S. m. (Histoire des Tartares) titre de grande dignité chez les Tartares. Nos voyageurs écrivent ce nom de six ou sept manières différentes, comme Kan, Kaan, Khan, Khagan, Kam, Chaam, Cham, et ces variétés d'orthographes forment autant d'articles d'une même chose, dans le Dictionnaire de Trévoux. Tous les princes ou souverains des peuples tartares qui habitent une grande partie du continent de l'Asie, prennent le titre de kan, mais ils n'ont pas tous la même puissance.

Les Tartares de la Crimée, pays connu dans l'antiquité sous le nom de Chersonese taurique, où les Grecs portèrent leurs armes et leur commerce, professent le Mahométisme, et obéissent à un kan dont le pays est sous la protection des Turcs. Si les Tartares de la Crimée se plaignent de leur kan, la Porte le dépose sous ce prétexte. S'il est aimé du peuple, c'est encore un plus grand crime, dont il est plutôt puni, ainsi la plupart des kans de cette contrée passent de la souveraineté à l'exil, et finissent leurs jours à Rhodes, qui est d'ordinaire leur prison et leur tombeau. Cependant le sang othoman dont les kans de Crimée sont descendus, et le droit qu'ils ont à l'empire des Turcs, au défaut de la race du grand-seigneur, rendent leur famille respectable au sultan même, qui n'ose la détruire, et qui de plus est obligé de nommer à la place du kan qu'il dépossede, un autre prince qui soit du même sang.

Le kan des Tartares koubans ne reconnait point les ordres du grand-seigneur, et s'est maintenu libre jusqu'à ce jour.

Quoique le kan des Tartares mongules de l'ouest soit sous la protection de la Chine, cette soumission n'est au fond qu'une soumission précaire, puisque loin de payer le moindre tribut à l'empereur chinois, il reçoit lui-même des présents magnifiques de la cour de Péking, et en est fort redouté, car s'il lui prenait jamais fantaisie de se liguer avec les Calmouks, le monarque qui siège aujourd'hui dans l'empire de la Chine, n'aurait qu'à se tenir bien ferme sur le trone.

Les Tartares du Daghestan ne sont pas seulement indépendants de leurs voisins, à cause de leurs montagnes inaccessibles ; mais ils n'obéissent à leur propre kan, qui est élu par le chef de leur religion, qu'autant qu'il leur plait.

Les Tartares noghais n'ont point de kan général pour leur maître, mais seulement plusieurs chefs qu'ils nomment Murses. Voyez MURSA.

Si les Tartares de la Casastchia orda ont un seul kan pour souverain, les Murses brident encore son pouvoir à leur volonté.

Enfin les Tartares circasses obéissent à divers kans particuliers de leur nation, qui sont tous sous la protection de la Russie.

Il résulte de ce détail que la dignité de kan est très-différente chez les peuples tartares, pour l'indépendance, la puissance, et l'autorité.

Le titre de kan en Perse répond à celui de gouverneur en Europe ; et nous apprenons du dictionnaire persan d'Halinti, qu'il signifie haut, éminent, et puissant seigneur. Aussi les souverains de Perse et de Turquie le mettent à la tête de tous leurs titres ; Zingis conquérant de la Tartarie, joignit le titre de kan à son nom ; c'est pour cela qu'on l'appelle Zingis-Kan.

(Le Chevalier DE JAUCOURT.)