S. f. (Logique et Grammaire) terme abstrait : ce mot est tout Grec, ἀναλογια. Cicéron dit que puisqu’il se sert de ce mot en Latin, il le traduira par comparaison, rapport de ressemblance entre une chose et une autre : Ἀναλογια, latinè (audendum est enim, quoniam hæc primum à nobis novantur) comparatio, proportio-ve dici potest. Cic.

Analogie signifie donc la relation, le rapport ou la proportion que plusieurs choses ont les unes avec les autres, quoique d'ailleurs différentes par des qualités qui leur sont propres. Ainsi le pied d'une montagne a quelque chose d'analogue avec celui d'un animal, quoique ce soient deux choses très-différentes.

Il y a de l'analogie entre les êtres qui ont entre eux certains rapports de ressemblance, par exemple, entre les animaux et les plantes : mais l'analogie est bien plus grande entre les espèces de certains animaux avec d'autres espèces. Il y a aussi de l'analogie entre les métaux et les végétaux.

Les scolastiques définissent l'analogie, une ressemblance jointe à quelque diversité. Ils en distinguent ordinairement de trois sortes ; savoir une d'inégalité, où la raison de la dénomination commune est la même en nature, mais non pas en degré ou en ordre ; en ce sens, animal est analogue à l'homme et à la brute : une d'attribution, où quoique la raison du nom commun soit la même, il se trouve une différence dans son habitude ou rapport ; en ce sens, salutaire est analogue tant à l'homme qu'à un exercice du corps : une enfin de proportion, où quoique les raisons du nom commun diffèrent réellement, toutefois elles ont quelque proportion entre elles ; en ce sens, les ouies des poissons sont dites êtres analogues aux poumons dans les animaux terrestres. Ainsi l'oeil et l'entendement sont dits avoir analogie, ou rapport l'un à l'autre.

En matière de langage, nous disons que les mots nouveaux sont formés par analogie, c'est-à-dire que des noms nouveaux sont donnés à des choses nouvelles, conformément aux noms déjà établis d'autres choses, qui sont de même nature et de même espèce. Les obscurités qui se trouvent dans le langage, doivent surtout être éclaircies par le secours de l'analogie.

L'analogie est aussi un des motifs de nos raisonnements ; je veux dire qu'elle nous donne souvent lieu de faire certains raisonnements, qui d'ailleurs ne prouvent rien, s'ils ne sont fondés que sur l'analogie. Par exemple, il y a dans le ciel une constellation qu'on appelle lion ; l'analogie qu'il y a entre ce mot et le nom de l'animal qu'on nomme aussi lion, a donné lieu à quelques Astrologues de s'imaginer que les enfants qui naissaient sous cette constellation étaient d'humeur martiale : c'est une erreur.

On fait en Physique des raisonnements très-solides par analogie. Ce sont ceux qui sont fondés sur l'uniformité connue, qu'on observe dans les opérations de la nature ; et c'est par cette analogie que l'on détruit les erreurs populaires sur le phénix, le rémora, la pierre philosophale et autres.

Les préjugés dont on est imbu dans l'enfance, nous donnent souvent lieu de faire de fort mauvais raisonnements par analogie.

Les raisonnements par analogie peuvent servir à expliquer et à éclaircir certaines choses, mais non pas à les démontrer. Cependant une grande partie de notre Philosophie n'a point d'autre fondement que l'analogie. Son utilité consiste en ce qu'elle nous épargne mille discussions inutiles, que nous serions obligés de répéter sur chaque corps en particulier. Il suffit que nous sachions que tout est gouverné par des lois générales et constantes, pour être fondés à croire que les corps qui nous paraissent semblables, ont les mêmes propriétés, que les fruits d'un même arbre ont le même gout, etc.

Une analogie tirée de la ressemblance extérieure des objets, pour en conclure leur ressemblance intérieure, n'est pas une règle infaillible : elle n'est pas universellement vraie, elle ne l'est que ut plurimum ; ainsi l'on en tire moins une pleine certitude, qu'une grande probabilité. On voit bien en général qu'il est de la sagesse et de la bonté de Dieu de distinguer par des caractères extérieurs les choses intérieurement différentes. Ces apparences sont destinées à nous servir d'étiquette pour suppléer à la faiblesse de nos sens, qui ne pénètrent pas jusqu'à l'intérieur des objets : mais quelquefois nous nous méprenons à ces étiquettes. Il y a des plantes venimeuses qui ressemblent à des plantes très-salutaires. Quelquefois nous sommes surpris de l'effet imprévu d'une cause, d'où nous nous attendions à voir naître un effet tout opposé : c'est qu'alors d'autres causes imperceptibles s'étant jointes avec cette première à notre insu, en changent la détermination. Il arrive aussi que le fond des objets n'est pas toujours diversifié à proportion de la dissemblance extérieure. La règle de l'analogie n'est donc pas une règle de certitude, puisqu'elle a ses exceptions. Il suffit au dessein du Créateur, qu'elle forme une grande probabilité, que ses exceptions soient rares, et d'une influence peu étendue. Comme nous ne pouvons pénétrer par nos sens jusqu'à l'intérieur des objets, l'analogie est pour nous ce qu'est le témoignage des autres, quand ils nous parlent d'objets que nous n'avons ni vus, ni entendus. Ce sont-là deux moyens que le Créateur nous a laissés pour étendre nos connaissances. Détruisez la force du témoignage, combien de choses que la bonté de Dieu nous a accordées, dont nous ne pourrions tirer aucune utilité ! Les seuls sens ne nous suffisent pas : car quel est l'homme du monde qui puisse examiner par lui-même toutes les choses qui sont nécessaires à la vie ? Par conséquent dans un nombre infini d'occasions, nous avons besoin de nous instruire les uns les autres, et de nous en rapporter à nos observations mutuelles. Ce qui prouve en passant, que le témoignage, quand il est revêtu de certaines conditions, est le plus souvent une marque de la vérité ; ainsi que l'analogie tirée de la ressemblance extérieure des objets, pour en conclure leur ressemblance intérieure, en est le plus souvent une règle certaine. Voyez l'article CONNOISSANCE, où ces réflexions sont plus étendues.

En matière de foi on ne doit point raisonner par analogie ; on doit se tenir précisément à ce qui est révélé, et regarder tout le reste comme des effets naturels du mécanisme universel dont nous ne connaissons pas la manœuvre. Par exemple, de ce qu'il y a eu des démoniaques, je ne dois pas m'imaginer qu'un furieux que je vois soit possédé du démon ; comme je ne dois pas croire que ce qu'on me dit de Léda, de Sémelé, de Rhéa-Sylvia, soit arrivé autrement que selon l'ordre de la nature. En un mot Dieu comme auteur de la nature, agit d'une manière uniforme. Ce qui arrive dans certaines circonstances, arrivera toujours de la même manière quand les circonstances seront les mêmes ; et lorsque je ne vois que l'effet sans que je puisse découvrir la cause, je dois reconnaître ou que je suis ignorant, ou que je suis trompé, plutôt que de me tirer de l'ordre naturel. Il n'y a que l'autorité spéciale de la divine révélation qui puisse me faire recourir à des causes surnaturelles. Voyez le I. chapitre de l'Evangîle de saint Matthieu, . 19. et 20. où il parait que saint Joseph garda la conduite dont nous parlons.

En Grammaire, l'analogie est un rapport de ressemblance ou d'approximation qu'il y a entre une lettre et une autre lettre, ou bien entre un mot et un autre mot, ou enfin entre une expression, un tour, une phrase, et un autre pareil. Par exemple, il y a de l'analogie entre le B et le P. Leur différence ne vient que de ce que les lèvres sont moins serrées l'une contre l'autre dans la prononciation du B ; et qu'on les serre davantage lorsqu'on veut prononcer P. Il y a aussi de l'analogie entre le B et le V. Il n'y a point d'analogie entre notre on dit et le dicitur des Latins, ou si dice des Italiens : ce sont-là des façons de parler propres et particulières à chacune de ces langues. Mais il y a de l'analogie entre notre on dit et le man sagt des Allemands : car notre on vient de homo, et man sagt signifie l'homme dit ; man kan, l'homme peut. L'analogie est d'un grand usage en Grammaire pour tirer des inductions touchant la déclinaison, le genre et les autres accidents des mots. (F et X)

ANALOGIE, en Mathématique, est la même chose que proportion, ou égalité de rapport. Voyez PROPORTION, RAPPORT, RAISON. (O)

ANALOGIE. On se sert de ce mot en Médecine pour signifier la connaissance de l'usage des parties, de leur structure et de leur liaison, eu égard à leurs fonctions : elle donne de grandes vues dans les maladies ; soit pour en expliquer la cause et l'action, soit pour déterminer les remèdes qui y sont nécessaires. C'est à l'analogie que l'on doit l'utilité de la saignée dans différentes maladies inflammatoires et éruptoires ; c'est par l'analogie que l'on a reconnu les effets de différentes préparations chimiques tirées du mercure, de l'antimoine et du fer. (N)