S. m. et f. (Grammaire française) Voici un mot si bizarre de notre langue, un mot qui signifie tant de choses, un mot enfin d'une construction si difficile, qu'on peut en permettre l'article dans ce Dictionnaire en faveur des étrangers ; et même plusieurs français le liraient utilement.

Le mot gens tantôt signifie les personnes, les hommes, tantôt les domestiques, tantôt les soldats, tantôt les officiers de justice d'un prince, et tantôt les personnes qui sont de même suite et d'un même parti. Il est toujours masculin en toutes ces significations, excepté quand il veut dire personnes ; car alors il est féminin si l'adjectif le précède, et masculin si l'adjectif le suit. Par exemple, j'ai Ve des gens bien faits, l'adjectif bien faits après gens, est masculin. Au contraire on dit de vieilles gens, de bonnes gens ; ainsi l'adjectif devant gens est féminin. Il n'y a peut-être qu'une seule exception qui est pour l'adjectif tout, lequel étant mis devant gens, est toujours masculin, comme tous les gens de bien, tous les honnêtes gens ; on ne dit point toutes les honnêtes gens.

Le P. Bouhours demande, si lorsque dans la même phrase, il y a un adjectif devant, et un adjectif ou un participe après, il les faut mettre tous deux au même genre, selon la règle générale ; ou si l'on doit mettre le féminin devant, et le masculin après ; par exemple, s'il faut dire, il y a de certaines gens qui sont bien sots, ou bien sotes ; ce sont les meilleures gens que j'aye jamais vus ou vues ; les plus savants dans notre langue croient qu'il faut dire sots et vus au masculin, par la raison que le mot de gens veut toujours le masculin après soi. C'est cependant une bizarrerie étrange, qu'un mot soit masculin et féminin dans la même phrase, et ces sortes d'irrégularités rendent une langue bien difficîle à savoir correctement.

Le mot gens pris dans la signification de nation, se disait autrefois au singulier, et se disait même il n'y a pas un siècle. Malherbe dans une de ses odes dit : ô combien lors aura de veuves, la gent qui porte le turban ; mais aujourd'hui il n'est d'usage au singulier qu'en prose ou en poésie burlesque : par exemple, Scarron nomme plaisamment les pages de son temps, la gent à gregues retroussées. Il y a pourtant tel endroit dans des vers sérieux, où gent a bonne grâce, comme en cet endroit du liv. V. de l'Enéïde de M. de Segrais, de cette gent farouche adoucira les mœurs. Il se pourrait bien qu'on a cessé de dire la gent, à cause de l'équivoque de l'agent.

On demande, si l'on doit dire dix gens, au nombre déterminé, puisqu'on dit beaucoup de gens, beaucoup de jeunes gens. Vaugelas, Ménage, et le P. Bouhours, le grand critique de Ménage, s'accordent unanimement à prononcer que gens ne se dit point d'un nombre déterminé, de sorte que c'est mal parler, que de dire dix gens. Ils ajoutent qu'il est vrai qu'on dit fort bien mille gens, mais c'est parce que le mot de mille en cet endroit, est un nombre indéfini ; et par cette raison, on pourrait dire de même cent gens, sans la cacophonie. Cette décision de nos maîtres parait d'autant plus fondée qu'ils ajoutent, que si en effet il y avait cent personnes dans une maison, ou bien mille de compte fait, ce serait mal parler que de dire, il y a cent gens ici, j'ai Ve mille gens dans le salon de Versailles ; il faudrait dire, il y a cent personnes ici, j'ai Ve mille personnes dans le salon de Versailles.

Cependant quoiqu'il soit formellement décidé, que c'est mal parler que de dire dix gens, on dira fort bien, ce me semble, dix jeunes gens, trois honnêtes gens, en parlant d'un nombre préfix ; il parait que quand on met un adjectif entre le mot gens, ou un mot quelconque devant gens, on peut y faire précéder un nombre déterminé, dix jeunes gens, trois honnêtes gens ; c'est pour cela qu'on dit, très-bien en prenant gens pour soldat ou pour domestique : cet officier accourut avec dix de ses gens ; le prince n'avait qu'un de ses gens avec lui.

Il reste à remarquer qu'on dit en conséquence de la décision de Vaugelas, Bouhours, et Ménage, c'est un honnête homme : mais on ne dit point en parlant indéfiniment, ce sont d'honnêtes hommes, il faut dire ce sont d'honnêtes gens ; cependant on dit, c'est un des plus honnêtes hommes que je connaisse ; on peut dire aussi, deux honnêtes hommes vinrent hier chez moi. (D.J.)

GENS DE LETTRES, (Philosophie et Littérat.) ce mot répond précisément à celui de grammairiens : chez les Grecs et les Romains, on entendait par grammairien, non-seulement un homme versé dans la Grammaire proprement dite, qui est la base de toutes les connaissances, mais un homme qui n'était pas étranger dans la Géométrie, dans la Philosophie, dans l'Histoire générale et particulière ; qui surtout faisait son étude de la Poésie et de l'Eloquence : c'est ce que sont nos gens de lettres aujourd'hui. On ne donne point ce nom à un homme qui avec peu de connaissances ne cultive qu'un seul genre. Celui qui n'ayant lu que des romans ne fera que des romans ; celui qui sans aucune littérature aura composé au hasard quelques pièces de théâtre, qui dépourvu de science aura fait quelques sermons, ne sera pas compté parmi les gens de lettres. Ce titre a de nos jours encore plus d'étendue que le mot grammairien n'en avait chez les Grecs et chez les Latins. Les Grecs se contentaient de leur langue ; les Romains n'apprenaient que le grec : aujourd'hui l'homme de lettres ajoute souvent à l'étude du grec et du latin celle de l'italien, de l'espagnol, et surtout de l'anglais. La carrière de l'Histoire est cent fois plus immense qu'elle ne l'était pour les anciens ; et l'Histoire naturelle s'est accrue à proportion de celle des peuples : on n'exige pas qu'un homme de lettres approfondisse toutes ces matières ; la science universelle n'est plus à la portée de l'homme : mais les véritables gens de lettres se mettent en état de porter leurs pas dans ces différents terrains, s'ils ne peuvent les cultiver tous.

Autrefois dans le seizième siècle, et bien avant dans le dix-septième, les littérateurs s'occupaient beaucoup de la critique grammaticale des auteurs grecs et latins ; et c'est à leurs travaux que nous devons les dictionnaires, les éditions correctes, les commentaires des chefs-d'œuvres de l'antiquité ; aujourd'hui cette critique est moins nécessaire, et l'esprit philosophique lui a succédé. C'est cet esprit philosophique qui semble constituer le caractère des gens de lettres ; et quand il se joint au bon gout, il forme un littérateur accompli.

C'est un des grands avantages de notre siècle, que ce nombre d'hommes instruits qui passent des épines des Mathématiques aux fleurs de la Poésie, et qui jugent également bien d'un livre de Métaphysique et d'une pièce de théâtre : l'esprit du siècle les a rendus pour la plupart aussi propres pour le monde que pour le cabinet ; et c'est en quoi ils sont fort supérieurs à ceux des siècles précédents. Ils furent écartés de la société jusqu'au temps de Balzac et de Voiture ; ils en ont fait depuis une partie devenue nécessaire. Cette raison approfondie et épurée que plusieurs ont répandue dans leurs écrits et dans leurs conversations, a contribué beaucoup à instruire et à polir la nation : leur critique ne s'est plus consumée sur des mots grecs et latins ; mais appuyée d'une saine philosophie, elle a détruit tous les préjugés dont la société était infectée ; prédictions des astrologues, divinations des magiciens, sortiléges de toute espèce, faux prodiges, faux merveilleux, usages superstitieux ; elle a relégué dans les écoles mille disputes puériles qui étaient autrefois dangereuses et qu'ils ont rendues méprisables : par-là ils ont en effet servi l'état. On est quelquefois étonné que ce qui bouleversait autrefois le monde, ne le trouble plus aujourd'hui ; c'est aux véritables gens de lettres qu'on en est redevable.

Ils ont d'ordinaire plus d'indépendance dans l'esprit que les autres hommes ; et ceux qui sont nés sans fortune trouvent aisément dans les fondations de Louis XIV. de quoi affermir en eux cette indépendance : on ne voit point, comme autrefois, de ces épitres dédicatoires que l'intérêt et la bassesse offraient à la vanité. Voyez EPITRE.

Un homme de lettres n'est pas ce qu'on appelle un bel esprit : le bel esprit seul suppose moins de culture, moins d'étude, et n'exige nulle philosophie ; il consiste principalement dans l'imagination brillante, dans les agréments de la conversation, aidés d'une lecture commune. Un bel esprit peut aisément ne point mériter le titre d'homme de lettres ; et l'homme de lettres peut ne point prétendre au brillant du bel esprit.

Il y a beaucoup de gens de lettres qui ne sont point auteurs, et ce sont probablement les plus heureux ; ils sont à l'abri des dégouts que la profession d'auteur entraîne quelquefois, des querelles que la rivalité fait naître, des animosités de parti, et des faux jugements ; ils sont plus unis entr'eux ; ils jouissent plus de la société ; ils sont juges, et les autres sont jugés. Article de M. DE VOLTAIRE.

GENS DE CORPS, ou DE POESTE, ou DE POSTE, (Jurisprudence) quasi potestatis alienae, sont des serfs ou gens main-mortables. Voyez MAIN-MORTABLES. (A)

GENS MAIN-MORTABLES, voyez MAIN-MORTABLES, MAIN-MORTE, et AFFRANCHISSEMENT.

GENS DE MAIN-MORTE, voyez AMORTISSEMENT et MAIN-MORTE.

GENS DU ROI, (Jurisprudence) est un terme générique qui dans une signification étendue comprend tous les officiers du roi, soit de judicature, de finance, ou même d'épée.

Par exemple, le roi en parlant des officiers de son parlement, les qualifie de nos gens tenant la cour de Parlement.

Dans une ordonnance de Philippe de Valais, du mois de Juin 1338, on voit que ce prince donne à des trésoriers des troupes le titre de gentes nostrae.

Charles VI. dans des lettres du mois de Juin 1394, en parlant des juges royaux de Provins, les appelle les gens du roi ; et dans d'autres lettres du mois de Janvier 1395, il désigne même par les termes de gentes regias, les officiers de la sénéchaussée de Carcassonne.

Ces exemples suffisent pour donner une idée des différentes significations de ces termes, gens du roi.

Ce titre parait venir du latin agentes nostri, qui était le titre que les empereurs, et après eux nos rais, donnaient aux ducs et aux comtes, dont l'office s'appelait agère comitatum.

Du mot agentes on a fait par abréviation gentes regis, et en français gens du roi.

Dans l'usage présent et le plus ordinaire, on n'entend communément par les termes de gens du roi, que ceux qui sont chargés des intérêts du roi et du ministère public dans un siège royal, tels que les avocats et procureurs généraux dans les cours souveraines, les avocats et procureurs du roi dans les bailliages et sénéchaussées, et autres sièges royaux.

Les substituts des procureurs généraux et des procureurs du roi, sont aussi compris sous le terme de gens du roi, comme les substituant en certaines occasions.

La fonction des gens du roi n'est pas seulement de défendre les intérêts du roi, mais aussi de veiller à tout ce qui intéresse l'église, les hôpitaux, les communautés, les mineurs, et en général tout ce qui concerne la police et le public ; c'est pourquoi on les désigne quelquefois sous le titre de ministère public, lequel néanmoins n'est pas propre aux gens du roi, leur étant commun avec les avocats et procureurs fiscaux, lesquels dans les justices seigneuriales, défendent les intérêts du seigneur comme les gens du roi défendent ceux du roi dans les juridictions royales, et ont au surplus les mêmes fonctions que les gens du roi pour ce qui concerne l'église, les hôpitaux, les communautés, les mineurs, la police et le public.

A la rentrée des tribunaux royaux, les gens du roi font ordinairement une harangue ; ce sont eux aussi qui sont chargés de faire le discours des mercuriales.

Ils portent la parole aux audiences dans toutes les causes tant civiles que criminelles, dans lesquelles le roi, l'église, ou le public, sont intéressés : dans quelques sièges il est aussi d'usage de leur communiquer les causes des mineurs.

Ils donnent des conclusions par écrit dans toutes les affaires civiles de même nature qui sont appointées, et dans toutes les affaires criminelles.

Ils font aussi d'office des plaintes et requisitions, lorsque le cas y échet.

Les fonctions que les gens du roi exercent étaient remplies chez les Romains par différents officiers.

Il y avait d'abord dans la ville deux magistrats, l'un appelé comes sacrarum largitionum ; l'autre appelé comes rei privatae, qui étaient chacun dans leur district, comme les procureurs généraux de l'empereur.

Les lois romaines font aussi mention qu'il y avait un avocat du fisc dans le tribunal souverain du prefet du prétoire, qui était le premier magistrat de l'empire : dans la suite, les affaires s'étant multipliées, on lui donna un collègue.

Il y avait aussi un avocat du fisc auprès du premier magistrat de chaque province.

La fonction de ces avocats du fisc était d'intervenir dans toutes les causes où il s'agissait des revenus de l'empereur, de son trésor, de son domaine, et autres affaires semblables ; les juges ne les pouvaient décider sans avoir auparavant oui l'avocat du fisc : celui-ci était tellement obligé de veiller aux intérêts du prince, que si quelque droit se perdait par sa faute, il en était responsable.

Il y avait aussi dans chacune des principales villes de l'empire un officier appelé procurator Caesaris ; ses fonctions consistaient non-seulement à veiller à la conservation du domaine et des revenus du prince ; mais il était aussi juge des causes qui s'élevaient à ce sujet entre le prince et ses sujets, à l'exception des causes criminelles et des questions d'état de personnes, dont il ne connaissait point, à-moins que le président ne lui en donnât la commission.

Les avocats du fisc ni les procureurs du prince n'étaient pas chargés de la protection des veuves, des orphelins, et des pauvres ; on nommait d'office à ces sortes de personnes dans les occasions un avocat qui prenait leur défense ; et lorsque c'étaient des pauvres, l'avocat était payé aux dépens du public.

Le même ordre était établi dans les Gaules par les Romains, lorsque nos rois en firent la conquête : mais suivant les capitulaires, il parait qu'il y eut quelque changement. En effet, il n'y est point fait mention qu'il y eut alors des avocats du roi ou du fisc en titre d'office ; il parait que tous les avocats en faisaient les fonctions. Lorsque les églises et personnes ecclésiastiques avaient besoin d'un défenseur, le roi leur donnait un de ces avocats.

Pour ce qui est des procureurs du roi, il y en avait dès les commencements de la monarchie ; les anciennes chartes et les capitulaires en font mention sous les différents titres de actores, dominici actores fisci, actores publici, actores vel procuratores reipublicae.

Il est souvent parlé dans les registres olim, de gentes regis ; gentibus d. regis pro d. rege multa proponentibus : mais il ne parait pas que l'on entendit par-là un procureur et des avocats du roi qui fussent attachés au parlement ; on y voit au contraire que toutes les fois qu'il était question de s'opposer ou plaider pour le roi, ce sont toujours le prevôt de Paris ou les baillifs royaux qui portent la parole pour les affaires qui intéressaient le roi, dans le territoire de chacun de ces officiers : c'est de-là que le prevôt de Paris et les baillifs et sénéchaux ont encore une séance marquée en la grand'chambre du parlement, que l'on appelle le banc des baillis et sénéchaux, lequel est couvert de fleurs-de-lis. C'est peut-être aussi par un reste de cet ancien usage, que l'officier qui fait les fonctions du ministère public à l'échevinage de Dunkerque, s'appelle encore grand bailli.

On ne trouve aucune preuve qu'il y eut des avocats et procureurs du roi en titre au parlement, avant 1302 : il parait pourtant difficîle de penser que le roi n'eut pas dès-lors des officiers chargés de défendre ses droits, spécialement pour le parlement, Ve que le roi d'Angleterre, comme duc de Guienne, le comte de Flandres, le roi de Sicile, etc. en avaient en titre. Il est dit dans un arrêt de 1283, que le procureur du roi de Sicîle parla, procurator regis Siciliae : mais celui qui parla pour le roi Philippe III. n'est pas désigné autrement que par ces mots : verum parte d. Philippi regis.... adjiciens pars regis, &c.

Ce qui fait encore croire que le roi avait dès-lors des gens chargés de ses intérêts au parlement, est qu'il avait dès-lors des procureurs et quelquefois aussi des avocats dans les bailliages, comme au châtelet. Un arrêt de 1265 juge que les avocats du roi ne sont justiciables que de sa cour, tant qu'ils seront chargés de ce ministère. L'ordonnance de 1302 parle des procureurs du roi dans les bailliages et sénéchaussées ; elle leur ordonne de faire dans chaque cause le serment ordinaire, qu'ils la croient bonne, et leur défend d'être procureurs dans aucune affaire de particuliers ; il y est même déjà parlé de leurs substituts.

Jean le Bossu et Jean Pastoureau remplissaient les fonctions d'avocats du roi au parlement, dès 1301, avant même que le parlement fût sédentaire à Paris.

Ce n'est qu'en 1308 qu'on trouve pour la première fois un procureur du roi parlant pour sa majesté au parlement : encore n'est-il pas certain que ce fût un magistrat attaché au parlement ; il parait même qu'en ces occasions c'était le procureur du roi de tel ou tel bailliage, qui venait au parlement défendre les droits du roi conjointement avec le bailli du lieu. On voit dans les olim, les baillis et sénéchaux, et le prevôt de Paris continuer de parler pour le roi, jusqu'en 1309 où finissent ces registres : une ordonnance de cette année les charge même expressément de cette fonction.

Une lettre de Philippe le Bel à l'archevêque de Sens fait mention du procureur du roi au parlement, qu'elle qualifie catholicum juris conditorem.

Cependant l'ordonnance de 1319 dont on a déjà parlé, semble supposer qu'il n'y avait point alors de procureur du roi au parlement ; peut-être avait-il été supprimé avec les autres procureurs du roi : car le roi y ordonne qu'il y ait en son parlement une personne qui ait cure de faire délivrer et avancer les propres causes du roi, et qu'il puisse être de son conseil avec ses avocats ; ce qui confirme qu'il y avait dès lors des avocats du roi ; mais il parait qu'ils n'étaient que pour conseiller : et supposé qu'il y eut un procureur du roi attaché au parlement, ceux des bailliages, les baillis et sénéchaux et le prevôt de Paris parlaient comme lui pour le roi, chacun dans les affaires de leur territoire qui l'intéressaient.

Depuis ce temps, on trouve des preuves non équivoques qu'il y avait deux avocats et un procureur du roi au parlement. Philippe le Bel en parlant de ces trois magistrats, les nommait ordinairement gentes nostras, c'est-à-dire les gens du roi ; titre qui est demeuré aux avocats et procureurs généraux des cours souveraines, et qui est aussi commun aux avocats et procureurs du roi des bailliages et autres sièges royaux.

Avant la vénalité des charges, ces sortes d'officiers étaient choisis dans l'ordre des avocats ; et présentement il faut encore qu'ils aient prêté le serment d'avocat, avant de pouvoir posséder un office d'avocat ou procureur du roi.

Les gens du roi dans les cours souveraines sont les avocats généraux et le procureur général, lequel a rang et séance après le premier avocat général : il n'y a pas de même des gens du roi au conseil, à cause que le roi est présent ou réputé présent. L'inspecteur du domaine donne son avis, et fait des requisitoires lorsqu'il y échet dans les matières domaniales.

Dans les sièges royaux inférieurs, il y a ordinairement un avocat du roi ; dans certains sièges il y en a plusieurs ; il y a dans tous un procureur du roi, qui a rang et séance après le premier avocat du roi.

L'habillement des gens du roi est le bonnet carré et le rabat, la robe à longues manches, la soutane, et le chaperon herminé de même que les avocats.

Les gens du roi des parlements, cours des aydes et cours des monnaies, c'est-à-dire les avocats et procureurs généraux, portent la robe rouge dans les cérémonies : cette prérogative ne parait point leur avoir été accordée par aucun titre particulier ; elle parait une suite du droit que les avocats au parlement ont pareillement de porter la robe rouge, ainsi qu'on le dira en son lieu ; les avocats et procureurs du roi de quelques présidiaux jouissent aussi du même honneur ; ce qui dépend des titres et de la possession.

La place des gens du roi est ordinairement à la tête du barreau ; les avocats généraux du parlement se placent encore au premier barreau dans les petites audiences ; à l'égard de celles qui se tiennent sur les hauts siéges, le procureur général se mettait de tout temps sur le banc qui est au-dessous des présidents et des conseillers-clercs : les avocats généraux se plaçaient autrefois à ces audiences sur le banc des baillis et sénéchaux ; ce n'est que depuis 1589 qu'ils se placent sur le banc au-dessous des présidents et des conseillers-clercs : ce changement fut fait pour la commodité du premier président de Verdun, qui tardè audiebat. Dans les cérémonies, ils marchent à la suite du tribunal, et sont précédés d'un ou deux huissiers.

Lorsque les gens du roi portent la parole, ils sont debout et couverts, les deux mains gantées. Tous ceux qui ont séance après celui d'entr'eux qui porte la parole, se tiennent aussi debout et couverts pendant tout le temps qu'il parle.

Ils ont le privilège de ne pouvoir être interrompus par les parties ni par les avocats contre lesquels ils plaident.

Le 21 Février 1721, M. l'avocat général parlant dans l'affaire du duc de la Force qui était présent, celui-ci l'interrompit ; M. l'avocat général dit qu'il ne pouvait être interrompu par qui que ce soit que par M. le premier président.

Il n'est pas d'usage que les juges interrompent la plaidoirie des gens du roi, quoique l'heure à laquelle l'audience finit ordinairement vienne à sonner ; mais il y a des exemples que dans de grandes affaires les gens du roi ont eux-mêmes partagé leur plaidoirie en plusieurs audiences.

Dans les affaires où le ministère public est appelant ou demandeur, l'avocat de l'intimé ou du défendeur a la replique sur les gens du roi : mais il est aussi d'usage que ceux-ci ont la replique en dernier.

On dit communément que les gens du roi sont solidaires, c'est-à-dire qu'ils agissent et parlent toujours en nom collectif ; ils sont présumés se concerter entr'eux pour les conclusions qu'ils doivent prendre.

Il y a néanmoins des exemples que dans la même affaire un des gens du roi n'a pas suivi les mêmes principes que son collègue, et s'est fait recevoir opposant à un arrêt rendu sur les conclusions des gens du roi. Le procureur général ou procureur du roi peut lui-même se faire recevoir opposant à un jugement rendu sur ses conclusions.

Le ministère des gens du roi est purement gratuit ; excepté que dans les affaires civiles appointées, et dans les affaires criminelles où il y a une partie civile, leurs substituts ont des épices pour les conclusions.

On n'adjuge jamais de dépens ni de dommages et intérêts aux gens du roi ; mais on ne les condamne aussi jamais à aucune amende, dépens, ni dommages et intérêts.

Les gens du roi de chaque siège ont un parquet ou chambre, dans lequel les avocats et procureurs vont leur communiquer les causes où ils doivent porter la parole : c'est aussi dans ce même lieu que l'on plaide devant eux les affaires qui doivent être vuidées par leur avis : les substituts y rapportent aussi au procureur général ou au procureur du roi, si c'est dans un siège inférieur, les affaires civiles et criminelles qui leur sont distribuées. Voyez COMMUNICATION DES GENS DU ROI, et PARQUET DES GENS DU ROI. (A)

GENS DE MER, (Marine) on donne ce nom à ceux qui s'appliquent à la navigation et au service des vaisseaux.

GENS DE L'ÉQUIPAGE, (Marine) voyez ÉQUIPAGE.