(Géographie et Histoire naturelle) c'est le nom d'une chaîne de montagnes, d'une vallée et d'un lac du pays de Vaud, dans le canton de Berne en Suisse.

Le mont-joux, mons Jovius ou mons Jovis ; c'est une portion du mont Jura. Le mont Jura est une longue chaîne de montagnes, qui s'étend depuis le Rhin près de Bâle jusqu'au Rhône à 4 lieues au-dessous de Genève. Cette chaîne est tantôt plus tantôt moins élevée ; elle a aussi plus ou moins de largeur : enfin elle prend dans cette étendue différents noms particuliers. Le long du Rhône, c'est le grand Credo ; c'est le mont saint Claude, entre la Franche-Comté et le Bugey ; c'est le mont-Joux ou le mont de Joux vers les sources de l'Ain et du Doux en Franche-Comté ; c'est aussi les monts de Joux dans le bailliage de Romainmotier du canton de Berne, frontière du comté de Bourgogne ; c'est Pierre-Pertuis, Petra pertusa dans l'évêché de Bâle. La montagne y a été percée par les Romains ; on y voit encore une inscription qui en fait foi. C'est par-là qu'on entre dans le Munsterthal, ou la vallée de Montier Gran-val. Tirant plus loin du côté de Bâle et de Soleurre, le mont Jura est appelé Botzberg ; je ne m'arrête qu'aux dénominations les plus générales. Autrefois toute cette chaîne séparait le royaume de Bourgogne en Bourgogne cisjurane et transjurane : aujourd'hui elle sépare la Suisse de la Franche-Comté et du Bugey.

Dans cette partie du mont Jura du comté de Bourgogne, qui porte aussi le nom de mont-joux, est une petite ville avec un château à une lieue de Pontarlier. Sept lieues plus loin vers le midi il y a encore un village du même nom de Joux, avec une abbaye et un lac.

Le mont-Joux dans le bailliage de Romainmotier a de même donné le nom à un lac et à une vallée. Là le mont Jura s'élargit considérablement ; il forme trois vallées qui se communiquent par des gorges : celle de Joux est la plus grande et la plus élevée, d'où on passe à celle de Vanillon, et de-là à celle de Valorbes qui est la plus basse. La partie la plus basse de la vallée de Joux est occupée par un lac de deux lieues de longueur, sur demi-lieue dans sa plus grande largeur. Toute la vallée à plus de quatre lieues de longueur, et environ deux de largeur. Le lac a vers son extrémité un étranglement comme un canal, où l'on a placé un long pont de bois : le lac s'élargit de nouveau ; ce qui forme un autre bassin, qu'on nomme le petit lac. De l'extrémité du pont s'élève une montagne qui forme une nouvelle vallée du côté de la Franche-Comté ; cette vallée s'appelle le Lieu, d'un village de ce nom. Là est un troisième lac qui n'est qu'un grand étang, qu'on appelle lacter, peut-être de lacus tortici ; cet étang parait communiquer par des souterrains au lac de Joux. Une rivière entre dans celui-ci ; c'est l'Orbe qui vient du lac des Rousses ; grand nombre de ruisseaux y tombent aussi de toutes parts. L'abbaye est un gros village qui est presque au milieu de la vallée. A une portée de canon de ce lieu-là on voit sortir du pied d'un rocher une petite rivière qui coule avec rapidité, et Ve se jeter dans le lac ; elle a dix pieds de largeur sur deux pieds de profondeur. Malgré cette quantité d'eau qui entre sans-cesse dans le lac, aucune rivière n'en sort extérieurement ; mais on voit des bouches au fond de l'eau en divers endroits, où l'eau s'engouffre et se perd : les paysans appellent ces trous des entonnoirs, et ils sont attentifs qu'ils ne se bouchent pas. Il parait qu'une partie de cette eau coule par-dessous diverses montagnes du côté de l'Ile dans le bailliage de Morges : le principal des entonnoirs est à l'extrémité du petit lac, à une demi-lieue du pont. Dans cet endroit on a construit des moulins que l'eau, dans sa chute, avant que de se perdre dans les fentes des rochers, fait tourner : les moulins sont bâtis au-dessous du niveau du lac dans un grand creux qu'il y a dans le rocher.

Quoiqu'il n'y ait aucun fruit dans cette vallée, elle est très-agréable et très-riante en été. Il y croit de l'orge et de l'avoine ; les pâturages y sont fort bons ; le lac est abondant en poissons ; le pays est très-peuplé. Il y a trois grandes paroisses, composées chacune d'un village principal et de plusieurs hameaux, l'Abbaye, le Chenit et le Lieu.

Saint Romain et saint Lupicin ou saint Loup, deux frères, dont Grégoire de Tours a écrit la vie, se retirèrent au bord d'un ruisseau appelé le Noson ; ils y vécurent comme hermites. Saint Loup abandonna le Noson pour aller au-dessus de la Sarra sur un rocher, près duquel coule une source soufrée qui fait de bons bains. Dans le lieu où était resté l'ainé des frères, on bâtit un hospice, puis un couvent sous le nom de Romani monasterium, d'où l'on a fait Romain-motier, qui est aujourd'hui une petite ville avec un bailliage le mieux renté du pays Romand. Le prieur de Romainmotier fit bâtir sur la fin du xiv. siècle, l'abbaye sur les bords du lac de Joux.

A une lieue de l'abbaye sur la montagne, du côté du pays Romand, on voit un grand trou large d'une douzaine de pieds ; il communique perpendiculairement à une caverne très-profonde, où l'on entend des eaux souterraines couler avec bruit. Du côté opposé, c'est-à-dire du côté de la Franche-Comté, on voit aussi au milieu des bois un trou semblable, mais au-dessous duquel on n'entend point de bruit d'eau courante.

On ne doute point que l'eau du petit lac qui s'échappe vers les moulins, n'aille former au-dessous dans la vallée de Valorbe, la rivière de l'Orbe, qui sort toute formée d'un rocher à demi-lieue du village de Valorbes. Cette source a au moins seize pieds de largeur, sur trois de profondeur.

On peut conclure de-là et de l'inspection des lieux qu'il ne serait pas impossible de couper au-travers des rochers un canal pour vider les lacs : ce serait gagner du large dans un pays très-serré et très-peuplé.

Les habitants de cette vallée sont ingénieux et industrieux. On y trouve de bons horlogers, des serruriers fort adroits, et un grand nombre de lapidaires.

Il y a beaucoup de mines de fer dans les montagnes voisines. On y rencontre des pyrites globuleuses, et des marcassites anguleuses : les paysans ne manquent point de prendre les dernières à cause de leur éclat, pour des mines d'or. On y trouve aussi surtout sur les revers du côté du midi et du couchant, des pétrifications, comme des térébratules, des cornes d'amon et des musculites. Dans le chemin de la vallée de Joux à celle de Vanlion, on ramasse quelques glossopetres ; et plus bas on voit une pierre ollaire, dont on pourrait peut-être tirer parti : il y a aussi des couches d'ardoise qui est négligée. E. BERTRAND.