TRANSPORT, (Synonyme) ces deux mots qui semblent dire la même chose au propre, ont cependant un usage différent ; on dit le transport des marchandises, de l'artillerie, etc. on dit la translation d'un concile, d'une fête, d'un parlement, d'un empire. Ce mot se dit aussi d'une personne qui change de lieu : l'une des religieuses voulut quitter l'Hôtel-Dieu pour aller à Port-Royal, on remua ciel et terre pour cette translation.

Translation ne se dit jamais en matière de commerce, ou de morale, mais transport s'y dit élégamment ; je lui ai fait un transport de ma dette. Translation ne s'emploie point au figuré. Transport se dit figurément en prose et en vers, du trouble et de l'agitation de l'âme ; par exemple un transport de joie a causé quelquefois la mort ; on n'aime que faiblement, quand les précautions sont les maîtresses des transports ; votre haine a des transports qui tiennent plus de l'amour que de l'indifférence.

Puisqu'après tant d'efforts, ma résistance est vaine,

Je me livre en aveugle, au transport qui m'entraîne.

Racine.

J'abandonnai mon âme à des ravissements

Qui passent les transports des plus heureux amants.

Corneille.

On dit aussi transports, de l'enthousiasme poétique.

Sentez-vous, dites-moi, ces violents transports,

Qui d'un esprit divin font mouvoir les ressorts ?

Despréaux. (D.J.)

TRANSLATION, (Belles-lettres) signifiait autrefois version d'un livre, ou d'un écrit, d'une langue dans une autre. Aujourd'hui on dit traduction. Voyez LIVRE, VERSION, etc.

Souvent les traducteurs tâchent de s'excuser aux dépens de la langue dans laquelle ils traduisent, et demandent grâce pour cette langue, comme si elle n'était pas assez riche et copieuse pour exprimer toute la force et toutes les beautés de l'original.

Ainsi un traducteur accuse la langue anglaise de la pauvreté et de la sécheresse, qui ne se trouve que dans son propre génie, et il met sur le compte de la langue, toutes les fautes qu'il ne devrait imputer qu'à lui-même. Voyez ANGLOIS.

Les Italiens disent proverbialement traduttore, traditore, pour faire entendre que les traducteurs trahissent ou défigurent ordinairement leur original.

TRANSLATION, (Jurisprudence) est l'action de transférer une personne ou une chose, d'un lieu dans un autre. Ce terme s'applique à différents objets, ainsi qu'on le Ve voir ci-après.

Translation d'un chanoine régulier d'une congrégation dans un ordre, on y observe les mêmes règles que pour celle des religieux, cap. licet extra de regul. Voyez translation d'un religieux.

TRANSLATION DE DOMICILE, en fait de taille, est lorsqu'un taillable Ve demeurer d'un lieu dans un autre ; ce changement doit être notifié aux habitants et syndics des paroisses avant le premier Octobre : et si la translation de domicîle est faite dans une paraisse abonnée, le taillable doit suivant les règlements, être imposé pendant dix ans à son ancien domicile, et cela pour empêcher les fraudes.

Un fermier qui transfère son domicîle en changeant de ferme, est encore imposé pendant un an dans son ancienne demeure, et ne l'est pour sa nouvelle ferme, qu'un an après. Voyez DOMICILE et TAILLE.

TRANSLATION ad effectum beneficii, est la translation d'un religieux dans un autre ordre, à l'effet de posséder un bénéfice qui en dépend. Les provisions du bénéfice sont capables d'opérer seules cette translation ; mais on ne reconnait plus aujourd'hui de translation ad effectum seulement, celui qui est transferé pour posséder un bénéfice est censé transferé à tous égards. Voyez Fevret, Louet, Vaillant, Lacombe.

TRANSLATION d'un évêque d'un siege à un autre, est reprouvée par les anciens canons et par tous les pères, lorsqu'elle est faite sans nécessité ou utilité pour l'Eglise, parce qu'il se contracte un mariage spirituel entre l'évêque et son église, tellement que celui qui la quitte facilement pour en prendre une autre, commet un adultère spirituel, suivant le langage des pères.

Le concîle de Nicée défend aux évêques, prêtres, et diacres, de passer d'une église à une autre ; c'est pourquoi Constantin le grand loue Eusebe évêque de Césarée, d'avoir refusé l'évêché d'Antioche.

Le concîle de Sardique alla même plus loin, car voyant que les Ariens méprisaient la défense du concîle de Nicée, et qu'ils passaient d'une moindre église à une plus riche, Osius le grand qui y présidait, y proposa que dans ce cas les évêques seraient privés de la communion laïque, même à la mort.

Il y a un grand nombre d'autres canons conformes à ces deux conciles.

L'église romaine était tellement attachée à cette discipline, que Formose fut le premier qui y contrevint, ayant passé de l'église de Porto à celle de Rome, vers la fin du ix. siècle, dont Etienne VII. lui fit un crime après sa mort.

Jean IX. fit néanmoins un canon pour autoriser les translations en cas de nécessité, ce qui était conforme aux anciens canons qui les permettaient en cas de nécessité, ou utilité pour l'Eglise.

C'était au concîle provincial à déterminer la nécessité ou utilité de la translation.

Tel fut l'usage en France jusque vers le Xe siècle, que ces translations furent mises au nombre des causes majeures réservées au S. Siege.

Suivant le droit des décrétales, et la discipline présente de l'Eglise, les translations des évêques sont toujours réservées au pape, et ne peuvent même appartenir aux légats à latère, sans un indult spécial du pape.

On observe aussi toujours que la translation ne peut être faite sans nécessité, ou utilité pour l'Eglise.

Il faut de plus en France, que ces translations se soient faites du consentement du roi, et sur sa nomination, et qu'il en soit fait mention dans les bulles de provision, autrement il y aurait abus. Voyez cap. iv. extra de translat. episcop. le P. Thomassin, Tournet, Fleury, Lacombe, et le mot EVEQUE.

TRANSLATION DE LEGS, est une déclaration par laquelle un testateur transfère un legs, soit d'une personne à une autre, soit de l'héritier qui en était chargé à un autre qu'il en charge, soit en changeant la chose léguée en une autre. Voyez au digeste, au code et aux institut. les tit. de legatis.

TRANSLATION D'ORDRE, ou d'un ordre dans un autre. Voyez ci-après TRANSLATION de religieux.

Translation d'un prisonnier, est lorsqu'on le fait passer d'une prison à une autre, soit pour l'approcher du juge de l'appel, soit pour le renvoyer à son premier jugement. Voyez ACCUSE, PRISON, PRISONNIER.

TRANSLATION d'une religieuse d'un monastère dans un autre, on y observe les mêmes règles que pour la translation des religieux, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent passer d'un monastère à un autre plus austère, sans avoir demandé la permission de leur supérieure ; et si celle-ci la refuse, la religieuse ne peut sortir du premier monastère, sans une permission par écrit de l'évêque. Cap. licet extra de regularib.

TRANSLATION d'un religieux, est lorsqu'il passe d'un ordre dans un autre.

Dans l'origine de l'état monastique les religieux pouvaient passer d'un monastère dans un autre, même d'un ordre différent, et se mettre successivement sous la direction de différents supérieurs.

S. Benait joignit au vœu d'obéissance perpétuelle, celui de stabilité, c'est-à-dire de résidence perpétuelle dans le monastère où les religieux avaient fait profession.

La règle de S. Benait étant devenue la seule qui fût observée dans l'occident, le précepte de stabilité devint un droit commun pour tous les réguliers.

Cependant comme le vœu de stabilité n'avait pour objet que de prévenir la légéreté et l'inconstance, et non pas d'empêcher les religieux de tendre à une plus grande perfection, on leur permit de passer de leur monastère, dans un autre plus austère ; et pour cela, ils n'avaient besoin que du consentement de l'abbé qu'ils quittaient.

Depuis l'établissement des ordres mendiants, plusieurs religieux de ces ordres se retirant chez les Bénédictins, ou dans d'autres congrégations, pour y obtenir des bénéfices, on régla d'abord que les mendiants ainsi transférés, ne pourraient tenir aucun bénéfice sans une permission particulière du pape.

Ces sortes de permissions s'accordant trop facilement, on régla dans la suite que les translations des mendiants dans un autre ordre (excepté celui des Chartreux, où l'on ne possède point de bénéfice), ne seraient valables que quand elles seraient autorisées par un bref exprès du pape.

Un religieux peut aussi être transféré dans un ordre plus mitigé, lorsque sa santé ne lui permet pas de suivre la règle qu'il a embrassée ; mais l'usage de ces sortes de translations est beaucoup plus moderne.

Pour passer dans un ordre plus austère, un religieux doit demander la permission de son supérieur ; mais si le supérieur la refuse, le religieux peut néanmoins se retirer.

A l'égard des mendiants, il leur est défendu, sous peine d'excommunication, de passer dans un autre ordre, même plus austère, sans un bref du pape ; et il est défendu aux supérieurs, sous la même peine, de les recevoir sans un bref de translation : on excepte seulement l'ordre des Chartreux.

Le pape est aussi le seul qui puisse transférer un religieux dans un ordre moins austère, lorsque sa santé l'exige.

Le bref de translation doit être fulminé par l'official, après avoir entendu les deux supérieurs ; et si la translation est accordée à cause de quelque infirmité du religieux, il faut qu'elle soit constatée par un rapport des médecins.

Les brefs de translation, pour être exécutés en France, doivent être expédiés en la daterie de Rome, et non par la congrégation des cardinaux, ni par la pénitencerie.

L'usage de la daterie qui est suivi parmi nous, oblige le religieux transféré, de faire un noviciat et une nouvelle profession, lorsqu'il passe dans un ordre plus austère, ou qu'il passe d'un ordre où l'on ne posséde pas de bénéfice, dans un ordre où l'on en peut tenir. Cap. licet extra de regularibus : cap. viam extravag. comm. de regular. Concil. Trid. sessio 25. de regul. cap. xxix. D'Héricourt, tit. de la translation d'ordre. (A)

TRANSLATION, s. f. dans nos anciennes musiques, c'est le transport de la signification d'un point à une note séparée par d'autres notes, de ce même point. Voyez POINT. (S)