S. f. terme de Grammaire. Les conjonctions sont de petits mots qui marquent que l'esprit, outre la perception qu'il a de deux objets, aperçoit entre ces objets un rapport ou d'accompagnement, ou d'opposition, ou de quelque autre espèce : l'esprit rapproche alors en lui-même ces objets, et les considère l'un par rapport à l'autre selon cette vue particulière. Or le mot qui n'a d'autre office que de marquer cette considération relative de l'esprit est appelé conjonction.

Par exemple, si je dis que Cicéron et Quintilien sont les auteurs les plus judicieux de l'antiquité, je porte de Quintilien le même jugement que j'énonce de Cicéron : voilà le motif qui fait que je rassemble Cicéron avec Quintilien ; le mot qui marque cette liaison est la conjonction.

Il en est de même si l'on veut marquer quelque rapport d'opposition ou de disconvenance ; par exemple, si je dis qu'il y a un avantage réel à être instruit, et que j'ajoute ensuite sans aucune liaison qu'il ne faut pas que la science inspire de l'orgueil, j'énonce deux sens séparés : mais si je veux rapprocher ces deux sens, et en former l'un de ces ensembles qu'on appelle période, j'aperçais d'abord de la disconvenance, et une sorte d'éloignement et d'opposition qui doit se trouver entre la science et l'orgueil.

Voilà le motif qui me fait réunir ces deux objets, c'est pour en marquer la disconvenance ; ainsi en les rassemblant j'énoncerai cette idée accessoire par la conjonction mais ; je dirai donc qu'il y a un avantage réel à être instruit, mais qu'il ne faut pas que cet avantage inspire de l'orgueil ; ce mais rapproche les deux propositions ou membres de la période, et les met en opposition.

Ainsi la valeur de la conjonction consiste à lier des mots par une nouvelle modification ou idée accessoire ajoutée à l'un par rapport à l'autre. Les anciens grammairiens ont balancé autrefois, s'ils placeraient les conjonctions au nombre des parties du discours, et cela par la raison que les conjonctions ne représentent point d'idées de choses. Mais qu'est-ce qu'être partie du discours ? dit Priscien, " sinon énoncer quelque concept, quelque affection ou mouvement intérieur de l'esprit : " Quid enim est aliud pars orationis, nisi vox indicans mentis conceptum id est cogitationem ? (Prisc. lib. XI. sub. initio), Il est vrai que les conjonctions n'énoncent pas comme font les noms, des idées d'êtres ou réels ou métaphysiques, mais elles expriment l'état ou affection de l'esprit entre une idée et une autre idée, entre une proposition et une autre proposition ; ainsi les conjonctions supposent toujours deux idées et deux propositions, et elles font connaître l'espèce d'idée accessoire que l'esprit conçoit entre l'une et l'autre.

Si on ne regarde dans les conjonctions que la seule propriété de lier un sens à un autre, on doit reconnaître que ce service leur est commun avec bien d'autres mots : 1°. le verbe, par exemple, lie l'attribut au sujet : les pronoms lui, elle, eux, le, la, les, leur, lient une proposition à une autre ; mais ces mots tirent leur dénomination d'un autre emploi qui leur est plus particulier.

2°. Il y a aussi des adjectifs relatifs qui font l'office de conjonction ; tel est le relatif qui, lequel, laquelle : car outre que ce mot rappelle et indique l'objet dont on a parlé, il joint encore et unit une autre proposition à cet objet, il identifie même cette nouvelle proposition avec l'objet ; Dieu que nous adorons est tout-puissant ; cet attribut, est tout-puissant, est affirmé de Dieu entant qu'il est celui que nous adorons.

Tel, quel, talis, qualis ; tantus, quantus ; tot, quot, etc. font aussi l'office de conjonction.

3°. Il y a des adverbes qui, outre la proprieté de marquer une circonstance de temps ou de lieu, supposent de plus quelqu'autre pensée qui précéde la proposition où ils se trouvent : alors ces adverbes font aussi l'office de conjonction : tels sont afin que : on trouve dans quelques anciens, et l'on dit même encore aujourd'hui en certaines provinces, à celle fin que, ad hunc finem secundum quem, où vous voyez la préposition et le nom qui font l'adverbe, et de plus l'idée accessoire de liaison et de dépendance. Il en est de même de, à cause que, propterea quod. Parce que, quia ; encore, adhuc ; déjà, jam, etc. ces mots doivent être considérés comme adverbes conjonctifs, puisqu'ils font en même temps l'office d'adverbe et celui de conjonction. C'est du service des mots dans la phrase qu'on doit tirer leur dénomination.

A l'égard des conjonctions proprement dites, il y en a d'autant de sortes, qu'il y a de différences dans les points de vue sous lesquels notre esprit observe un rapport entre un mot et un mot, ou entre une pensée et une autre pensée ; ces différences font autant de manières particulières de lier les propositions et les périodes.

Les Grammairiens, sur chaque partie du discours, observent ce qu'ils appellent les accidents ; or ils en remarquent de deux sortes dans les conjonctions : 1°. la simplicité et la composition ; c'est ce que les Grammairiens appellent la figure. Ils entendent par ce terme, la propriété d'être un mot simple ou d'être un mot composé.

Il y a des conjonctions simples, telles sont &, ou, mais, si, car, ni, aussi, or, donc, &c.

Il y en a d'autres qui sont composées, à moins que, pourvu que, de sorte que, parce que, par conséquent, &c.

2°. Le second accident des conjonctions, c'est leur signification, leur effet ou leur valeur ; c'est ce qui leur a fait donner les divers noms dont nous allons parler, sur quoi j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de suivre l'ordre que M. l'abbé Girard a gardé dans sa grammaire au traité des conjonctions (les véritab. princ. de la Lang. franç. XIIe disc.) L'ouvrage de M. l'abbé Girard est rempli d'observations utiles, qui donnent lieu d'en faire d'autres que l'on n'aurait peut-être jamais faites, si on n'avait point lu avec réflexion l'ouvrage de ce digne académicien.

1°. CONJONCTIONS COPULATIVES. Et, ni, sont deux conjonctions qu'on appelle copulatives, du latin copulare, joindre, assembler, lier. La première est en usage dans l'affirmation, et l'autre dans la négative ; il n'a ni vice ni vertu. Ni vient du nec des Latins, qui vaut autant que &-non. On trouve souvent et au lieu de ni dans les propositions négatives, mais cela ne me parait pas exact :

Je ne connaissais pas Almanzor et l'Amour.

J'aimerais mieux ni l'Amour. De même : la Poésie n'admet pas les expressions et les transpositions particulières, qui ne peuvent pas trouver quelquefois leur place en prose dans le style vif et élevé. Il faut dire avec le P. Buffier, la Poésie n'admet ni expression ni transposition, &c.

Observez que comme l'esprit est plus prompt que la parole, l'empressement d'énoncer ce que l'on conçoit, fait souvent supprimer les conjonctions, et surtout les copulatives : attention, soins, crédit, argent, j'ai tout mis en usage pour, etc. cette suppression rend le discours plus vif. On peut faire la même remarque à l'égard de quelques autres conjonctions, surtout dans le style poétique, et dans le langage de la passion et de l'enthousiasme.

2°. CONJONCTIONS AUGMENTATIVES ou ADVERBES CONJONCTIFS-AUGMENTATIFS. De plus, d'ailleurs ; ces mots servent souvent de transition dans le discours.

3°. CONJONCTIONS ALTERNATIVES. Ou, sinon, tantôt. Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée ; lisez ou écrivez. Pratiquez la vertu, sinon vous serez malheureux. Tantôt il rit, tantôt il pleure ; tantôt il veut, tantôt il ne veut pas.

Ces conjonctions, que M. l'abbé Girard appelle alternatives parce qu'elles marquent une alternative, une distinction ou séparation dans les choses dont on parle ; ces conjonctions, dis-je, sont appelées plus communément disjonctives. Ce sont des conjonctions, parce qu'elles unissent d'abord deux objets, pour nier ensuite de l'un ce qu'on affirme de l'autre ; par exemple, on considère d'abord le soleil et la terre, et l'on dit ensuite que c'est ou le soleil qui tourne autour de la terre, ou bien que c'est la terre qui tourne autour du soleil. De même en certaines circonstances on regarde Pierre et Paul comme les seules personnes qui peuvent avoir fait une telle action ; les voilà donc d'abord considérés ensemble, c'est la conjonction ; ensuite on les desunit, si l'on ajoute c'est ou Pierre ou Paul qui a fait cela, c'est l'un ou c'est l'autre.

4°. CONJONCTIONS HYPOTHETIQUES. Si, sait, pourvu que, à moins que, quand, sauf, M. l'abbé Girard les appelle hypothétiques, c'est-à-dire conditionnelles, parce qu'en effet ces conjonctions énoncent une condition, une supposition ou hypothèse.

Si ; il y a un si conditionnel, vous deviendrez savant si vous aimez l'étude : si vous aimez l'étude, voilà l'hypothèse ou la condition. Il y a un si de doute, je ne sai si, &c.

Il y a encore un si qui vient du sic des Latins ; il est si studieux, qu'il deviendra savant ; ce si est alors adverbe, sic, adeò, à ce point, tellement.

Sait, sive ; soit gout, soit raison, soit caprice, il aime la retraite. On peut regarder sait, sive, comme une conjonction alternative ou de distinction.

Sauf désigne une hypothèse, mais avec restriction.

5°. CONJONCTIONS ADVERSATIVES. Les conjonctions adversatives rassemblent les idées et font servir l'une à contrebalancer l'autre. Il y a sept conjonctions adversatives : mais, quoique, bien que, cependant, pourtant, néanmoins, toutefois.

Il y a des conjonctions que M. l'abbé Girard appelle extensives, parce qu'elles lient par extension de sens ; telles sont jusque, encore, aussi, même, tant que, non plus, enfin.

Il y a des adverbes de temps que l'on peut aussi regarder comme de véritables conjonctions ; par exemple, lorsque, quand, dès que, tandis que. Le lien que ces mots expriment, consiste dans une correspondance de temps.

6°. D'autres marquent un motif, un but, une raison, afin que, parce que, puisque, car, comme aussi, attendu que, d'autant que ; M. l'abbé Girard prétend (t. II. p. 280.) qu'il faut bien distinguer dautant que, conjonction qu'on écrit sans apostrophe, et d'autant adverbe, qui est toujours séparé de que par plus, mieux ou moins, d'autant plus que, et qu'on écrit avec l'apostrophe. Le P. Joubert, dans son dictionnaire, dit aussi dautant que, conjonction ; on l'écrit, dit-il, sans apostrophe, quia, quoniam. Mais M. l'abbé Regnier, dans sa Grammaire, écrit d'autant que, conjonction, avec l'apostrophe, et observe que ce mot, qui autrefois était fort en usage, est renfermé aujourd'hui au style de chancellerie et de pratique ; pour moi je crois que d'autant que et d'autant mieux que sont le même adverbe, qui de plus fait l'office de conjonction dans cet exemple, que M. l'abbé Girard cite pour faire voir que d'autant que est conjonction sans apostrophe ; on ne devait pas si fort le louer, d'autant qu'il ne le méritait pas ; n'est-il pas évident que d'autant que répond à ex eo quod, ex eo momento secundùm quod, ex eâ ratione secundùm quam, et que l'on pourrait aussi dire, d'autant mieux qu'il ne le méritait pas. Dans les premières éditions de Danet on avait écrit dautant que sans apostrophe, mais on a corrigé cette faute dans l'édition de 1721 ; la même faute est aussi dans Richelet. Nicot, dictionnaire 1606, écrit toujours d'autant que avec l'apostrophe.

7°. On compte quatre conjonctions conclusives, c'est-à-dire qui servent à déduire une conséquence, donc, par conséquent, ainsi, partant : mais ce dernier n'est guère d'usage que dans les comptes où il marque un résultat.

8°. Il y a des conjonctions explicatives, comme lorsqu'il se présente une similitude ou une conformité, en tant que, savoir, surtout.

Auxquelles on joint les cinq expressions suivantes qui sont des conjonctions composées, de sorte que, ainsi que, de façon que, c'est-à-dire si bien que.

On observe des conjonctions transitives, qui marquent un passage ou une transition d'une chose à une autre, or, au reste, quant à, pour, c'est-à-dire à l'égard de ; comme quand on dit : l'un est venu ; pour l'autre, il est demeuré.

9°. La conjonction que : ce mot est d'un grand usage en français, M. l'abbé Girard l'appelle conjonction conductive, parce qu'elle sert à conduire le sens à son complément : elle est toujours placée entre deux idées, dont celle qui précède en fait toujours attendre une autre pour former un sens, de manière que l'union des deux est nécessaire pour former une continuité de sens : par exemple, il est important que l'on soit instruit de ses devoirs : cette conjonction est d'un grand usage dans les comparaisons ; elle conduit du terme comparé au terme qu'on prend pour modèle ou pour exemple : les femmes ont autant d'intelligence que les hommes, alors elle était comparative. Enfin la conjonction que sert encore à marquer une restriction dans les propositions négatives ; par exemple, il n'est fait mention que d'un tel prédicateur, sur quoi il faut observer que l'on présente d'abord une négation, d'où l'on titre la chose pour la présenter dans un sens affirmatif exclusivement à tout autre : Il n'y avait dans cette assemblée que tel qui eut de l'esprit ; nous n'avons que peu de temps à vivre, et nous ne cherchons qu'à le perdre. M. l'abbé Girard appelle alors cette conjonction restrictive.

Au fond cette conjonction que n'est souvent autre chose que le quod des Latins, pris dans le sens de hoc. Je dis que vous êtes sage, dico quod, c'est-à-dire dico hoc, nempè, vous êtes sage. Que vient aussi quelquefois de quam ou de quantum ou enfin de quot.

Au reste on peut se dispenser de charger sa mémoire des divers noms de chaque sorte de conjonction, parce qu'indépendamment de quelqu'autre fonction qu'il peut avoir, il lie un mot à un autre mot ou un sens à un autre sens, de la manière que nous l'avons expliqué d'abord : ainsi il y a des adverbes et des prépositions qui sont aussi des conjonctions composés, comme afin que, parce que, à cause que, etc. ce qui est bien différent du simple adverbe et de la simple préposition, qui ne font que marquer une circonstance ou une manière d'être du nom ou du verbe. (F)

CONJONCTION, en Astronomie, se dit de la rencontre apparente de deux astres ou de deux planètes dans le même point des cieux, ou plutôt dans le même degré du zodiaque. Voyez PLANETE, PHASE, etc.

Pour que deux astres soient censés en conjonction, il n'est pas nécessaire que leur latitude soit la même ; il suffit qu'ils aient la même longitude. Voyez LONGITUDE et LATITUDE.

Si deux astres se trouvent dans le même degré de longitude et de latitude ; une ligne droite tirée du centre de la terre, par celui de l'un des astres, passera par le centre de l'autre. La conjonction alors s'appellera conjonction vraie et centrale.

Si la ligne qui passe par le centre des deux astres, ne passe pas par le centre de la terre, on l'appelle conjonction partiale : si les deux corps ne se rencontrent pas précisément dans le même degré de longitude, mais qu'il s'en faille quelque chose, la conjonction est dite apparente. Ainsi lorsqu'une ligne droite, que l'on suppose passer par le centre des deux astres, ne passe pas par le centre de la terre, mais par l'oeil de l'observateur, l'on dit que la conjonction est apparente. Du reste les astronomes se servent assez généralement du mot de conjonction, pour exprimer la situation de deux astres, dont les centres se trouvent avec le centre de la terre dans un même plan perpendiculaire au plan de l'écliptique. Voyez ÉCLIPTIQUE.

On divise aussi les conjonctions en grandes, et en très-grandes. Les grandes conjonctions sont celles qui n'arrivent qu'au bout d'un temps considérable, comme celle de Saturne et de Jupiter, qui arrivent tous les vingt ans.

Les conjonctions très-grandes sont celles, qui arrivent dans des temps extrêmement éloignés ; comme celle des trois planètes supérieures, Mars, Jupiter, et Saturne, qui n'arrive que tous les 500. ans. Cette conjonction est arrivée en 1743 : ces trois planètes furent vues ensemble, plusieurs mois dans la constellation du lion : mais elles ne se trouvèrent que successivement à la même longitude, et en opposition avec le soleil ; savoir, Mars le 16 Février, Saturne le 21, et Jupiter le 28 ; ce qui ne fait qu'un intervalle de douze jours, et ce qui arrive très-rarement : l'oeil placé successivement sur chacune de ces planètes, aurait donc Ve dans le même ordre trois conjonctions de la terre au soleil. On trouvera dans l'histoire et les mémoires de l'académie de 1743, un plus ample détail sur ce sujet. Au reste on ne se sert que peu ou point de cette distinction des conjonctions, qui n'est fondée que sur des notions imaginaires des prétendues influences des corps célestes, dans tels et tels aspects. Voyez INFLUENCE.

Il est bon de remarquer encore que pour que deux astres soient en conjonction par rapport à la terre, il faut qu'ils se trouvent tous deux d'un même côté par rapport à la terre ; au lieu que dans l'opposition la terre se trouve entre deux. C'est une suite de la définition ci-dessus.

La conjonction est le premier ou le principal des aspects, et celui auquel tous les autres commencent ; comme l'opposition est le dernier, et celui où ils finissent. Voyez ASPECT et OPPOSITION.

Les observations des planètes dans leurs conjonctions sont très-importantes dans l'Astronomie ; ce sont autant d'époques qui servent à déterminer les mouvements des corps célestes, les routes qu'ils tiennent, et la durée de leur cours.

Les planètes inférieures, savoir Venus et Mercure, ont de deux sortes de conjonctions. L'une arrive lorsque la planète se trouve entre le soleil et la terre, et par conséquent se trouve le plus près de la terre ; on la nomme conjonction inférieure : l'autre arrive quand la planète est le plus éloignée de la terre qu'il est possible, c'est-à-dire que le soleil se trouve entre la terre et elle : on appelle cette conjonction, conjonction supérieure.

La lune se trouve en conjonction avec le soleil tous les mois. Voyez LUNE et MOIS. On appelle ses conjonctions et ses oppositions du nom général de syzygies. Voyez SYZYGIE. Il n'y a jamais d'éclipse de soleil que lorsque sa conjonction avec la lune se fait proche les nœuds de l'écliptique, ou dans ces nœuds même. Voyez ÉCLIPSE. (O)