ANIMAL, BRUTE, (Grammaire) Bête se prend souvent par opposition à homme ; ainsi on dit : l'homme a une âme, mais quelques philosophes n'en accordent point aux bêtes. Brutes est un terme de mépris qu'on n'applique aux bêtes et à l'homme qu'en mauvaise part. Il s'abandonne à toute la fureur de son penchant, comme la brute. Animal est un terme générique qui convient à tous les êtres organisés vivants : l'animal vit, agit, se meut de lui-même, etc. Si on considère l'animal comme pensant, voulant, agissant, réfléchissant, etc. on restreint sa signification à l'espèce humaine ; si on le considère comme borné dans toutes les fonctions qui marquent de l'intelligence et de la volonté, et qui semblent lui être communes avec l'espèce humaine, on le restreint à bête. Si on considère la bête dans son dernier degré de stupidité, et comme affranchie des lois de la raison et de l'honnêteté, selon lesquelles nous devons régler notre conduite, nous l'appelons brute.

On ne sait si les bêtes sont gouvernées par les lois générales du mouvement, ou par une motion particulière : l'un et l'autre sentiment a ses difficultés. V. l'art. AME DES BETES. Si elles agissent par une motion particulière, si elles pensent, si elles ont une âme, etc. qu'est-ce que cette âme ? On ne peut la supposer matérielle : la supposera-t-on spirituelle ? Assurer qu'elles n'ont point d'ame et qu'elles ne pensent point, c'est les réduire à la qualité de machines ; à quoi l'on ne semble guère plus autorisé, qu'à prétendre qu'un homme dont on n'entend pas la langue est un automate. L'argument qu'on tire de la perfection qu'elles mettent dans leurs ouvrages, est fort ; car il semblerait, à juger de leurs premiers pas, qu'elles devraient aller fort loin : cependant toutes s'arrêtent au même point, ce qui est presque le caractère machinal. Mais celui qu'on tire de l'uniformité de leurs productions, ne me parait pas tout à fait aussi bien fondé. Les nids des hirondelles et les habitations des castors ne se ressemblent pas plus que les maisons des hommes. Si une hirondelle place son nid dans un angle, il n'aura de circonférence que l'arc compris entre les côtés de l'angle ; si elle l'applique au contraire contre un mur, il aura pour mesure la demi-circonférence. Si vous délogez des castors de l'endroit où ils sont, et qu'ils aillent s'établir ailleurs comme il n'est pas possible qu'ils rencontrent le même terrain, il y aura nécessairement variété dans les moyens dont ils useront, et variété dans les habitations qu'ils se construiront.

Quoi qu'il en sait, on ne peut penser que les bêtes aient avec Dieu un rapport plus intime que les autres parties du monde matériel ; sans quoi, qui de nous oserait sans scrupule mettre la main sur elles et répandre leur sang ? qui pourrait tuer un agneau en sûreté de conscience ? Le sentiment qu'elles ont, de quelque nature qu'il sait, ne leur sert que dans le rapport qu'elles ont entr'elles, ou avec d'autres êtres particuliers, ou avec elles-mêmes. Par l'attrait du plaisir elles conservent leur être particulier, et par le même attrait elles conservent leur espèce. J'ai dit attrait du plaisir, au défaut d'une autre expression plus exacte ? car si les bêtes étaient capables de cette même sensation que nous nommons plaisir, il y aurait une cruauté inouie à leur faire du mal : elles ont des lois naturelles, parce qu'elles sont unies par des besoins, des intérêts, et c. mais elles n'en ont point de positives, parce qu'elles ne sont point unies par la connaissance. Elles ne semblent pas cependant suivre invariablement leurs lois naturelles ; et les plantes en qui nous n'admettons ni connaissance ni sentiment, y sont plus soumises.

Les bêtes n'ont point les suprêmes avantages que nous avons, elles en ont que nous n'avons pas : elles n'ont pas nos espérances, mais elles n'ont pas nos craintes : elles subissent comme nous la mort, mais c'est sans la connaître ; la plupart même se conservent mieux que nous, et ne font pas un aussi mauvais usage de leurs passions. Voyez les articles AME et ANIMAL.

* BETES, (Combat des) Histoire anc. Les combats des bêtes se faisaient dans les amphithéâtres, les cirques, et autres édifices publics. Les bêtes qui y servaient étaient ou domestiques et privées, comme le taureau, le cheval, l'éléphant, etc. ou sauvages, comme le lion, l'ours, le tigre, la panthere, etc. elles combattaient ou contre d'autres de la même espèce, ou contre des bêtes de différentes espèces, ou contre des hommes, ces hommes étaient ou des criminels, ou des gens gagés, ou des athletes. On tenait les bêtes enfermées dans des cachots ou caveaux rangés circulairement au rez de chaussée des arenes ; on les appelait caveae : les plus furieuses étaient attachées par les jambes avec des instruments de fer. Les criminels qui sortaient vainqueurs du combat des bêtes étaient quelquefois renvoyés absous ; mais pour l'ordinaire ce combat était regardé comme le dernier supplice. Voyez BESTIAIRES. Les profanes condamnaient au supplice des bêtes les premiers Chrétiens, qui loin de se défendre, se laissaient massacrer comme des agneaux.

Mais les bêtes féroces ne servaient pas seulement dans les amphithéâtres ; il y avait chez les Grecs et les Romains des gens qui les apprivoisaient, leur apprenaient des tours de souplesse, et les rendaient dociles au joug si l'on en croit les monuments et les Poètes. On voit dans plusieurs morceaux antiques des léopards, des lions, des pantheres, des cerfs, etc. attelés. On lit dans Martial que les léopards ont été subjugués, les tigres conduits avec le fouet, les cerfs bridés, les ours emmuselés, les sangliers conduits au licou, les bisontes ou taureaux sauvages, mis aux chars, etc.

Les Grecs, dit le savant père de Montfaucon, l'emportaient sur les Romains dans cet art, ainsi qu'en plusieurs autres : on vit dans la seule pompe de Ptolomée Philadelphe, vingt-quatre chars tirés par des éléphans, soixante par des boucs, douze par des lions, sept par des orix, cinq par des bufles, huit par des autruches, et quatre par des zèbres.

L'empereur Eliogabale fit tirer son char par quatre chiens d'une grandeur énorme ; il parut en public trainé par quatre cerfs ; il fit une autre fois atteler des lions et des tigres : dans ces occasions il prenait les habits des dieux auxquels ces animaux étaient consacrés. Voyez AMPHITHEATRE, CIRQUE, THEATRE, GYMNASE, GYMNASTIQUE, ATHLETE, LUTTE, LUTTEUR.

BETES, (Chasse) Les chasseurs distribuent les bêtes en fauves, en noires, et en rousses ou carnacières : les fauves sont les cerfs, les dains, les chevreuils, avec leurs femelles et faons ; les noires sont les sangliers et les marcassins. Les bêtes fauves et noires composent la grande venaison. Les bêtes rousses ou carnacières, sont le loup, le renard ; le blaireau, la fouine, le putais, etc. il est permis à tout le monde de les chasser et tuer. Voyez VENAISON.

BETE CHEVALINE, (Manège) c'est la même chose que cheval ; mais cela ne se dit que d'un cheval de paysan, ou de peu de valeur. Bête bleue, est une expression figurée et proverbiale, qui signifie un cheval qui n'est propre à rien. (V)

BETE, jeu de la bête ou de l'homme, (Jeu) Il se joue à trois, quatre, cinq, six, et même sept : mais dans ce dernier cas il faut que le jeu soit composé de trente-six cartes, et que la tourne soit la dernière du jeu de celui qui mêle : mais le mieux c'est de la jouer à cinq et à trois. Le jeu de cartes, quand on n'est que cinq, ne doit contenir que trente-deux cartes ; et à quatre et à trois on ôte les sept. Le roi est la principale carte du jeu de la bête ; la dame le suit et emporte le valet, qui lève l'as, celui-ci le dix, et ainsi des autres. Celui à qui il écheait de mêler les cartes, les fait couper à l'ordinaire au premier de sa gauche, et en distribue cinq à chaque joueur, en tel nombre à la fois qu'il lui plait. Il y a de l'avantage à jouer en premier. Quand les cartes sont ainsi données, l'on tourne la première du talon que l'on y laisse retournée, parce qu'elle est la triomphe pendant tout le coup.

En commençant, chaque joueur met devant soi une fiche et deux jetons, l'un pour le jeu, et l'autre pour le roi de triomphe, quoique celui qui l'a ne joue pas ; suffisant pour cela que le coup se joue ; et celui qui mêle y en ajoute un troisième, qui le fait reconnaître pour avoir mêlé les cartes. Celui qui gagne tire les jetons et une fiche, et ainsi des autres à tous les coups, jusqu'à ce que toutes les fiches soient gagnées ; après quoi chacun en remet une autre, et l'on recommence comme auparavant. Celui qui fait jouer, et a toutes les mains, gagne tous les jetons, tout ce qui est sur jeu, fût-ce des bêtes qui n'y auraient pas été mises pour le coup, et même les fiches ; et outre cela chaque joueur est encore obligé de lui payer un jeton : s'il ne fait pas toutes les mains, il n'a pour l'avoir entrepris, que la peine et le chagrin de ne les avoir pas faites. Mais lorsque celui qui fait jouer ne lève pas trois mains ; ou les deux premières, lorsqu'elles sont partagées entre les joueurs, il fait la bête, c'est-à-dire, qu'il met autant de jetons qu'il en aurait tiré s'il eut gagné. Ainsi si le coup était simple, c'est-à-dire qu'il n'y eut pas sur le jeu des bêtes faites précédemment, et si l'on était cinq, celui qui ferait la bête ne la ferait que de onze jetons, parce que la fiche et le jeton que chacun met devant soi en fait dix, et celui qui mêle met le onzième. Cependant il peut avoir été réglé entre les joueurs de mettre moins devant soi ; alors la bête serait proportionnée au nombre de jetons fixé.

L'on voit que dans les onze jetons dont nous venons de parler plus haut, nous ne comprenons pas celui qui est destiné pour le roi de triomphe, qu'il laisserait cependant, si faisant jouer il perdait le coup : mais quand le roi les tire, chaque joueur en met de nouveaux pour le coup suivant. Toute bête simple doit aller sur le coup où elle a été faite ; et s'il y en avait plusieurs simples faites d'un même coup, elles iraient toutes ensemble. Mais les bêtes doubles doivent aller les unes après les autres dans les coups suivants, et toujours les plus grosses les premières.

Lorsqu'il y a une bête sur le jeu, les autres joueurs ne mettent point de jetons, excepté celui qui mêle, qui donne le sien à l'ordinaire. Celui qui gagne lorsqu'il y a une bête double au jeu, lève outre la bête une fiche, et tous les jetons qui sont au jeu ; et fait la bête proportionnellement au gain, lorsqu'il perd. Quand nous avons dit que pour gagner il fallait au moins faire les deux premières mains, c'est bien entendu qu'aucun des joueurs n'en fait trois ; puisqu'alors on perd comme si on les eut faites le dernier.

Il arrive assez souvent dans ce jeu que deux joueurs se disputent le gain du coup, parce que celui qui a fait jouer d'abord, n'empêche point de jouer aussi quiconque se trouve un assez beau jeu pour l'emporter sur lui et sur tous les joueurs qui se liguent contre lui en faveur du premier joueur ; parce que le second risque de perdre le double de ce qui est au jeu : ce qui fait voir qu'on ne dit point contre, sans un très-beau jeu. On n'est plus reçu à le dire, quand une fois la première carte est jetée. Toute l'habileté des joueurs consiste à forcer celui qui fait jouer à surcouper, ou à se défaire de leurs bonnes cartes à propos, pour donner plus de force à ceux qui sont en état de le faire perdre ; ce qui cependant n'est de loi que dans le cas où il n'y a point de vole à craindre. On doit au contraire garder tout ce qui peut l'empêcher, lorsqu'on en est menacé. On doit encore fournir de la couleur jouée ; couper si l'on n'en a point ; et si quelque autre avait déjà coupé, il faudrait le faire d'une triomphe plus haute que la première, si l'on pouvait.

Lorsque tous les joueurs ont Ve leur jeu et passé, chacun peut aller en curieuse, en mettant un jeton au jeu. Voyez CURIEUSE et ALLER EN CURIEUSE. La curieuse est également avantageuse pour tous les joueurs, et n'est pas un moindre agrément du jeu de bête : mais on doit se contenter d'en avoir une. Nous avons déjà dit, que celui qui avait le roi de triomphe retirait les jetons qui lui sont destinés ; celui qui retourne ce roi a le même privilège, pourvu toutefois, en l'un et l'autre cas, que le jeu se joue : celui qui fait la dévole, double tout ce qui est au jeu ; fait autant de bêtes qu'il aurait pu en gagner, et donne un jeton à chaque joueur.

Pour faire jouer au jeu, il faut avoir en main un jeu dont on puisse faire trois mains, ou deux tout au moins, que l'on doit se hâter de faire le premier pour gagner. L'expérience apprendra bientôt quels sont les jeux qu'on peut jouer.

Celui qui renonce fait la bête ; celui qui donne mal en est quitte pour un jeton à chacun, et refait : lorsque le jeu de cartes est faux, le coup où il est trouvé tel est nul ; mais les précédents sont bons.

BETE, (au jeu de) La bête désigne la perte que fait un joueur qui ne fait pas trois mains ou les deux premières, quand un autre joueur en fait trois.

BETE simple ; c'est une bête faite en premier lieu, simplement sur l'enjeu de chaque joueur.

BETE double ; se dit d'une bête faite sur une autre bête, non-seulement de l'enjeu de chaque joueur, mais encore de la bête qui était au jeu, et qu'on se proposait de tirer.

BETE de renonce ; c'est le double payement qu'on est obligé de faire de tout ce qui s'enlève du jeu dans un coup ordinaire, pour n'avoir pas fourni de la couleur qu'on demandait.