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Catégorie : Synonyme
APPÉTIT, (Grammaire, Synonyme) l'un et l'autre désignent une sensation qui nous porte à manger. Mais la faim n'a rapport qu'au besoin, soit qu'il naisse d'une longue abstinence, soit qu'il naisse de voracité naturelle, ou de quelque autre cause. L'appétit a plus de rapport au goût et au plaisir qu'on se promet des aliments qu'on Ve prendre. La faim presse plus que l'appétit ; elle est plus vorace ; tout mets l'apaise. L'appétit plus patient est plus délicat ; certain mets le réveille. Lorsque le peuple meurt de faim, ce n'est jamais la faute de la providence ; c'est toujours celle de l'administration. Il est également dangereux pour la santé de souffrir de la faim, et de tout accorder à son appétit. La faim ne se dit que des aliments ; l'appétit a quelquefois une acception plus étendue ; et la morale s'en sert pour désigner en général la pente de l'âme vers un objet qu'elle s'est représentée comme un bien, quoiqu'il n'arrive que trop souvent que ce soit un grand mal.

FAIM, s. f. (Physiologie) en grec ; par les auteurs latins esuritio, cibi cupiditas, cibi appetentia ; sensation plus ou moins importune, qui nous sollicite, nous presse de prendre des aliments, et qui cesse quand on a satisfait au besoin actuel qui l'excite.

Quelle sensation singulière ! quel merveilleux sens que la faim ! Ce n'est point précisément de la douleur, c'est un sentiment qui ne cause d'abord qu'un petit chatouillement, un ébranlement leger ; mais qui se rend insensiblement plus importun, et non moins difficîle à supporter que la douleur même : enfin il devient quelquefois si terrible et si cruel, qu'on a Ve armer les mères contre les propres entrailles de leurs enfants, pour s'en faire malgré elles d'affreux festins. Nos histoires parlent de ces horreurs, commises au siège des villes de Sancerre et de Paris, dans le triste temps de nos guerres civiles. Lisez-en la peinture dans la Henriade de M. de Voltaire, et ne croyez point que ce soit une fiction poétique. Vous trouverez dans l'Ecriture-sainte de pareils exemples de cette barbarie : manus mulierum misericordium coxerunt filios suos ; facti sunt cibus earum, dit Ezéchiel, ch. Ve 10. Et Josephe, au liv. V. ch. xxj. de la guerre des Juifs, raconte un trait fameux de cette inhumanité, qu'une mère exerça contre son fils pendant le dernier siège de Jérusalem par les Romains.

On recherche avec empressement quelles sont les causes de la faim, sans qu'il soit possible de rien trouver qui satisfasse pleinement la curiosité des Physiologistes. Il est cependant vraisemblable qu'on ne peut guère soupçonner d'autres causes de l'inquiétude qui nous porte à désirer et à rechercher les aliments, que la structure de l'organe de cette sensation, l'action du sang qui circule dans les vaisseaux de l'estomac, celle des liqueurs qui s'y filtrent, celle de la salive, du suc gastrique, pancréatique, et finalement l'action des nerfs lymphatiques.

Mais il ne faut point perdre ici de vue que la sensation de la faim, celle de la soif, et celle du gout, ont ensemble la liaison la plus étroite, et ne sont, à proprement parler, qu'un organe continu. C'est ce que nous prouverons au mot GOUT (Physiologie). Continuons à présent à établir les diverses causes de la faim que nous venons d'indiquer.

Le ventricule vide est froissé par un mouvement continuel ; ce qui occasionne un frottement dans les rides et les houpes nerveuses de cette partie. Il parait si vrai que le frottement des houpes et des rides nerveuses de l'estomac est une des causes de la faim, que les poissons et les serpens qui manquent de ces organes, ont peu de faim, et jouissent de la faculté de pouvoir jeuner longtemps. Mais d'où nait ce froissement ? Il vient principalement de ce que le sang ne pouvant circuler aussi librement dans un estomac flasque, que lorsque les membranes de ce sac sont tendues, il s'y ramasse et fait gonfler les vaisseaux : ainsi les vaisseaux gonflés ont plus d'action, parce que leurs battements sont plus forts ; or ce surcrait d'action doit chatouiller tout le tissu nerveux du viscère, et l'irriter ensuite en rapprochant les rides les unes des autres. Joignez à cela l'action des muscles propres et étrangers à l'estomac, et vous concevrez encore mieux la nécessité de ces frottements, à l'occasion desquels la faim est excitée.

Il ne faut pas douter que la salive et le suc stomacal ne produisent une sensation et une sorte d'irritation dans les houpes nerveuses du ventricule ; on l'éprouve à chaque moment en avalant sa salive, puisque l'on sent alors un picotement agréable si l'on se porte bien : d'ailleurs l'expérience nous apprend que dès que la salive est viciée ou manque de couler, l'appétit cesse. Les soldats émoussent leur faim en fumant du tabac, qui les fait beaucoup cracher. Quand Verheyen, pour démontrer que la salive ne contribuait point à la faim, nous dit qu'il se coucha sans souper, cracha toute sa salive le lendemain matin, et n'eut pas moins d'appétit à diner, il ne fait que prouver une chose qu'on n'aura point de peine à croire, je veux dire qu'un homme dine bien quand il n'a pas soupé la veille. La salive et le suc gastrique sont donc de grands agens de la faim, et d'autant plus grands, qu'ils contribuent beaucoup à la trituration des aliments dans l'estomac, et à leur chylification.

Cependant pour que la salive excite l'appétit, il ne faut pas qu'elle soit trop abondante jusqu'à inonder l'estomac ; il ne faut pas aussi qu'elle le soit trop peu ; car dans le premier cas, le frottement ne se fait point sentir, il ne porte que sur l'humeur salivaire ; et dans le second, les papilles nerveuses ne sont point assez picotées par les sels de la salive : d'où il résulte que ces deux causes poussées trop loin, ôtent la faim. Mais puisqu'à force de cracher, on n'a point d'appétit, faut-il faire diete jusqu'à ce qu'il revienne ? Tout au contraire, il faut prendre des aliments pour remédier à l'épuisement où on se trouverait, et réparer les sucs salivaires par la boisson. D'ailleurs la mastication attire toujours une nouvelle salive, qui descend avec les aliments, et qui servant à leur digestion, redonne l'appétit.

Il est encore certain que le suc du pancréas et la bîle contribuent à exciter la faim ; on trouve beaucoup de bîle dans le ventricule des animaux qui sont morts de faim ; le pylore relâché, laisse facilement remonter la bîle du duodenum, lorsque cet intestin en regorge : si cependant elle était trop abondante ou putride, l'appétit serait détruit, il faudrait vider l'estomac pour le renouveller, et prendre des boissons acidules pour émousser l'acrimonie bilieuse.

Enfin l'imagination étend ici ses droits avec empire. Comme on sait par l'expérience que les aliments sont le remède de cette inquiétude que nous appelons la faim, on les désire et on les recherche. L'imagination qui est maitrisée par cette impression, se porte sur tous les objets qui ont diminué ce sentiment, ou qui l'ont rendu plus agréable : mais si elle est maitrisée quelquefois par ce sentiment, elle le maitrise à son tour, elle le forme, elle produit le dégoût et le gout, suivant ses caprices, ou suivant les impressions que font les nerfs lymphatiques dans le cerveau. Par exemple, dès que l'utérus est dérangé, l'appétit s'émousse, des gouts bizarres lui succedent : au contraire dès que cette partie rentre dans ses fonctions, l'appétit fait ressentir son impression ordinaire. Cet appétit bizarre s'appelle malacie. Voyez MALACIE.

Voilà, ce me semble, les causes les plus vraisemblables de la faim. Celles de l'amour, c'est-à-dire de l'instinct qui porte les deux sexes l'un vers l'autre, seraient-elles les mêmes ? Comme de la structure de l'estomac, du gonflement des vaisseaux, du mouvement du sang et des nerfs dans ce viscère, de la filtration du suc gastrique, de l'empire de l'imagination sur le gout, il s'ensuit un sentiment dont les aliments sont le remède ; de même de la structure des parties naturelles, de leur plénitude, de la filtration abondante d'une certaine liqueur, n'en résulte-t-il pas un mouvement dans ces organes ; mouvement qui agit ensuite par les nerfs sympathiques sur l'imagination, cause une vive inquiétude dans l'esprit, un désir violent de finir cette impression, enfin un penchant presque invincible qui y entraîne. Tout cela pourrait être. Mais il ne s'agit point ici d'entrer dans ces recherches délicates ; c'est assez, si les causes de la faim que nous avons établies, répondent généralement aux phénomènes de cette sensation. M. Senac le prétend dans sa physiologie : le lecteur en jugera par notre analyse.

1°. Quand on a été un peu plus longtemps que de coutume sans manger, l'appetit s'évanouit, cela se conçoit, parce que le ventricule se resserre par l'abstinence, donne moins de prise au chatouillement du suc gastrique ; et parce que le cours du sang dans ce viscère se fait moins aisément quand il est flasque, que quand il est raisonnablement distendu.

2°. On ne sent pas de faim lorsque les parois de l'estomac sont couvertes d'une pituite épaisse : cela vient de deux raisons. La première, de ce que le ventricule étant relâché par cette abondance de pituite, son sentiment doit être émoussé. La seconde consiste en ce que les filtres sont remplis, et cette plénitude produit une compression qui émousse encore davantage la sensibilité de l'estomac.

3°. La faim serait presque continuelle dans la bonne santé, si l'estomac, le duodenum, et les intestins se vuidaient promptement. Or c'est ce qui arrive dans certaines personnes, lorsqu'il y a chez elles une grande abondance de bîle qui coule du foie dans les intestins ; car comme elle dissout parfaitement les aliments, elle fait que le chyle entre promptement dans les veines lactées, et par conséquent elle est cause que les intestins et l'estomac se vident : enfin c'est un purgatif qui par son impression précipite les aliments et les excréments hors du corps. Il y a quelquefois d'autres causes particulières d'une faim vorace, même sans maladie, c'est cette faim qu'on appelle orexie. Voyez OREXIE.

4°. On peut donner de l'appétit par l'usage de certaines drogues : tels sont les amers qui tiennent lieu de bile, raniment l'action de l'estomac, et empêchent qu'il ne se relâche ; tel est aussi l'esprit de sel, parce qu'il picote le tissu nerveux du ventricule. Enfin il y a une infinité de choses qui excitent l'appétit, parce qu'elles flattent le gout, piquent le palais, et mettent en jeu toutes les parties qui ont une liaison intime avec le ventricule.

5°. Dans les maladies aigues, on n'a pas d'appétit ; soit parce que les humeurs sont viciées ; soit par l'inflammation des viscères, dont les nerfs communiquant à ceux de l'estomac, en resserrent le tissu, ou excitent un sentiment douloureux dans cet organe.

6°. Les jeunes gens ressentent la faim plus vivement que les autres ; cela doit être, parce que chez les jeunes gens il se fait une plus grande dissipation d'humeurs, le sang circule chez eux avec plus de promptitude, les papilles nerveuses de leur estomac sont plus sensibles.

7°. Si les tuniques du ventricule étaient fort relâchées, les nerfs le seraient aussi, le sentiment serait moindre, et par conséquent l'appétit diminuerait : de-là vient, comme je l'ai dit ci-dessus, que lorsqu'il se filtre trop de pituite ou de suc stomacal, on ne sent plus de faim.

8°. Dès que l'estomac est plein, la sensation de l'appétit cesse jusqu'à ce qu'il soit vide : c'est parce que dans la plénitude, les membranes du ventricule sont toutes fort tendues, et cette tension émousse la sensation ; d'ailleurs le suc salivaire et le suc gastrique étant alors mêlés avec les aliments, ils ne font plus d'impression sur l'estomac. Si même ce viscère est trop plein, cette distension produit une douleur ou une inquiétude fatigante.

9°. Quand le ventricule ne se vide pas suffisamment, le dégoût succede. En voici les raisons. 1°. Dans ce cas, l'air qui se sépare des aliments et qui gonfle le sac qui les renferme, produit une sensation fatigante : or dès qu'il y a dans ce viscère une sensation fatigante, elle fait disparaitre la sensation agréable, celle qui cause l'appétit ; c'est-là une de ces lois qu'a établi la nature par la nécessité de la construction. 2°. Le mauvais goût aigre, rancide, alkalin, que contractent les aliments par leur séjour dans le ventricule, donne de la répugnance pour toutes sortes d'aliments semblables à ceux qui se sont altérés dans cet organe de la digestion. 3°. Il faut remarquer que dès qu'il y a quelque aliment qui fait une impression desagréable sur la langue ou sur le palais, aussi-tôt le dégoût nous saisit, et l'imagination se révolte.

10°. Elle suffit seule pour jeter dans le dégout, et peut même faire désirer des matières pernicieuses, ou des choses qui n'ont rien qui soit alimentaire. C'est en partie l'imagination qui donne un goût si capricieux aux filles attaquées de pâles couleurs : ces filles mangent de la terre, du plâtre, de la craie, de la farine, des charbons, etc. et il n'y a qu'une imagination blessée qui puisse s'attacher à de tels objets. On doit regarder cette sorte de goût ridicule comme le délire des mélancoliques, lesquels fixent leur esprit sur un objet extravagant : mais il est certain que l'impression que font ces matières est agréable, car elles ne rebutent point les filles qui ont de telles fantaisies. Voyez PALES COULEURS.

De plus, qui ne sait que les femmes enceintes désirent, mangent quelquefois avec plaisir du poisson crud, des fruits verts, de vieux harengs, et autres mauvaises drogues, et que même elles les digèrent sans peine ? Voilà néanmoins des matières desagréables et nuisibles, qui flattent le goût des femmes grosses sans altérer leur santé, ou sans produire d'effets mauvais qui soient bien marqués. Il est donc certain que dans ces cas les nerfs ne sont plus affectés comme ils l'étaient dans la santé, et que des choses desagréables à ceux qui se portent bien, font des impressions flatteuses lorsque l'économie animale est dérangée : c'est pour cela que les chattes et d'autres femelles sont quelquefois exposées aux mêmes caprices que les filles par rapport au gout. Souvent les médecins industrieux ont éloigné ces idées extravagantes, en attachant l'esprit malade à d'autres objets : il est donc évident qu'en plusieurs cas, l'imagination conserve ses droits sur l'estomac ; elle peut même lui donner une force qu'il n'a pas naturellement. Ajoutons que dans certains dégouts, les malades dont l'imagination est pour ainsi dire ingénieuse à rechercher ce qui pourrait faire quelque impression agréable, s'attachent comme par une espèce de délire à des aliments bizarres, et quelquefois par un instinct de la nature, à des aliments salutaires.

On pourrait sans-doute proposer plusieurs autres phénomènes de la faim, à l'explication desquels nos principes ne sauraient suffire, et nous sommes bien éloignés de le nier : mais la physiologie la plus savante ne l'est point assez pour porter la lumière dans les détours obscurs du labyrinthe des sensations ; il s'y trouve une infinité de faits inexplicables, plusieurs autres encore qui dépendent du tempérament particulier, de l'habitude, et des jeux inconnus de la structure de notre machine.

Après ces réflexions, il ne nous reste qu'à dire en deux mots comment la faim se dissipe, même sans manger, moyen que tout le monde sait, et que l'instinct fait sentir aux bêtes : elle se dissipe outre cela, 1°. en détrempant trop les sucs dissolvants, et en relâchant les fibres à force de boire des liqueurs aqueuses chaudes, telles que le thé : 2°. en buvant trop de liquides huileux, qui vernissent et émoussent les nerfs, ou même en respirant continuellement des exhalaisons de matières grasses, comme font par exemple les faiseurs de chandelle : 3°. lorsque l'âme est occupée de quelque passion qui fixe son attention, comme la mélancolie, le chagrin, etc. la faim s'évanouit, tant l'imagination agit sur l'estomac : 4°. les matières putrides ôtent la faim sur le champ, comme un seul grain d'œuf pourri, dont Bellini eut des rapports nidoreux pendant trois jours, etc. 5°. l'horreur ou la répugnance naturelle qu'on a pour certains aliments, pour certaines odeurs, pour la vue d'objets extrêmement dégoutants, ou pour entendre certains discours à table, qui affectent l'imagination d'une manière desagréable. De cette horreur nait encore quelquefois le vomissement, qui ôte à l'estomac l'humeur utîle qui picotait auparavant ses nerfs.

Tirons maintenant une conclusion toute simple de ce discours. Nous avons déjà remarqué en le commençant, que la faim est un des plus forts instincts qui nous maitrise : ajoutons que si l'homme se trouvait hors d'état d'en suivre les mouvements, elle produirait entr'autres accidents l'hémorrhagie du nez, la rupture de quelques vaisseaux, la putréfaction des liquides, la férocité, la fureur, et finalement la mort au sept, huit ou neuvième jour, dans les personnes d'un tempérament robuste ; car il est difficîle de croire que Charles XII. ait été sans défaillance au fort de son âge et de sa vigueur, cinq jours à ne boire ni manger, ainsi que M. de Voltaire le dit dans la vie si bien écrite qu'il nous a donnée de ce monarque. A plus forte raison devons-nous regarder comme un conte le fait rapporté par M. Maraldi, de l'académie des Sciences (ann. 1706. p. 6.), que dans un tremblement de terre arrivé à Naples, un jeune homme était resté vivant quinze jours entiers sous des ruines, sans prendre d'aliments ni de boisson. Il ne faudrait jamais transcrire des fables de cet ordre dans des recueils d'observations de compagnies savantes. La vie d'un homme en santé ne se soutient sans aliments qu'un petit nombre de jours ; la nutrition, la réparation des humeurs, celle de la transpiration, l'adoucissement du frottement des solides, en un mot la conservation de la machine, ne peut s'exécuter que par un perpétuel renouvellement du chyle. La nature pour porter l'homme fréquemment et invinciblement à cette action, y a mis un sentiment de plaisir qui ne s'altère jamais dans la santé ; et de ce sentiment qu'il a reçu pour la conservation de son être, il en a fait par son intempérance un art des plus exquis, dont il devient souvent la victime. Voyez ce que nous avons dit de cet art au mot CUISINE. Voyez GOURMANDISE, INTEMPERANCE, etc. Article de M(D.J.)

FAIM, (Séméïotique) Ce sentiment qui fait désirer de prendre des aliments, l'appétit proprement dit, doit être considéré par les médecins, non-seulement entant qu'il est une des fonctions naturelles qui intéresse le plus l'économie animale, et dont les lésions sont de très-grande importance (attendu que ce désir dispose à pourvoir au premier et au plus grand des besoins de l'animal, qui est de se nourrir, et à y pourvoir d'une manière proportionnée), mais encore entant que ce sentiment, bien ou mal réglé, peut fournir différents signes qui sont de grande conséquence pour juger des suites de l'état présent du sujet d'où ils sont tant dans la santé que dans la maladie.

On ne peut juger du bon ordre dans l'économie animale, que par la manière dont se fait l'exercice des fonctions : lorsqu'il se soutient avec facilité et sans aucun sentiment d'incommodité, il annonce l'état de bonne santé. Mais de ces conditions requises, celle dont il est le plus difficîle de s'assurer, est la durée de cet exercice ainsi réglé ; on ne peut y parvenir que par les indices d'une longue vie, qui sont en même temps des signes d'une santé bien établie. On doit chercher ces indices dans les effets qui résultent d'une telle disposition dans les solides et les fluides de la machine animale, qu'il s'ensuive la conservation de toutes ses parties dans l'état qui leur est naturel.

Cette disposition consiste principalement dans la faculté qui est dans cette machine, de convertir les aliments en une substance semblable à celle dont elle est déjà composée dans son état naturel ; ainsi un des principaux signes que l'observation ait fournis jusqu'à présent pour faire connaître cette disposition, est le bon appétit des aliments qui se renouvelle souvent, et que l'on peut satisfaire abondamment, sans que la digestion s'en fasse avec moins de facilité et de promptitude.

Il suit de-là que cet appétit doit être une source de signes propres à faire juger des suites dans l'état de lésion des fonctions, entant que ce sentiment subsiste convenablement, ou qu'il est déréglé, soit par excès, soit par défaut. Cette conséquence, aussi-bien que son principe, n'ayant pas échappé aux plus anciens observateurs des phénomènes que présente l'économie animale, tant dans la santé que dans la maladie, ils ont recueilli un grand nombre de ceux qui sont relatifs à l'appétit des aliments : il suffira d'en rapporter quelques-uns des principaux, d'après Lommius (observ. medic. lib. III.), et d'indiquer où on pourra en trouver une exposition plus étendue.

C'est un signe salutaire dans toutes les maladies, que les malades n'aient point de dégoût pour les aliments qui leur sont présentés convenablement ; la disposition contraire est d'un mauvais présage. Voyez DEGOUT.

S'il arrive qu'un malade ayant pris des aliments de mauvaise qualité, ou qui ne conviennent pas à son état, n'en soit cependant pas incommodé, c'est une marque de bonne disposition au rétablissement de la santé : on doit tirer une conséquence opposée, si les aliments les plus propres et les mieux administrés, bien loin de produire de bons effets, en produisent de mauvais.

Lorsque les convalescens ont appétit et mangent beaucoup, sans que les forces et l'embonpoint reviennent, c'est un mal, parce qu'alors ils prennent plus de nourriture qu'ils n'en peuvent bien digérer : il en faut retrancher. Si la même chose arrive à ceux même qui ne mangent que modérément, c'est une preuve qu'ils ont encore besoin d'abstinence ; et s'ils tardent de la faire, il y a tout lieu pour eux de craindre la rechute : car ils y ont de la disposition tant qu'il reste encore quelque chose de morbifique à détruire, quoique la maladie soit décidée.

Ceux qui ayant fait diete rigoureusement pendant le cours de leur maladie, se sentent ensuite pressés par la faim, font beaucoup esperer pour leur rétablissement.

Pour un plus grand détail de signes diagnostics et pronostics tirés de l'appétit des aliments et de ses lésions, voyez Hippocrate et ses commentateurs, tels surtout que Duret, in Coacas. Voyez aussi Galien, Sennert, Riviere, et les différents auteurs d'institutions de médecine, tant anciens que modernes : en les parcourant tous, et en les comparant les uns aux autres, on peut aisément se convaincre que ceux-ci, moins observateurs, n'ont pris pour la plupart d'autre peine que de répeter et de mal expliquer ce que ceux-là ont transmis à la postérité sur le sujet dont il s'agit, comme sur tout autre de ce genre. (d)

FAIM CANINE, (Médecine) En terme de l'art, cynorexie, c'est une faim demesurée qui porte à prendre beaucoup de nourriture, quoique l'estomac la rejette peu de temps après. La faim canine est donc une vraie maladie, qu'il ne faut pas confondre, comme on fait dans le discours ordinaire, avec le grand et fréquent appétit ; état que les gens de l'art appellent orexie. Il ne faut pas non plus confondre la faim canine avec la boulimie, comme nous le dirons dans la suite.

Ainsi les médecins éclairés distinguent avec raison, d'après l'exemple des Grecs, par des termes consacrés, les différentes affections du ventricule dans la sensation de la faim, et voici comment. Ils nomment faim, le simple appétit, le besoin de manger commun à tous les hommes : ils appellent orexie, une faim dévorante qui requiert une nourriture plus abondante, et qu'on répète plus souvent que dans l'état naturel, sans néanmoins que la santé en soit dérangée : ils nomment pseudorexie, une fausse faim, telle qu'on en a quelquefois dans les maladies aiguës et chroniques : ils appellent pica ou malacie, le goût dépravé des femmes enceintes, des filles attaquées des pâles couleurs, etc. pour des aliments bizarres. Voyez FAIM, OREXIE, PSEUDOREXIE, MALACIE.

Mais la cynorexie, ou la faim canine, est cette maladie dans laquelle on éprouve une faim vorace, et néanmoins l'on vomit les aliments qu'on prend pour la satisfaire ; ainsi qu'il arrive aux chiens qui ont trop mangé. C'est en cela d'abord que la faim canine différe de la boulimie, qui n'est point suivie de vomissements, mais d'oppression de l'estomac, de difficulté de respirer, de faiblesse de pouls, de froid et de défaillances.

Erasistrate est le premier qui ait employé le mot de boulimie, et son étymologie indique le caractère de cette affection, qui vient proprement du grand froid qui resserre l'estomac, suivant la remarque de Joseph Scaliger ; car , dit-il, apud Graecos intendit ; ut , ingens fames à refrigeratione ventriculi contracta ; sic apud Latinos particula Ve intendit, ut in voce vehements, et aliis.

En effet, la boulimie arrive principalement aux voyageurs dans les pays froids, et par conséquent elle est occasionnée par la froideur de l'air qui les saisit, ou plutôt par les corpuscules frigorifiques qui resserrent les poumons et le ventricule. Cette idée s'accorde avec le rapport des personnes qui ont éprouvé les effets de cette maladie dans la nouvelle Zemble et autres régions septentrionales. Fromundus qui en a été attaqué lui-même, croit que le meilleur remède serait de se procurer une forte toux, pour décharger l'estomac et les poumons des esprits de la neige, qui ont été attirés dans ces organes par la respiration, ou qui s'y sont insinués d'une autre manière. C'est dommage que le conseil de ce médecin tende à procurer un mal pour en guérir un autre ; car d'ailleurs son idée de la cure est très-ingénieuse. Le plus sur, ce me semble, serait de bonnes frictions, la boisson abondante des liquides chauds et aromatiques, propres à exciter une grande transpiration ; et de recourir en même temps aux choses dont l'odeur est propre à rappeler et à rassembler les esprits vitaux dissipés, tel qu'est en particulier le pain chaud trempé dans du vin, et autres remèdes semblables. Il résulte de cet exposé, que la boulimie doit être un accident fort rare dans nos climats tempérés, et qu'elle diffère essentiellement de la faim canine par les causes et les symptômes.

Dans la faim canine les aliments surchargeant bientôt l'estomac, le malade qui n'a pu s'empêcher de les prendre, est contraint de les rejetter. Comme ce vomissement apporte quelque soulagement, l'appétit revient ; et cet appétit n'est pas plutôt satisfait que le vomissement se renouvelle : ainsi l'appétit succede au vomissement, et le vomissement à l'appetit.

Entre plusieurs exemples de cette maladie, je n'en ai point lu de plus incroyable que celui qui est rapporté dans les Trants. philos. n°. 476. pag. 366. et 381. Un jeune homme, à la suite de la fièvre, eut cette faim portée à un tel degré, qu'elle le fit dévorer plus de deux cent livres d'aliments en six jours ; mais il n'en fut pas mieux nourri, car il les rejeta perpétuellement, sans qu'il en passât rien dans les intestins : de sorte qu'il perdit l'usage de ses jambes, et mourut peu de mois après dans une maigreur effroyable.

Les autres malades de faim canine dont il est parlé dans les annales de la Médecine, ne sont pas de cette voracité ; mais il nous offrent des causes si diversifiées de la maladie, qu'il est très-important, quand le cas se présente, de tâcher, pour la cure, de les découvrir par les symptômes qui précèdent ce mal, qui l'accompagnent et qui lui succedent. Or la faim canine tire sa naissance de plusieurs causes : elle peut provenir des vers, et en particulier du ver nommé le solitaire ; d'humeurs vicieuses, acides, acres, muriatiques qui picotent le ventricule ; d'une bîle rongeante qui s'y jette ; du relâchement de l'estomac, de son échauffement, de la trop grande sensibilité des nerfs et des esprits. On soupçonne qu'il y a des vers, par les symptômes qui leur sont propres : la vue des évacuations sert à indiquer la nature des humeurs viciées ; l'abondance de la bîle parait par la jaunisse répandue dans tout le corps, la mobilité des esprits se rencontre toujours dans les personnes faméliques, qui sont attaquées en même temps d'hystérisme ou qui sont hypocondres ; le défaut de nutrition se manifeste par la maigreur du malade, et ce symptôme rend son état vraiment dangereux : car lorsque le vomissement ou le flux de ventre sont obstinés, la cachexie, l'hydropisie, la lienterie, l'atrophie, et finalement la mort, en sont les suites.

La méthode curative doit se varier suivant les diverses causes connues du mal. Si la faim canine est produite par une humeur acre quelconque qui irrite l'estomac, il faut l'évacuer, en corriger l'acrimonie, et rétablir ensuite par les fortifiants le ton de l'estomac, et des organes qui servent à la digestion. Les vers se détruiront par des vermifuges, et principalement par les mercuriels. Dans la chaleur des viscères on conseillera les adoucissants et les humectants ; dans le cas de la mobilité des esprits, on emploiera les narcotiques. On pourrait appliquer extérieurement sur toute la région de l'estomac, les liniments et les emplâtres opposés aux causes du mal. La faim canine qui procede du défaut de conformation dans les organes, comme de la trop grande capacité de l'estomac, de l'insertion du canal cholidoque dans ce viscère, de la briéveté des intestins, en un mot, de quelque vice de conformation, ne peut être détruite par aucune méthode medicinale : mais ce sont des cas rares, et qui n'ont ordinairement aucune fâcheuse suite. Article de M(D.J.)

FAIM CANINE, (Maréchalerie) Ce sentiment intime et secret qui nous avertit de nos besoins, ce vif penchant à les satisfaire ; cet instinct qui, quoiqu'aveugle, nous détermine précisément au choix des choses qui nous conviennent ; toutes ces perceptions, en un mot, agréables ou fâcheuses qui nous portent à fuir ou à rechercher machinalement ce qui tend à la conservation de notre être, ou ce qui peut en hâter la destruction, sont absolument communes à l'homme et à l'animal : la Nature a accordé à l'un et à l'autre des sens internes et externes ; elle les a également assujettis à la faim, à la soif, aux mêmes nécessités.

L'estomac étant vide d'aliments, les membranes qui constituent ce sac, sont affaissées et repliées en sens divers : dans cet état, elles opposent un obstacle à la liberté du cours du sang dans les vaisseaux qui les parcourent. De la lenteur de la marche de ce fluide résulte le gonflement des canaux, qui dès-lors sont sollicités à des oscillations plus fortes ; et de ces oscillations augmentées naissent une irritation dans les houpes nerveuses, un sentiment d'inquiétude qui ne cesse que lorsque le ventricule distendu, les tuyaux sanguins se trouvent dans une direction propre à favoriser la circulation du fluide qu'ils charrient. Les restes acrimonieux des matières dissoutes dans ce viscère, ainsi que l'action des liqueurs qui y sont filtrées, contribuent et peuvent même donner lieu à une sensation semblable. Dès que leurs sels s'exerceront sur les membranes seules, les papilles subiront une impression telle, que l'animal sera en proie à une perception plus ou moins approchante de la douleur, jusqu'à ce qu'une certaine quantité d'aliments s'offrant, pour ainsi dire, à leurs coups, et les occupant en partie, sauve l'organe de l'abondance funeste des particules salines, à l'activité desquelles il est exposé.

Nous n'apercevons donc point de différence dans les moyens choisis et mis en usage pour inviter l'homme et le cheval à réparer d'une part des déperditions qui sont une suite inévitable du jeu redoublé des ressorts ; et à prévenir de l'autre cette salure alkalescente que contractent nécessairement des humeurs qui circulent, sans de nouveaux rafraichissements, et qui ne peuvent être adoucies que par un nouveau chyle.

Nous n'en trouvons encore aucune dans les causes de cette voracité, de cette faim insatiable et contre nature dont ils sont quelquefois affectés. Supposons dans les fibres du ventricule une rigidité considérable, une forte élasticité ; il est certain que les digestions seront précipitées, l'évacuation du sac conséquemment très-promte, et les replis qui forment les obstacles dont j'ai parlé, beaucoup plus sensibles, Ve l'action systaltique de ces mêmes fibres. Imaginons de plus une grande acidité dans les sucs dissolvants, ils picoteront sans-cesse les membranes : en un mot, tout ce qui pourra les irriter suscitera infailliblement cet appétit dévorant dont il s'agit, et dont nous avons des exemples fréquents dans l'homme et dans l'animal, que de longues maladies ont précipités dans le marasme. Alors les sucs glaireux qui tapissent la surface intérieure des parois de l'estomac, n'étant point assez abondants pour mettre à couvert la tunique veloutée, et leur acrimonie répondant à l'appauvrissement de la masse, ils agissent avec tant d'énergie sur le tissu cotonneux des houpes nerveuses, que ce sentiment excessif se renouvelle à chaque instant, et ne peut être modifié que par des aliments nouveaux, et pris modérément.

Il faut convenir néanmoins que relativement à la plupart des chevaux faméliques que nous voyons, nous ne pouvons pas toujours accuser les unes et les autres de ces causes ; il en est une étrangère, qui le plus souvent produit tous ces effets. Je veux parler ici de ces vers qui n'occupent que trop fréquemment l'estomac de l'animal. Si le ventricule est dépourvu de fourrage, et s'ils n'y sont enveloppés en quelque façon, les papilles se ressentent vivement de leur action. En second lieu, leur agitation suscite celle du viscère, et le viscère agité se délivre et se débarrasse des aliments dont la digestion lui est confiée, avant que le suc propre à s'assimiler aux parties, en ait été parfaitement extrait. Enfin ces insectes dévorent une portion de ce même suc, et en privent l'animal ; ce qui joint à l'acrimonie dont le sang se charge nécessairement, les digestions étant vicieuses, occasionne un amaigrissement, une exténuation que l'on peut envisager comme un symptôme constant et assuré de la maladie dont il est question, de quelque source qu'elle provienne.

La voracité du cheval qui se gorge d'une quantité excessive de fourrage, sa tristesse, son poil hérissé et lavé, des déjections qui ne présentent que des aliments presqu'en nature, mêlés de certaines sérosités en quelque façon indépendantes de la fiente ; l'odeur aigre qui frappe l'odorat, et qui s'élève des excréments ; le marasme enfin, sont les signes auxquels il est aisé de la reconnaître. Lorsqu'elle est le résultat de la présence des vers dans l'estomac, elle s'annonce par tous les symptômes qui indiquent leur séjour dans cet organe, et elle ne demande que les mêmes remèdes. Voyez VER.

Ceux par le secours desquels nous devons combattre et détruire les autres causes, sont les évacuans, les absorbans, les médicaments amers. On peut, après avoir purgé le cheval, le mettre à l'usage des pilules absorbantes, composées avec de la craie de Briançon, à la dose de demi-once, enveloppée dans une suffisante quantité de miel commun. L'aloès macéré dans du suc d'absynthe ; les troschisques d'agaric, à pareille dose de demi-once, seront très-salutaires : la thériaque de Venise, l'ambre gris, le safran administrés séparément, émousseront encore le sentiment trop vif de l'estomac, corrigeront la qualité maligne des humeurs, et rétabliront le ton des organes digestifs. Du reste il est bon de donner de temps en temps à l'animal atteint de la faim canine, une certaine quantité de pain trempé dans du vin, et de ne lui présenter d'ailleurs que des aliments d'une digestion assez difficile, tels que la paille, par exemple, afin que l'estomac ne se vide point aussi aisément que si on ne lui offrait que des matières qu'il dissout sans peine, et qu'il n'élabore point alors pour le profit du corps. L'opium dans l'eau froide, calme les douleurs que cause quelquefois dans ce même cas l'inflammation de ce viscère. (e)

FAIM-FAUSSE, (Médecine) Voyez, pour la fausse-faim, au mot PSEUDOREXIE.

FAIM-VALE, (Maréchalerie) L'explication que nous avons donnée des causes et des symptômes de la maladie connue sous le nom de faim canine, et l'exposition que nous ferons de celle que nous appelons faim-vale, prouveront que l'une et l'autre ne doivent point être confondues ; et que les auteurs qui n'ont établi aucune différence entr'elles, n'ont pas moins erré que ceux qui ont envisagé celle-ci du même oeil que l'épilepsie.

Il serait superflu sans-doute d'interroger les anciens sur l'étymologie du terme faim-vale, et de remonter à la première imposition de ce mot, pour découvrir la raison véritable et originaire des notions et des idées qu'on y a attachées. Je dirai simplement que la faim-vale n'est point une maladie habituelle : elle ne se manifeste qu'une seule fais, et par un seul accès, dans le même cheval, et s'il en est qui en ont essuyé plusieurs dans le cours de leur vie, on doit convenir que le cas est fort rare. Il arrive dans les grandes chaleurs, dans les grands froids et après de longues marches, et non dans les autres temps et dans d'autres circonstances. Nous voyons encore que les chevaux vifs y sont plus sujets que ceux qui ne le sont point, et que les chevaux de tirage en sont plutôt frappés que les autres. Le cheval tombe comme s'il était mort : alors on lui jette plusieurs seaux d'eau fraiche sur la tête, on lui en fait entrer dans les oreilles, on lui en souffle dans la bouche et dans les naseaux ; et sur le champ il se releve, bait, mange, et continue sa route.

On ne peut attribuer cet accident qu'à l'interruption du cours des esprits animaux, produite dans les grandes chaleurs par la dissipation trop considérable des humeurs, et par le relâchement des solides ; et en hiver par l'épaississement et une sorte de condensation de ces mêmes humeurs. Souvent aussi les chevaux vifs, et qui ont beaucoup d'ardeur, se donnent à peine le temps de prendre une assez grande quantité de nourriture ; ils s'agitent, et dissipent plus. Si à ces dispositions on joint la longue diete, les fatigues excessives, l'activité et la plus grande force des sucs dissolvants, un défaut d'aliments proportionnément aux besoins de l'animal, la circulation du sang et des esprits animaux sera incontestablement ralentie. De-là une faiblesse dans le système nerveux, qui est telle, qu'elle provoque la chute du cheval. Les aspersions d'eau froide causent une émotion subite, et remettent sur le champ les nerfs dans leur premier état ; et les substances alimentaires qu'on donne ensuite à l'animal, les y confirment. Quant au marasme, que quelques écrivains présentent comme un signe assuré et non équivoque de la faim-vale, on peut leur objecter que la maigreur des chevaux qui en ont été atteints, est telle que celle que nous reprochons à ceux que nous disons être étroits de boyau, et qui ont ordinairement trop de feu et trop de vivacité. Il est vrai que si les accidents dont il s'agit étaient répetés et fréquents, ils appauvriraient la masse, et rendraient les sucs regénérants acres et incapables de nourrir, et donneraient enfin lieu à l'atrophie : mais il est facîle de les prévenir en ménageant l'animal, en ne l'outrant point par des travaux forcés, et en le maintenant dans toute sa vigueur par des aliments capables de réparer les pertes continuelles qu'il peut faire. (e)

FAIM, (LA) Mythol. divinité des poètes du Paganisme, à laquelle on ne s'adressait que pour l'éloigner ; et c'était-là la conduite qu'on tenait sagement avec les divinités malfaisantes. Les Poètes placent la faim à la porte de l'enfer, de même que les maladies, les chagrins, les soins rongeants, l'indigence et autres maux, dont ils ont fait autant de divinités.

Les Lacédémoniens avaient à Chalcioèque, dans le temple de Minerve, un tableau de la faim, dont la vue seule était effrayante. Elle était représentée dans ce temple sous la figure d'une femme have, pâle, abattue, d'une maigreur effroyable, ayant les tempes creuses, la peau du front seche et retirée ; les yeux éteints, enfoncés dans la tête ; les joues plombées, les lèvres livides ; enfin les bras et les mains décharnées, liées derrière le dos. Quel triste tableau ! Il devrait être dans le palais de tous les despotes, pour leur mettre sans-cesse sous les yeux le spectacle du malheureux état de leurs peuples ; et dans le salon des Apicius, qui, insensibles à la misere d'autrui, dévorent en un repas la nourriture de cent familles. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.




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