S. m. (Grammaire) on donne en général ce nom au physique, à tout ce qui s'éloigne d'une direction qu'on distingue de toute autre, par quelque consideration particulière ; et on le transporte au figuré, en regardant la droite raison, ou la loi, ou quelque autre principe de logique ou de morale, comme des directions qu'il convient de suivre pour éviter le blâme : ainsi il parait qu'écart ne se devrait jamais prendre qu'en mauvaise part. Cependant il semble se prendre quelquefois en bonne, et l'on dit fort bien : c'est un esprit servîle qui n'ose jamais s'écarter de la route commune. Je crois qu'on parlerait plus rigoureusement en disant, sortir ou s'éloigner ; mais peut-être que s'écarter se prend en bonne et en mauvaise part, et qu'écart ne se prend jamais qu'en mauvaise : ce ne serait pas le seul exemple dans notre langue où l'acception du nom serait plus ou moins générale que celle du verbe, où même le nom et le verbe auraient deux acceptions tout à fait différentes.

ECART, (Manège et Maréchall.) terme employé dans l'hippiatrique, pour signifier la disjonction ou la séparation accidentelle, subite, et forcée du bras d'avec le corps du cheval ; et si cette disjonction est telle qu'elle ne puisse être plus violente, on l'appelle entr'ouverture.

Les causes les plus ordinaires de l'écart sont, ou une chute, ou un effort que l'animal aura fait en se relevant, ou lorsqu'en cheminant l'une de ses jambes antérieures, ou toutes deux ensemble, se seront écartées et auront glissé de côté et en-dehors. Cet accident qui arrive d'autant plus aisément, qu'ici l'articulation est très-mobîle et jouit d'une grande liberté, occasionne le tiraillement ou une extension plus ou moins forte de toutes les parties qui assujettissent le bras, qui l'unissent au tronc, et qui l'en rapprochent : ainsi tous les muscles, qui d'une part ont leurs attaches au sternum, aux côtes, aux vertèbres du dos, et de l'autre à l'humerus et à l'omoplate, tels que le grand et le petit pectoral, le grand dentelé, le sous-scapulaire, l'adducteur du bras, le commun ou le peaucier, le grand dorsal, et même le ligament capsulaire de l'articulation dont il s'agit, ainsi que les vaisseaux sanguins, nerveux, et lymphatiques, pourront souffrir de cet effort, surtout s'il est considérable. Dans ce cas, le tiraillement est suivi d'un gonflement plus ou moins apparent ; la douleur est vive et continuelle ; elle affecte plus sensiblement l'animal, lorsqu'il entreprend de se mouvoir ; elle suscite la fièvre et un battement de flancs très-visible ; les vaisseaux capillaires sont relâchés ; quelques-uns d'entr'eux, rompus et dilacérés, laissent échapper le fluide qu'ils contiennent, et ce fluide s'extravase ; les fibres nerveuses sont distendues ; et si les secours que demande cette maladie ne sont pas assez prompts, il est à craindre que les liqueurs stagnantes dans les vaisseaux, et celles qui sont extravasées, ne s'épaississent de plus en plus, ne se putréfient, et ne produisent en conséquence des tumeurs, des dépôts dans toutes ces parties lésées, dont le mouvement et le jeu toujours difficiles et gênés, ne pourront jamais se rétablir parfaitement.

Il est certain que le gonflement et la douleur annoncée par la difficulté de l'action du cheval, sont les seuls signes qui puissent nous frapper. Or dans la circonstance d'une extension faible et légère, c'est-à-dire dans les écarts proprement dits, dont les suites ne sont point aussi funestes, le gonflement n'existant point, il ne nous reste pour unique symptôme extérieur, que la claudication de l'animal. Mais ce symptôme est encore très-équivoque, si l'on considère, 1°. combien il est peu de personnes en état de distinguer si le cheval boite de l'épaule, et non de la jambe et du pied : 2°. les autres accidents qui peuvent occasionner la claudication, tels que les heurts, les coups, un appui forcé d'une selle qui aurait trop porté sur le devant, etc. Nous devons donc avant que de prescrire la méthode curative convenable, déceler les moyens de discerner constamment le cas dont il est question, de tous ceux qui pourraient induire en erreur.

Un cheval peut boiter du pied et de la jambe, comme du bras et de l'épaule. Pour juger sainement et avec certitude de la partie affectée, on doit d'abord examiner si le mal ne se montre point par des signes extérieurs et visibles, et rechercher ensuite quelle peut être la partie sensible et dans laquelle réside la douleur. Les signes extérieurs qui nous annoncent que l'animal boite du pied ou de la jambe, sont toutes les tumeurs et toutes les maladies auxquelles ces parties sont sujettes ; et quant aux recherches que nous devons faire pour découvrir la partie atteinte et vitiée, nous débuterons par le pied. Pour cet effet si l'on n'aperçoit rien d'apparent, on frappera d'abord avec le brochoir sur la tête de chacun des clous qui ont été brochés, et on aura en même temps l'oeil sur l'avant-bras de l'animal, et près du coude ; si le clou frappé occasionne la douleur, soit parce qu'il serre, soit parce qu'il pique le pied (V. ENCLOUURE), on remarquera un mouvement sensible dans ce même avant-bras, et ce mouvement est un signe assuré que l'animal souffre. Que si en frappant ainsi sur la tête des clous il ne feint en aucune façon, on le déferrera : après quoi on serrera tout le tour du pied, en appuyant un des côtés des triquaises vers les rivures des clous, et l'autre sous le pied à l'entrée de ces mêmes clous ; dès qu'on verra dans l'avant-bras le mouvement dont j'ai parlé, on doit être certain que le siège du mal est en cet endroit. Enfin si en frappant sur la tête des clous, et si en pressant ainsi le tour du pied avec les triquaises, rien ne se découvre à nous, nous parerons le pied et nous le souderons de nouveau. Ne dévoilons-nous dans cette partie aucune des causes qui peuvent donner lieu à l'action de boiter ; remontons à la jambe ; pressons, comprimons, tâtons le canon, le tendon : prenons garde qu'il n'y ait enflure aux unes ou aux autres des différentes articulations, ce qui dénoterait quelqu'entorse, et de-là passons à l'examen du bras et de l'épaule ; manions ces parties avec force, et observons si l'animal feint ou ne feint pas ; faisons le cheminer : dans le cas où il y aura inégalité de mouvement dans ces parties, et où la jambe du côté malade demeurera en arrière et n'avancera jamais autant que la jambe saine, on pourra conclure que le mal est dans le bras et dans l'épaule. Voici de plus une observation infaillible. Faites marcher quelque temps l'animal ; si le mal attaque le pied, il boitera toujours davantage ; si au contraire le bras est affecté, le cheval boitera moins : mais le siège de ce même mal parfaitement reconnu, il s'agirait encore de trouver un signe univoque pour s'assurer de la véritable cause de la claudication, et pour ne pas confondre celle qui suit et que suscitent un heurt, une contusion, un froissement quelconque, avec celle à laquelle l'écart et l'entr'ouverture donnent lieu : or les symptômes qui caractérisent les premières, sont 1°. l'enflure de la partie ; 2°. la douleur que l'animal ressent lorsqu'on lui meut le bras en-avant ou en arrière : au lieu que lorsqu'il y a écart, effort, entr'ouverture, le cheval fauche en cheminant, c'est-à-dire qu'il décrit un demi-cercle avec la jambe ; et ce mouvement contre nature qui nous annonce l'embarras qu'occasionnent les liqueurs stagnantes et extravasées, est précisément le signe non douteux que nous cherchions.

On procede à la cure de cette maladie différemment, en étayant sa méthode sur la considération de l'état actuel du cheval, et sur les circonstances qui accompagnent cet accident. Si sur le champ on est à portée de mettre le cheval à l'eau et de l'y baigner, de manière que toutes les parties affectées soient plongées dans la rivière, on l'y laissera quelque temps, et ce répercussif ne peut produire que de bons effets. Aussi-tôt après on saignera l'animal à la jugulaire, et non à l'ars, ainsi que nombre de maréchaux le pratiquent : car il faut éviter ici l'abord trop impétueux et trop abondant des humeurs sur une partie affoiblie et souffrante, et cette saignée dérivative serait plus nuisible que salutaire. Quelques-uns d'entr'eux font aussi des frictions avec le sang de l'animal, à mesure qu'il sort du vaisseau qu'ils ont ouvert ; les frictions en général aident le sang extravasé à se dissiper, à rentrer dans les canaux déliés qui peuvent l'absorber, et consolent en quelque façon les fibres tiraillées : mais je ne vois pas quelle peut être l'efficacité de ce fluide dont ils chargent l'épaule et le bras, à moins qu'elle ne réside dans une chaleur douce, qui a quelque chose d'analogue à la chaleur naturelle du membre affligé. Je crois, au surplus, qu'il ne faut pas une grande étendue de lumières pour improuver ceux de ces artisans, qui, après avoir lié la jambe saine du cheval de manière que le pied se trouve uni au coude, le contraignent et le pressent de marcher et de reposer son devant sur celle qui souffre (ce qu'ils appellent faire nager à sec), le tout dans l'intention d'échauffer la partie et d'augmenter le volume de la céphalique, ou de la veine de l'ars, qui ne se présente pas toujours clairement aux yeux ignorants du maréchal : une pareille pratique est évidemment pernicieuse, puisqu'elle ne peut que produire des mouvements forcés, irriter le mal, accroitre la douleur et l'inflammation ; et c'est ainsi qu'un accident leger dans son origine et dans son principe, devient souvent funeste et formidable.

Quoi qu'il en sait, à la saignée, au bain, succéderont des frictions faites avec des répercussifs et des résolutifs spiritueux et aromatiques. Les premiers de ces médicaments conviennent lorsque les liqueurs ne sont point encore épanchées ; appliqués sur le champ, ils donnent du ressort aux parties, préviennent l'amas des humeurs, et parent aux engorgements considérables : quant aux résolutifs, ils atténueront, ils diviseront les fluides épaissis, ils remettront les liqueurs stagnantes et coagulées dans leur état naturel, et ils les disposeront à passer par les pores, ou à regagner le torrent : on emploiera donc ou l'eau-de-vie, ou l'esprit-de-vin avec du savon, ou l'eau vulnéraire, ou la lessive de cendre de sarment, ou une décoction de romarin, de thym, de sauge, de serpolet, de lavande bouillie dans du vin ; et l'on observera que les résolutifs médiocrement chauds, dans le cas d'une grande tension et d'une vive douleur, sont préférables à l'huîle de laurier, de scorpion, de vers, de camomille, de romarin, de pétrole, de terebenthine, et à tous ceux qui sont doués d'une grande activité. Les lavements émolliens s'opposeront encore à la fièvre que pourrait occasionner la douleur, qui exciterait un éréthisme dans tout le genre nerveux, et qui dérangerait la circulation. De plus, on doit avoir égard au plus ou moins de gonflement et d'enflure ; ce gonflement ne peut être produit que par l'engorgement des petits vaisseaux qui accompagnent les fibres distendues, ou par l'extravasion des liqueurs qui circulent dans ces mêmes vaisseaux, et dont quelques-uns ont été dilacérés : or ces humeurs perdent bientôt leur fluidité, et se coagulent ; et si l'on emploie des remèdes froids et de simples répercussifs, ils ne pourraient qu'en augmenter l'épaississement. Dans quelque circonstance que l'on se trouve, la saignée est toujours nécessaire ; elle apaise l'inflammation ; elle calme la douleur ; elle facilite enfin la résolution des liqueurs épanchées, en favorisant leur rentrée dans des canaux moins remplis.

La résolution est sans doute la terminaison la plus désirable ; mais si le mal a été négligé, si les engorgements ont été extrêmes, s'il y avait surabondance d'humeurs dans l'animal au moment de l'écart ou de l'entr'ouverture, s'il n'avait pas entièrement jeté la gourme, si en un mot les liqueurs épaissies et extravasées ne peuvent pas être repompées ; nous exclurons les résolutifs, et nous aurons recours aux médicaments maturatifs, à l'effet de donner du mouvement à ces mêmes liqueurs, de les cuire, de les digérer, et de les disposer à la suppuration. On oindra donc et l'épaule et le bras en-dehors de côté, et principalement à l'endroit de l'ars en remontant, avec du basilicum ; et si la douleur était trop forte, ainsi que la tension, on mêlerait avec le basilicum un tiers d'onguent d'althaea : cette partie, que l'on lavera chaque fois que l'on réitérera l'onction avec une décoction émolliente, étant détendue, on examinera si l'on peut apercevoir quelque fluctuation ; en ce cas, on fera ouverture dans le point le plus mou, pour procurer l'issue à la matière suppurée. Mais si cette voie ne s'offre point, on y passera un séton ou une ortie (voyez ORTIE et SETON) : car il faut absolument dégager et débarrasser le membre d'une humeur qui lui ravit son action et son jeu. Le pus ainsi écoulé, on peut revenir aux répercussifs, non moins propres lorsque les dépôts sont prêts à être dissipés, que lorsqu'ils commencent à se former ; après quoi on n'oublie point de purger l'animal et l'on termine ainsi la cure.

Le régime qu'observera le cheval pendant le traitement, sera tel : qu'on le tiendra à l'eau blanche, au son ; que le fourrage ne lui sera pas donné en grande quantité, et qu'on lui retranchera l'avoine. De plus, on lui accordera du repos, il ne sortira point de l'écurie, il y sera entravé ; et si l'on craignait le desséchement de l'épaule (Voyez EPAULE), on pourra attacher au pied de l'extrémité affectée, un fer à patin (Voyez FER), mais seulement à la fin de la maladie, et pour ne l'y laisser que quelques heures par jour.

Ces sortes d'écarts, ou d'entr'ouvertures anciennes ou mal traitées, ne sont jamais radicalement guéries ; l'animal boite de temps en temps. Les Maréchaux alors tentent les secours d'une roue de feu. Voyez FEU. J'apprécierai dans cet article cette méthode ; mais je puis assurer en attendant, que les boues des eaux minérales chaudes sont un spécifique admirable, et procurent l'entier rétablissement du cheval. (e)

ECART, (Manège et Maréchall.) Faire un écart, expression dont on se sert communément pour désigner l'action d'un cheval qui, surpris à l'occasion de quelque bruit ou de quelque objet dont il est subitement frappé, se jette tout-à-coup de côté. Les chevaux ombrageux et timides sont sujets à faire de fréquents écarts. Les chevaux qui se défendent font aussi des écarts. Voyez OMBRAGEUX et FANTAISIE. (e)

ECART, en termes de Blason, se dit de chaque quartier d'un écu divisé en quatre : on met au premier et au quatrième écart, les armes principales de la maison ; et celles des alliances, au second et au troisième.

ECART, terme de Jeu, se dit à l'hombre, au piquet et à d'autres jeux, des cartes qu'on rebute, et qu'on met à-bas pour en reprendre d'autres au talon, si c'est la loi du jeu ; car il y a des jeux où l'on écarte sans reprendre.