords d'un bassin en maçonnerie qui a 82 pieds de longueur 63 de largeur, sur 10 d'élévation au-dessus du sol de la place où cette cage de pierre est construite. L'eau devient trouble, et prend une teinture d'une terre jaune, que les torrents entraînent dans son réservoir ; et cette couleur se soutient pendant plusieurs jours, suivant l'abondance ou la continuité de la pluie : ces effets sont des signes certains pour les habitants du bourg, qu'il y a eu quelques orages entre Bar-sur-Aube et le bourg, supposé qu'ils n'en aient pas eu connaissance autrement. La teinture jaune s'annonce dans la source trois ou quatre heures après la chute de la pluie. Nous observerons que cette source, malgré cette dépendance si marquée qu'elle a avec les pluies, n'a jamais éprouvé d'interruption dans les plus grandes sécheresses ; et les autres sources voisines présentent le même changement de couleur après les pluies, et surtout après les pluies d'orages.

Les observations de M. de la Hire faites pendant 17 ans, prouvent que l'eau de pluie ne peut pas pénétrer à 16 pouces en assez grande quantité pour former le plus petit amas d'eau sur un fond solide. (ann. 1703. mém. de l'acad.) Mais ces expériences ne sont pas contraires à la pénétration de la pluie ; puisqu'au même endroit où cet académicien les a faites, (à l'Observatoire), il y a dans les caves, à une profondeur considérable, un petit filet d'eau qui tarit pendant la grande sécheresse, et qui tire par conséquent ses eaux des pluies qui doivent pénétrer au-travers de l'épaisseur de la masse de terre et de pierres qui est au-dessus des caves. On peut voir le détail des observations de M. Pluche, sur la manière dont l'eau pluviale pénètre dans les premières couches de la montagne de Laon, et fournit à l'entretien des puits et des fontaines ; tome III. du spectacle de la nature.

De tous ces détails nous concluons, qu'on doit partir de la pénétration de l'eau pluviale, comme d'un fait avéré, quand même on ne pourrait en trouver le dénouement : mais il s'en faut bien que nous en soyons réduits à cette impossibilité. La surface du globe me parait être organisée d'une manière très-favorable à cette pénétration. Dans le corps de la terre nous trouvons des couches de terre glaise, des fonds de tuf, et des lits de roches d'une étendue de plusieurs lieues : ces couches sont surtout parallèles entr'elles, malgré leurs différentes sinuosités ; ces lits recouvrent les collines, s'abaissent sous les vallons, et se portent sur le sommet des montagnes ; et leur continuité se propage au loin par la multiplicité de plusieurs lits qui se succedent dans les différentes parties des continens. Tout le globe en général est recouvert à sa surface de plusieurs lits de terre ou de pierre, qui en vertu de leur parallélisme exact, font l'office de siphons propres à rassembler l'eau, à la transmettre aux réservoirs des fontaines, et à la laisser échapper au-dehors.

Il faut surtout observer que ces couches éprouvent plusieurs interruptions, plusieurs crevasses dans leurs sinuosités ; et que ces prétendues défectuosités sont des ouvertures favorables que les eaux pluviales saisissent pour s'insinuer entre ces couches : on remarque ordinairement ces espèces d'éboulements sur les penchants des vallons ou sur la croupe des montagnes. Ensorte que les différents plans inclinés des masses montueuses ne sont que des déversoirs qui déterminent l'eau à se précipiter dans les ouvertures sans lesquelles la pénétration ne pourrait avoir lieu : car j'avoue que l'eau de la pluie ne peut traverser les couches de la terre suivant leur épaisseur ; mais elle s'insinue entr'elles suivant leur longueur, comme dans la capacité cylindrique d'un aqueduc naturel. Parmi les interruptions favorables et très-fréquentes, on peut compter les fentes perpendiculaires que l'on remarque non-seulement dans les rochers, mais encore dans les argilles ; V. FENTES PERPENDICULAIRES. Ces couches étant fendues de distance en distance, les pluies peuvent s'y insinuer, augmenter la capacité des fentes, et s'ouvrir vers les côtés des passages qui procurent leur écoulement : elles pénètrent même le tissu serré de la pierre, criblent les lits, imbibent, dissolvent les matières poreuses, et forment différents dépôts, et des crystallisations singulières dans le sein des rochers ou aux voutes des cavernes.

Ainsi la pluie qui tombe sur le rocher de la Sainte-Baulme en Provence, pénètre en très-peu d'heures à 67 taises au-dessous de la superficie du rocher par les fentes, et y forme une très-belle citerne, qui fournirait à un écoulement, si la citerne pouvait couler par-dessus ses bords. Mém. de l'académie, année 1703.

Les sommets élevés des montagnes principales, les croupes de celles qui sont adossées à la masse des premières, présentent plus que tout le reste du globe, des surfaces favorables à la pénétration des eaux. Les Alpes, les Pyrénées offrent à chaque pas des couches interrompues, des débris de roches entr'ouvertes, des lits de terre coupés à-plomb ; en sorte que les eaux des pluies, les brouillards, les rosées, se filtrent aisément par toutes ces issues, et forment des bassins, ou se portent dans toute l'étendue des couches ; jusqu'à-ce qu'une ouverture favorable verse cette eau. Ainsi les sources ne seront proprement que les extrémités d'un aqueduc naturel formé par les faces de deux couches ou lits de terre. Si ces couches sont plus intérieures, et qu'elles aillent aboutir au-dessous du niveau des plaines, en suivant les montagnes adossées aux principales, comme dans la plaine de Modene, elles forment des nappes d'eau qui entretiennent les puits, ou des sources qui s'échappent au milieu des pays plats. Comme ces couches s'étendent quelquefois jusques sous les eaux de la mer, en s'abaissant insensiblement pour former son bassin ; elles y voiturent des eaux douces qui entretiennent des puits sur ses bords, ou des sources qui jaillissent sous l'eau salée, comme dans la mer Rouge, dans le golfe Persique, et ailleurs.

Linschot rapporte que dans la mer Rouge, près de l'île de Bareyn, des plongeurs puisent de l'eau douce à la profondeur de 4 à 5 brasses ; de même aux environs de l'île de Baharan dans le golfe Persique, on prend de l'eau douce au fond. Les hommes se plongent avec des vases bouchés, et les débouchent au fond ; et lorsqu'ils sont remontés, ils ont de l'eau douce, (Gemelli Carreri, tome II. p. 473.) Le fond de la mer laissé à sec près de Naples, lors des éruptions du Vésuve, a laissé voir une infinité de petites sources jaillissantes ; et le plongeur qui alla dans le gouffre de Charibde, a prétendu avoir trouvé de l'eau douce. De même, en creusant les puits sur le rivage de la mer, les sources y apportent l'eau, non du côté de la mer, mais du côté de la terre ; ce qui se voit aux Bermudes.

César, dans le siège d'Alexandrie, ayant fait creuser des puits sur le bord de la mer, ils se remplirent d'eau douce. Histoire Pans. comment. cap. IXe

Cette correspondance des couches s'est fait sentir à une très-grande distance. M. Perrault rapporte (traité de l'origine des fontaines, p. 271.) un fait très-propre à en convaincre. Il y avait deux sources dans un pré, éloignées l'une de l'autre d'environ cent taises. Comme on voulait conduire leurs eaux dans un canal au bas d'un pré, on fit une tranchée pour recevoir l'eau d'une des deux sources, et la contenir : mais à peine l'eau de cette source fut arrêtée, qu'on vint avertir que l'autre source inférieure à la première était à sec : on rétablit les choses dans le premier état, et l'eau reparut à cette source. Enfin on remarqua ces effets plusieurs fois ; et l'eau de la source inférieure était aussi régulièrement assujettie à l'état de la source supérieure, que si elle s'y fût rendue par un tuyau de conduit fait exprès : de même, il y a des communications aussi sensibles des montagnes entr'elles.

Les eaux des vallons ou des plaines s'élèvent ordinairement par un canal naturel, et franchissent des collines et des montagnes assez élevées, si une des jambes du siphon renversé, dont la courbure est dans les vallons qui séparent les montagnes, se trouve adossée le long d'une croupe plus élevée que les autres, et qui fournisse des eaux en assez grande abondance pour donner une impulsion successive aux eaux qui remplissent les couches courbées en siphon. La fontaine entretenue par ce mécanisme, paraitra sur les revers de quelques collines où les couches souffriront interruption.

On conçoit ainsi que les réservoirs des fontaines ne sont pas toujours des amas d'eaux rassemblées dans une caverne dont la capacité serait immense, Ve la grande dépense de certaines sources. Il serait à craindre que ces eaux forçant leurs cloisons, ne s'échappassent au-dehors par des inondations subites, comme cela est arrivé dans les Pyrénées en 1678. Voyez INONDATION. L'eau d'ailleurs se trouvant distribuée le long de certaines couches propres à la contenir, coulant en conséquence d'une impulsion douce qui en ménage la sortie, et en vertu de l'étendue des branches de ces aqueducs qui recueillent les eaux, il n'est pas difficîle de concevoir comment certaines sources peuvent en verser une si grande quantité ; et cette distribution qui demande quelque temps pour s'exécuter, contribue à la continuité de l'écoulement des rivières.

Ces canaux souterrains sont d'une certaine résistance, et des eaux peuvent se faire sentir contre leurs parois avec une force capable d'y produire des crevasses. On doit surtout ménager leur effort ; car souvent par des imprudences on force les canaux dans des endroits faibles, en retenant les eaux des fontaines ; et ces interruptions en ouvrant un passage à l'eau, diminuent d'autant la principale fontaine vers laquelle ce petit canal entr'ouvert portait ses eaux, ou souvent font disparaitre une source entière. Ces effets doivent rendre circonspects ceux qui sont chargés de la conduite des eaux. On en a Ve des exemples en plusieurs endroits. Je puis en citer un fort remarquable. La fontaine de Soulaines dont j'ai parlé ci-devant, dépose dans son bassin des terres fort compactes qui la teignent d'une couleur jaunes, après les pluies abondantes. Lorsque la masse des dépôts est considérable, on vide le bassin. Pour expédier cette besogne, les ouvriers imaginèrent de jeter ces terres grasses dans l'ouverture de la source, au lieu de les jeter au-dehors ; il s'y fit une obstruction si complete , que l'eau refoulée dans son aqueduc naturel souleva à cent pas au-dessus une roche fort épaisse, et s'extravasa par cette ouverture en laissant le bassin de la fontaine à sec. On n'a pu l'y faire rentrer qu'en couvrant d'une masse de maçonnerie cette large ouverture, et laissant un puits d'environ 15 pieds de diamètre, dont on a élevé les bords au-dessus des murs de la fontaine. Malgré cette précaution, l'eau sort par ce puits, et entre-ouvre la maçonnerie qui menace ruine dans les grandes eaux. Ces effets sont une suite du parti que l'on a pris d'élever l'eau dans le bassin de la fontaine, pour le service des moulins qui sont construits sur un côté de son bassin ; ce qui tient la source dans un état forcé.

De toute cette doctrine, nous tirerons quelques conséquences que l'expérience confirme.

1°. Ce n'est point en traversant l'épaisseur des couches de la terre et en les imbibant totalement, que l'eau pluviale pénètre dans les conduits et les réservoirs qui la contiennent, pour fournir aux écoulements successifs : ainsi les faits qu'on allegue contre la pénétration, ne détruisent que la première manière, et ne donnent aucune atteinte à la seconde.

2°. C'est dans les montagnes ou dans les gorges formées par les vallons, que se trouvent le plus ordinairement les sources ; parce que les conduits et les couches qui contiennent les eaux, s'épanouissent sur les croupes des montagnes pour les recueillir, et se réunissent dans les culs-de-sac pour les verser.

3°. Les fontaines nous paraissent en conséquence de cette observation, occuper une position intermédiaire entre les montagnes ou collines qui reçoivent et versent les eaux dans les couches organisées, et entre les plaines qui présentent aux eaux un lit et une pente facîle pour leur distribution régulière. Quinte-Curce remarque (lib. VII. cap. iij.) que tous les sommets des montagnes se contiennent dans toute l'Asie par des chaînes allongées, d'où tous les fleuves se précipitent ou dans la mer Caspienne, etc. ou dans l'Océan indien. On ne peut objecter les sources du Don ou Tanais et du Danube près d'Eschinging, qui sont dans des plaines : car qu'est-ce que cette dernière source en comparaison de toutes celles qui se jettent dans le Danube, tant des montagnes de la Hongrie, que du prolongement des Alpes vers le Tirol ? et de même les Cordelières donnent naissance à plusieurs sources qui se jettent dans la rivière des Amazones, en suivant la pente du terrain : les autres qui sont sur les croupes occidentales, se jettent dans la mer du Sud. Il y a sur le globe des points de distribution ; en Europe au mont Saint-Gothar ; vers Langres en Champagne, etc. Voyez SOURCE.

4°. Si l'on voit quelquefois des sources dans des lieux élevés, et même au haut des montagnes, elles doivent venir de lieux encore plus élevés, et avoir été conduites par des lits de glaise ou de terre argilleuse, comme par des canaux naturels. Il faut faire attention à ce mécanisme, lorsqu'on veut évaluer la surface d'un terrain qui peut fournir de l'eau à une source ; on est quelquefois trompé par les apparences. M. Mariotte observe que dans un certain point de vue une montagne près de Dijon semblait commander aux environs ; mais dans un autre aspect il découvrit une grande étendue de terrain qui pouvait y verser ses eaux. Voilà la seule réponse que nous ferons à ceux qui alleguent des observations faites par des voyageurs sur des montagnes élevées. Il n'est pas étonnant que les voyageurs aient pu découvrir, en passant leur chemin, d'où des sources abondantes tiraient leurs eaux. Si entre une montagne du haut de laquelle il part une source, et une autre montagne plus élevée qui doit fournir de l'eau, il y a un vallon, il faut imaginer la source comme produite par une eau qui, d'un réservoir d'une certaine hauteur, a été conduite dans un canal souterrain et est remontée à une hauteur presque égale à son réservoir. Souvent l'eau des sources qui paraissent sur des croupes ou dans des plaines, peut remonter au-dessus des couches entr'ouvertes qui la produisent. A Modene certains puits coulent par-dessus leurs bords, quoique leurs sources soient à 63 pieds de profondeur ; on peut même élever l'eau à 6 pieds au-dessus du terrain, par le moyen d'un tuyau. Près de Saint-Omer on perce ainsi des puits, dont l'eau remonte au-dessus du niveau des terres. Tous ces effets supposent des siphons, dont une partie est un conduit naturel depuis les réservoirs jusqu'aux sources : l'autre partie est la capacité cylindrique des puits. En même temps que ces faits rétablissent l'usage des siphons renversés qui communiquent dans une certaine étendue de terrain, l'inspection des premières couches rend sensible leur existence. On nous objecte que cette communication ne peut s'étendre aux îles de l'Océan, et surtout à celles où il ne pleut pas et où l'on trouve des fontaines perpétuelles. Je ne vois pas d'impossibilité que l'eau soit conduite dans quelques-unes de la terre-ferme, par des canaux qui franchissent l'intervalle par-dessous les eaux. Pietro della Valle rapporte que dans les îles Strophades, selon le récit que lui en firent les religieux qui les habitent, il y a une fontaine qui doit tirer ses eaux de la Morée, parce qu'il sort souvent avec l'eau de la source des choses qui ne peuvent venir que de-là : ces îles sont cependant éloignées considérablement de la terre-ferme, et toutes imbibées d'eau. Par rapport aux autres iles, les rosées y sont abondantes, et les pluies dans certains temps de l'année ; ce qui suffit pour fournir à l'entretien des fontaines. Halley remarque qu'à l'île de Sainte-Hélene, le verre de sa lunette se chargeait d'une lame de rosée très-épaisse, dans un très-petit intervalle ; ce qui interrompait ses observations.

5°. Lorsque les premières couches de la terre n'admettent point l'eau pluviale, il n'y a point de fontaines à espérer, ou bien l'eau des pluies s'évapore et forme des torrents, ou bien il n'y pleut plus, comme en certains cantons de l'Amérique. Il y a de grands pays où l'eau manque par cette raison, comme dans l'Arabie pétrée, qui est un désert, et dans tous ceux de l'Asie ou de l'Amérique ; les puits sont si rares dans l'Arabie, que l'on n'en compte que cinq depuis le Caire jusqu'au mont Sinaï, et encore l'eau en est-elle amère.

6°. Lorsque les premières couches admettent les eaux, et qu'il ne se trouve pas des lits d'argille ou de roche propres à les contenir, elles pénètrent fort avant et vont former des nappes d'eau, ou des courants souterrains. Ceux qui travaillent aux carrières des pierres blanches près de la ville d'Aire en Artais, trouvent quelquefois des ruisseaux souterrains qui les obligent d'abandonner leur travail. Il y a des puits dans plusieurs villages des environs d'Aire, au fond et au-travers desquels passent des courants qui coulent avec plus de rapidité que ceux qui sont à la surface de la terre ; on a remarqué qu'ils coulaient de l'orient d'été au couchant d'hiver, c'est-à-dire qu'ils se dirigent du continent vers la mer ; ils sont à 100 et 110 pieds de profondeur. Journ. de Trév. an. 1703, Mars.

7°. Les secousses violentes des tremblements de terre sont très-propres à déranger la circulation intérieure des eaux souterraines. Comme les canaux ne sont capables que d'une certaine résistance, les agitations violentes produisent, ou des inondations particulières, en comprimant par des soulevements rapides les parois des conduits naturels qui voiturent secrètement les eaux, et en les exprimant pour ainsi dire par le jeu alternatif des commotions ; ou bien un abaissement et une diminution dans le produit des sources. Après un tremblement de terre, une fontaine ne recevra plus ses eaux à l'ordinaire, parce que ces canaux sont obstrués par des éboulements intérieurs ; mais l'eau refoulée se porte vers les parties des couches entr'ouvertes, et y forme une nouvelle fontaine. Ainsi nous voyons (Histoire de l'ac. ann. 1704.) qu'une eau soufrée qui était sur le chemin de Rome à Tivoli, baissa de deux pieds et demi en conséquence d'un tremblement de terre. En plusieurs endroits de la plaine appelée la Testine, il y avait des sources d'eau qui formaient des marais impraticables : tout fut séché, et à la place des anciennes sources, il en sortit de nouvelles à environ une lieue des premières ; et dans le dernier tremblement de terre de 1755 et 1756, nous avons été témoins de ces effets en plusieurs endroits. Voyez TREMBLEMENT DE TERRE. Si les eaux se trouvent entre des couches de sable rouge, ou bien entre des marnes ou d'autres matières colorées, les eaux des sources salies et imprégnées de ces corps étrangers qu'elles entraînent, changent de couleur très-naturellement : mais le peuple effrayé voit couler du sang ou du lait ; parce que dans cet état de commotion qui se communique de la terre aux esprits, rien ne doit paraitre que sous les idées accessoires les plus terribles, et un rien aide l'imagination à réaliser les chimères les plus extravagantes.

SINGULARITES DES FONTAINES. On peut considérer les singularités des fontaines sous deux points de vue généraux ; par rapport à leur écoulement, et par rapport aux propriétés et aux qualités particulières du fluide qu'elles produisent.

Quant à ce qui concerne ce dernier objet, voyez HYDROLOGIE, où cette matière sera discutée. Nous allons traiter ici de ce qui regarde les variations régulières ou irrégulières de l'écoulement des fontaines. En les considérant ainsi, les fontaines peuvent être divisées en trois classes : les uniformes, les intermittentes, et les intercalaires.

Les uniformes ont un cours soutenu, égal et continuel, et produisent du-moins dans certaines saisons la même quantité d'eau.

Les intermittentes sont celles dont l'écoulement cesse, et reparait à différentes reprises en un certain temps. Les anciens les ont connues. Voyez Pline, lib. II. cap. 103.

Les intercalaires sont celles dont l'écoulement sans cesser entièrement, éprouve des retours d'augmentation et de diminution qui se succedent après un temps plus ou moins considérable.

Les fontaines des deux dernières classes se nomment en général périodiques. Dans les intermittentes la période se compte du commencement d'un écoulement ou d'un flux, à celui qui lui succede ; de sorte qu'elle comprend le temps du flux et celui de l'intermission. La période des intercalaires est renfermée dans l'intervalle qu'il y a entre chaque retour d'augmentation, que l'on nomme accès : en sorte qu'elle comprend la durée de l'accès et le repos ou l'intercalaison dans laquelle l'écoulement parvient quelquefois à une uniformité passagère. Quelquefois aussi on n'y remarque aucun repos ou intercalaison, mais leur cours n'est proprement qu'une augmentation et une diminution successive d'eau.

Si l'interruption dure trois, six ou neuf mois de l'année, les fontaines qui l'éprouvent se nomment temporaires (temporales ou temporariae) et en particulier maïales (majales), lorsque leur écoulement commence aux premières chaleurs, vers le mois de Mai, à la fonte des neiges, et qu'il finit en automne.

Les fontaines véritablement intermittentes qui ont attiré l'attention du peuple et des Philosophes, sont celles dont l'intermission ne dure que quelques heures ou quelques jours.

Je crois qu'on peut rapporter à la classe des intercalaires les fontaines uniformes qui éprouvent des accroissements assez subits et passagers après de grandes pluies, ou par la fonte des neiges.

Enfin plusieurs fontaines présentent dans leurs cours des modifications qui les font passer successivement de l'uniformité à l'intermittence, et de l'intermittence à l'intercalaison, et revenir ensuite à l'uniformité par des nuances aussi marquées. Nous expliquerons tous ces différents phénomènes : et nous tâcherons de donner les dénouements de ces bizarreries apparentes. Nous ne parlons pas ici des fontaines à flux et reflux, qui avaient été imaginées avoir quelque rapport dans leur écoulement et leur intermission avec les marées. Après des examens réfléchis, on a Ve disparaitre la prétendue analogie qu'on avait cru trouver entre leurs accès et l'intumescence de la mer, et tomber totalement la correspondance imaginaire de leur réservoir avec le bassin de l'Océan. Nous ne croyons donc pas devoir nous astreindre à l'ancienne distribution des Géographes sur cet article. C'est une supposition révoltante que d'attribuer aux mouvements des marées les accès des fontaines que l'on trouve au milieu des continens. Cependant il est très-possible que certaines sources situées à une très-petite distance des bords de la mer, aient avec ses eaux une communication souterraine ; et pour lors je conçais que l'intumescence produira un refoulement jusque dans le bassin de ces sources, assez semblable à celui que les fleuves éprouvent à leur embouchure lors du flux. Mais cette cause n'agit point sur le mécanisme intérieur de l'écoulement des fontaines.

On doit expliquer ainsi ce que Pline rapporte (hist. nat. lib. II. cap. ciij. et lib. III. cap. xxvj.) que dans une petite île de la mer Adriatique, près de l'embouchure de la rivière du Timavo, on trouve des fontaines d'eau chaude qui croissent et décroissent avec le flux et le reflux qui est sensible au fond du golfe. On les nomme bagni di monte falcone. Cluvier en a fait une description exacte, et observe qu'ils ne sont qu'à deux traits d'arbalête de la mer. Il assure qu'ils sont assujettis à des retours d'intumescence et de détumescence dépendants de ceux de la mer. Les sources mêmes du Timavo plus éloignées dans les terres, éprouvent, suivant le même historien, de semblables variations. Cluvier, Italia antiqua, lib. I. cap. xx. Kircher, mund. subt. lib. V. cap. VIe et Fallope, de aquis Therm. cap. IIIe nous assurent que ces mouvements ont lieu, parce qu'un gouffre souterrain dans lequel il s'engloutit une grande quantité d'eau, communique avec la mer qui reflue jusque-là, ou du moins soutient les eaux de ce gouffre, et enfle par-là celles du bassin des sources du Timavo, avec lequel le gouffre s'abouche.

Pour expliquer le mécanisme des fontaines périodiques, soit intermittentes, soit intercalaires, on a supposé des réservoirs et des siphons dans les entrailles de la terre. Et ces suppositions sont fondées sur l'inspection attentive de l'organisation que le globe présente en plusieurs endroits à sa surface. On rencontre dans les provinces de Derby et de Galles, en Angleterre, dans le Languedoc, dans la Suisse, des cavernes dont les unes donnent passage aux eaux qui y abordent de toutes parts, et d'autres les rassemblent et ne les versent qu'après avoir été remplies. Les coupes de ces cavernes qui s'offrent à découvert aux yeux des observateurs dans les pays montueux, nous autorisent à en placer au sein des collines, où se trouvent les fontaines périodiques.

Quant aux siphons dont le jeu n'est pas moins nécessaire, nous les admettons avec autant de fondement. Dans les premières couches de la terre, on observe, comme nous l'avons remarqué ci-devant, des courbures très-propres à donner aux couches qui contiennent les eaux pluviales, la forme d'un siphon ; et d'ailleurs certaines lames de terres étant facilement emportées par des filtrations réitérées, les parois des couches supérieures et inférieures formeront une cavité ou un tuyau de conduite qui voiturera l'eau comme les branches d'un siphon cylindrique. De cette sorte le siphon sera un assemblage de petits conduits recourbés, pratiqués entre les couches de glaises, ou bien entre des rochers fendus et entre-ouverts, suivant une infinité de dispositions.

Je conçais même que les siphons doivent se rencontrer précisément dans un endroit rempli de cavernes propres à faire l'office de réservoir. Supposons que les couches inclinées A B, (Pl. Phys. fig. 78.) n'étant point soutenues depuis C jusqu'en D, parce qu'il y a au-dessous une caverne C E D, se soient affaissées insensiblement, et qu'elles aient quitté leur première direction et pris la situation C F ; alors les couches inférieures A C avec C F forment un siphon dont les parties C F n'atteignent pas le fond de la caverne ; et les autres vers A descendent plus bas que ce fond. Mais les portions supérieures des couches vers B conservant leur situation inclinée, et leur ouverture en D, formée par l'interruption des couches C F affaissées, pourront verser de l'eau dans la caverne. On voit par-là que la courbure du siphon en C, est moins élevée que l'ouverture des couches qui fournissent l'eau, ce qui est essentiel pour le jeu du siphon.

Maintenant donc la cavité C E D recevant l'eau qui coule entre les couches entr'ouvertes en D, et qui s'y décharge avec plus ou moins d'abondance, se remplira jusqu'à-ce qu'elle soit parvenue à la courbure du siphon en C. Alors le siphon jouant commence à épuiser l'eau de la caverne, et il cesse lorsque l'eau est descendue au-dessous de l'orifice de la plus courte jambe en F. Le jeu du siphon recommencera dès que l'eau fournie par les couches D, aura rempli la cavité au niveau de la courbure C. Cet écoulement sera suivi d'une intermission, et l'intermission d'un nouvel écoulement qui se succederont toujours dans le même ordre périodique, tant que le canal d'entretien D fournira la même quantité d'eau. Ensorte que si le siphon décharge son eau dans des couches qui soient interrompues en A, ou dans un réservoir à cet endroit de la surface de la terre, il se formera une fontaine périodique. Voyez SIPHON.

On conçoit aisément que de la combinaison des siphons, des réservoirs, et des canaux d'entretien, il doit résulter des variations infinies dans l'écoulement des fontaines périodiques dont il suffit d'indiquer ici les plus singulières ; en un mot, celles que la nature nous offre en plusieurs endroits.

Fontaines intermittentes. Pour qu'une fontaine soit intermittente, il est nécessaire que le siphon A C F entraîne plus d'eau que n'en fournit le canal d'entretien D. Car si ce dernier canal en décharge dans le réservoir autant que le siphon en peut vider, l'écoulement du siphon sera continuel, parce que l'eau se soutiendra dans la caverne toujours à la même hauteur ; et la fontaine formée par le produit du siphon en A, aura un cours uniforme.

De ce principe et de la supposition du mécanisme précédent, nous tirons plusieurs conséquences capables de nous guider dans l'appréciation des différentes variétés des fontaines intermittentes.

1°. Le temps de l'intermission ou de l'intervalle de deux écoulements est toujours égal à celui qu'emploie le canal d'entretien à remplir le bassin de la caverne depuis l'orifice de la petite jambe du siphon F, jusqu'à sa courbure C.

2°. L'écoulement est composé de la quantité d'eau contenue dans le réservoir, laquelle s'y était amassée pendant l'intermission, et de celle que produit le courant d'entretien D pendant tout le temps que le siphon joue.

3°. Ainsi connaissant le temps précis de l'écoulement et de l'intermission, on en tirera le rapport du produit du canal intérieur à la dépense du siphon. On voit effectivement que l'eau étant supposée couler avec une égale vitesse par le canal d'entretien et par le siphon, le calibre du siphon est à celui du canal d'entretien, comme le temps de la période entière est à celui de l'écoulement ; car (n°. 2.) le siphon vide pendant le seul temps de l'écoulement, l'eau que le canal d'entretien fournit pendant l'intermission et l'écoulement. Or il est évident que les calibres de deux canaux par lesquels l'eau coule avec la même vitesse, et qui versent la même quantité d'eau en temps inégaux, sont entr'eux dans le rapport renversé des temps.

4°. Le temps de l'écoulement et celui de l'intermission formant la période, la connaissance de la période et de l'écoulement donnera l'intermission ; et de même la détermination de la période et de l'intermission décide la durée de l'écoulement.

5°. Si le canal d'entretien augmente son produit après des pluies abondantes ou pendant la fonte des neiges, il est clair que l'intermission sera plus courte et l'écoulement plus long que pendant la sécheresse où les couches de terre en D fournissent moins d'eau. Car le siphon emploiera plus de temps pour vider la quantité d'eau qui coule en plus grande abondance dans le réservoir pendant le temps qu'il l'épuiserait, si aucun canal ne s'y déchargeait.

A mesure que l'abondance de l'eau croitra dans le canal d'entretien, l'intermission diminuera toujours, et l'écoulement augmentera jusqu'à-ce que le produit du canal étant précisément égal à la dépense du siphon, l'intermission disparaitra, et la fontaine sera uniforme.

Mais si la sécheresse vient à diminuer la quantité d'eau fournie par le canal d'entretien, la fontaine éprouvera des intermittences très-courtes et des écoulements fort longs d'abord ; et à mesure que l'eau diminuera dans le canal intérieur, l'intermission croitra, et l'écoulement décroitra proportionnellement.

On voit par-là que lorsqu'une fontaine commence à être intermittente par la sécheresse, ou qu'elle cesse de l'être par le retour des pluies, elle doit éprouver des intermissions très-courtes et des écoulements fort longs.

6°. Le rapport de l'intermission à l'écoulement est difficîle à fixer, et il est visible qu'il ne peut être constant, et qu'il n'est pas aisé de limiter la période d'une fontaine, puisqu'elle peut éprouver des variations par la sécheresse ou par les pluies. C'est à ces variations que l'on doit principalement attribuer les différences qui se trouvent dans les descriptions que différents auteurs nous ont donnés de la même fontaine. Car alors ils peuvent l'avoir observée dans des circonstances capables de faire varier sensiblement les résultats dont ils ont déterminé l'étendue.

Fontaines intermittentes composées. Les fontaines intermittentes éprouvent quelquefois une suite de petites intermittences et d'écoulements, interrompue par une intermission considérable ; et il est aisé d'en rendre raison. Sait (Pl. Phys. fig. 79.) le réservoir A B C qui se décharge dans la cavité F K I d'une moindre capacité par le siphon D C E d'un calibre plus petit que le siphon G F H, qui épuise l'eau de la cavité F K I. Je dis que la fontaine formée en H par le siphon G F H, éprouvera des intermittences et des écoulements successifs qui dépendront en grande partie du rapport qu'il y aura entre le produit du siphon G F H et celui de D C E. Enfin tout le jeu de repos et d'accès se terminera par une interruption égale au temps employé par le canal A d'entretien, à remplir le réservoir A B C. Si le canal A devient assez abondant pour fournir à la dépense continuelle du siphon D C I, la grande interruption n'aura point lieu ; les intermittences et les écoulements se succéderont assez régulièrement.

Ces accès de repos et de flux peuvent être considérés comme l'écoulement d'une fontaine à simple réservoir, et la longue interruption comme son repos.

Et comme dans les fontaines à simple réservoir (n°. 5.) l'écoulement est tantôt plus long, tantôt plus court, de même aussi la suite des intermittences et des flux, qui tient lieu d'écoulement dans les fontaines composées, doit varier par les mêmes causes. Si le petit réservoir I K F se vuidait neuf fois pendant que le grand ne se vide qu'une seule, et qu'il restât encore outre cela à moitié plein, la fontaine en H aurait alternativement neuf intermittences et dix intermittences par accès, entre chaque interruption considérable, supposé que le produit de la source A fût toujours le même.

En général le dernier réservoir étant dans un certain rapport de capacité avec le plus intérieur, le nombre des intermittences et des écoulements successifs sera égal à celui qui exprime combien de fois le plus petit est contenu dans le plus grand ; et s'il y avait une fraction, les retours auraient une intermittence et un écoulement de plus, après un nombre d'accès égal au numérateur de la fraction.

7°. Ces espèces de fontaines ont encore cela de particulier, qu'à chaque accès d'écoulement et d'intermittence, le premier flux est plus long que le second, et le second plus long que le troisième. On voit que c'est tout le contraire par rapport aux intermittences. Car le siphon D C E coulant plus vite dans le commencement de son accès que vers la fin, le réservoir I K F doit être par conséquent moins de temps à se remplir, et plus de temps à se vider (n°. 1.) la première fois que la seconde.

8°. Fontaines intercalaires. Les fontaines intercalaires sont le produit d'un courant d'eau continuel et uniforme, combiné avec celui d'un siphon qui joue à plusieurs reprises. Sait la caverne D E C (fig. 78.) qui a une ou plusieurs ouvertures par le bas en E, il est visible que l'eau coulera par ces ouvertures tant que le courant d'entretien D en déchargera dans le réservoir. Si le canal d'entretien est assez abondant pour le remplir jusqu'à la courbure du siphon malgré l'écoulement continuel du canal E, la source en A aura un cours uniforme en vertu de cet écoulement, et éprouvera de temps en temps des accès d'intumescence lorsque le siphon coulera, et des repos lorsqu'il cessera de jouer. Les deux canaux venant à se rencontrer à la surface de la terre vers A, la fontaine qui sera formée par leur concours sera intercalaire.

Il est aisé de se convaincre que l'intercalaison ou l'intervalle qu'il y a entre les accès, dépend du temps qu'emploie le courant d'entretien à remplir la caverne jusqu'à la courbure du siphon, en fournissant outre cela à la dépense du canal en E. C'est donc l'excès du produit du courant d'entretien D sur la décharge continuelle du canal E, qui fournit au jeu du siphon et à l'accès des intercalaires. Les retours de l'accès dépendent donc de l'abondance de l'eau dans le courant d'entretien, de la hauteur de la courbure du siphon F C, et de la capacité de la caverne D E C. Ainsi la période des intercalaires ne doit pas être plus constante que celle des intermittentes, parce que la sécheresse ou les pluies peuvent y causer plusieurs variations considérables : l'intercalaison sera fort longue et l'accès fort court, si l'eau produite par le canal d'entretien est peu abondante, que le réservoir ait peu de capacité, et que le calibre du siphon soit considérable. A mesure que l'eau augmentera dans la source intérieure, toutes choses restant d'ailleurs les mêmes, l'intercalaison sera plus courte et l'accès plus long ; en sorte que le cours de la fontaine sera précisément une augmentation et une diminution successive d'eau sans aucune uniformité interposée. Si l'eau augmente de telle sorte dans le courant d'entretien, qu'il puisse fournir en même temps à la dépense continuelle du canal E, et à l'écoulement soutenu du siphon F C A, la fontaine sera uniforme.

En supprimant l'ouverture E (fig. 78.) et supposant qu'il y en eut une autre G dans la cavité D G E C plus élevée que F, orifice de la courte jambe du siphon, et au-dessous de sa courbure en C, il résultera différents effets.

Si le courant d'entretien peut seulement fournir à ce canal en G, sa décharge produira une source continuelle et uniforme ; si le courant d'entretien augmente, la cavité se remplira jusqu'à la courbure du siphon en C, qui coulera pour lors ; et son produit se combinant avec celui du canal G, la fontaine qui en résultera, et qui aura d'abord été uniforme, éprouvera dans la suite des accès d'écoulement. Mais lorsque le siphon aura épuisé l'eau du réservoir jusqu'au niveau de l'orifice G, la fontaine perdra le produit de ce canal. Elle sera intercalaire, et lorsque le siphon aura cessé de couler, il y aura une intermittence jusqu'à ce que le courant d'entretien ait rempli le réservoir au niveau de l'ouverture G, et pour lors l'eau commencera à paraitre dans le bassin de la fontaine. Après que le siphon et la décharge de l'ouverture G auront fait baisser l'eau au-dessous de G, si le siphon F G A entraîne autant d'eau que la source intérieure D en peut fournir, la fontaine entretenue par G, en supposant qu'elle ait un bassin éloigné de la source que le siphon fournit, sera à sec, et l'eau n'y reparaitra que lorsque le courant d'entretien D produira moins que la dépense du siphon. C'est par ce mécanisme que l'on peut expliquer pourquoi certaines fontaines, telles qu'il y en a plusieurs en Angleterre et ailleurs, coulent tout l'été ou dans la sécheresse, et sont à sec en hiver ou depuis les pluies. On voit que ces fontaines augmentent précisément lorsqu'elles sont sur le point de tarir, c'est-à-dire lorsque l'eau dans la caverne approche plus de la courbure C du siphon ; elles seront plutôt à sec si l'été est humide, et elles couleront plus tard après un hiver pluvieux. Toutes circonstances avérées par les observations. La marche contraire des autres sources vient aussi de la même cause différemment combinée. Tous ces effets dépendent, comme nous l'avons vu, des pluies : on ne peut donc en tirer aucune conséquence défavorable au système que nous avons embrassé sur la cause de l'entretien des sources, comme l'ont prétendu Plot et quelques autres Physiciens, aussi peu capables d'apprécier les faits que de les combiner.

9°. Lorsque les fontaines intermittentes cessent de l'être ; elles éprouvent un peu après l'instant où l'intermittence devrait avoir lieu, une espèce d'intercalaison, et leur cours ne consiste, comme nous l'avons vu, que dans un accroissement et une diminution successive d'eau, ce qui forme un accès sensible.

Fontaines intercalaires composées. Ces sortes de fontaines ne sont précisément que les intermittentes composées, dont le jeu (fig. 79.) se trouve combiné avec le produit d'un courant en L continuel et soutenu, qui se réunit en H ; leur explication dépendra donc des principes que nous avons établis ci-devant (n°. 7.)

Quoique nous ayons déjà Ve comment les différents produits du courant d'entretien peuvent modifier les phénomènes des fontaines, il est aisé de faire voir comment un même mécanisme peut offrir successivement les différents caractères que nous y avons distingués, c'est-à-dire l'intercalaison, l'intermittence, et l'uniformité. Saient les deux réservoirs A B C, et I K F (fig. 79.) qui communiquent par un siphon D C E. Le second réservoir a une ouverture par le bas en K. Si le canal d'entretien A fournit plus d'eau qu'il n'en faut pour faire couler continuellement le siphon D C E, le canal K versera continuellement de l'eau, et le surplus se déchargera par le siphon G F H, en sorte que la fontaine qui recevra le produit de ces deux courants, sera intercalaire. Mais si le courant A est assez abondant pour fournir à la dépense du canal K et du siphon G F H, ou même à la seule dépense de K, la source aura pour lors un cours uniforme ; et si l'eau diminue de telle sorte qu'elle ne puisse fournir à l'entretien du siphon G F H, la fontaine en H sera intermittente.

D'après le mécanisme que nous venons de développer, on a réalisé aisément le cours de ces sources, et rendu sensibles leurs effets par des fontaines artificielles, dont on peut voir les modèles dans un mémoire du père Planque, et dans ceux que le savant M. Astruc a publiés sur l'histoire naturelle de Languedoc, page 283. dans les Transactions philosophiques, n°. 423, dans la Physique de Desaguliers, et dans nos figures qui en présentent les coupes.

Nous observerons ici que ces machines présentent un moyen très-naturel de varier les effets des eaux jaillissantes ou courantes de nos jardins. L'art n'est jamais sans agréments lorsqu'il imite la nature.

En conséquence de ces inventions par lesquelles on est parvenu à rendre trait pour trait les opérations de la nature, on peut assurer que la structure intérieure des fontaines est telle qu'on l'avait supposée d'abord. Car en remontant des effets à la cause avec tant de succès, on est tenté d'admettre pour vrai, après une discussion et une explication exacte des phénomènes, ces agens et cet échafaudage qui n'avaient été d'abord admis que comme possibles, et d'une manière purement précaire.

Quoi qu'il en sait, cette explication se trouve dans les pneumatiques de Heron d'Alexandrie, qui vivait 120 ans avant l'ère chrétienne, surtout dans les premières propositions de cet ouvrage. Pline le jeune, epistolar. lib. IV. epistol. xxx. après avoir parcouru plusieurs moyens assez peu raisonnables, tels que les vents souterrains, le balancement des réservoirs, des mouvements analogues aux marées pour expliquer les écoulements singuliers de la fontaine de Côme, située près du lac de ce nom dans le duché de Milan, ajoute : " N'y aurait-il pas plutôt, dit-il, une certaine capacité dans les veines qui fournissent cette eau, de telle sorte, que lorsqu'elles sont épuisées, et qu'elles en rassemblent de nouvelles, le courant est moindre et plus lent, et devient plus considérable et plus rapide lorsque ces veines peuvent verser l'eau qu'elles ont recueillies ". An latentibus venis certa mensura, quae dum colligit quod exhauserit, minor rivus et pigrior ; cum collegit, agilior majorque profertur ?

On voit que Pline a senti ce que les Physiciens modernes ont développé avec plus de précision. On peut consulter Kircher, mund. subterran. lib. V. sect. 5. cap. IVe le cursus mathematicus de Dechales, le voyage des Alpes de Scheuchzer, en 1723. tome II. page 404. les Trants. philos. n°. 204. et 423. enfin les mémoires sur l'histoire du Languedoc.

Opinions populaires sur les fontaines périodiques. Quoiqu'il se trouve parmi les auteurs une certaine tradition assez suivie, qui a transmis ces explications de phénomènes singuliers, le peuple pour qui les Philosophes n'écrivent guère, a toujours été livré à la vue de ces vicissitudes dont il ignorait la cause, à des croyances superstitieuses, qui dans les matières physiques, sont toujours son partage. Quand même il pourrait saisir la simplicité du mécanisme caché qui produit à ses yeux ces effets, il ne s'y attachera jamais, parce que ce mécanisme ne peut pas tenir lieu dans son imagination de ces idées merveilleuses dont il aime à se repaitre.

Pline, lib. XXXI. cap. IIe observe que les Cantabres tiraient des augures de l'état où ils trouvaient les sources du Tamaricus, (aujourd'hui la Tamara dans la Galice). Dirum est non profluere, eos aspicère volentibus. Il appuie même ces prétentions sur un fait : Sicut proximè Lartio Licinio legato post praeturam, post septem enim dies occidit. Le propre de l'esprit de superstition est de réunir en preuves de ses prétentions des circonstances qui n'ont aucune liaison. Combien de gens n'avaient pas Ve couler les sources de Tamaricus, sans éprouver le sort du préteur romain ? Mais un seul fait éclatant tient lieu de toutes les petites circonstances où la vertu de la fontaine aurait paru se démentir : et d'ailleurs les impressions funestes sont pour les grands. Les prêtres des dieux qui tenaient registre des temps où ces sources coulaient, pouvaient moyennant des salaires honnêtes procurer la satisfaction et l'assurance de voir couler les sources ; et cette cause a de tout temps contribué à entretenir des dupes. Voyez AUGURE, ARUSPICES, MIRACLE, ORACLE, etc.

Dans des temps moins reculés, nous retrouvons ces préventions répandues parmi les habitants des cantons qui avoisinent certaines sources singulières. Le père Dechales rapporte qu'on croit en Savoie que la fontaine de Haute-combe ne coule point en présence de certaines personnes ; et M. Atwell a trouvé les mêmes idées dans les habitants de Brixam au sujet de la source périodique de Lawyell, dont nous parlerons dans la suite. Scheuchzer assure de même que les habitants du mont Eng-Shen tiennent pour certain que la fontaine périodique qui y prend sa source, cesse de couler lorsqu'on y lave quelque chose de sale, etc. Scheuchzer lui-même qui s'était élevé dans son second voyage contre cette crédulité, y revient dans son cinquième, et parait ébranlé par le témoignage constant des habitants du voisinage qu'il a pu consulter.

Une autre espèce de propriété qu'on a plus constamment attribuée aux fontaines, est celle de prédire l'abondance ou la stérilité. Pierre Jean Fabre, médecin de Castelnaudari, prétend que les habitants de Bellestat en Languedoc pouvaient juger des années par le cours de Fontestorbe ; il ajoute même que le cours continuel et uniforme de cette fontaine en 1624 et 1625 annonçait la conversion des Prétendus-Réformés. C'est ainsi que Séneque nous assure que deux années de basses eaux du Nil avaient présagé la défection d'Antoine et les malheurs de Cléopatre, lib. III. quaest. natur. Plot, dans son discours sur l'origine des fontaines, fait mention à chaque page de ces prédictions d'années stériles ou abondantes : ces présages, au reste, peuvent avoir une cause physique aisée à saisir. On sçait que certaines années pluvieuses ou seches, sont stériles ou abondantes. Une fontaine qui éprouvera dans son cours des variations qui seront dépendantes de la sécheresse ou des pluies, sera une espèce de météoromètre qui la plupart du temps rendra des réponses assez justes.

Application de nos principes à un exemple. Il ne nous reste maintenant qu'à faire l'application des principes que nous venons de développer, aux résultats des observations exactes et précises que l'on a faites sur une de ces fontaines singulières : nous nous attacherons à celle de Fontestorbe, sur laquelle nous avons des détails assez circonstanciés pour y essayer une méthode de calculs, et en tracer le modèle aux observateurs qui auront quelques-unes de ces fontaines à examiner.

Fontestorbe, c'est-à-dire, suivant la langue du pays, fontaine interrompue ou intermittente, est près de Bellestat dans le diocèse de Mirepoix : à ce village une chaîne de montagnes assez élevées qui occupe l'espace d'une lieue, vient se terminer par des rochers escarpés qui forment un antre spacieux et profond de quatre à cinq taises, et dont l'ouverture est de quarante pieds de large sur trente de haut : c'est de cet antre que sort Fontestorbe. Cette fontaine est intermittente pendant la sécheresse en Juin, Juillet, Aout et Septembre, tantôt plutôt, tantôt plutard, suivant que ces mois sont plus ou moins pluvieux. Si le printemps ou le commencement de l'été ont donné beaucoup de pluies, l'écoulement de Fontestorbe est plus long qu'à l'ordinaire, et son intermission plus courte. On observe même que dans le temps que cette fontaine a repris son intermittence en été, son cours devient soutenu et uniforme après deux ou trois jours de pluies abondantes ; et l'intermittence ne reparait que dix ou douze jours après.

Si l'automne est seche, l'intermittence se prolonge au-delà de Septembre ; et même parait encore en Novembre, Décembre, et Janvier, si les neiges qui tombent sur les montagnes ne se fondent pas : mais lorsque cette fonte a lieu, ou que ces mois sont pluvieux, Fontestorbe coule uniformément et plus abondamment que dans le plus fort de ses écoulements périodiques. Elle suffit malgré cela dans ses accès, après avoir mêlé ses eaux à celles de la petite rivière de Lers, à la dépense d'un moulin à soie et d'un autre à forge qui se trouvent à quelque distance au-dessous.

Le temps de son intermittence est ordinairement en été, suivant M. Astruc, de 32'. 30". l'écoulement dure 36'. 35". et par conséquent sa période est de 69'. 5". Selon les observations du P. Planque de l'Oratoire, qui considère cette fontaine comme intercalaire, l'accès est de 44'. l'intercalaison ou diminution de 17'. ce qui donne 61'. pour sa période : mais ce père l'a observée en Octobre, où la source est plus abondante ; car les pluies et la sécheresse dérangent considérablement les proportions de ses intermittences et de ses écoulements.

Ainsi lorsque la fontaine commence à devenir intermittente, ou qu'elle cesse de l'être (n°. 5.), le temps de l'intermission est beaucoup plus court, et celui de l'écoulement beaucoup plus long que nous ne l'avons indiqué ci-devant. Ce qui fait considérer cette fontaine comme intercalaire par le P. Planque, c'est qu'il coule continuellement au-dessous de son bassin des filets d'eau.

Avant que l'eau commence à couler dans le bassin extérieur de la fontaine, on entend un bruit sourd ; et ce bruit précède l'écoulement d'environ douze minutes.

Tels sont les principaux faits auxquels nous allons appliquer notre théorie. Si l'on suppose maintenant dans l'intérieur de la montagne deux réservoirs à différente hauteur qui communiquent par le moyen d'un siphon, dont la plus courte jambe réponde vers le fond du réservoir supérieur ; on a toutes les pièces nécessaires pour la solution des phénomènes dont nous venons de voir le détail. Cet antre, ces rochers escarpés, le bruit sourd de l'eau qui tombe dans des cavités, autorisent la supposition des réservoirs et des siphons.

Je considère d'abord que l'écoulement du siphon commence environ douze minutes avant que l'eau parvienne à la fontaine ; et de même, le siphon a cessé de jouer avant que l'eau cesse de couler dans le bassin extérieur : j'évalue ce temps à huit minutes, parce que l'eau coule plus lentement sur la fin qu'au commencement de l'accès. Par conséquent, pour avoir le temps de l'écoulement vrai, il faut ajouter 12'. moins 8'. à 36'. 35". ce qui produit 40'. 35". De même l'intermission vraie ne sera plus de 32'. 30". mais de 28'. 30". et la période entière de 69'. 5". ainsi le siphon verse en 40'. 35". l'eau fournie par le canal intérieur pendant le même temps, et pendant l'intermission de 28'. 30". (n°. 2°.) Son calibre est à celui du courant d'entretien environ comme 829 à 486. (n°. 3.) mais s'il arrive que l'eau abondante se décharge par d'autres canaux dans le réservoir, l'intermission vraie durera moins que 28'. 30". et l'écoulement vrai plus que 40'. 35". L'écoulement augmentera jusqu'à ce qu'il devienne continuel (n°. 5.), c'est-à-dire lorsque l'eau fournie au réservoir supérieur égalera la dépense du siphon : et alors le cours de Fontestorbe est uniforme, comme les observations nous l'indiquent en hiver, ou dans des circonstances qui nous font envisager une augmentation d'eau.

Mais si la sécheresse se fait sentir dans les couches qui fournissent au bassin, l'intermission commencera à paraitre, ira toujours en croissant, et l'écoulement en décroissant.

Quand Fontestorbe commence ou qu'elle cesse d'être intermittente, ses intermissions (n°. 4.), sont si peu considérables que les eaux du bassin inférieur où se décharge le siphon, ne sont pas encore écoulées et parvenues au bassin de la fontaine, avant que le siphon recommence à en verser de nouveau, surtout si l'interruption est moindre que huit minutes. Ainsi l'eau diminuera un peu dans la fontaine, et éprouvera incontinent une certaine augmentation ; ce qui fera paraitre Fontestorbe intercalaire (n°. 10.).

Détail des principales fontaines périodiques. Nous allons maintenant parler plus succinctement des autres fontaines périodiques dont les détails nous semblent les plus assurés, sans donner pour certains les faits qui n'ont pas pour garants des observateurs exacts.

Pline, lib. II. cap. ciij. parle d'une fontaine qui était à Dodone, dont l'écoulement cessait tous les jours à midi, et reparaissait avec abondance à minuit ; ce qui lui faisait donner le nom de fontaine intermittente, telle qu'elle était en effet.

Le même historien rapporte que dans l'île de Ténédos une fontaine débordait tous les jours après le solstice d'été, depuis neuf heures du soir jusqu'à minuit ; elle était temporaire et intercalaire.

Trais des sources du Tamaricus, rivière de la Cantabrie, aujourd'hui la Tamara en Galice, sont à sec, suivant Pline, lib. XXXI. cap. IIe pendant douze ou même vingt jours ; tandis qu'une autre source près de-là coule avec abondance et sans interruption. Nous avons parlé ci-devant du mauvais présage qu'on tirait de leur intermittence.

Josephe, lib. VII. c. xxjv. de la guerre des Juifs, rapporte qu'en Syrie entre les villes d'Arce et de Raphanées, une rivière appelée Sabbatique était à sec pendant six jours, et coulait le septième. Pline, lib. XXXI. cap. IIe dit au contraire qu'elle coulait pendant six jours, et qu'elle était à sec le septième. Dominique Magrius, suivant Kircher, mundi subterran. lib. V. sect. 4. cap. IVe a été témoin de ce phénomène.

Brynolphe Suénon dit avoir Ve en Islande, à deux milles et demi de Skalholt, capitale de l'ile, une fontaine périodique d'eau chaude. Elle annonce son accès par des bouillons qui s'élèvent du fond de son bassin, le remplissent, et s'élancent enfin par-dessus les bords. La fontaine se soutient une heure dans cet état ; après quoi elle baisse et laisse à sec le bassin : son intermission est de 23 heures. Voyez ce détail dans les ouvrages de Saxon.

Childrey fait mention de plusieurs sources intermittentes dans son traité des curiosités d'Angleterre ; il en place une près de Buxton dans la province de Derby, qui coule chaque quart-d'heure, page 190. Le même auteur parle aussi, page 160. d'une autre qui présente à-peu-près les mêmes variations. Elle est située à Giggleswich, à un mille de Settle dans la province d'Yorck ; et page 296. d'une troisième située dans la province de Westmorland, près du fleuve de Loder, laquelle coule plusieurs fois par jour.

Mais la plus singulière de toutes celles de l'Angleterre, est la source de Lawyell près de Brixam, dans la province de Devonshire, à un mille de la mer. Elle est adossée au revers d'une chaîne de montagnes assez considérable, et sort du pied d'une colline ; elle est proprement intercalaire composée (n°. 11). Il y a un courant d'eau qui se décharge continuellement dans le bassin principal : lorsque l'accès s'y fait sentir, de petites sources voisines éprouvent un écoulement qui dure autant que l'accès. On remarque dans ces instants, à différentes reprises, une augmentation d'eau considérable dans le bassin, suivie alternativement d'une diminution aussi sensible. Ces flux et ces repos intercalaires se répètent, et même seize fois pendant une demie-heure ; c'est-à-dire que chaque flux et chaque repos dure environ deux minutes. Cependant sur la fin de l'accès, le flux produit moins d'eau, et il dure moins qu'au commencement (n°. 8). Il y a même beaucoup de variations dans le nombre de ces révolutions périodiques et dans leur durée ; variations toujours dépendantes de la pluie ou de la sécheresse.

Ces phénomènes s'expliquent, comme nous avons Ve aux fontaines intercalaires composées (n°. 9.), par deux courants, dont l'un traverse deux siphons et deux réservoirs, et l'autre coule immédiatement et continuellement dans le bassin de la fontaine ; c'est le courant qui enfîle les deux réservoirs, qui produit cette suite de flux et du repos ; et l'autre le cours uniforme. Voyez Transact. philosophiq. n°. 423.

Près de Paderborn en Westphalie, une fontaine intermittente appelée Bolderborn, c'est-à-dire bruyante, coule et est à sec deux fois le jour : ses accès s'annoncent par un grand bruit. Transact. philos. 1665. n°. 7. et Varen. Géographie gen. cap. XVIIe propos. 18.

Dans le palatinat de Cracovie, on trouve sur le sommet élevé d'une montagne adossée à celles de Hongrie une fontaine qui sort de son bassin avec impétuosité par des secousses continuelles qui la font monter en certains temps et baisser en d'autres. On avait cru remarquer que ces accroissements et décroissements étaient dépendants des phases de la Lune, mais sans un examen assez approfondi. Voyez la relation qu'en a publiée le P. Denis ; et le P. Rzeczinski, hist. natur. Polon.

Dans le royaume de Cachemire, on voit une fontaine qui au mois de Mai, temps où les neiges fondent, coule et s'arrête régulièrement trois fois en 24 heures, au commencement du jour, sur le midi, et à l'entrée de la nuit : son écoulement est pour l'ordinaire de trois quarts d'heure, et son produit assez abondant pour remplir un réservoir en carré de 10 à 12 pieds de large, et d'autant de profondeur : après les quinze premiers jours, son cours n'est plus si régulier ni si abondant. Elle tarit enfin, et reste à sec le reste de l'année. Cependant après de longues pluies elle coule sans intermittence et sans ordre, comme les autres fontaines : ainsi elle est maïale, intermittente, et uniforme. Bernier, voyage de Cachemire, p. 160. Varenius place au Japon une fontaine thermale et périodique. Ses écoulements se répètent deux fois par jour, et durent une heure : l'eau en sort avec impétuosité, et forme près de-là un lac brulant. Son eau est, dit-il, plus chaude que l'eau bouillante. Varenius, cap. XVIIe prop. 18. rapporte ces détails sur la foi d'un certain Caron, qui a été à la tête de la compagnie des Indes d'Hollande.

Près du lac de Côme dans le duché de Milan, à sept milles de la ville de Côme, est une fontaine que Pline le jeune a décrite au long, lib. IV. epistol. 30. elle hausse et baisse trois fois le jour par des retours périodiques. Deux historiens de la ville de Côme, Thomas Porcacchi et Benait Jove, confirment ce qu'en dit Pline. Ils ajoutent que près de celle-ci que l'on nomme fontaine de Pline, est une autre source sujette aux mêmes variations ; elle est intermittente et uniforme, suivant les temps de sécheresse ou de pluie.

La fontaine des merveilles près de Haute-Combe en Savoie, presque sur les bords du lac Bourget, coule et cesse de couler deux fois par heure. Ses écoulements sont précédés d'un grand bruit ; l'eau en est si considérable, qu'elle fait tourner un moulin. Le P. Dechales qui l'a vue, assure qu'elle tarit entièrement par la sécheresse ; que pendant les pluies elle coule douze fois par heure. Ce même père parle aussi d'une autre, située au village de Puis-Gros, à deux milles de Chamberi, qui est quelquefois entièrement à sec. Après les pluies, elle coule par intervalles quelquefois dix et vingt fois de suite, de sorte qu'à peine le temps d'un écoulement à l'autre suffit pour laisser vider son bassin. Elle éprouve beaucoup de variations dans ses intermittences.

Scheuchzer, dans ses itinera alpina, fait mention de trois fontaines périodiques. La première (tome II. pag. 401.) nommée andem Burgenberg, coule du pied d'une montagne dans le canton d'Underwald ; elle est non-seulement maïale, mais encore périodique intermittente. Ses écoulements paraissent huit ou dix fois par jour. La seconde (tom. I. pag. 27.) est la fontaine d'Hen Shen dans le canton de Berne, au bailliage de Thun ; elle est maïale et intermittente comme la première. Il n'y a rien de constaté sur ses périodes, ainsi que sur celles de la troisième nommée Lugibacq, c'est-à-dire menteuse, qui est située près d'une glacière dans le canton d'Underwald ; elle est temporaire et intermittente, tom. II. pag. 485. Nous ferons observer ici que ces fontaines prennent leur source dans les croupes de montagnes, aux sommets desquelles les neiges forment des réservoirs et des lacs, dont les eaux se filtrent dans les cavernes intérieures des collines, qui présentent partout au-dehors des antres, des ruptures, des rochers entr'ouverts, et tout ce qui annonce la grande possibilité des réservoirs et des siphons que nous avons supposés d'abord.

Piganiol de la Force (Descrip. de la France, tome VIII. pag. 480.) parle d'une fontaine périodique, située sur le chemin de Touillon à Pontarlier, en Franche-Comté. Quand le flux Ve commencer, on entend un bouillonnement, et l'eau sort aussitôt de trois côtés en formant plusieurs petits jets arrondis, qui s'élèvent peu-à-peu jusqu'à la hauteur d'un pied. Ensuite ces jets diminuent en aussi peu de temps qu'ils ont mis à s'élever, et tout ce jeu dure environ un demi-quart d'heure. Le repos de l'intermission est de deux minutes. Au reste rien de fixe dans ses variations. Il est parlé fort succinctement dans l'ancienne histoire de l'académie des Sciences, lib. III. cap. IIIe de deux sources périodiques situées en Franche-Comté, dont l'une est salée et l'autre douce, et dont les écoulements n'étaient assujettis à aucune règle. Celle que nous venons de déduire, sera probablement une des deux.

On trouve près de Colmar, dans le diocèse de Senès en Provence, une fontaine qui coule huit fois dans une heure, et qui s'arrête autant de fais. Un leger murmure annonce ses accès. Gassendi assure que sa période est assez constante dans tout le cours de l'année. La seule inégalité qu'on y ait observée, est que l'intermission dure huit, sept ou six minutes ; variations qui ont pour principe les pluies. Gassendi, physic. sect. 3. lib. I. cap. VIIe

Fonsanche dans le diocèse de Nimes, entre Sauve et Quissac, sort de terre à l'extrémité d'une pente assez roide, adossée à une longue chaîne de montagnes nommée Coutach ; elle coule assez régulièrement deux fois dans vingt-quatre heures, et éprouve deux intermissions dans le même temps. Chaque écoulement est de sept heures vingt-cinq minutes, et chaque intermission de cinq heures. Les écoulements et les intermissions retardent environ cinquante minutes chaque jour, par rapport aux mêmes effets du jour précédent. Ce qui est très-évident, puisque le temps des deux écoulements et des deux intermissions surpasse vingt-quatre heures de cinquante minutes. Ces deux écoulements en vingt-quatre heures et le retard de cinquante minutes, si conformes aux variations des marées, ont fait illusion, et on a regardé longtemps Fonsanche comme une fontaine à flux et reflux : mais comment aller chercher la mer de Gascogne à 130 lieues, la mer Méditerranée ne produisant point sensiblement ces effets sur les côtes de Languedoc ? D'ailleurs ceux qui cherchent des analogies entre des effets qui n'en ont point, doivent être déconcertés par une observation constante : c'est que Fonsanche, après de grandes pluies, a un cours uniforme, et qu'elle ne reprend son intermittence qu'après que les pluies ont eu leur écoulement. M. Astruc, (mém. pour servir à l'hist. de Languedoc) a Ve et observé cette fontaine.

Catel, dans ses mémoires sur l'histoire du Languedoc, pag. 171. parle d'une espèce de fontaine périodique appelée Vieissan, dans le diocèse de Beziers, laquelle sort d'une montagne du même nom, à une demi-lieue de Rochebrune, et se rend dans la rivière d'Orb. Cette fontaine est intermittente, et dans ses flux jette de l'eau comme la jambe d'un homme suivant Catel. On en place une aussi en Poitou près du village de la Godinière ; une autre au village de Dorgues, à deux lieues et demie de Castres en Languedoc ; une à Marsac près de Bordeaux, et une quatrième à Varins près de Saumur. Nous ne les rappelons ici, ainsi que quelques autres qui précèdent, que pour engager des observateurs exacts de constater leur état qui parait incertain, lorsqu'ils se trouveront à portée de le faire.

J'ajouterai ici comme un phénomène analogue, celui que la source de la Reinette à Forges offre vers les six à sept heures du soir et du matin. L'eau de cette source se trouble, devient rougeâtre, et se charge de flocons roux, sans être plus abondante dans ces changements. Je serais porté à croire que cette eau se charge des sédiments qui se sont amassés au fond d'un réservoir, qu'un siphon a puisé deux fois en vingt-quatre heures ; et comme l'ouverture de la source n'est pas assez considérable pour épuiser l'eau du siphon à mesure qu'elle coule, elle n'éprouve ni intermittence ni accès. Il suffit de supposer pour cela, que l'intermittence et l'écoulement du siphon soient de douze heures, et que le réservoir immédiat de la source vide le produit du siphon pendant le temps de son intermittence et de son écoulement.

On peut rapporter au même mécanisme les singularités de quelques étangs ; les uns situés au milieu des continens, sont pleins pendant la sécheresse, et presqu'à sec pendant les pluies ; d'autres assez près de la mer ou des rivières qui ont flux et reflux, baissent quand la marée est haute, et montent quand la marée est basse. Pour le premier cas, il suffit de supposer que pendant la sécheresse l'eau ne s'élève pas assez dans ces étangs pour parvenir jusqu'au coude d'un siphon, par lequel ils communiquent à quelque caverne inférieure, où le siphon décharge leurs eaux, lorsque par l'abondance qui est la suite des pluies, elle s'élève jusqu'au coude du siphon : en conséquence de cette évacuation, l'étang est moins plein que pendant la sécheresse. Tel est l'étang de Lamsbourne dans le Berskshire en Angleterre. Transact. philosoph. 1724, n°. 384 ; et Desagul. phys. expérim. pag. 180. II. vol.

Pour le second cas, il est aisé de supposer que quand la mer est haute, elle se décharge dans quelque réservoir qui communique par des canaux ou siphons souterrains à ces étangs singuliers ; et comme l'eau ne commence à couler dans le siphon que dans le temps de la haute mer, elle ne produit d'effet sensible dans l'étang que lorsque la mer s'est retirée ; ensuite quand la mer monte, le siphon est arrêté ; et l'étang ayant répandu ses eaux dans des souterrains, il est presqu'à sec quand la marée est arrivée à son plus grand degré de hauteur. Tel est l'étang de Greenhive, entre Londres et Gravesand ; tel est probablement le puits singulier de Landerneau. Histoire de l'académie, 1717, pag. 9.

Nous ne parlerons pas ici des fontaines simplement temporaires et maïales ; on en trouve par-tout, surtout dans des endroits où les glaises et les roches recueillent les eaux de l'hiver, ou bien dans les montagnes couvertes de neiges : leur écoulement au reste n'a d'autre principe que l'eau des pluies, qui s'insinue entre les premières couches de la terre, et dont l'écoulement n'est pas assujetti au jeu d'un siphon, ni à celui des autres pièces compliquées, dont nous avons donné le détail et l'application. On peut expliquer par le mécanisme des fontaines périodiques, un phénomène singulier que présentent certaines cavernes. Près de Salfedan dans les montagnes des environs de Turin, on trouve un rocher entr'ouvert par une fente, perpendiculairement à l'horizon ; pendant un certain temps il en sort un courant d'air assez rapide pour repousser au-dehors les corps legers qu'on expose à son action ; ensuite l'air y est attiré, et il absorbe les pailles et ce qu'il peut entraîner. Un semblable rocher dans la Thuringe aspire l'air et l'expire aussi sensiblement : je dis donc que cette espèce de respiration a pour principe le mouvement d'un siphon. Tandis que l'eau souterraine qui se décharge dans la caverne, n'est pas parvenue au niveau de l'orifice inférieur du siphon, l'air s'échappe de la caverne par le siphon, à mesure que la caverne se remplit ; mais il sort ensuite par la fente du rocher, lorsqu'il n'a plus l'issue du siphon, et que l'eau d'ailleurs versée par le canal d'entretien, le comprime. Il y rentre lorsque l'eau coule abondamment par le siphon, et que la cavité se vide. Cet article est de M. DESMAREST.

FONTAINE ARTIFICIELLE, (Hydraulique) on appelle ainsi une machine, par le moyen de laquelle l'eau est versée ou lancée. De ces machines, les unes agissent par la pesanteur de l'eau, les autres par le ressort de l'air. Du nombre des premiers sont les jets d'eau, qui tirant l'eau d'un réservoir plus élevé, et la recevant par le moyen des tuyaux pratiqués sous terre, élèvent cette eau à une hauteur à-peu-près égale à celle du réservoir. Voyez JET-D'EAU et AJUTAGE. En disposant les ajutages selon différentes directions, on aura une fontaine ou jet-d'eau, qui lancera l'eau suivant des directions différentes. Voyez fig. 18. Hydrodyn. On peut même, au lieu de différents ajutages, se contenter de pratiquer des ouvertures différentes à un même tuyau, comme on le voit fig. 19. Ouvrant le robinet qui est en C, l'eau s'échappera par ces ouvertures et couvrira les spectateurs qui ne s'y attendent pas. Si on place sur l'orifice de l'ajutage une petite boule A (fig. 21.), elle sera élevée par l'eau qui monte, et se soutiendra toujours en l'air pourvu qu'on soit dans un lieu où il ne fasse point de vent. Si à l'orifice de l'ajutage on ajuste une espèce de couvercle lenticulaire A B (fig. 22.) percé d'un grand nombre de petits trous, l'eau jaillira en forme de petits filets, et s'éparpillera en gouttes très-fines. Enfin si on soude au tube A B (fig. 23.) deux segments de sphère séparés, mais assez proches l'un de l'autre, et qu'on puisse éloigner ou rapprocher par le moyen d'une vis, l'eau sortira en forme de nappe.

Construction d'une fontaine qui joue par le ressort de l'air. D D B B (fig. 17. Hydrauliq.) est un vaisseau cylindrique, percé en-bas dans le fond B B, d'un petit trou, par lequel on verse l'eau dans la fontaine, et que l'on peut fermer à l'aide d'une vis. Il y a en-haut sur le couvercle D D un robinet E, par le moyen duquel on peut ouvrir ou fermer ce vase. A ce robinet tient un tuyau K C, qui pénètre le milieu du vase et Ve se rendre jusqu'au fond où il s'ouvre en C. On enchâsse au-haut du robinet un petit tuyau M, qui a une petite ouverture par laquelle l'eau jaillit. On met de l'eau dans ce vase, sans l'emplir entièrement, mais seulement jusqu'à la hauteur A A ; on presse ensuite l'air par le tuyau K C dans le vase, par le moyen d'une pompe foulante, attachée proche du robinet en M ; l'air qui est beaucoup plus leger que l'eau, passe à-travers en montant en-haut, et remplit l'espace A D D A. Lorsqu'on a ainsi pressé une grande quantité d'air dans ce vase, on le ferme avec le robinet E ; et après en avoir retiré la pompe foulante, on y met le petit tuyau. L'air enfermé dans l'espace D A, D A, comprimant l'eau proche de A A, il la pousse en-bas, et la fait entrer et monter ensuite dans le tuyau C K ; lors donc qu'on tourne le robinet E, l'eau sort par la petite ouverture, et forme un jet qui s'élève avec beaucoup de rapidité, mais qui Ve toujours en diminuant de hauteur et de force, à mesure que l'eau du vase baisse et que l'air en se dilatant la comprime moins. Quand toute l'eau est sortie, l'air s'élance lui-même avec bruit et sifflement par le tuyau. Mussch. Essai de Phys. §. 1386.

La figure 20. représente une machine à-peu-près semblable, mais en petit. Cette boule se remplit d'eau jusqu'à la moitié, et fait entrer dans la partie vide de la boule de l'air comprimé, qui oblige l'eau à monter par le tuyau D A C, et à jaillir par l'extrémité C.

Fontaine qui commence à jouer dès que l'on allume des bougies, et qui cesse quand on les éteint. Prenez un vase cylindrique C D (fig. 25.) ; appliquez-y des tubes A C, B F, etc. ouverts par en-bas dans le cylindre, de manière que l'air puisse y descendre. Soudez à ces tubes les chandeliers H, etc. et ajustez au couvercle creux du vase inférieur C F un petit tube ou ajutage F E, avec un robinet G, qui aille presque jusqu'au fond des vases. Il y a en G une ouverture, garnie d'une vis, afin que par cet orifice l'on puisse verser l'eau en C D.

Dans cet état, si l'on allume les bougies H, etc. leur chaleur raréfiant l'air contenu dans les tubes contigus, l'eau renfermée dans le vase commencera à jaillir par E F. Wolf et Chambers.

Fontaine de Heron, ainsi nommée de son inventeur Heron d'Alexandrie, et qui a été perfectionnée ensuite par Nieuwentit.

A B (fig. 24.) est un tuyau par lequel on verse de l'eau dans le bassin inférieur C, lequel étant plein de même que le tuyau A B, l'air est poussé du bassin C par le tuyau D E dans le bassin F ; cet air est par conséquent comprimé par le poids de l'eau A B, de sorte que sa force élastique pousse en-bas par le tuyau G L l'eau, qui se trouve dans le bassin F. L'eau coulant alors par le tuyau G L dans le second bassin inférieur M (qui est séparé du bassin C par une cloison O Q, placée entre les deux tuyaux), pousse en-haut l'air qu'il contient par le tuyau N P ; cet air passe dans le second bassin supérieur, et étant alors comprimé par l'eau, qui est dans le tuyau G L, il pousse l'eau par sa force élastique dans le tuyau R S, en forme de jet. Mussch. §. 1387.

Fontaine ou vase dont on tire autant de vin que l'on y verse d'eau, de sorte que l'eau parait changée en vin. Le petit vase B M (fig. 25. n°. 2.) a une cloison C D. On emplit d'abord la cavité inférieure avec du vin par un petit trou qui est dans le fond, et que l'on ferme à l'aide d'une vis N. Le tuyau supérieur A B P, s'étend jusqu'à la cloison C D ; on y verse de l'eau, qui comprime par son poids l'air renfermé dans cette cavité supérieure, et le force de passer par l'autre petit tuyau S R, qui pénètre à-travers la cloison jusqu'à la cavité inférieure ; cet air comprime par conséquent le vin de la cavité inférieure, lequel il fait monter dans le petit tuyau G C, et couler ensuite par le petit robinet O. Mussch. §. 1388.

Fontaine de Sturmius, laquelle joue ou s'arrête à la volonté de celui qui la fait aller. A B B (fig. 25. n° 3.) est un vase exagone, haut et creux, fermé en-haut et en-bas : il y a au milieu un tuyau D C, ouvert de chaque côté, et qui monte presque jusqu'en-haut dans le vase proche de C : on voit au-bas sur les côtés six petits tuyaux fort menus K K, qui sortent hors du vase, et par lesquels l'eau s'écoule. Le bout inférieur du tuyau proche de D, s'ajuste exactement en E dans un autre tuyau E F, fermement attaché au bassin M ; ce tuyau E F est percé en-bas et de côté proche de F : il se trouve encore dans le bassin, directement au-dessous du tuyau E F, une autre ouverture comme G, par laquelle l'eau qui est tombée dans le bassin, après s'être écoulée par le trou F, commence à se dégorger dans un autre vaisseau N : on peut fermer exactement cette ouverture G à l'aide d'une longue coulisse G L. Lorsqu'on veut emplir d'eau cette fontaine, on la tire du tuyau E F, en ôtant le tuyau E C de l'ouverture E, &, après l'avoir renversée, on y verse de l'eau par le tuyau D C jusqu'à-ce qu'elle soit pleine : on la retourne ensuite, et on la remet dans le tuyau E F ; le poids de l'eau la fait alors couler par les petits tuyaux K K. Lorsqu'on tire la coulisse G L dehors, de sorte que le trou de la coulisse et le trou G s'ajustent l'un sur l'autre, alors l'eau qui vient des tuyaux K K peut passer librement par ces trous et tomber dans le bassin N, et la fontaine continuera de couler aussi longtemps que le bassin A B B peut fournir de l'eau. Mais quand on bouche un peu le trou G par la coulisse L, en sorte que l'eau qui tombe par K K ne puisse passer en même quantité par G, le trou F se trouve enfin bouché par l'eau, ce qui empêche en même temps que l'air ne puisse pénétrer dans le tuyau D C, ni dans le vase A B B ; l'eau cependant ne cesse de s'écouler par les tuyaux K K, jusqu'à ce que l'eau du vase A B B, avec l'élasticité de l'air raréfié dans ce vase, se trouve en équilibre avec la pression de l'atmosphère, qui agit contre les ouvertures des tuyaux K K, et empêche alors l'eau de s'en écouler : durant ce temps, l'eau continue de s'écouler par les ouvertures F, G, dans le tuyau N ; aussi-tôt que l'eau du bassin M M commence à devenir si basse, qu'il peut s'introduire de nouvel air par l'ouverture F dans le tuyau D C et dans le vase A B B, il agit de nouveau sur l'eau qui s'écoule par les petits tuyaux K K, comme auparavant, en plus grande quantité que les ouvertures G et F n'en peuvent absorber, ce qui est cause qu'elles se bouchent une seconde fais, et ainsi de suite, de sorte que le tarissement et l'écoulement de l'eau se font ainsi alternativement. Mussc. §. 1390.

La description de la plupart de ces fontaines, est tirée soit en entier, soit par extrait, de l'Essai de physique de M. Musschenbroeck. Nous ne parlons point des fontaines intermittentes artificielles ; on a suffisamment Ve à l'article SINGULARITES DES FONTAINES, comment l'art peut les imiter à l'exemple de la nature.

Les propriétés des siphons fournissent aussi des fontaines curieuses.

Sait par exemple un vase A G B F (fig. 25. n°. 5. Hydraul.), dans lequel on ait ajusté un siphon ou tuyau recourbé à branches inégales, dont la plus longue branche D E sorte du vase, et dont l'autre soit ouverte en C près du fond du vase sans toucher à ce fond ; qu'on verse de l'eau dans ce vase, elle montera en même temps dans le siphon C D par l'ouverture C ; et dès que l'eau en s'élevant sera arrivée dans le syphon et dans le vase au niveau du point D, alors par la propriété du syphon toute l'eau du vase s'écoulera par la jambe la plus longue D E. Si donc on place sur le haut du vase une figure dont les lèvres soient au niveau du coude D, il est évident que l'eau s'écoulera dès qu'elle sera arrivée à la hauteur des lèvres de cette figure : ainsi la figure pourra représenter une espèce de Tantale. Voilà le principe général, dont on peut varier l'application en autant de manières qu'on voudra, entr'autres par celle qui est expliquée dans l'Essai de physique de M. Musschenbroeck, §. 1376. Il est facîle par la construction de la fontaine, de dérober le jeu du siphon aux spectateurs.

On peut voir dans les livres de Physique, différentes autres espèces de fontaines artificielles ; mais voilà les principales. (O)

FONTAINES ARTIFICIELLES, (Jardinage) sont aussi nécessaires à l'entretien des jardins qu'à leur embellissement. Elles forment des jets, des gerbes, des pyramides, des nappes, des cascades, des buffets ; et les morceaux de sculpture qui les accompagnent ordinairement, en font à nos yeux des objets enchanteurs.

On les distribue en fontaines jaillissantes, en eaux plates, en fontaines rocaillées en bassins, à l'italienne, à l'égyptienne, et autres. Voyez l'article suiv. (K)

FONTAINES, (Architecture) sous ce nom on entend aussi-bien la source qui produit l'eau que le monument qui la reçoit ; mais par rapport à l'art de bâtir, et aux diverses formes et situations de ces monuments, on les appelle fontaines couvertes, découvertes, jaillissantes, pyramidales, rustiques, en grottes, en buffets, isolées, adossées, engagées, flanquées, angulaires, &c.

Communément le sculpteur a autant de part que l'architecte à la composition de ces sortes d'édifices, principalement lorsqu'il s'agit d'un ordonnance allégorique ou symbolique, à l'usage de la décoration des jardins de propreté, comme il s'en voit à Versailles, ou à celle des fontaines jaillissantes destinées à l'embellissement des places publiques ; telles qu'il s'en voit dans presque toutes les villes d'Italie, et dont l'énumération, le goût du dessein, et la perfection de l'exécution sont connus de tous.

En France, il semble que nous ayons pris soin d'ignorer ces derniers genres de monuments ; car, à l'exception des fontaines qui parent nos maisons royales, et dont les desseins sont de la composition de le Brun, et de plusieurs sculpteurs habiles du dernier siècle, toutes celles qui décorent cette capitale, prouvent notre insuffisance à cet égard. Il semble même que nos architectes aient négligé cette partie de leur art, au point d'avoir abandonné aux entrepreneurs le dessein de ces sortes d'édifices, le plus grand nombres des fontaines qui se voient à Paris dans ce dernier genre, étant d'une composition triviale, d'une construction très-négligée, et d'une ordonnance au-dessous du médiocre.

Ce qui est certain, c'est que les deux seuls monuments de cette espèce, qui soient dignes de quelque considération, sont la fontaine des saints Innocens rue S. Denis, et celle de la rue de Grenelle fauxbourg S. Germain ; encore faut-il convenir que la première a été exécutée par Jean Goujon, et la seconde par Edme Bouchardon, dont les noms seuls font l'éloge. Nous observerons néanmoins que le mérite essentiel de ces deux ouvrages, consiste dans la perfection de la Sculpture, et non dans l'ordonnance de l'Architecture ; en effet, que signifient l'application de l'ordre corinthien dans la décoration de celle des saints Innocens, et l'ordre ionique employé dans la fontaine de Grenelle ? Jusqu'à quand se croira-t-on permis de négliger l'esprit de convenance, dans l'ordonnance de nos édifices ? Pourquoi des ouvrages qui intéressent la gloire de la nation, le progrès des Arts, et la splendeur des règnes de nos rais, ne sont-ils pas jugés, avant leur exécution, par les académies rassemblées ? Quel bien ne résulterait-il pas, pour la perfection des monuments qui ornent la capitale, si nos architectes, nos sculpteurs, nos peintres, les amateurs, les hommes à talents dans chaque genre, se communiquaient leurs productions, certains jours de l'année, pour y délibérer sur les avantages, le choix, la forme, et la composition de nos bâtiments ? En un mot tous les hommes habiles ne devraient former qu'un corps. Cette réunion d'avis, de sentiments importe plus qu'on ne s'imagine. Tout ouvrage public intéresse les Artistes. C'est par ce moyen seul que la France peut se signaler, et que les soins, la vigilance de notre directeur général peuvent être secondés utilement, et tourner au profit de la société. (P)

* FONTAINE DOMESTIQUE ; il y en a de plusieurs espèces : nous allons décrire les principales. Toutes se peuvent définir, un vaisseau qui contient l'eau destinée à la boisson et aux autres usages d'une maison.

Il y a d'abord les fontaines simples : ce sont des vases de cuivre rosette, étamés en-dedans. On y distingue trois parties ; celle d'en-bas, ou le pied ; celle qui s'élève au-dessus, ou la cuve de fond ; et celle qui est au-dessus de la cuve de fond, à laquelle on adapte le couvercle, et qu'on appelle gorge. Elles sont chacune d'une seule pièce, sans soudure sur la hauteur ; le chauderonnier qui les travaille les a embouties ou retreintes selon la forme qu'elles exigent. Le pied est bordé à la partie inférieure d'un ourlet qui couvre une baguette de cuivre, et non de plomb ou de fer : c'est un règlement général pour toutes les parties couvertes d'un ouvrage de chauderonnerie : le bord supérieur du pied formé en drageoir, reçoit la cuve de fond.

La cuve de fond entre dans le drageoir du pied ; elle est d'une seule pièce, fond et parois : elle a donc été prise dans une plaque, emboutie, retreinte, et réduite par ce travail à la forme d'un cylindre, qui a un peu plus de hauteur que de base. A un pouce et demi, plus ou moins du fond, on pratique une ouverture ; on y relève un ornement extérieur quelconque : cet ornement s'appelle la bosse ; et c'est à l'ouverture que cet ornement entoure, qu'on adapte le robinet. On conçoit que la partie supérieure de la cuve de fond est en drageoir, afin de recevoir la gorge.

La gorge peut être regardée comme prise dans une cuve de fond dont on aurait percé le fond. Sa partie inférieure doit entrer juste dans le drageoir de la pièce précédente : cette partie est emboutie, retreinte, et bordée d'un ourlet semblable à celui du pied ; cet ourlet est reçu dans le couvercle.

Le couvercle est un dôme dont la forme varie selon le goût de l'ouvrier : il est bordé par en-bas d'un ourlet, et il porte à sa partie supérieure une poignée qu'on appelle pommelle. La pommelle est au centre du dôme, à l'extérieur, et sert à prendre et à placer le couvercle.

Aux côtés de la fontaine, vers sa partie supérieure, proche la gorge, à droite et à gauche, sont rivées à clous deux plaques de cuivre qu'on appelle porte-mains ; ces plaques retiennent deux anneaux qu'on appelle mains, et qui servent à porter la fontaine.

Voilà la fontaine simple. Elle est placée sur un pied de bois. La cuve de fond est soudée au pied, et la gorge à la cuve de fond. La soudure est d'étain : on se sert de la même soudure pour fixer à demeure le robinet dans le trou de la bosse.

On voit par-là que l'intérieur d'une fontaine pareille ne peut être étamé avec trop de soin : mais jamais l'étamage ne préviendra tout le danger ; parce que, quelque parfait qu'il sait, c'est toujours un crible, dans les petits trous duquel le verd-de-gris se forme imperceptiblement : et que l'étain lui-même n'est pas un métal tout à fait innocent. Voyez les articles ETAMER, CUIVRE, et ÉTAIN : et d'ailleurs, si vous mettez de l'eau bourbeuse dans ces fontaines simples, elle n'en sortira jamais bien claire.

La salubrité a fait d'abord imaginer des fontaines de cuivre sablées, qui clarifiassent l'eau ; et ensuite des fontaines de plomb, à sable et à éponge, qui eussent l'avantage de donner des eaux limpides, et d'obvier au danger du cuivre et de l'étain.

Pour se faire une idée juste de la fontaine de cuivre sablée, il faut imaginer une fontaine simple, telle que nous venons de la décrire, dont l'intérieur soit partagé en trois espaces différents par deux diaphragmes ; ces diaphragmes que le chauderonnier appelle panaches, sont des limbes du diamétre de la fontaine, à l'endroit où ils doivent être fixés : ils sont percés au centre d'un trou circulaire ; et les bords de ce trou sont relevés, et peuvent recevoir un couvercle. Le premier diaphragme est soudé un peu au-dessous de la jonction de la gorge et de la cuve de fond ; il est traversé d'un tuyau placé à son bord ; ce tuyau est d'un pouce de diamètre, ou environ ; il est soudé au diaphragme ; il se rend au second diaphragme ; il le traverse pareillement, et lui est soudé comme au premier : ce tuyau se nomme ventouse ; il s'élève jusqu'à l'ourlet de la gorge, où il est arrêté par une soudure. Son usage est de donner sortie à l'air contenu dans la partie inférieure de la fontaine, à mesure que cette cavité se remplit d'eau filtrée.

Le diaphragme supérieur doit avoir son ouverture plus grande que l'inférieur, afin que le couvercle de celui-ci puisse passer par l'ouverture de celui-là.

Le diaphragme ou panache inférieur est soudé à la cuve de fond, comme le supérieur ; sa distance au premier est d'environ cinq à six pouces : il a aussi son couvercle.

Il faut que toutes ces pièces, tuyau, panache, couvercle, soient bien étamées.

On remplit de sable l'intervalle compris entre les deux diaphragmes ; l'inférieur est fermé de son couvercle. Le sable placé, on ferme le supérieur du sien ; on met encore une certaine hauteur de sable sur celui-ci, et l'eau réside sur le sable.

L'eau se filtre à-travers le premier sable, s'insinue entre le joint du couvercle du diaphragme supérieur et le rebord de ce diaphragme ; descend dans la cavité comprise entre les deux diaphragmes ; se filtre une seconde fois en passant à-travers le sable qui la remplit ; s'insinue pareillement entre le couvercle du diaphragme inférieur et son rebord ; tombe dans la partie inférieure de la fontaine, la remplit, et en chasse l'air par le canal appelé ventouse : l'eau clarifiée sort de cette partie par le robinet, et sert aux usages de la maison.

On voit que le sable se chargeant de toutes les impuretés de l'eau, il vient un temps où il est tellement envasé, que la filtration se fait lentement et mal : alors il faut laver le sable en plusieurs eaux, et le replacer dans la fontaine. Voyez cette fontaine dans nos Planches de Chauderonnerie.

Voici maintenant la description des fontaines de plomb, sablées et à éponge.

Imaginez une caisse de bois de chêne plus ou moins grande, selon la quantité d'eau qu'on veut avoir en réserve. Que cette caisse soit carrée, mais un peu plus longue que haute ; et que toute la capacité en soit doublée de plomb, et divisée en quatre parties par des séparations aussi de plomb.

C'est dans la partie ou division A B C D, la plus grande de toutes, qu'on met l'eau comme elle vient de la rivière. Cette division communique avec la division A C F E par des trous t, t, t, t, pratiqués à la partie supérieure de la cloison A C, et par d'autres petits trous u, u, u, u, pratiqués dans une petite gouttière fort étroite et assez élevée. On voit en I K, à la partie inférieure de la même cloison, A C, une division qui ne s'élève pas à la hauteur du côté B D, ni de la cloison E F ; elle ne forme, avec la partie inférieure du diaphragme E F, qu'un coffre a c I K, qui a à-peu-près la moitié de la hauteur de la cloison E F, et qui est beaucoup plus étroit que la division A B C D. Ce coffret est rempli de sable bien fin, et couvert de deux couvercles percés de quelques grands trous. Le premier couvercle pose et pese sur le sable ; le second ferme le coffre : on en a mis deux, parce que la partie de la vase et des ordures de l'eau qui se déposent sur ces couvercles, n'étant pas retenue dans le sable, le sable en demeure plus longtemps pur et moins sujet à être lavé.

Ce coffret communique avec la division F H N O, par des trous coniques Xe x, Xe x. Ces trous coniques sont remplis d'éponges très-fines et pressées fortement dans ces trous : ces trous sont pratiqués à sa partie supérieure, comme on voit.

La division F H N O communique avec la division G N O E par d'autres trous coniques y, y, y, y, pareillement remplis d'éponges fines et forcées. Ainsi l'eau en passant de la division A B C D dans le coffret a c I K, se filtre dans le sable qui remplit le coffret ; en passant du coffret a c I K dans la division F H N O, se filtre à-travers les éponges Xe x, Xe etc. et en passant de la division F H N O dans la division G N O E, se clarifie encore à-travers les éponges y, y, y, y. Il y a trois robinets ; le robinet L qui donne l'eau la plus claire, de la division G N O E ; le robinet M, qui donne une eau moins claire, de la division F H N O ; et un robinet Q, qui donne l'eau de la division A B C D, comme elle vient de la rivière.

Les trous coniques sont formés dans des bossages de plomb, tels qu'on les voit dans la figure ; et la petite gouttière avec ses trous u, u, u, u, sert à soutenir le sable et à le soulever un peu contre l'effort de l'eau supérieure au coffret. On a pratiqué aux bords supérieurs de la caisse des trous par où l'air peut entrer dans la fontaine, et éventer l'eau.

Ces fontaines sont excellentes ; nous ne pouvons trop en recommander l'usage ; et M. Ami qui les a inventées, a rendu un service important à la société, qui ne peut trop lui en marquer sa reconnaissance. Il a varié son invention en plusieurs manières différentes et toutes ingénieuses. Voyez les ouvrages qu'il a publiés.

Il faut avoir deux soins assez legers ; l'un de nettoyer le sable et les éponges de temps en temps, de mois en mois ; et l'autre, de ne point laisser tarir sa fontaine : sans quoi les premières eaux qui viendront après la dessication, tiendront des éponges un petit goût d'amertume et de marécage, mais ne seront jamais mal saines.

FONTAINE DE LA TETE, (Anatomie) Voyez FONTANELLE.

FONTAINES DE VIN, (Histoire moderne) L'usage de distribuer du vin au peuple, dans les occasions de réjouissances, est fort ancien. Alain Chartier raconte dans son histoire de Charles VII. que parmi les joies du peuple de Paris, lorsque ce roi y entra, " devant les Filles-Dieu était une fontaine, dont l'un des tuyaux jetait lait, l'autre vin vermeil, l'autre vin blanc, et l'autre eau ".

Monstrelet, en parlant de l'entrée que Charles V. fit aussi dans Paris, remarque " qu'il y avait dessous l'échafaud une fontaine jetant hypocras, et trois sirenes dedans, et était ledit hypocras abandonné à chacun ".

Lorsque le roi Charles VI. la reine Isabelle de Bavière, et le roi Henri d'Angleterre avec sa femme madame Catherine de France, vinrent à Paris, " tout le jour, dit encore Monstrelet, et toute la nuit, découlait vin en aucuns carrefours abondamment par robinets d'airain, et autres conduits ingénieusement faits, afin que chacun en prit à sa volonté ". Enfin le même historien rapporte que lors de l'entrée du roi Louis XI. dans la rue S. Denis, était une fontaine qui donnait vin et hypocras à ceux qui boire en voulaient ". Voyez le détail des autres réjouissances à l'article ENTREE. (D.J.)

FONTAINE DE FEU, (Artificier) Si l'on varie un peu la couleur du feu de l'artifice appelé pot à aigrette, et sa figure extérieure, par différents arrangements, on en forme des apparences de fontaines de feu. Pour changer sa couleur, il n'y a qu'à substituer de la limaille de cuivre ou de la poudre qu'on trouve chez les Epingliers : elle donne à ce feu une couleur verdâtre différente de celle de la limaille de fer, qu'on met dans les aigrettes.

A l'égard du changement de la figure extérieure, et de l'arrangement des cartouches pour représenter des jets, des gerbes, ou des cascades, il n'y a qu'à imiter l'arrangement des tuyaux de plomb qui produisent toutes les différences des fontaines, par une semblable position des cartouches remplis de ces compositions, qui ne produisent que des étincelles sans flamme, comme sont celles où dominent les charbons de bois dur un peu grossièrement pilés, la limaille de fer ou de cuivre, sans matières onctueuses ou huileuses. En effet, il n'y a point tant d'opposition entre l'apparence du feu et de l'eau, qu'on se l'imagine du premier : car les gouttes d'eau des jets saillans éclairés par le Soleil ou quelque lumière qui s'y réfléchit, ne ressemblent pas mal à des étincelles. Il ne s'agit donc pour représenter une gerbe d'eau, que de rassembler plusieurs cartouches pleins de matières combustibles de cette matière, et de les allumer en même temps.

Si l'on range ces tuyaux en deux lignes parallèles, posés en situation un peu inclinée entr'eux, ils produiront, lorsqu'ils seront allumés, l'effet d'un berceau d'eau tel qu'on en voit à Versailles, sous lequel on pourra passer sans se bruler, pour peu qu'ils soient éloignés.

Si on les range comme les raies d'une roue, du centre à la circonférence sur le même plan, ils produiront une apparence de Soleil.

Si partant du même centre ils sont également inclinés à l'horizon de bas en haut, ils formeront un cone droit semblable à une cloche de fer.

Si on les range sur des formes pyramidales, ils formeront une pyramide de feu.

Si on les couche horizontalement par lits d'inégale hauteur inégalement avancés, et que la matière dont ils sont pleins soit lente, en sorte que les étincelles retombent sans être poussées loin, leur feu représentera une cascade.

Si les dégorgements sont des ouvertures larges et plates, et que les tuyaux se touchent, leur feu représentera une nappe d'eau dont le bassin pourra être figuré comme l'on voudra, pour faire retomber les étincelles en rond ou de toute autre figure ; auquel cas les charbons qui les produisent doivent être grossièrement pilés pour retomber avant que d'être consumés. Tous les tuyaux de ces artifices peuvent être faits de poterie de terre ordinaire, plutôt que de toute autre matière ; parce qu'ils peuvent être consumés par le feu, s'ils sont de bois ; ils se fondraient, s'ils étaient de plomb ou de fer, par l'action du soufre et du salpetre, qui sont des fondants ; et ils couteraient beaucoup, s'ils étaient de cuivre.

Au reste, on ne peut les faire bien longs ; 1°. parce que le feu les ferait crever, ou s'étoufferait s'il était trop éloigné de l'embouchure de leur dégorgement ; 2°. il resterait en partie caché dans la longueur de son étendue ; 3°. enfin, on ne pourrait aisément comprimer les matières, lorsqu'elles doivent être foulées.

* FONTAINE, (Raffinerie en sucre) c'est une cavité qui se forme le plus souvent dans la pâte du pain : quelquefois elle est pleine de sirop ; d'autres fais, on est obligé de l'ouvrir pour la remplir. On se sert pour l'ouvrir de la pointe de la truelle ; et l'on y porte de la matière, comme dans l'opération que l'on appelle foncer. Voyez l'article FONCER.