(Antiquité) c'est ainsi que les Anglais nomment un monument singulier qui se voit dans les plaines de Salisbury, à environ deux lieues de cette ville. Ce monument est composé de quatre rangées de pierres brutes d'une grandeur énorme, placées circulairement. Quelques-unes de ces pierres ont vingt pieds de hauteur sur sept de largeur, et en soutiennent d'autres placées horizontalement ; ce qui forme comme des linteaux de porte ; l'on présume que toutes les autres pierres étaient anciennement liées les unes aux autres, et ne formaient qu'un seul édifice.

La grandeur de ces pierres et la difficulté qu'il y eut eu à les transporter à cause de l'énormité de leur poids, a fait croire qu'elles étaient composées, et que les anciens avaient le secret d'un ciment au moyen duquel avec du sable ou de petites pierres, ils venaient à bout de faire des masses très-considérables. Mais cette raison ne parait point décisive, Ve que les Egyptiens avaient trouvé le moyen de faire venir de très-loin des masses de pierres bien plus considérables qu'aucune de celles dont ce monument anglais est composé ; d'ailleurs en examinant le grain de ces pierres, tout le monde demeure convaincu qu'elles sont naturelles.

Les antiquaires anglais sont partagés sur les usages auxquels cet édifice a pu servir. Quelques-uns croient que c'était un temple des druides ou prêtres des anciens Bretons ; d'autres croient que c'était un temple des Romains dédié à Coelus ou au ciel, parce qu'il était découvert ; d'autres croient que c'était un monument élevé en l'honneur de Hengist fameux héros danois, qui conquit l'Angleterre ; d'autres enfin croient que c'était un monument élevé par Aurelius Ambrosius, fondés sur ce que le nom latin de ce lieu est encore mons Ambrosii.

M. Mallet, dans son Introduction à l'histoire de Danemark, nous apprend que les anciens peuples du nord élevaient sur des collines, soit naturelles soit artificielles, des autels qui n'étaient composés que de rochers dressés sur la pointe, et qui servaient de bases à de grandes pierres plates qui formaient les tables. Quelques-uns de ces autels étaient entourés d'un double rang de pierres énormes, qui environnaient aussi la colline même sur laquelle ces autels étaient placés. On voit encore une semblable enceinte dans l'île de Sélande, où ces pierres ont dû être apportées de fort loin, et par un travail énorme ; sur quoi M. Mallet remarque que de tout temps la superstition a imaginé qu'on ne pouvait honorer la divinité qu'en faisant pour elle des espèces de tours de force. Le même auteur observe encore que dans les lieux où les peuples du nord faisaient l'élection de leurs rais, on formait une enceinte composée de douze rochers placés sur la pointe perpendiculairement, au milieu desquels il s'en élevait un plus grand que les autres, sur lequel on mettait un siege pour le roi ; les autres pierres servaient de barrière entre le peuple et lui. On trouve trois de ces monuments grossiers ; l'un près de Lund en Scanie, l'autre à Leyre en Sélande, et le troisième près de Vibord en Jutlande. Il y a lieu de croire que le stonehenge des Anglais servait à quelques usages semblables, qui étaient communs aux Bretons et aux anciens Danois, ou que ces derniers avaient apporté en Angleterre, lorsqu'ils en firent la conquête.