Le C,c, (Grammaire) est la troisième lettre de notre alphabet. La figure de cette lettre nous vient des Latins. Elle a aujourd'hui un son doux devant l'e et devant l'i ; on prononce alors le c comme une s, ce, ci, comme se, si ; en sorte qu'alors on pourrait regarder le c, comme le sigma des Grecs, tel qu'il se voit souvent, surtout dans les inscriptions, avec la figure de notre C capital, TAIC HMEPAIC (Gruter, tom. I. p. 70.), c'est-à-dire tais emerais ; et au tome. II. pag. 1020, on lit une ancienne inscription qui se voit à Alexandrie sur une colonne, Democrates periclitos architectos, Democrates illustre architecte. Il y a un très-grand nombre d'exemples du sigma ainsi écrit, surtout en lettres majeures ou capitales ; car en lettres communes le sigma s'écrit ainsi au commencement et au milieu des mots, et ainsi à la fin des mots. A l'égard de la troisième figure du sigma, elle est précisément comme notre c dans les lettres capitales, et elle est en usage au commencement, au milieu, et à la fin des mots : mais dans l'écriture commune on recourbe la pointe inférieure du c, comme si on ajoutait une virgule au c : en voici la figure, .

Ainsi il parait que le c doux n'est que le sigma des Grecs ; et il serait à souhaiter que le c eut alors un caractère particulier qui le distinguât du c dur : car lorsque le c est suivi d'un a, d'un o, ou d'un u, il a un son dur ou sec, comme dans canon, cabinet, cadenat, coffre, Cologne, colombe, copiste, curiosité, cuvette, etc. Alors le c n'est plus la même lettre que le c doux, quoiqu'il paraisse sous la même figure ; c'est le cappa des Grecs, K, dont on a retranché la première partie ; c'est le q des Latins écrit sans u, ainsi qu'on le trouve en quelques anciens : pronunciandum q latinum sine u, quod hae voces ostendunt, punicè qalam, , calamus, qane, , canna. Angeli Caninii . Parisiis, 1578, pag. 31.

En bas-breton on écrit aussi le q sans u, ê qever, envers ; qen, qer, tant, tellement. Le q sans u est le cappa des Grecs, qui a les mêmes règles et le même son. Grammaire française celtique, à Vannes, 1738.

S'il arrive que par la raison de l'étymologie on conserve le c dans l'écriture devant a, o, u ; que dans la prononciation on donne le son doux au c, comme quand on écrit, il prononça, Français, conçu, reçu, etc. à cause de prononcer, France, concevoir, recevoir, etc. alors on met sous le c une petite marque, qu'on appelle cédille ; ce qui pourrait bien être le même sigma dont nous avons déjà parlé, qui en lettre commune s'écrit ainsi , , sô : en sorte que la petite queue de ce sigma pourrait bien être nôtre cédille.

Depuis que l'auteur du bureau typographique a mis en usage la méthode dont on parle au chapitre VIe de la grammaire générale de P. R. les maîtres qui montrent aujourd'hui à lire, à Paris, donnent une double dénomination au c ; ils l'appellent ce devant e et devant i : ainsi en faisant épeler, ils font dire ce, e, ce : ce, i, ci.

A l'égard du c dur ou sec, ils l'appellent ke ou que ; ainsi pour faire épeler cabane, ils font dire ke, a, ca ; be, a, ba, caba ; ne, e, ne, ca-ba-ne ; car aujourd'hui on ne fait que joindre un e muet à toutes les consonnes : ainsi on dit be, ce, de, me, re, te, se, Ve ; et jamais effe, emme, enne, erre, esse. Cette nouvelle dénomination des lettres facilite extrêmement la lecture, parce qu'elle fait assembler les lettres avec bien plus de facilité. On lit en vertu de la dénomination qu'on donne d'abord à la lettre.

Il n'y a donc proprement que le c dur qui soit le kappa des Grecs n, dont on a retranché la première partie. Le c garde ce son dur après une voyelle et devant une consonne ; dicter, effectif.

Le c dur et le q sans u ne sont presque qu'une même lettre : il y a cependant une différence remarquable dans l'usage que les Latins ont fait de l'une et de l'autre de ces lettres, lorsqu'ils ont voulu que la voyelle qui suit le q accompagné de l'u, ne fit qu'une même syllabe ; ils se sont servis de qu : ainsi ils ont écrit, aqua, qui, quiret, reliquum, etc. mais lorsqu'ils ont eu besoin de diviser cette syllabe, ils ont employé le c au lieu de notre trema ; ainsi on trouve dans Lucrèce a-cu-a en trois syllabes, au lieu de aqua en deux syllabes : de même ils ont écrit qui monosyllabe au nominatif, au lieu qu'ils écrivaient cu-i dissyllabe au datif. On trouve aussi dans Lucrèce cu-i-ret pour quiret, relicu-um pour reliquum.

Il faut encore observer le rapport du c au g. Avant que le caractère g eut été inventé chez les Latins, le c avait en plusieurs mots la prononciation du g ; ce fut ce qui donna lieu à Sp. Carvilius, au rapport de Terentius Scaurus, d'inventer le g pour distinguer ces deux prononciations : c'est pourquoi Diomède, lib. II. cap. de litterâ, appelle le g lettre nouvelle.

Quoique nous ayons un caractère pour le c, et un autre pour le g, cependant lorsque la prononciation du c a été changée en celle du g, nous avons conservé le c dans notre orthographe, parce que les yeux s'étaient accoutumés à voir le c en ces mots-là : ainsi nous écrivons toujours Claude, Cicogne, second, secondement, seconder, secret, quoique nous prononcions Glaude, Cigogne, segond, segondement, segonder : mais on prononce secret, secrètement, secrétaire.

Les Latins écrivaient indifféremment vicesimus ou vigesimus ; Gaius ou Caius ; Gneius pour Cneius.

Pour achever ce qu'il y a à dire sur ce rapport du c au g, je ne puis mieux faire que de transcrire ici ce que l'auteur de la méthode latine de P. R. a recueilli à ce sujet, pag. 647.

" Le g n'est qu'une diminution du c, au rapport de Quintilien ; aussi ces deux lettres ont-elles grande affinité ensemble, puisque de nous faisons gubernator ; de , gloria ; de agère, actume de nec-otium, negotium : et Quintilien témoigne ; que dans Gaius, Gneius, on ne distinguait pas si c'était un c ou un g, c'est de-là qu'est venu que de centum on a formé quadringenti, quingenti, septengenti, etc. de porricère, qui est demeuré en usage dans les sacrifices, on a fait porrigère ; et semblables.

On croit que le g n'a été inventé qu'après la première guerre de Carthage, parce qu'on trouve toujours le c pour le g dans la colonne appelée rostrata, qui fut élevée alors en l'honneur de Duillius consul, et qui se voit encore à Rome au capitole ; on y lit, macistratos leciones pucnando copias Cartaciniensis : ce que l'on ne peut bien entendre si l'on ne prend le c dans la prononciation du k. Aussi est-il à remarquer que Suidas parlant du croissant que les sénateurs portaient sur leurs souliers, l'appelle ; faisant assez voir par-là que le c et le k passaient pour une même chose, comme en effet ils n'étaient point différents dans la prononciation ; car au lieu qu'aujourd'hui nous adoucissons beaucoup le c devant l'e et devant l'i en sorte que nous prononçons Cicero comme s'il y avait Sisero ; eux au contraire prononçaient le en ce mot et en tous les autres, de même que dans caput et dans corpus, kikero ".

Cette remarque se confirme par la manière dont on voit que les Grecs écrivaient les mots latins où il y avait un c, surtout les noms propres, Caesar, ; Cicero, , qu'ils auraient écrit , s'ils avaient prononcé ce mot comme nous le prononçons aujourd'hui.

Voici encore quelques remarques sur le c.

Le c est quelquefois une lettre euphonique, c'est-à-dire mise entre deux voyelles pour empêcher le bâillement ou hiatus ; si-c-ubi, au lieu de si-ubi, si en quelque part, si en quelque endroit ; nun-c-ubi, pour num-ubi ? est-ce que jamais ? est-ce qu'en quelque endroit ?

Quelques auteurs ont cru que le c venait du chaph des Hébreux, à cause que la figure de cette lettre est une espèce de carré ouvert par un côté ; ce qui fait une sorte de c tourné à gauche à la manière des Hébreux : mais le chaph est une lettre aspirée qui a plus de rapport au , chi, des Grecs qu'à notre c.

D'ailleurs les Latins n'ont point imité les caractères hébreux. La lettre des Hébreux dont la prononciation répond davantage au et à notre c, c'est le kouph dont la figure n'a aucun rapport au c.

Le P. Mabillon a observé que Charlemagne a toujours écrit son nom avec la lettre c ; au lieu que les autres rois de la seconde race, qui portaient le nom de Charles, l'écrivaient avec un k ; ce qui se voit encore sur les monnaies de ces temps-là.

Le C qui est la première lettre du mot centum, était chez les Romains une lettre numérale qui signifiait cent. Nous en faisons le même usage quand nous nous servons du chiffre romain, comme dans les comptes qu'on rend en justice, en finance, etc. Deux CC marquent deux cent, etc. Le avec une barre au-dessus, comme on le voit ici, signifiait cent mille. Comme le C est la première lettre de condemno, on l'appelait lettre funeste ou triste, parce que quand les juges condamnaient un criminel, ils jetaient dans l'urne une tablette sur quoi la lettre c était écrite, au lieu qu'ils y écrivaient un A quand ils voulaient absoudre. Universi judices in cistam tabulas simul conjiciebant suas : easque inculptas litteras habebant, A, absolutionis, C, condemnationis. Asconius Pedianus in Divinat. Cic.

Dans les noms propres, le C écrit par abréviation signifie Caius : s'il est écrit de droite à gauche, il veut dire Caia. Voyez Valerius Probus, de notis Romanorum, qui se trouve dans le recueil des grammairiens latins, Auctores linguae latinae.

Le C mis après un nom propre d'homme, ou doublé après deux noms propres, marquait la dignité de consul. Ainsi Q. Fabio et T. Quintio CC, signifie sous le consulat. de Quintus Fabius, et de Titus Quintus. En italien, le c devant l'e ou devant l'i, a une sorte de son qui repond à notre tche, tchi, faisant entendre le t faiblement : au contraire si le c est suivi d'une h, on le prononce comme le ké ou qué, ki ou qui : mais la prononciation particulière de chaque consonne regarde la grammaire particulière de chaque langue.

Parmi nous, le C sur les monnaies est la marque de la ville de Saint-Lô en Normandie. (F)