SUBSTANCE, (Synonyme) le premier de ces mots veut dire proprement ce qui sert à nourrir, à entretenir, à faire subsister, de quelque part qu'on le reçoive. Le second signifie tout le bien qu'on a pour subsister étroitement, ce qui est absolument nécessaire pour pouvoir se nourrir, et pour pouvoir vivre.

Les ordres mendiants trouvent aisément leur subsistance ; mais combien de pauvres honteux qui consument en douleur leur substance et leurs jours ? combien de partisans qui s'engraissent de la pure substance du peuple, et qui mangent en un jour la subsistance de cent familles ? C'est la Bruyere qui le disait déjà des partisans du dernier siècle. (D.J.)

SUBSISTANCE, (Art militaire) il y a deux sortes de subsistances : les unes se trouvent dans le pays, comme les fourrages, et souvent les grains pour les distributions. Les autres se tirent de loin, comme le pain, le vin, la viande, et les menues fournitures de l'armée. Le bois et la paille sont des commodités indispensables. Nous parlerons de toutes ces différentes substances, dont un général a soin que son armée soit pourvue, parce que leur défaut a de dangereuses conséquences. Commençons par les fourrages.

Ils sont de la dernière nécessité dans une armée, et un général a l'attention de se camper de telle sorte que l'ennemi ne puisse les lui enlever, ni les lui rendre difficiles. Il est de sa prudence et de son intérêt de n'en pas laisser manquer à ses troupes. Il doit en empêcher le dégât, surtout s'il séjourne dans son camp un temps considérable. La consommation des fourrages verts est beaucoup plus grande que celle des secs, mais aussi la quantité en est beaucoup plus grande sur la terre, parce que l'ennemi ne la peut diminuer ; au lieu qu'il peut détourner les secs, les emporter, les mettre dans les places, et même les consumer par le feu.

La paille est utîle en plusieurs occasions ; dans le commencement de la campagne, elle sert pour coucher les hommes : après la récolte on se baraque avec de la paille, on en fait des écuries pour les chevaux, parce que dans cette saison les jours deviennent pluvieux, et les nuits plus froides. A la fin de la campagne, quand les fourrages sont éloignés des camps, où l'on est obligé de séjourner longtemps, ou quand les mauvais chemins les rendent plus difficiles à être portés en trousse au camp, la paille hachée pour les chevaux, et mêlée avec un peu de grain est excellente. Il serait même à souhaiter qu'on leur donnât cette nourriture pendant la campagne, il en périrait moins, ils seraient dans un meilleur état, et résisteraient plus longtemps à la fatigue.

Il faut du bois dans les armées, tant pour chauffer les hommes, quand les chaleurs sont passées, et pour cuire, que pour les essuyer après les pluies. On doit tenir la main à ce qu'on ne dissipe pas le bois des charpentes et des édifices, empêcher qu'on ne les brule pour le chauffage ; et obliger l'officier et le soldat de prendre le bois dont ils ont besoin, dans les bois qui sont sur pied. Une armée s'en trouve mieux dans la suite de la guerre. Par ce moyen, les habitants reviennent après le départ de l'armée, ne cessent pas la culture de leurs terres, et l'on les trouve fertiles l'année suivante, si on y reporte la guerre.

Un général, autant qu'il est possible, campe auprès des rivières et des ruisseaux pour empêcher que la maladie ne se mette dans son armée ; car les eaux coulantes sont les meilleures et les plus saines. Lorsqu'on se trouve près des ruisseaux, on empêche qu'on n'en interrompe le cours, et l'on prend garde qu'on n'y jette rien qui gâte ou corrompe l'eau. Pour les eaux d'une rivière, on ne peut les détourner que par des travaux immenses. On en rend les abreuvoirs aisés. On ne fait des puits que lorsque les eaux courantes se trouvent trop éloignées du camp, parce que les eaux n'en sont pas saines, et qu'elles se troublent par la quantité qu'on en puise.

Il y a différentes espèces de légumes pour les subsistances ; les unes sont semées ou plantées ; les autres sont produites par la terre sans beaucoup de culture. Celles qui sont plantées ou semées sont les pais, fêves et racines : celles que la terre produit avec peu de culture, sont des espèces d'herbes ou racines, qui sont recherchées par le soldat, et employées à lui faire de la soupe. Tous ces différents légumes fournissent une grande subsistance au soldat ; mais il faut qu'il les aille chercher avec ordre, à la suite des fourrages, et avec des officiers commandés, afin d'empêcher qu'il ne s'écarte, et qu'il ne sorte des enceintes du fourrage. Quand les légumes se peuvent prendre en-dedans des gardes de cavalerie, ou des gardes fixes d'infanterie, on y conduit les soldats, qui sont toujours accompagnés d'officiers ou de sergens.

Les pays qui sont propres à la pâture, sont d'un grand soulagement à la cavalerie ; et un général peut rester beaucoup plus longtemps dans son camp. Quand la cavalerie est remplie d'une quantité de jeunes chevaux, on met, si le service le permet, cette cavalerie sur des ruisseaux, et dans des prairies voisines du lieu où l'on veut assembler l'armée, mais à couvert des insultes de l'ennemi. On y met tous les chevaux à l'herbe plus ou moins longtemps afin de leur faire perdre la mauvaise nourriture qu'ils peuvent avoir pris pendant l'hiver. C'est le moyen de les rafraichir, et de les disposer à la nourriture du verd, avant que de les fatiguer. Cette pâture conserve beaucoup les chevaux pendant la campagne.

Il y a une autre espèce de pâture qu'on donne aux chevaux, quand on est en corps d'armée ; elle sert à les rafraichir de la nourriture des grains, qui les échauffe trop, et épargne les fourrages. On prend ces pâtures le long des ruisseaux proche de l'armée, et même dans les plaines fouragées, où il revient de petites herbes ; c'est toujours avec des gardes générales de tout le camp, et particulières de chaque corps, qu'on couvre ces pâtures, afin que les petits partis des ennemis, et même le gros ne puissent pas venir enlever les chevaux lorsqu'ils paissent.

Le pain est une subsistance indispensable dans une armée. La fourniture s'en fait au parc des vivres ; et elle est faite d'avance au-moins pour quatre jours, lorsqu'on le peut avec commodité. Car souvent l'éloignement des lieux, d'où l'on tire le pain, ou la marche d'une armée d'un pays à l'autre, force le général à en faire distribuer pour six jours, et même pour huit, lorsqu'il prévait qu'on en pourra consommer une partie dans le camp, et qu'on est obligé d'envoyer les caissons en avant pour rejoindre l'armée dans un nouveau camp. Mais on ne fait jamais cette distribution sans une nécessité indispensable, à cause que les soldats vendent leur pain. On le cuit dans les villes les plus proches, parce que les fours y sont en plus grande quantité. Il se cuit aussi à l'armée où on construit des fours, surtout lorsque les convais sont trop difficiles ; parce qu'une charette porte en farine le triple de ce qu'un caisson porte en pain.

On fournit aussi quelquefois du biscuit au lieu de pain frais. L'usage en est très-utile, et surtout dans les longues marches au-travers d'un pays ennemi. La ration à 24 onces, selon quelques-uns, n'est pas assez forte au commencement de la campagne. La terre n'a encore produit aucuns légumes ; et les deux premiers mois la ration devrait peser deux livres. Le soldat en soutiendrait mieux la fatigue ; et l'expérience apprend que les jeunes soldats meurent souvent d'inanition.

C'est à l'intendant de l'armée à avoir une attention particulière sur le détail, la distribution, et la quantité de la viande. Il s'y passe une infinité de friponneries, dont le malheur tombe toujours sur le soldat, qui par-là se trouve privé d'une subsistance nécessaire. On donne pour ration de viande aux soldats une demi-livre. Outre les viandes que les entrepreneurs fournissent dans les armées, il y a encore une grande quantité de boucheries particulières. On veille à la sûreté des marchands de l'armée, et de plus à leur garde, soit dans les marches, soit pour la pâture de leurs bestiaux.

On pourvait aussi à la sûreté des marchands de vin, d'eau-de-vie, de bière, et d'autres subsistances, à cause de la quantité des menus besoins dont ils soulagent les troupes. On les oblige à se joindre aux convais, afin que leur enlevement par les partis ennemis n'apporte pas la cherté dans l'armée. (D.J.)

SUBSISTANCE DES PIECES se dit dans l'Artillerie d'une certaine somme que le roi paye pour chaque pièce de canon ou de mortier, que l'on met en batterie dans les sieges. Il y a un prix fixé pour mettre chaque pièce en batterie, et un autre pour sa subsistance chaque jour.

Le roi paye ordinairement 300 livres pour chaque pièce de canon mise en batterie. Au siege de Philisbourg en 1734, il y eut 84 pièces de canon de 24 en batterie, 97 de 16, 2 de 12, et 4 de 8. Il a été payé 300 livres pour chaque pièce de 24 et de 16, à l'exception de 14 mises en batterie dans l'ouvrage à corne, qui ont été payées 400 liv. et 20 liv. pour la subsistance pendant vingt-quatre heures de chacune de ces pièces. Il a été payé pour chaque pièce de douze et de huit mises en batterie 200 liv. et 16 liv. pour leur subsistance aussi pendant vingt-quatre heures.

Après que les frais nécessaires pour les batteries sont acquittés, le grand-maître fait une répartition du revenant-bon, aux officiers et aux ouvriers qui ont servi aux batteries. Voyez les mémoires de S. Remi. (Q)