S. m. (Grammaire) il est synonyme à homme, mais toujours avec une idée accessoire favorable ou défavorable, énoncée ou sous-entendue. C'est un personnage de l'antiquité. Il se croit un personnage. C'est un sot personnage. Avez-vous Ve le personnage ?

Personnage se dit encore du rôle qu'on fait sur la scène ou dans le monde. Il fit dans cette occasion un assez mauvais personnage. Le principal personnage fut mal joué dans cette tragédie. Il est presque impossible à un méchant de faire longtemps sans se démentir le rôle ou le personnage d'homme de bien : il vient un moment critique qui lève le masque et montre la chose. Le masque était beau, mais dessous la chose était hideuse.

PERSONNAGE allégorique, (Poésie) c'est tout être inanimé que la Poésie personnifie. Les personnages allégoriques que la Poésie emploie, sont de deux espèces ; il y en a de parfaits, et d'autres que nous appelons imparfaits.

Les personnages parfaits sont ceux que la Poésie crée entièrement, auxquels elle donne un corps et une âme, et qu'elle rend capables de toutes les actions et de tous les sentiments des hommes. C'est ainsi que les Poètes ont personnifié dans leurs vers la Victoire, la Sagesse, la Gloire ; en un mot tout ce que les Peintres ont personnifié dans leurs tableaux.

Les personnages allégoriques imparfaits sont les êtres qui existent déjà réellement, auxquels la Poésie donne la faculté de penser et de parler qu'ils n'ont pas, mais sans leur prêter une existence parfaite, et sans leur donner un être tel que le nôtre. Ainsi la Poésie fait des personnages allégoriques imparfaits, quand elle prête des sentiments aux bois, aux fleuves, en un mot quand elle fait parler et penser tous les êtres inanimés, ou quand élevant les animaux au-dessus de leur sphère, elle leur prête plus de raison qu'ils n'en ont, et la voix articulée qui leur manque.

Ces derniers personnages allégoriques sont le plus grand ornement de la Poésie, qui n'est jamais si pompeuse que lorsqu'elle anime et qu'elle fait parler toute la nature : c'est en quoi consiste la beauté du pseaume in exitu Israèl de Egypto, et de quelques autres. Mais ces personnages imparfaits ne sont point propres à jouer un rôle dans l'action d'un poème, à-moins que cette action ne soit celle d'un apologue. Ils peuvent seulement, comme spectateurs, prendre part aux actions des autres personnages, ainsi que les chœurs prenaient part aux tragédies des anciens.

Les personnages allégoriques ne doivent pas jouer un des rôles principaux d'une action, mais ils y peuvent seulement intervenir, soit comme attributs des personnages principaux, soit pour exprimer plus noblement, par le secours de la fiction, ce qui paroitrait trivial s'il était dit simplement. Voilà pourquoi Virgile personnifie la Renommée dans l'Eneïde.

Quant aux actions allégoriques, elles n'entrent guère avec succès que dans les fables et autres ouvrages destinés à instruire l'esprit en le divertissant. Les conversations que les fables supposent entre les animaux, sont des actions allégoriques, mais ces actions allégoriques ne sont point un sujet propre pour le poème dramatique, dont le but est de nous toucher par l'imitation des passions humaines : ce piédestal, dit l'abbé du Bos, n'est point fait pour la statue. (D.J.)

PERSONNAGE allégorique, (Peinture) Les personnages allégoriques sont des êtres qui n'existent point, mais que l'imagination des Peintres a conçus, et qu'elle a enfantés en leur donnant un nom, un corps et des attributs. C'est ainsi que les Peintres ont personnifié les vertus, les vices, les royaumes, les provinces, les villes, les saisons, les passions, les vents, et les fleuves. La France représentée sous une figure de femme, le Tibre sous une figure d'homme couché, et la Calomnie sous une figure de satyre, sont des personnages allégoriques.

Ces personnages allégoriques sont de deux espèces : les uns sont nés depuis plusieurs années ; depuis longtemps ils ont fait fortune. Ils se sont montrés sur tant de théâtres, que tout homme un peu lettré les reconnait d'abord à leurs attributs. La France représentée par une femme la couronne fermée en tête, le sceptre à la main, et couverte d'un manteau bleu semé de fleurs-de-lis d'or ; le Tibre représenté par une figure d'homme couché, ayant à ses pieds une louve qui alaite deux enfants, sont des personnages allégoriques inventés depuis longtemps, et que le monde reconnait pour ce qu'ils sont : ils ont acquis, pour ainsi dire, le droit de bourgeoisie par le genre humain.

Les personnages allégoriques modernes sont ceux que les Peintres ont inventés depuis peu, et qu'ils inventent encore pour exprimer leurs idées ; ils les caractérisent à leur mode, et ils leur donnent les attributs qu'ils croient les plus propres à les faire reconnaître : ce sont des chiffres dont personne n'a la clé, que peu des gens cherchent, et qu'on méprise. Ainsi je ne parlerai que des personnages allégoriques de la première espèce, c'est-à-dire des anciens, et je remarquerai d'abord que les peintres qui passent aujourd'hui pour avoir été les plus grands poètes en peinture, ne sont pas ceux qui ont mis au monde le plus grand nombre de personnages allégoriques. Il est vrai que Raphaël en a produit de cette espèce ; mais ce peintre si sage ne les emploie que dans les ornements qui servent de bordure ou de soutien à ses tableaux dans l'appartement de la signature. Il a même pris la précaution d'écrire le nom de ces personnages allégoriques sous leur figure.

Le sentiment des gens habiles est que les personnages allégoriques n'y doivent être introduits qu'avec une grande discrétion, puisque ces compositions sont destinées à représenter un événement arrivé réellement, et dépeint comme on croit qu'il est arrivé ; ils n'y doivent même entrer dans les occasions où l'on peut les introduire, que comme l'écu des armes a les attributs des personnages principaux, qui sont des personnages historiques. C'est ainsi qu'Harpocrate, le dieu du silence, ou Minerve, peuvent être placés à côté d'un prince, pour désigner sa discrétion et sa prudence. Je ne pense pas que les personnages allégoriques y doivent être eux-mêmes des acteurs principaux : des personnages que nous connaissons pour des fantômes imaginés à plaisir, à qui nous ne saurions prêter des passions pareilles aux nôtres, ne peuvent pas nous intéresser beaucoup à ce qui leur arrive. D'ailleurs la vraisemblance ne peut être observée trop exactement en Peinture : or des personnages allégoriques employés comme acteurs dans une composition historique, doivent en altérer la vraisemblance. Du Bos, reflexions sur la Peinture. (D.J.)