(Marine) Voyez HANSIERE.

AUSSIERES, terme de Corderie, sont des cordages simples qui n'ont été commis qu'une fais, et qui sont composés de deux fils ou plus, ou de plusieurs faisceaux ou torons.

Les aussières de deux fils se nomment bitord. Voyez BITORD.

Celles des trois fils sont appelés du merlin. Voyez MERLIN.

Les aussières composées de plusieurs faisceaux ou torons, se nomment aussières à trois, quatre torons, etc. Voyez TORON.

Manière de fabriquer les aussières à trois torons. Lorsque les torons ont été suffisamment tors, le maître cordier fait ôter la clavette de la manivelle qui est au milieu du carré ; il en détache le toron qui y correspond, et le fait tenir bien solidement par plusieurs ouvriers, afin qu'il ne se détorde pas : sur le champ on ôte la manivelle, et dans le trou du carré où était cette manivelle, on en place une autre plus grande et plus forte, à laquelle on attache non-seulement le toron du milieu, mais encore les deux autres, de telle sorte que les trois torons se trouvent réunis à cette seule manivelle qui tient lieu de l'émerillon, dont on parlera dans l'article du BITORD.

Comme il faut beaucoup de force élastique pour ployer, ou plutôt rouler les uns sur les autres des torons qui ont une certaine grosseur, il faudrait tordre extrêmement les torons, pour qu'ils pussent se commettre d'eux-mêmes, s'ils étaient simplement attachés à un émerillon ; c'est pour cela qu'au lieu d'un émerillon, on emploie une grande manivelle qu'un ou deux hommes font tourner, pour concourir avec l'effort que les torons font pour se commettre. Ainsi au moyen des manivelles, il suffit que les torons aient assez de force élastique pour ne point se séparer, quand ils auront été une fois commis ; au lieu qu'il en faudrait une énorme pour obliger des torons un peu gros à se rouler les uns sur les autres par le secours du seul émerillon.

Les torons bien disposés, on les frotte avec un peu de suif ou de savon, pour que le toupin coule mieux ; ensuite on place le toupin dans l'angle de réunion des trois torons.

On approche le chariot du toupin le plus près du carré qu'il est possible, on conduit le toupin à bras jusqu'à ce qu'il soit arrivé jusqu'au chariot, où on l'attache fortement au moyen d'une traverse de bois ; alors toutes les manivelles tournent, tant celle du carré, que les trois du chantier. Le chariot avance, la corde se commet, les torons se raccourcissent, et le carré se rapproche de l'attelier petit-à-petit.

Quand les cordages sont longs, la grande manivelle du carré ne pourrait pas communiquer son effet d'un bout à l'autre de la pièce ; on y remédie en distribuant derrière le toupin un nombre d'ouvriers, qui, à l'aide des manivelles, travaillent de concert avec ceux de la manivelle du carré, à commettre la corde.

Quand le cordage est commis entièrement, on en lie fortement les extrémités avec de la ficelle, tant auprès du toupin, qu'auprès de la manivelle du carré, afin que les torons ne se séparent pas les uns des autres. Ensuite on le détache des palombes et de la manivelle, et on le porte sur des chevalets, afin de le laisser rasseoir, c'est-à-dire, afin que les fils prennent le fil qu'on leur a donné en les commettant ; et quelque temps après on roue le cordage. Voyez ROUER.

AUSSIERES à quatre torons, est une sorte de cordage composé de quatre cordons, dont chacun est un toron ou faisceau de fils tortillés ensemble, et qui tous les quatre sont commis ensemble.

Elles se fabriquent de la même manière que celles à trois torons, à l'exception que quand la corde est ourdie, ou du moins les fils étendus, on les divise en quatre parties égales pour en former les quatre torons ; au lieu que dans les aussières à trois torons, on ne les divise qu'en trois. Le toupin dont on se sert pour les aussières à quatre torons, doit avoir quatre rainures pour assujettir les quatre torons.

La plupart des Cordiers sont dans l'usage de mettre une meche dans les aussières à quatre torons. (Voyez MECHE.) Dans ce cas, il faut que le toupin dont on se sert soit percé dans toute sa longueur par le milieu, de manière que la meche puisse glisser librement par le trou : mais les bons ouvriers fabriquent les aussières à quatre torons sans y mettre de meche. L'un et l'autre usage ne laisse pas que d'avoir des inconvénients : dans le premier cas, il se fait une consommation inutîle de matière, car la meche ne sert qu'à remplir le vide qui se trouve nécessairement entre les torons : mais comme cette meche, qui n'est qu'un faisceau de fils simplement tortillés, se trouve avoir plus de tension que les torons, elle se casse au moindre effort ; cette méthode a encore un inconvénient qui est que le cordage en est bien plus pesant ; et par conséquent, il n'est pas si aisé de s'en servir : enfin il en résulte un troisième défaut dans le cordage ; c'est que l'humidité pénétrant dans le corps de la corde, s'y entretient par le moyen de la meche dont le chanvre s'échauffe, se corrompt et pourrit le reste du cordage. Il n'y a qu'un inconvénient à éviter quand on fabrique des aussières à quatre torons sans meche ; c'est d'empêcher qu'aucun des torons ne s'approche du centre de la corde, et ne remplisse le vide qui doit y être ; dans ce cas, outre que la corde ne serait point unie, mais raboteuse (ce qui pourrait l'empêcher de passer librement par les poulies) les quatre torons se trouveraient tendus inégalement, et par conséquent, ils ne pourraient pas avoir autant de force pour résister aux poids : cet inconvénient n'est pas facîle à vaincre, et il faut qu'un ouvrier soit habîle pour en venir à bout : pour cet effet, il passe dans le trou qui traverse le toupin une cheville qui entre un peu dans le cordage pendant qu'il se commet, et autour de laquelle les quatre torons se roulent.

Les aussières à cinq et à six torons ne peuvent pas absolument être fabriquées sans meche : mais quelle doit être la grosseur des meches dans les aussières à quatre, cinq et six torons ? Voyez MECHE.

M. Duhamel prétend qu'il est avantageux de multiplier les torons des aussières : 1°. parce qu'il faut moins de force élastique pour commettre de petits torons, que pour en commettre de gros : 2°. plus les torons sont menus, moins il y a de différence entre la tension des fils qui se trouvent au milieu, et celle des fils qui se trouvent à la circonférence ; d'où il conclud que de deux aussières de même grosseur, mais d'un nombre inégal de torons, celle-là est la plus forte, qui est faite de plus de torons.

AUSSIERES en queue de rat, terme de Corderie ; c'est une aussière dont un des bouts est une fois plus gros que l'autre.

Manière d'ourdir les aussières en queue de rat. Comme ces cordages sont une fois plus gros par un bout que par l'autre, on commence par étendre ce qu'il faut de fils pour faire la grosseur du petit bout, ou la moitié de la grosseur du gros bout ; on divise cette quantité de fils en trois parties, si l'on veut faire une queue de rat à trois torons ; et en quatre, si l'on veut en avoir une à quatre : donnons-en un exemple.

Si l'on se propose de faire une queue de rat à trois torons de 9 pouces de grosseur au gros bout, sachant qu'il faut 384 fils pour une aussière de cette grosseur, je divise en deux cette quantité de fils pour avoir la grosseur de la queue de rat au petit bout, et j'étends 192 fils de la longueur de la pièce, mettant en outre ce qu'il faut pour le raccourcissement des fils.

On aperçoit que chaque pièce de cordage doit faire sa manœuvre, c'est-à-dire, que chaque pièce ne doit pas avoir plus de longueur que la manœuvre qu'elle doit faire ; car s'il fallait couper un cordage en queue de rat, on l'affoiblirait beaucoup en la coupant par le gros bout, et elle deviendrait trop grosse si l'on retranchait du petit bout.

Si donc on veut une aussière en queue de rat de 32 brasses de longueur, j'étends mes 192 fils à 48 brasses, si je me propose de la commettre au tiers, et à 43 brasses, si je veux la commettre au quart ; ensuite je divise les 192 fils en trois pour faire une aussière à trois torons, ou en quatre pour en faire une à quatre torons ; jusque-là on suit la même règle que pour faire une aussière à l'ordinaire : mais pour ourdir les 192 fils restants, il faut allonger seulement quatre fils assez pour qu'ils soient à un pied de distance du carré ; et au moyen d'une gance, on en attache un à chacun des torons : voilà déjà l'aussière diminuée de quatre fils. On étend de même quatre autres fils qu'on attache encore avec des gances à un pied de ceux dont nous venons de parler, et la corde se trouve diminuée de huit fils : en répétant 48 fois cette opération, chaque toron se trouve grossi de 48 fils ; et ces 192 fils étant joints aux 192 qu'on avait étendus en premier lieu, la corde se trouve être formée au gros bout de 384 fils, que nous avons supposés qu'il fallait pour faire une aussière de neuf pouces de grosseur à ce bout. Suivant cette pratique l'aussière en question conserverait neuf pouces de grosseur jusqu'aux quatre cinquiemes de sa longueur, et ne diminuerait que dans la longueur d'un cinquième. Si un maître d'équipage voulait que la diminution s'étendit aux deux cinquiemes, le Cordier n'aurait qu'à raccourcir chaque fil de deux pieds au lieu d'un, etc. car il est évident que la queue de rat s'étendra d'autant plus avant dans la pièce, qu'on mettra plus de distance d'une gance à une autre : si on jugeait plus à propos que la diminution de grosseur de la queue de rat ne fût pas uniforme, on le pourrait faire en augmentant la distance d'une gance à une autre mesure qu'on approche du carré. Voilà tout ce qu'on peut dire sur la manière d'ourdir ces sortes de cordages : il faut parler maintenant de la façon de les commettre.

Manière de commettre les aussières en queue de rat. Quand les fils sont bien ourdis, quand les fils qui sont arrêtés par des gances sont aussi tendus que les autres, on démare le carré : mais comme les torons sont plus gros du côté du chantier, que du côté du carré, ils doivent se tordre plus difficilement au bout où ils sont plus gros ; c'est pour cette raison et afin que le tortillement se repartisse plus uniformément, qu'en tordant les torons, on ne fait virer que les manivelles du chantier, sans donner aucun tortillement du côté du carré.

Quand les torons sont suffisamment tortillés, quand ils sont raccourcis d'une quantité convenable, on les réunit tous à l'ordinaire à une seule manivelle qui est au milieu de la traverse du carré, on place le toupin, dont les rainures doivent être assez ouvertes pour recevoir les gros bouts des torons, et on acheve de commettre la pièce à l'ordinaire, ayant grande attention que le toupin courre bien ; car comme l'augmentation de grosseur du cordage fait obstacle à sa marche, et comme la grosseur du cordage du côté du carré est beaucoup moindre qu'à l'autre bout, il arrive souvent, surtout quand on commet ces cordages au tiers, qu'ils rompent auprès du carré. M. Duhamel, Traité de la Corderie.