FAT, IMPERTINENT, (Grammaire) ce sont là de ces mots dans toutes les langues qu'il est impossible de définir, parce qu'ils renferment une collection d'idées qui varient suivant les mœurs dans chaque pays et dans chaque siècle, qu'ils s'étendent encore sur les tons, les gestes et les manières.

Il me parait en général que l'épithète de fat, de sot et d'impertinent, prise dans un sens aggravant, n'indiquent pas seulement un défaut, mais porte avec soi l'idée d'un vice de caractère et d'éducation. Il me semble aussi que la seconde épithète attaque plus l'esprit, et les deux autres les manières ; c'est en vain qu'on fait des leçons à un sot, la nature lui a refusé les moyens d'en profiter. Les discours les plus raisonnables sont perdus auprès d'un fat ; mais le temps et l'âge lui montrent quelquefois l'extravagance de la fatuité. Ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on peut venir à bout de corriger un impertinent.

Le sot est celui qui n'a pas même ce qu'il faut d'esprit pour être un fat. Un fat est celui que les sots croient un homme d'esprit. L'impertinent est une espèce de fat enté sur la grossiereté.

Un sot ne se tire jamais du ridicule, c'est son caractère. Un impertinent s'y jette tête baissée, sans aucune pudeur. Un fat donne aux autres des ridicules, qu'il mérite encore davantage.

Le sot est embarrassé de sa personne. Le fat est rempli de l'amour de la sienne, avec une sorte de hauteur pour les autres. L'impertinent passe à l'effronterie.

Le sot, au - lieu de se borner à n'être rien, veut être quelque chose ; au-lieu d'écouter, il veut parler, et pour - lors il ne sait et ne dit que des bêtises. Un fat parle beaucoup, et d'un certain ton qui lui est particulier ; il ne sait rien de ce qu'il importe de savoir dans la vie, s'écoute et s'admire. Il ajoute à la sottise la vanité et le dédain. L'impertinent est un fat, qui pêche en même temps contre la politesse et la bienséance. Ses propos sont sans égard, sans considération et sans respect. Il confond l'honnête liberté avec une familiarité excessive ; il parle et agit avec une hardiesse insolente, c'est un fat ou un sot outré, sans délicatesse. Le sot ennuie ; le fat révolte ; l'impertinent rebute, aigrit et irrite.

Addisson et la Bruyere ont donné d'excellents coups de crayon sur chacun de ces trois défauts. Théophraste les a décrits en passant dans ses portraits ingénieux des vices des Athéniens. Séneque les caractérise aussi dans ses tableaux des mœurs romaines ; mais il a peint merveilleusement le fat parfait ; dans la personne d'un des aimables de Rome, qui ayant été transporté par ses esclaves du bain dans sa chaise à porteurs, se donne la peine de leur demander en arrivant, s'il est assis, comme si c'était une chose au-dessous de lui de le savoir. Citons ce trait dans la langue originale, il a bien plus de sel : Audio quemdam ex istis delicatis (si modo deliciae vocandae sunt vitam et consuetudinem dediscere), cùm ex balneo inter manus elatus, et in sellâ positus esset, dixisse interrogando, jam sedeo ? Nimis humilis et contempti hominis esse videtur, scire quid faciat. Senec. de brevitate vitae, cap. XIIe (D.J.)