OBSCURITé, NUIT, (Synonyme) les ténèbres semblent signifier quelque chose de réel et d'opposé à la lumière. L'obscurité est une pure privation de clarté. La nuit est la cessation du jour, c'est-à-dire le temps où le soleil n'éclaire plus.

On dit des ténèbres qu'elles sont épaisses ; de l'obscurité qu'elle est grande ; de la nuit qu'elle est sombre.

On marche dans les ténèbres, à l'obscurité et pendant la nuit. L'abbé Girard. (D.J.)

TENEBRES, (Critique sacrée) obscurité ; les ténèbres dans le sens figuré, se prennent 1°. pour malheur, disgrace ; fuit illa dies tenebrarum. Esther, XIe 8. ce fut là un jour de calamité : 2 °. pour la mort ; connaitra-t-on les merveilles de Dieu dans les ténèbres. Psaumes lxxxvij. 13. c'est-à-dire dans le tombeau : 3°. pour l'ignorance de la vérité ; les hommes, dit S. Jean, IIIe 19. ont mieux aimé les ténèbres que la lumière : 4 °. pour le péché ; rejetons les œuvres de ténèbres. Rom. XIIIe 12.

Les œuvres de ténèbres dont parle ici S. Paul, , sont les péchés qui tirent leur source de l'idolâtrie. C'est dans le même sens que l'apôtre dit, II. Corinth. VIe 14. Quel rapport y a-t-il entre la lumière et les ténèbres ? c'est-à-dire du chrétien et de l'idolâtre. Et ailleurs, Ephes. Ve 8. vous étiez autrefois ténèbres, c. à. d. vous étiez autrefois idolâtres. De même, être appelé des ténèbres, I. Pierre, IIe vers. 9. c'est sortir de l'idolâtrie où l'on était plongé. " Ceux qui se jettent dans l'idolâtrie dit Philon, préfèrent les ténèbres à une lumière éclatante ". Tous ces passages prouvent que les ténèbres dans le nouveau Testament, désignent spécialement l'idolâtrie.

Les chaînes des ténèbres, Sapience, XVIIe 2. les chaînes d'obscurité, I. Pierre, IIe 4. signifient la même chose, le péché, l'idolâtrie ; c'est une métaphore prise de l'idée que les Juifs avaient du sort des méchants ; ils les croyaient gardés dans des cachots obscurs, et garrottés de chaînes. (D.J.)

TÉNEBRES DE LA PASSION, (Critique sacrée) c'est ainsi qu'on nomme l'obscurcissement, ou les ténèbres qui arrivèrent à la mort de J. C. et qui arrivèrent, disent les évangélistes, depuis la sixième heure (midi), jusqu'à la neuvième : A sextâ autem horâ, tenebrae factae sunt super universam terram, usque ad horam nonam.

On demande avec beaucoup d'empressement, si les ténèbres dont il s'agit, s'étendirent réellement sur la plus grande partie de notre hémisphère, ou si elles ne couvrirent qu'une partie de la Judée, qui est quelquefois désignée dans l'Ecriture sous le nom de toute la terre.

Sans prétendre décider cette question, je remarquerai 1°. que pour chercher des traces de ces ténèbres hors de la Judée, il faudrait être bien sur qu'elles se sont étendues par-tout, et c'est ce qui est fort incertain, pour ne rien dire de plus fort ; la plupart des interprêtes ont suivi le sentiment d'Origène, qui a prétendu que par toute la terre, il ne faut entendre dans le récit des évangélistes que la Palestine ; c'est assez leur style, et il y a beaucoup d'apparence qu'ils n'ont parlé que de la Terre-Sainte, du-moins ne peut-on prouver le contraire ; par conséquent vouloir chercher des traces de cet événement dans d'autres auteurs, c'est chercher une chose de l'existence de laquelle on n'est pas certain.

Il faudrait qu'on fût bien d'accord sur l'année et le jour précis de la mort de J. C. sans quoi l'on se donne encore une peine inutîle ; or tout le monde sait que les savants ne sont pas d'accord sur ce sujet ; la plupart mettent cet événement au vendredi 3 Avril de l'an 33 de l'ère chrétienne, et en adoptant cette époque, tout ce qu'on trouve dans l'histoire profane ne peut avoir le moindre rapport aux ténèbres dont il s'agit. On cite ordinairement le témoignage de Phlegon, affranchi d'Adrien, rapporté par divers anciens, qui parle d'une éclipse de soleil mémorable arrivée en la deux cent deuxième olympiade, la seconde année selon les uns, et la quatrième selon les autres : or lequel de ces deux calculs qu'on adopte, il ne concourt point avec l'an 33, mais avec l'an 30 ou 32 ; on verra dans la suite que la même chose a lieu par rapport à l'éclipse mentionnée dans les annales de la Chine.

Pour pouvoir faire quelque fonds sur ce que les historiens profanes disent, il faudrait que les témoins fussent bien unanimes, au-lieu qu'ils diffèrent dans des circonstances essentielles. On ne parle point de ce qu'on cite de Denys l'aréopagite, presque tous les critiques conviennent que les pièces publiées sous le nom de Denys sont supposées. Il ne s'agit donc que du témoignage de Phlegon et de celui des annales de la Chine. Parlons d'abord du premier en peu de mots, car nous y reviendrons ensuite.

Cet auteur avait écrit une histoire des olympiades, dont plusieurs anciens nous ont conservé un passage sur le sujet dont il s'agit ; mais ils le citent d'une manière si différente qu'on ne peut en rien conclure. 1. Georges Syncelle fait dire à Jules africain, que Phlegon rapporte, que sous l'empire de Tibere il se fit dans la pleine lune, une éclipse de soleil, depuis six heures jusqu'à neuf heures ; mais il n'est point parlé de la pleine lune dans Eusebe, et dans les autres auteurs qui citent le même passage ; et Origène nie expressément que Phlegon ait marqué cette circonstance. 2. Aucun de ces auteurs n'a dit que cette éclipse avait duré jusqu'à neuf heures ; Eusebe et Cedrenus font dire à Phlegon, qu'à six heures le jour fut changé en nuit. 3. Les uns disent la seconde année, et les autres la quatrième année de la deux cent deuxième olympiade.

A l'égard de l'éclipse arrivée à la Chine, on ne convient pas sur l'année ; les uns la mettent l'an 31 et d'autres l'an 32 de J. C. Selon M. Kirch, elle n'a été que de neuf doigts et demi, ou neuf doigts quarante minutes ; et selon le P. Gaubil, elle a été centrale annulaire. Selon le premier, elle était finie à dix heures du matin ; et selon l'autre, elle a été centrale annulaire à dix heures et demie.

Je sai que les Jésuites ont prétendu que les annales de la Chine disent qu'au mois d'Avril de l'an 32 de J. C. il y eut une grande éclipse de soleil, qui n'était pas selon l'ordre de la nature, et qui par conséquent pourrait bien être celle qu'on vit au temps de la passion de J. C. lequel mourut au mois d'Avril selon quelques auteurs. C'est pourquoi les missionnaires de la Chine, prièrent en 1672, les astronomes de l'Europe, d'examiner s'il n'y eut point d'éclipse en ce mois et en cette année, et si naturellement il pouvait y en avoir ; parce que cette circonstance étant bien vérifiée, on en pourrait tirer de grands avantages pour la conversion des Chinois. Mais on a raison de s'étonner que les missionnaires ayant alors chez eux d'habiles astronomes, n'aient pas eux-mêmes faits les calculs qu'ils demandaient, ou qu'ils n'aient pas été d'assez bonne foi pour nous communiquer leurs découvertes.

Quoi qu'il en sait, ils ont paru croire que cette éclipse et les ténèbres arrivées à la mort de J. C. sont une seule et même chose. Le P. Jean-Dominique Gabiani, l'un des missionnaires de la Chine, et plusieurs de leurs néophites, supposent le fait incontestable. Le P. Tachard, dans l'épitre dédicatoire de son premier voyage de Siam, dit que " la Sagesse suprême fit connaître autrefois aux rois et aux peuples d'Orient J. C. naissant et mourant, par une nouvelle étoile, et par une éclipse extraordinaire ".

Cependant plusieurs astronomes européens, entr'autres Muller en 1685, et Bayer en 1718, ayant consulté les annales chinoises, et calculé l'éclipse dont elles font mention, ont trouvé que l'éclipse de la Chine était naturelle, et qu'elle n'avait rien de commun avec les ténèbres de la passion de notre Sauveur.

En effet, 1°. comme je viens de le dire, on ne convient point de l'année où l'éclipse de la Chine est arrivée ; les uns mettent cette année à l'an 31, et d'autres à l'an 32 de J. C. 2°. selon M. Kirch, elle n'a été que de neuf doigts et demi, ou neuf doigts quarante minutes ; et selon le P. Gaubil, elle a été centrale annulaire. Selon le premier, elle était finie à dix heures du matin ; et selon l'autre, elle a été centrale annulaire à dix heures et demi.

Mais en supposant que les missionnaires jésuites et les astronomes européens soient d'accord, quel rapport des éclipses étrangères peuvent-elles avoir avec les ténèbres arrivées à la mort de J. C. ? 1°. Il ne pouvait y avoir d'éclipse naturelle au soleil, puisque la lune était en son plein ; et par cette raison, il serait impossible à aucun astronome de calculer une éclipse marquée à ce jour-là, il n'en trouverait jamais ; au-lieu que M. Kirch et le P. Gaubil lui-même ont calculé celle dont il est fait mention dans les annales de la Chine ; elle n'a donc rien de commun avec des ténèbres qui n'ont pu, selon le cours naturel, être l'effet d'une éclipse au soleil. 2°. La durée des ténèbres, qui fut de trois heures, prouve qu'elles n'étaient pas produites par une éclipse, puisque les plus grandes éclipses ne causent de ténèbres que pendant quatre ou cinq minutes. 3°. Quand l'éclipse parut à la Chine, il n'était pas jour à Jérusalem. 4°. L'éclipse se fit le jeudi matin, et les ténèbres le vendredi après midi. 5°. L'éclipse arriva le dernier jour du troisième mois des Chinois, c'est-à-dire le dernier jour du second mois judaïque ; et les ténèbres à la pâque que les Juifs célebrent au milieu de leur premier mois. 6°. L'éclipse de la Chine arriva le 10 Mai, temps où la pâque ordinaire des Juifs ne fut jamais célebrée. 7°. Il n'est pas même certain qu'il y ait eu dans la Chine l'an 32 de J. C. une telle éclipse. Cassini assure qu'après avoir calculé exactement, il a trouvé que la plupart des éclipses dont les Chinois parlent, ne peuvent être arrivées dans le temps qu'ils ont marqué, et le P. Couplet lui-même convient qu'ils ont inséré dans leurs fastes un grand nombre de fausses éclipses. Un chinois nommé Yamquemsiam, dans sa réponse à l'apologie pour la religion chrétienne, publiée par les Jésuites à la Chine, dit positivement que cette prétendue éclipse n'est marquée dans aucune histoire de la Chine. 8°. Enfin si l'éclipse qu'on vit à la Chine au mois d'Avril de l'an 32 de J. C. arriva naturellement, elle ne peut avoir aucun rapport avec les ténèbres de la passion qui étaient surnaturelles ; et si au contraire elle était contre le cours régulier de la nature, le plus habîle mathématicien de l'Europe entreprendrait en vain de la calculer.

Quant à l'éclipse naturelle dont Phlegon faisait mention dans sa chronologie des olympiades, le docteur Sykès dans une savante dissertation sur ce sujet, remarque que les pères qui citent cet auteur, ne sont d'accord ni sur l'année de l'éclipse dont il parlait, ni sur les autres circonstances. Jules africain, qui vivait environ 86 ans après Phlegon, est le premier qui allegue son témoignage dans un fragment qui nous a été conservé par Georges Syncelle.

Mais 1°. Jules africain fait dire à Phlegon, que cette éclipse arriva dans le temps de la pleine lune ; cependant dans le passage de Phlegon, cité par Eusebe, il n'en est point parlé. 2°. Jules africain censure Thallus d'avoir appelé ces ténèbres une éclipse ; mais il ne trouve pas à redire à Phlegon, que cette éclipse arriva dans le temps de la pleine lune. 3°. Africain raconte qu'il y eut des ténèbres universelles ; que par un tremblement de terre, les rochers se fendirent, et que plusieurs lieux furent renversés dans la Judée et dans d'autres parties du monde ; mais il parait par le témoignage d'Origène, que tous ces prodiges n'arrivèrent que dans la Judée aux environs de Jérusalem. 4°. Africain ne marque pas l'année précise de l'éclipse de Phlegon ; il se contente de dire qu'elle arriva sous le règne de Tibere ; mais puisqu'il assure que cette éclipse est la même que celle qui arriva au temps de la passion de J. C. et que l'opinion générale de son temps, était que le Sauveur souffrit l'an 15 de Tibere, il faut la fixer à la 4e. année de la deux cent unième olympiade.

A l'égard d'Origène, M. Sykès prétend prouver qu'il ne croyait point que l'éclipse de Phlegon eut du rapport avec les ténèbres de la passion. 1°. Parce qu'Origène convient dans son Commentaire sur S. Matthieu, qu'aucun auteur payen n'en a parlé. 2°. Parce qu'il croit que les prodiges dont les évangélistes font mention à la mort du Sauveur, n'arrivèrent que dans la Judée et aux environs de Jérusalem. 3°. Parce que selon lui, une nuée épaisse causa ces ténèbres, ce qui ne s'accorde pas avec la circonstance de l'éclipse de Phlegon.

Le docteur Sykès conclut de toutes ces remarques, que puisque les anciens ne sont d'accord ni sur l'année, ni sur les circonstances de l'éclipse de Phlegon ; que les uns la mettent à la première année de la deux cent deuxième olympiade, les autres à la seconde, S. Jérôme à la troisième, et Eusebe à la quatrième, nous ne pouvons faire aucun fond sur le témoignage de Phlegon qu'ils ont cité.

J'aurai peut-être encore occasion d'ajouter un mot sur cette matière, en parlant de Phlegon né à Tralles ; ainsi voyez le mot TRALLES, et tout sera dit sur ce point curieux de critique. (D.J.)

TENEBRES, (terme d'Eglise) ce mot se dit dans l'Eglise catholique des matines qui commencent l'office des féries majeures de la semaine-sainte. Les leçons de ténèbres sont les lamentations de Jérémie sur les malheurs de Jérusalem, qu'on chante sur des tons plaintifs. (D.J.)