adj. (Grammaire) Une phrase est interrogative, lorsqu'elle indique de la part de celui qui parle, une question plutôt qu'une assertion : on met ordinairement à la fin de cette phrase un point surmonté d'une sorte de petite s retournée en cette manière (?) ; et ce point se nomme aussi point interrogatif : par exemple,

Fortune, dont la main couronne

Les forfaits les plus inouis,

Du faux éclat qui t'environne

Serons-nous toujours éblouis ? Rousseau.

Où suis-je ? de Baal ne vais-je pas le prêtre ?

Quoi, filles de David, vous parlez à ce traitre ?

Racine.

Quoi qu'en disent plusieurs grammairiens, il n'y a dans la langue française aucun terme qui soit proprement interrogatif, c'est-à-dire qui désigne essentiellement l'interrogation. La preuve en est que les mêmes mots que l'on allegue comme tels, sont mis sans aucun changement dans les assertions les plus positives. Ainsi nous disons bien en français, COM bien coute ce livre ? COMMENT vont nos affaires ? Où tendent ces discours ? POURQUOI sommes nous nés ? QUAND reviendra la paix ? QUE veut cet homme ? QUI a parlé de la sorte ? Sur QUOI est fondée notre espérance ? QUEL bien est préférable ? Mais nous disons aussi sans interrogation, je sais COMBIEN coute ce livre ; j'ignore COMMENT vont nos affaires ; vous comprenez où tendent ces discours ; la religion nous enseigne POURQUOI nous sommes nés ; ceci nous apprend QUAND reviendra la paix : chacun devine ce QUE veut cet homme ; personne ne sait QUI a parlé de la sorte ; vous connaissez sur QUOI est fondée notre espérance ; cherchons QUEL bien est préférable.

C'est la même chose en latin, si l'on excepte la seule particule enclitique ne, qu'il faut moins regarder comme un mot, que comme une particule élémentaire, qui ne fait qu'un mot avec celui à la fin duquel on la place, comme audisne ou audin' ? (entendez-vous) ? Voyez PARTICULE. Elle indique que le sens est interrogatif dans la proposition où elle se trouve ; mais elle ne se trouve pas dans toutes celles qui sont interrogatives : Quò te Maeri pedes ? Quà transivisti ? Quandiù vixit ? An dimicatum est ? &c.

Qu'est-ce qui dénote donc si le sens d'une phrase est interrogatif ou non ?

1°. Dans toutes celles où l'on trouve quelqu'un de ces mots réputés interrogatifs en eux-mêmes, on y reconnait ce sens, en ce que ces mots mêmes étant conjonctifs, et se trouvant néanmoins à la tête de la phrase construite selon l'ordre analytique, c'est un signe assuré qu'il y a ellipse de l'antécédent, et que cet antécédent est le complément grammatical d'un verbe aussi sous-entendu, qui exprimerait directement l'interrogation s'il était énoncé. Reprenons les mêmes exemples français, qui feront assez entendre l'application qu'il faudra faire de ce principe dans les autres langues. COMBIEN coute ce livre ? c'est-à-dire, apprenez-moi le prix que coute ce livre. COMMENT vont nos affaires ? c'est-à-dire, dites-moi comment (ou la manière selon laquelle) vont nos affaires. Où tendent ces discours ? c'est-à-dire, faites-moi connaître le but où (auquel) tendent ces discours. Il en est de même des autres ; pourquoi veut dire la raison, la cause, la fin pour laquelle ; quand, le temps auquel ; avant que et quoi, on sous-entend la chose ou un autre antécédent moins vague, indiqué par les circonstances ; avant qui, sous-entendez la per sonne, l'homme, etc. quel, c'est lequel dont on a supprimé l'article à cause de la suppression de l'antécédent qui se trouve pourtant après ; quel bien, c'est-à-dire le bien, lequel bien.

2°. Dans les phrases où il n'y a aucun de ces mots conjonctifs, la langue française marque souvent le sens interrogatif par un tour particulier. Elle veut que le pronom personnel qui indique le sujet du verbe, se mette immédiatement après le verbe, s'il est dans un temps simple, et après l'auxiliaire, s'il est dans un temps composé ; et cela s'observe lors même que le sujet est exprimé d'ailleurs par un nom soit simple, soit accompagné de modificatifs : Viendrez-vous ? Avais-je compris ? Serions-nous partis ? Les Philosophes ont-ils bien pensé ? La raison que vous alléguiez aurait-elle été suffisante ? Il faut cependant observer, que si le verbe était au subjonctif, cette inversion du pronom personnel ne marquerait point l'interrogation, mais une simple hypothèse, ou un désir dont l'énonciation explicite est supprimée par ellipse. Vinssiez-vous à bout de votre dessein, pour je suppose même que vous vinssiez à bout de votre dessein. Puissiez-vous être content ! pour je souhaite que vous puissiez être content. Quelquefois même le verbe étant à l'indicatif ou au suppositif, cette inversion n'est pas interrogative ; ce n'est qu'un tour plus élégant ou plus affirmatif : Ainsi conservons nos droits ; en vain formerions-nous les plus vastes projets ; il le fera, dit-il.

3°. Ce n'est souvent que le ton ou les circonstances du discours, qui déterminent une phrase au sens interrogatif ; et comme l'écriture ne peut figurer le ton, c'est alors le point interrogatif qui y décide le sens de la phrase. (B. E. R. M.)