S. m. (Grammaire) épreuve que l'on fait pour juger si une chose est de la qualité dont elle doit être.

Ce terme est fort usité dans le Commerce, et particulièrement dans celui des denrées qui se consomment pour la nourriture. On dit en ce sens : donnez-moi un essai de cette huîle ; si je suis content de cet essai de fromage, j'en envoyerai prendre telle quantité, etc. (G)

ESSAI, (Littérature) ce mot employé dans le titre de plusieurs ouvrages, a différentes acceptions ; il se dit ou des ouvrages dans lesquels l'auteur traite ou effleure différents sujets, tels que les essais de Montaigne, ou des ouvrages dans lesquels l'auteur traite un sujet particulier, mais sans prétendre l'approfondir, ni l'épuiser, ni enfin le traiter en forme et avec tout le détail et toute la discussion que la matière peut exiger. Un grand nombre d'ouvrages modernes portent le titre d'essai ; est-ce modestie de la part des auteurs ? est-ce une justice qu'ils se rendent ? C'est aux lecteurs à en juger. (O)

ESSAI, (Chimie métallurgique) examen d'un minéral, dans lequel on a pour but de connaître les différentes substances qui entrent dans sa composition, et la quantité en laquelle elles y sont contenues. Telle est l'acception particulière de ce nom en Chimie, où on l'emploie encore dans un sens plus général, pour désigner une expérience faite sur un objet de l'un des trois règnes, soit pour connaître la qualité des matières dont il est composé, ce qui constitue la Chimie analytique ; soit pour savoir la quantité de chacune d'elles, condition qui caractérise proprement l'essai des minéraux, et le distingue de toute autre opération chimique, à l'exception pourtant de celles de la Métallurgie, avec laquelle il se trouverait confondu, si l'on n'ajoutait à sa définition qu'il se fait sur de très-petites quantités de matières, et avec un appareil, qui, en même temps qu'il est le plus en petit qu'il se puisse, répond au dessein qu'on a de connaître avec la plus grande exactitude les proportions des substances du corps examiné, au lieu que dans la Métallurgie les travaux se font si en grand qu'il peut en résulter de très-gros bénéfices. Il suit de ce que nous venons d'exposer, que les opérations des essais ne sont autre chose que l'analyse chimique de certains corps, à laquelle on applique le calcul. Leur point de réunion, ou plutôt ces mêmes opérations rassemblées en un corps de doctrine prennent le nom de Docimastique, qui signifie art des essais, art purement chimique, quoiqu'il puisse être isolé par l'exercice, de sa source comme les autres branches qui partent du même tronc, telles que la Teinture, la Peinture en émail, la Métallurgie, etc. il est vrai que la plupart des auteurs ne l'ont pas toujours regardé sous ce point de vue ; c'est un reproche que l'on peut faire en particulier à M. Cramer. Cet illustre artiste, tout éclairé qu'il est, tombe là-dessus dans des contradictions perpétuelles. S'il eut été bien convaincu que la Docimastique n'est qu'une branche de la Chimie, comme il l'avance au commencement de sa préface, il n'eut pas intitulé son livre éléments de l'art des essais, selon la judicieuse remarque de M. Rouelle ; parce que les éléments de cet art doivent être puisés dans la Chimie, et ne sont en effet que cette science elle-même, dont les essais ne diffèrent qu'en ce qu'on y emploie le calcul, et quelques instruments particuliers nécessaires à son exactitude. Il ne se fût pas cru obligé de mettre à la tête de son livre une théorie, qui n'en est point une, puisqu'elle ne consiste presque qu'en une description des minéraux, qui appartient à l'Histoire naturelle, dont l'étude doit précéder celle de la Chimie ; d'instruments, dont le plus grand nombre n'appartient qu'à la Chimie ; d'opérations, dont deux ou trois seulement sont strictement des essais, etc. Il eut supposé, comme il le devait, que ceux qui voulaient exercer l'art des essais, devaient apporter à cette étude la connaissance préliminaire de l'Histoire naturelle et de la Chimie, sans entrer dans un détail de ces sciences, qui ne peut être d'aucune utilité aux commençans parce qu'il y est trop abstrait, et dont peuvent très-bien se passer ceux qui savent la Chimie, parce qu'ils n'y trouvent presque rien de neuf ; avec ces dispositions il eut abrégé une bonne partie de ce qu'il appelle sa théorie, et eut pu s'étendre davantage du côté de la pratique, quoiqu'il soit assez complet de ce côté là, et qu'on n'y voie autre chose qu'une espèce d'affectation à ne lui vouloir donner pas plus d'étendue qu'à sa théorie. Cependant ces legers défauts sont effacés par mille bonnes choses qui feront toujours estimer son ouvrage, comme le premier que nous ayons en ce genre.

Avant Agricola, la docimastique dont Kiesling attribue l'invention au travail des mines, n'avait existé que dans les laboratoires. Personne n'en avait rien écrit ; les auteurs ne faisaient que la nommer : ainsi elle ne se communiquait pour lors que par l'expérience, et elle passait du maître à l'élève sans que personne songeât à la transmettre autrement ; sans doute faute de modèle à suivre dans ce genre. C'est lui qui le premier en a saisi l'esprit, et à qui l'on a l'obligation d'avoir comme tiré du chaos ce qu'on peut appeler la base de la Métallurgie. Auparavant, ceux qui cultivaient les essais étaient les mêmes qui exerçaient la Métallurgie, comme cela se pratique encore presque par-tout : car une fonderie ne Ve jamais sans un laboratoire d'essais ; et l'on connaissait seulement si une roche contenait une matière métallique ou non, si elle recélait plusieurs métaux, ou s'il n'y en avait que pour un seul, et quelle en était à-peu-près la quantité ; on savait séparer les parties qui contenaient le métal, d'avec celles qui n'en donnaient point ; et parmi celles-là, on distinguait les plus riches : sans quoi l'on aurait risqué de dépenser inutilement des sommes immenses pour mettre sur pied les travaux de Métallurgie. Les Artistes occupés de cette science aujourd'hui, ne diffèrent nullement de ceux qui existaient du temps d'Agricola ; M. Cramer leur fait le même reproche que cet auteur, et attribue à cette négligence l'ignorance où l'on est sur la nature de la plupart des minéraux. Mais comment donner le goût des belles connaissances à des gens dont l'intérêt est l'unique mobile, et qui n'en ont d'ailleurs nulle idée, ou à qui le défaut d'éducation interdit cette acquisition ?

Les auteurs qui sont venus après Agricola, ont perfectionné ce qu'il n'avait pour ainsi dire qu'ébauché. On est principalement redevable du degré de perfection où cet art a été porté de nos jours par MM. Cramer et Gellert son traducteur allemand, à Lazare Ercker, Modestin Fachs, à Schindler que l'illustre Stahl appelle ingénieux à juste titre, à Stahl lui-même, à Juncker, à Kiesling, et à Schlutter. On ne fait aucune mention des autres qui ont écrit sur cette matière, quoiqu'en assez grand nombre ; parce qu'ils n'ont rien ajouté à ceux qui les avaient précédés, ainsi que le remarque M. Cramer. Voyez DOCIMASIE. Ercker était premier essayeur de l'empire d'Allemagne ; Modestin Fachs était essayeur des minéraux du prince d'Anhalt en Saxe : son ouvrage a été imprimé à Léipsick en 1567, et a eu plusieurs éditions. L'ouvrage de Schindler perte pour titre, traité des essais : celui de Kiesling est intitulé, relatio practica de arte probatoriâ mineralium et metallorum, Léipsick 1742 ; il n'a fait que mettre en ordre et augmenter les leçons de Jean Schmieder professeur dans le laboratoire de sa majesté polonaise, après les avoir confirmées de ses propres expériences. L'ouvrage de Gellert a pour titre, chimie métallurgique, Léipsick 1750 ; il est scrupuleusement divisé, comme celui de M. Cramer, en deux parties, la première théorique, et la seconde pratique. Quant au livre de Schlutter, dont la traduction française vient d'être publiée par M. Hellot, il est entre les mains de tout le monde, ainsi que celui de M. Cramer dont j'ai donné la traduction depuis quelque temps. Le traité de Stahl se trouve dans ses opuscules : celui de Juncker, dans ses tables de Chimie. Malgré la loi que je me suis imposée de réduire le catalogue des auteurs de docimastique au petit nombre dont je viens de parler, je donnerai encore une notice des suivants. Dans le deuxième volume de l'ouvrage, qui a pour titre otia metallica, imprimé à Schneeberg en Saxe en 1748, on trouve une docimastique sans feu ; elle consiste à se servir d'une balance hydrostatique, pour connaître le poids spécifique des minéraux, au moyen de l'eau douce, de l'eau salée, de la balance de Swedemborg, et de son pese-liqueur. L'instruction sur les mines de Lohneyss contient aussi un petit traité d'essais ; l'auteur anonyme qui a donné un volume in -12 intitulé procédés métallurgiques, imprimé à Hesse-Cassel en 1737, a écrit aussi deux traités dont l'un a pour titre ars docimastica fundamentalis, et l'autre ars docimastica curiosa. Jean Matthesius, auteur du traité intitulé sarepta, a écrit sur les essais ; ainsi que Libavius, et Glauber dans son traité des fourneaux.

Il faudrait être téméraire pour faire les frais des travaux qui concernent la Métallurgie, sans savoir s'ils doivent être compensés, non-seulement par le produit qu'on retirera de la mine, mais encore s'il y aura du bénéfice. L'art des essais seul peut décider la question. Les dépenses qu'il entraîne ne méritent pas d'entrer en comparaison avec celles de la Métallurgie, qui sont souvent ruineuses. C'est par son moyen qu'on peut déterminer si la mine essayée payera les frais des étais et étançons, qu'on est souvent obligé d'employer dans les étolles et les puits : des machines hydrauliques ou des digues employées à pomper ou à détourner les eaux, au cas que la mine se trouve dans un vallon ou une plaine : du transport de toutes les matières nécessaires à son exploitation : du bocard et de sa suite : du bois et du charbon nécessaires à la fonderie : de la fonderie elle-même, et des engards et magasins : si elle fournira de quoi payer les différents ouvriers employés à ces sortes de travaux. C'est aux concessionnaires d'examiner mûrement tous ces points. Ils sont obligés d'ailleurs de satisfaire à certaines questions qui leur sont faites de la part du ministère, auxquelles la docimastique seule les met en état de fournir des réponses ; elles sont en partie les mêmes que les motifs qui doivent le déterminer : car quoiqu'il souhaite que les mines du royaume soient mises en valeur, il veut néanmoins s'opposer à toute entreprise mal concertée.

La difficulté et même l'impossibilité de connaître certaines mines à l'inspection, sont de nouveaux motifs qui prouvent la nécessité et les avantages de la docimastique ; sans elle il arriverait souvent qu'on serait induit en erreur, par l'apparence trompeuse d'une mine qui a l'éclat de l'or et de l'argent, et qui se ternit au moindre degré de feu : on n'eut peut-être jamais trouvé les moyens de perfectionner les travaux en grand, de diminuer la dépense, et de retirer tout l'aloi d'une mine ; je n'entends pas ici parler de ces améliorations et maturations qu'adoptent la crédulité et la cupidité, filles de l'ignorance et de l'avarice, mais de ces économies qui ont quelquefois doublé et au-delà le produit d'une mine. Voyez DOCIMASIE.

La docimastique est exercée par des artistes, qui ne s'occupent que de ce soin. En Allemagne où il y a une juridiction particulière pour les mines qui font une grande partie du fonds de l'état, il y a des essayeurs en titre qui sont des officiers publics, et qui sont chargés de faire leur rapport à la compagnie dont ils font partie. Il y a outre cela des professeurs d'essais. Il y a des essayeurs dans les monnaies et chez les orfèvres. C'est peut-être l'exercice isolé de cette profession, qui a porté M. Cramer et d'autres auteurs à croire qu'un essayeur et un chimiste faisaient deux êtres fort différents l'un de l'autre : peut-être bien encore la routine de la plupart de ces sortes d'artistes leur aura-t-elle fait croire que l'on pouvait posséder les essais sans être chimiste ; ce qui serait encore plus déraisonnable. En France on ne connait d'essayeurs en titre que dans les monnaies et au bureau des Orfèvres.

Avant que d'en venir aux procédés, je donnerai le catalogue des ustensiles, que je regarde comme étant strictement de la docimastique, c'est-à-dire de ceux dont il faudrait qu'un chimiste se pourvut, s'il voulait faire des essais. Quant à celui des ustensiles d'un laboratoire qu'on ne voudrait monter qu'à ce dessein, voyez DOCIMASIE. Un chimiste muni de tout ce qui lui est nécessaire à faire la chimie philosophique, doit ajouter ce qui suit pour faire les essais en petit. Ceux qui se font en grand demandent encore d'autres appareils, qu'on trouvera encore à l'article DOCIMASIE.

Trais balances d'essai montées dans leurs lanternes.

Un poids de proportion.

Un poids de quintal en petit.

Un poids de marc en petit.

Un poids de karat.

Un poids de deniers.

Des bruselles.

Une cuillier d'essai.

Des moules pour les coupelles, scorificatoires, et creusets.

Des pinces pour les coupelles et scorificatoires.

Une plaque de fer fondu bien unie, servant de porphyre, avec son marteau.

Des cucurbites de départ avec leur trépié.

Des poesles à test.

Des granulatoires à l'eau, et par la voie seche.

Des creusets, tutes, coupelles, scorificatoires, et mouffles de différentes grandeurs.

Des fourneaux d'essai.

Des aiguilles d'essai de différents alliages, et une pierre de touche.

Je n'entrerai ici dans le détail que des balances et des fourneaux d'essai. Voyez les autres articles à leur rang. On parlera des aiguilles d'essai au mot TOUCHAU et PIERRE DE TOUCHE.

La balance d'essai dont nous allons parler, n'a été décrite nulle part ; elle ne se trouve qu'entre les mains de quelques particuliers. C'est au sieur Galonde qu'on est redevable de la perfection où elle est. Cet ingénieux artiste, connu dans Paris par l'habileté avec laquelle il fait les pendules et autres machines qui sont du ressort de l'Horlogerie, a retranché plusieurs inconvénients qui se rencontraient dans les autres balances d'essai, et à rendu par-là la sienne en état de trébucher pour des fractions moindres qu'un millième de grain : aussi doute-t-on avec raison que celle dont parle Boissard, fût assez sensible pour aller jusque-là. Cette balance était sans doute comme toutes les autres balances de Hollande, qu'on ne voit point avoir changé depuis Agricola jusqu'à M. Cramer qui en a donné la description ; excepté pourtant que cet auteur en propose une de sa façon dont la languette est renversée, et qu'il dit être plus juste que l'autre.

La balance en question se trouve dans nos Planches de Chimie. On y voit représentée la chape soutenant le fléau, au bout duquel on voit les deux porte-bassins. Cette chape n'a presque rien de semblable aux autres que son usage ; elle est faite d'une lame de cuivre écroué, qui dans l'endroit qu'elle doit embrasser l'axe du fléau, se recourbe horizontalement en arrière, puis verticalement par en-bas, ensuite horizontalement en-devant, et enfin verticalement enhaut, et toujours à angles droits. La partie supérieure de la chape est soudée aux deux extrémités d'une portion de cercle, marquée de quelques divisions arbitraires, qui mesurent l'inclinaison de la languette, et par conséquent celle du fléau auquel elle est soudée. La chape est réunie à son support par le moyen de la coulisse, formée des deux plaques rondes h et i, autre fig. mais elle n'y est pas tellement fixée, qu'elle ne puisse osciller de devant en arrière, jusqu'à ce qu'elle soit dans son centre de gravité ; au cas que l'on n'ait pas eu soin de mettre sa lanterne de niveau avec l'horizon, on lui a laissé la liberté d'aller d'avant en arrière, au moyen des mantonnets l, dans lesquels passent les vis k, même fig. qui entrent dans un petit trou de la plaque h. Dans les grandes balances, celles qui servent pour peser le plomb ou la mine, et dont on peut charger chaque bassin de trois ou quatre onces, on fait embrasser la portion de cercle par la bifurcation de la chape, qui cesse pour lors d'être une affaire d'ornement ou de délicatesse ; et l'on fixe chaque branche à l'extrémité de l'arc de cercle, au moyen d'une vis qui a son écrou dans l'extrémité de la branche, et entre par la pointe dans un trou conique pratiqué dans l'extrémité de l'arc de cercle. Le support est, comme on le peut voir, même fig. en parallélipipede de cuivre, arrondi par le bas et percé dans sa hauteur d'une fente qui laisse le passage à la petite lame de cuivre, qui fixe mutuellement les plaques rondes h et i ; la partie supérieure de ce support se termine par une platine ronde posée horizontalement, au milieu de laquelle s'élève une vis qui doit passer à-travers la glace supérieure de la lanterne, pour recevoir l'écrou n qui doit l'y fixer. Au-dessous de la platine horizontale b, est une poulie dont le boulon est engagé dans deux mantonnets en console, servant en même temps à donner plus d'assiette à la platine : cette poulie sert à faire rouler le cordon de soie, au moyen duquel on lève la balance. Dans les balances pour les mines et pour le plomb dont j'ai fait mention, le support qui est le même, est embrassé en queue d'aronde par une plaque de cuivre carrée, qui fait les fonctions des plaques rondes h et i, auxquelles on la substitue, parce qu'elle est plus solide et moins sujette à vaciller. S'il arrive que la chape, étant abandonnée à elle-même, panche en avant ou en arrière, en sorte que le fléau n'ait pas son axe parfaitement horizontal, alors on met un contre-poids du côté qui s'écarte de la ligne verticale ; on en voit un, même fig. Les deux trous c et d destinés à recevoir l'axe du fléau, sont garnis inférieurement d'un coussinet d'acier en queue d'aronde, et mobîle en cas qu'on veuille le changer : ce coussinet est fait de façon, qu'il ne peut entrer plus avant qu'il ne convient, et il est retenu en-dehors par la goutte d'acier, dont on a la liberté de placer les différents points de la surface vis-à-vis de l'extrémité du fléau, au cas que cette extrémité s'y pratique un trou. Le fléau et son axe sont faits d'une seule pièce d'acier, trempé après qu'il est poli ; on ne lui donne de grosseur que celle qui lui est nécessaire, pour l'empêcher de se recourber par le poids qu'il doit supporter ; chacune de ses extrémités est terminée par un carré, dont le côté devant soutenir le porte-bassin est taillé en couteau : ce carré n'est cependant pas d'une nécessité indispensable ; on peut lui substituer une autre figure. L'extrémité du fléau, par exemple, recourbée en avant en crochet horizontal, peut en tenir lieu, pourvu toutefois que ce crochet soit en droite ligne dans la partie taillée en couteau soutenant le porte-bassin. Si une ligne droite tirée par le milieu des couteaux ne passait pas par le centre du fléau, alors il faudrait le recourber en-arrière ou en-avant, jusqu'à ce qu'on fût parvenu à lui donner la disposition convenable ; car si la ligne passait le fléau en-devant, la partie antérieure de l'axe porterait et froterait plus que la postérieure ; et réciproquement, si la ligne droite saillait en arrière. L'axe du fléau est triangulaire, et tranchant du côté qui porte, afin qu'il y ait le moins de frottement qu'il est possible ; mais comme il n'aurait pas manqué de frotter par une large surface, si son extrémité eut été faillée perpendiculairement à son axe, on l'a coupée en talud ; en sorte que la seule partie qui peut toucher la goutte d'acier, est celle du centre du mouvement. La languette b est très-fine et assez haute pour marquer le moindre mouvement, et on lui a donné un contre-poids e. Il est inutîle d'avertir qu'elle doit être assez longue pour se trouver vis-à-vis des divisions de la chape, ou que celle-ci doit être assez courte pour que les divisions de son arc de cercle ne soient pas plus haut que l'extrémité de la languette. Les porte-bassins sont faits d'un fil d'acier poli et trempé ; leur extrémité supérieure se termine en un crochet aplati de dessus en-dessous, et assez large pour que le porte-bassin ne se tourne sur le couteau, ni d'un côté ni d'un autre ; l'inférieure est contournée, de façon que le centre de gravité se trouve à-peu-près le même que celui du bassin, et dans la même direction que la verge du porte-bassin ; je dis à-peu-près, parce que comme ce bassin est soutenu sur un cercle soudé horizontalement à l'extrémité du porte-bassin, auquel il manque un arc d'environ 45 degrés, pour empêcher que la bruselle ne touche au cercle, on veut que le porte-bassin ne touche que par un petit talon qu'il porte à sa partie postérieure, de crainte qu'il ne vint à adhérer au sol de la lanterne, comme cela ne manquerait pas d'arriver, s'il y était appliqué par une large surface. Les bassins sont d'environ trois quarts de pouce de diamètre, et sont faits d'une lame d'argent très-mince : on pourrait les faire de toute autre matière ; cependant l'argent mérite la préférence, par la facilité qu'on a d'apercevoir les plus petits corps qui sont dessus, quand il est poli et bruni comme il doit l'être pour ces bassins. Cette balance, quoique susceptible de différentes grandeurs, doit toutefois ne pécher par aucun excès. Les dimensions de celle de nos Planches, sont les mêmes que de la balance copiée d'après nature. Cette balance et son support doivent être placés dans une lanterne garnie de glaces de tous côtés ; la partie antérieure seule doit s'ouvrir, et en coulisse : pour cet effet la glace qui y répond est garnie d'un petit bouton par le bas, au moyen duquel on la leve. Cette lanterne est assise sur un petit coffret, dont les pieds sont en vis pour lui donner le niveau de l'horizon, et qui contient une layette où l'on met les poids, pinces ou bruselles, et les autres ustensiles qui sont de la suite de la balance ; comme, par exemple, le bassin de verre et sa tare, etc. servant pour les eaux salées. On voit un poids coulant sur la tablette pour tenir la balance dans le degré d'élévation qu'on veut. Dans la balance qui s'appelle strictement balance d'essai, et qui n'est destinée qu'à peser des fractions de grains, l'on se contente de coller dessous ce poids un morceau de peau ou de drap, pour l'empêcher de glisser si aisément sur la petite lame de cuivre e ; au lieu que dans celles qui doivent peser de plus forts poids, on façonne la partie supérieure de cette lame de cuivre e en crémaillere, afin de retenir le poids en situation, au moyen d'un petit crochet qui s'abaisse par un ressort. Ce crochet est suspendu horizontalement en bascule, et se lève en comprimant un petit bouton f. Il faut observer que le cordon de soie ne doit pas être beaucoup au-dessus du niveau du petit crochet, sans quoi le poids de la balance ferait soulever le côte du contre-poids roulant. On voit dans la même Planche une suite de fractions de la dragme. Quant à ces poids et les autres qui servent aux essais, dont il y a plusieurs espèces, voyez POIDS FICTIFS ; et quant à la manière de donner à la balance d'essai la justesse requise, voyez PESEE.

L'usage qu'on fait encore aujourd'hui des balances de Hollande que Juncker dit se trouver peut-être les meilleures de toutes, et dont la description se trouve dans M. Cramer, m'engage à la transcrire ici, avec d'autant plus de fondement, que je mettrai le lecteur à portée de juger par lui-même de l'avantage de la balance corrigée.

Son fléau doit être le plus long qui se puisse, afin d'être plus sensible au moindre défaut de justesse. Une longueur de dix ou douze pouces lui est pourtant suffisante ; et comme le plus fort poids qu'on met dans chacun de ses plateaux (j'appelle ainsi le bassin propre de la balance, et suis obligé de réserver le mot de bassin pour désigner ces petits segments mobiles qu'on charge des pesées) excède rarement celui d'une drachme, la grosseur de son fléau doit être telle que pareil poids suspendu à chacune de ses extrémités a b, le fasse presque fléchir. Il ne doit être chargé d'aucun ornement, parce qu'il n'en serait que plus pesant et plus sujet à amasser des saletés. On renferme ce fléau dans une châsse (V. les fig.) d'acier trempé, d'une feule et même pièce, à chaque branche de laquelle il y a inférieurement deux trous a a, pour recevoir l'axe du fléau. Un braier ou bride (V. les fig.) flexible de laiton que l'on introduit dans deux autres trous inférieurs aux précédents, le maintient en sa place, en rendant parallèles et approchant à deux lignes et demie l'une de l'autre les deux branches qui tendent à s'écarter par leur ressort. L'arc de la chape sera garni intérieurement d'une aiguille c très-fine et très-aiguè, dont la pointe sera tournée vers le bas, la châsse étant suspendue, et dont la longueur sera telle qu'elle atteindra presque le sommet de la languette (V. les fig.) le fléau étant en équilibre : comme cette aiguille doit servir à l'annoncer, la partie de la chape où elle est placée, sera écartée de deux ou trois lignes b, de plus que le reste ; afin que l'artiste, étant vis-à-vis, puisse observer sa disposition. On peut donner à cette chape tel ornement qu'on voudra, pourvu qu'on ne gêne point le mouvement du fléau. A chaque extrémité de celui-ci sera attaché un crochet sigmoïde, qui tiendra suspendu au moyen de trois petits cordons de soie presque aussi longs que le fléau, un plateau d'argent fort mince, très-peu concave, et d'un pouce et demi de diamètre. Chaque plateau doit être garni d'un petit bassin d'argent d'un pouce de diamètre. C'est dans ces bassins qui doivent être de même poids, que l'on met, avant que de les placer eux-mêmes dans les plateaux de la balance, les corps qu'on veut peser. On les prend avec une bruselle ou une petite cuillière ou couloire, s'ils sont en poudre. L'usage de ces bassins est de donner la facilité d'ôter et de mettre dans les plateaux ce qu'on doit y peser, sans être obligé de les toucher, parce que comme ils sont fort minces, il pourrait arriver qu'on les bossuerait, ou qu'on les salirait, et qu'on leur ferait perdre leur justesse en les essuyant.

Un porte-balance mobîle de laiton ou de cuivre, soutient la balance en question. Il est composé d'un piédestal (voyez les fig.), qui soutient une colonne a d'environ vingt pouces de hauteur, à la partie supérieure de laquelle est attaché à angles droits un bras c d'un pouce et demi de long. A l'extrémité de ce bras est embrassée une poulie f de trois lignes de diamètre ; une autre e est pareillement logée dans le sommet de la colonne, et une troisième dans la base d : ces trois poulies doivent tourner avec facilité autour de leur axe ou boulon. Un pouce et demi au-dessous du bras supérieur est attaché un second bras g long de deux pouces, dont l'extrémité est percée perpendiculairement sous la poulie f du bras supérieur, d'une mortaise h longue de deux lignes, et large d'un quart, pour recevoir une lame i d'un pouce et demi de long, de telle largeur et de telle épaisseur, qu'elle puisse se mouvoir dans la mortaise sans vaciller. Cette lame sera munie d'un crochet à ses extrémités.

La balance d'essai étant si délicate que le moindre mouvement de l'air est capable de l'agiter, et d'y porter des saletés qui la rendraient fausse ; on la renferme avec son support dans une lanterne garnie de verre de tous côtés, et par le haut, afin d'en voir l'intérieur. Elle doit être assez grande pour que la balance et son support puissent y être à l'aise, et sans que ses plateaux en touchent les côtés, lorsqu'on l'élevera ou qu'on l'abaissera. Il ne faut cependant rien de trop, parce qu'on aurait moins de commodités pour peser, pour mettre et retirer les poids des plateaux. Ces fenêtres, droite, gauche, et antérieure, doivent s'emboiter dans leurs feuillures, de façon qu'on puisse les ouvrir et fermer sans ébranler sensiblement la lanterne. Deux godets tournés de laiton, hauts d'un pouce, de même concavité que les plateaux, mais plus larges, seront attachés au moyen d'une vis qu'ils auront à leur partie inférieure, à droite et à gauche de la lanterne, precisément sous les plateaux de la balance, qu'ils doivent recevoir ; ils sont destinés à les retenir, pendant que l'on y met ou qu'on en retire quelques corps : cette lanterne sera assise sur une espèce de coffret, etc.

Mais un artiste versé dans la mécanique pratique, qui voudra fondre lui-même sa balance d'essai, la rendra beaucoup plus durable, et remplira plus aisément ses vues, en s'y prenant de la manière suivante. Il fera un fléau semblable au précédent, avec cette différence, que sa languette sera tournée par en-bas. La partie des anneaux destinée à recevoir ses puissances, sera dans la même ligne droite que l'axe, qui aura une longueur double de l'ordinaire. (voyez les fig.) Il fera la chape de deux lames d'acier larges d'un pouce, et longues de six, assemblées par leurs extrémités de façon à laisser entr'elles un intervalle parallèle de deux lignes a a a a ; à la partie supérieure de cette châsse, il y aura une entaille b pour recevoir l'axe du fléau, et elle sera percée dans toute sa longueur, en sorte qu'on puisse voir le mouvement de la languette. Pour avoir une marque qui lui annonce l'équilibre du fléau, il attachera à l'une des lames de la châsse un menu brin de soie chargé d'un poids d'une drachme c ; il assujettira la châsse en scellant dans chacune de ses extrémités un parallélipipede de laiton large de deux lignes d, épais d'une demie, et long d'un pouce. Ces deux parallélipipedes destinés à tenir la chape suspendue, doivent être introduits dans deux mortaises en ligne perpendiculaire, l'une pratiquée à l'extrémité f du bras inférieur de la colonne, et l'autre dans le second bras, en descendant e du sommet de la même colonne : en sorte qu'avec ce mécanisme, elle peut être élevée ou abaissée librement sans être susceptible d'aucun autre mouvement. Il fixera l'axe dans sa place en entourant la châsse d'une bride g, pourvue de deux échancrures vis-à-vis l'une de l'autre h, servant à le remettre en place quand on le baissera, au cas qu'il se fût tant soit peu dérangé quand on l'a eu élevé. Cette bride doit être assujettie au support à telle hauteur que l'axe soit un peu soutenu par les coches qui le recevront, quand on baissera la balance.

Cette dernière balance est presque sujette aux mêmes inconvénients que la première ; d'où il est évident que les cordons de soie soutenant les plateaux sont sujets à prendre une humidité qui doit rendre la balance fausse. Dans la balance du sieur Galonde, on ne voit ni ces cordons, ni deux bassins mobiles, ni un support inutile, ni deux godets nuisibles, comme je l'ai remarqué dans ma traduction. Et en effet il est étonnant que M. Cramer n'ait pas fait attention à ce défaut. Dans la balance nouvelle le sol sur lequel portent les bassins est garni d'une glace, et encore ce corps-là n'est-il pas trop propre à remplir les vues qu'on se propose, car il se charge d'une humidité que j'ai Ve causer une erreur d'un quarantième de grain. Mais on a remédié à ce défaut en contournant le porte-bassin de façon qu'il ne peut porter que sur le petit talon qui est inférieur au cercle. Sans cette correction, on eut été fort embarrassé à trouver un corps qui en même temps qu'il aurait été aussi poli que le verre, n'aurait point ainsi que lui réflechi l'humidité, et ne se serait point déjeté.

Passons maintenant aux fourneaux d'essais, nous en donnerons de quatre espèces : le premier sera celui de M. Cramer : le second sera celui des fournalistes de Paris : le troisième celui de Schlutter qui est sans grille, et le quatrième le fourneau d'essai à l'anglaise, qui n'a encore été décrit nulle part, pas même par les Anglais que je sache. Ces fourneaux ont des différences réelles ; chaque espèce a ses perfections et ses inconvéniens, qui peuvent la faire rechercher et abandonner.

Le principal fourneau d'un laboratoire docimastique, celui auquel on donne particulièrement le nom de fourneau d'essai ou de coupelle, se construit de la manière suivante. Voyez nos Planches de Chimie. Faites avec de la tole un prisme creux, quadrangulaire, large d'onze pouces, et haut de dix, a a b b : ajoutez à sa partie supérieure une pyramide tronquée de même matière, également creuse et quadrangulaire b b c c, haute de sept pouces, et terminée par une ouverture de même diamètre. Vous ferez ce sol, ou bas du fourneau aussi d'un morceau de tole carré, et de grandeur capable d'en former la partie inférieure a a. Tout près de ce sol, pratiquez une ouverture e, haute de trois pouces, et large de cinq, pour le soupirail ou porte du cendrier. Au-dessus de cette porte, à six pouces du bas du fourneau, faites-en une autre f arquée par sa partie supérieure, ressemblant à un demi-cercle, large de quatre pouces à sa base, et haute de trois dans sa partie la plus élevée. Préparez trois bandes de tole dont chacune sera longue d'onze pouces. La première sera de la largeur d'un demi-pouce g g ; vous l'attacherez par son bord inférieur au moyen de quelques clous à la base du fourneau, ayant eu soin auparavant de la plier de façon qu'elle forme entr'elle et le fourneau une rainure capable de laisser un libre exercice aux portes en coulisses k k qu'elle doit recevoir, lesquelles sont destinées à fermer le soupirail, et doivent être faites d'une tole épaisse. Vous placerez la seconde h h dont la largeur doit être de trois pouces, parallélement à la première, dans l'espace qui est entre la porte du cendrier et la bouche du foyer. Ses bords inférieurs et supérieurs doivent laisser également une rainure entr'eux et le fourneau. La première, c'est-à-dire l'inférieure, devant recevoir la partie supérieure des portes ou coulisses du soupirail, et la seconde ou superieure, la partie inférieure des portes et coulisses fermant la bouche du feu. Appliquez la troisième bande, de même largeur que la première immédiatement au-dessus de la porte de la moufle, de façon que sa rainure soit tournée vers la partie inférieure du fourneau. Vous ferez ensuite les fermetures en coulisses dont nous venons de parler. Il y en aura deux pour fermer chaque porte. Elles seront de tole ainsi que le reste, de telle épaisseur, et construites de façon k k l l qu'elles puissent glisser librement dans les rainures. Vous pratiquerez une ouverture à la partie supérieure de chacune des fermetures l l de la porte de la moufle. L'une sera longue d'un pouce et demi, et large d'un cinquième m ; et l'autre semi-circulaire, longue de 2 pouces n sur 1 de hauteur. Chaque coulisse sera munie d'une poignée, afin qu'on puisse la mouvoir avec facilité. Vers la partie inférieure de la porte de la moufle f, vous attacherez sur la bande h h un crampon x propre à recevoir un canal de tole forte b, et à l'appliquer vis-à-vis la même porte. Ce canal sera long de six pouces, large de quatre, et aura ses côtés hauts de trois. Il sera garni d'une dent y que l'on engrenera dans ce crampon a, quand il sera nécessaire de le placer devant la porte de la moufle. Vous ferez au fourneau cinq autres trous ronds d'un pouce de diamètre, deux à la partie antérieure du fourneau o o, deux autres à la postérieure, à la distance de 5 pouces de sa base, et de 3 pouces et demi de chacun de ses côtés, et le dernier p, un pouce au-dessus du bord supérieur de la porte du foyer f. Le fourneau devant être garni de lut en-dedans ; pour l'y faire tenir, vous placerez à 3 pouces les uns des autres de petits crochets de fer d'un demi pouce de long. Vous adapterez à l'ouverture supérieure du fourneau, un dome creux, quadrangulaire q, de la hauteur de 3 pouces, large de 7 par sa base, ainsi que la partie supérieure de la pyramide d qui doit le recevoir, et se terminant en un tuyau ou cheminée r de 3 pouces de diamètre, sur 2 de haut, un tant-sait-peu plus gros à son origine qu'à son extrémité. Ce commencement de tuyau est fait pour être reçu dans un autre également de tole, plus petit à sa partie supérieure qu'à sa base, de 2 pieds de haut t, et destiné à rendre le feu de la dernière violence, étant adapté au précédent, qu'il doit embrasser très-exactement de la longueur d'un pouce et demi ou 2, ou à le diminuer par son absence. Ce dome q doit être garni de deux anses s s, afin de pouvoir l'ôter ou le remettre à volonté avec les tenailles. Vous aurez la précaution aussi pour rendre ce dome stable sur l'ouverture du fourneau, d'attacher à ses bords droits et gauches, une bande de tole que vous réfléchirez vers le fourneau, de façon qu'elle forme une rainure ouverte par le devant et par le derrière, capable de recevoir les bords latéraux du dome, de l'assujettir, et de permettre qu'on lui fasse faire un petit mouvement, en l'inclinant tantôt en arrière, et tantôt en avant ; quand il sera question de le mettre ou de l'ôter, vous attacherez aux parois intérieurs du fourneau, à la hauteur du bord supérieur du soupirail e, une bande de tole forte qui régnant tout autour, formera un carré dont chaque côté sera large d'un pouce et demi. Ses fonctions seront de soutenir la grille du cendrier et le garni du fourneau. Vous la ferez de deux pièces, afin d'avoir la commodité de l'introduire dans le fourneau, où elle sera soutenue par des clous qui le perceront de toutes parts, à la hauteur dont nous avons parlé, et sailliront d'un pouce en-dedans. Reste maintenant à lui donner le garni que nous avons indiqué ci-dessus. Voyez GARNI.

Le fourneau d'essai des Fournalistes de Paris est aussi représenté dans nos Pl. Il est tout en terre et a trois portes à son cendrier. Sa pyramide n'est pas aussi haute que celle du fourneau de Cramer ; et il n'a point de dome, à moins qu'on ne donne ce nom à sa pyramide. Il est susceptible de recevoir un tuyau pour augmenter le jeu de l'air et la vivacité du feu. Il est un peu plus long d'arrière en avant, que large. Du reste, les proportions sont à-peu-près les mêmes dans l'un et dans l'autre, où nous remarquons le même défaut. Il consiste en ce qu'il ne peut tenir sous la moufle qu'une couche de charbon de 2 pouces tout au plus, au lieu qu'il en faut 4 ou 5 pour le moins ; sans quoi on aura de la peine à y fondre du cuivre. Il serait nécessaire aussi de pratiquer une petite fenêtre en côté vis-à-vis de cette couche, afin de voir si le charbon s'affaisse. Faute de ce soin, on se donnera des peines inutiles pour faire la plupart des opérations. Dans le fourneau en question, peu importe que le feu puisse devenir de la dernière vivacité, puisqu'on est le maître de le diminuer et même de le suffoquer tout à fait. Les barres de fer qui font la grille du fourneau de Cramer sont assujetties en losange par le garni ; au lieu que dans le fourneau en terre il y a à chaque côté deux rebords saillans d'un pouce, immédiatement au-dessus des soupiraux, dans lesquels on a fait des entailles propres à tenir les barres dans la même situation.

Voyez dans nos Planches le fourneau de Schlutter. On n'en voit que la coupe transversale ou d'un côté à l'autre, parce qu'on croit qu'elle suffira pour donner l'idée des différences qu'il a avec les autres. Cet auteur veut que le sol ou bas du fourneau soit carré, c'est-à-dire qu'il doit avoir 12 pouces de profondeur et autant de largeur. Mais comme il n'est pas toujours nécessaire qu'il soit si grand, au lieu d'en régler les proportions selon un certain nombre de pouces, on pourra se servir de parties plus petites, et ces parties indiqueront de même les hauteurs et longueurs ; mais de dehors en dehors. Ainsi si le fourneau a douze de ces parties en bas, il faut qu'il en ait dix de hauteur jusqu'à l'endroit où il commence à se retrécir en forme de talus ; et ce talus entier aura six parties de hauteur perpendiculaire ; en sorte que la hauteur totale du fourneau sera de seize parties : l'ouverture d'en haut sera de huit parties en carré. Du pied du fourneau en montant vers le haut, on compte une partie pour l'épaisseur du fond ou sol qui reçoit la braise et les cendres ; et de-là trois parties pour la hauteur du soupirail ou porte d'en bas, laquelle en aura quatre de large. Au-dessus de cette porte, on laisse un espace de deux parties, et l'on y fait deux trous pour les barres de fer qui soutiennent la moufle. Chacun de ces trous aura une partie de diamètre. On donnera à l'embouchure de la moufle qui est au-dessus de ces deux trous quatre parties de la largeur sur trois de hauteur. Plus haut et à la distance de deux parties au-dessus de l'arc ou voute de la moufle, doit être le trou de la flamme qu'on nomme aussi l'oeil du fourneau, et on lui donne une partie et demie de diamètre. On met des coulisses de tole forte prises dans des rainures, pour fermer en les coulant la porte du cendrier, l'embouchure de moufle, et le trou de la flamme ou l'oeil. C'est selon que le fourneau d'essai doit être grand ou petit, que la longueur de ces parties servant à ces proportions doit être déterminée ; on les fait de 10 lignes, d'un pouce, d'un pouce et demi ou de deux pouces : cependant, si ces parties excédaient le pouce, la porte du cendrier, l'ouverture de la moufle, et l'oeil du fourneau deviendraient trop grands et même difformes, en leur donnant le nombre de parties indiqué ci-dessus pour leur hauteur et leur largeur : ainsi il faut diminuer ces ouvertures et les faire selon une autre proportion. Dans les hôtels des monnaies d'Allemagne, les fourneaux d'essais se font selon les mesures d'un pouce, mais dans les fonderies pour les mines, on les fait plus grands, et ordinairement de 18 pouces en carré ; en sorte qu'on y puisse passer jusqu'à quinze essais de mine à la fais. Quand le fourneau est en tole, il faut le garnir de terre en-dedans, etc.

Il faut bien que le fourneau d'essai sans grille ne soit pas tout à fait dépourvu de tout avantage, puisqu'on n'en emploie presque point d'autre en Allemagne, et même dans les monnaies de France ; car celui de Boizard ressemble à celui de Schlutter : mais pourquoi ne pas profiter dans le fourneau en question comme dans les autres, de l'utilité qu'on peut retirer d'une grille ? On sait qu'elle est nécessaire pour donner du jeu à l'air, et augmenter la vivacité du feu, qui doit être quelquefois considérable dans les essais, mais qui ne peut manquer d'être ralenti par la présence des cendres qu'il n'est pas possible de tirer. Ainsi quand on a travaillé un certain temps dans le fourneau de Schlutter, le feu ne doit plus être si vif, sans compter qu'il n'a qu'un soupirail pendant qu'on en fait trois à ces sortes de fourneaux. D'ailleurs l'essayeur est bien assez incommodé par la chaleur qui lui est dardée de la moufle comme d'un canon de fusil, sans avoir encore à essuyer celle du soupirail, dont il doit tomber de temps en temps quelques charbons qui peuvent troubler son attention. Voyez ECRAN. On conçoit que le fourneau de Schlutter est à la grille près le même que celui de M. Cramer. Les dehors de l'un et de l'autre sont les mêmes, excepté que dans celui de Schlutter, l'intervalle compris entre la partie inférieure de la bouche du feu et la supérieure du soupirail est un peu moindre que dans l'autre. On peut observer ici que le fourneau des émailleurs est aussi sans grille, quoiqu'il leur faille un feu assez vif. Nous ne parlerons point des autres défauts ; c'est à l'article qui concerne leur art, qu'on pourra trouver ce qu'il y a à dire là-dessus. Voyez ci-devant l'article EMAIL.

Le fourneau d'essai à l'anglaise (V. nos Pl. de Chimie) n'a aucun rapport avec les précédents, quant à sa construction. C'est tout-à-la-fais un fourneau de fusion, tel que celui de Glauber, et de reverbere, dans le goût du grand fourneau anglais, sur les principes duquel il est construit, quant au reverbere. On ne sait quel a été le premier inventé ; mais il y a toute apparence que l'un a dû mener à l'autre. On le construit de différentes grandeurs. Ceux qui servent dans les fonderies sont de brique, et ont ordinairement 5 pieds de long à-peu-près, sur 2 pieds 8 pouces de large, et 2 pieds 8 ou 9 pouces de hauteur. On ne donne qu'environ moitié de ces dimensions à ceux qu'on veut placer dans les laboratoires philosophiques, et on les fait pour lors en terre. Nous décrirons celui des fonderies. D'abord on élève une maçonnerie en brique (V. les fig.) à la partie b, de laquelle on laisse un espace vide long de 21 pouces, et large de 10. A 18 pouces de haut on place quatre barres de fer plates, pour terminer l'ouverture du cendrier, et soutenir les briques qui doivent en former la partie supérieure. On donne à ces barres 2 pouces de large, et on leur laisse à chaque extrémité un excédent de 6 pouces qu'on réfléchit en-haut et en-bas, pour servir d'armure au fourneau. La casse ou foyer est large de dix pouces en carré, et profonde d'un pied. Elle communique avec le reverbere par l'espace e (voyez les fig.), qui est entre le carreau i et le pont, et qui a la même largeur que la casse, ou un peu moins, sur 2 pouces et demi de haut. Le reverbere est un espace long de 2 pieds 3 pouces, sur 10 de large dans le milieu. Il est, ainsi qu'on peut le voir dans la fig. en ovale, et se termine par une issuè de 5 ou 6 pouces de large sur 4 de haut, au bout de laquelle il y a aussi un petit pont de 2 pouces de hauteur, qui le sépare de la partie inférieure de son tuyau, auquel on donne la même largeur. On fait en sorte de bâtir ce fourneau près d'une cheminée, pour y conduire son tuyau ; auquel cas on bouche le reste, ou bien on lui adapte un tuyau de tole de 18 ou 20 pieds, pour augmenter l'ardeur du feu. Le reverbere a de hauteur, depuis les carreaux qui le recouvrent jusqu'à son sol, 10 pouces. On y a accès à la faveur d'une porte g (V. les fig.), de même hauteur que le reverbere, et de 7 pouces d'embrasure, qui se terminent à 5 en-dedans. Dans la circonstance où le tuyau en maçonnerie du fourneau se trouve sous une cheminée qu'il ferme, ou reçoit un tuyau de tole ajusté à demeure, on pratique tout vis-à-vis la partie inférieure du tuyau, une porte h (voyez les fig.) de même largeur que ce fond, et même un peu plus bas, pour avoir la commodité de le nettoyer de toutes les saletés qui s'y amassent.

Ce fourneau sert aux mêmes usages que les fourneaux de fusion ordinaires, et les fourneaux à calciner et à coupeller. Quand on ne veut que fondre, on place les creusets comme à l'ordinaire, mais sur une tourte bien élevée, s'ils sont sans pieds, parce qu'ils sont fort sujets à s'y féler. S'il ne faut qu'un feu doux, on ferme une partie du soupirail avec des carreaux destinés à cet usage, et l'on ne met point sur le fourneau le couvercle c (V. les fig.), à moins qu'on ne le veuille rendre bien faible et bien lent ; auquel cas on passe une brique sur le pont e (voyez les fig.), et l'on met le couvercle. On lui donne plus de force en laissant le soupirail ouvert, ainsi que le haut de la casse ; mais quand on veut un feu bien vif, on se contente d'y ajouter le couvercle, et pour lors la casse, le reverbere et la cheminée ne font plus qu'un canal continu, qui augmente la rapidité et la vivacité du feu en raison de sa longueur. Il n'est pas besoin d'avertir que la porte g du reverbere (V. les fig.) ne doit s'ouvrir que quand on veut mettre ou retirer quelque vaisseau ; et la décharge h (même fig.) ne s'ouvre que quand on soupçonne le bas de la cheminée plein de saletés. Dans les fonderies où l'on fait usage d'un pareil fourneau, c'est pour avoir la facilité de faire un essai sur huit ou dix livres de matière à-la-fais, qu'on torrefie à nud sur le sol, ou que l'on affine sur une cendrée qu'on y accommode à ce dessein ; et l'on peut malgré cela rotir et coupeller un quintal fictif de matière seulement. Mais il faut employer à ce sujet le charbon de terre ou le bois ; car il m'est arrivé de ne pouvoir affiner dans un pareil fourneau avec le charbon de bois, quoique la casse en fût remplie ; et la mine de plomb à facettes spéculaires, pure, ne pouvait même y devenir pâteuse, tant la chaleur que donne sa flamme est peu de chose. Ce n'est pas que cette flamme ne montât bien haut dans ce tuyau de tole ; mais il est à présumer qu'elle n'avait pas assez de consistance pour faire beaucoup d'effet. Il est vrai que le charbon de terre non calciné donne un soufre qui n'est pas bien favorable à un essai en petit ; mais ce fourneau n'est pas destiné à cela : &, en effet, on sent bien qu'il ne peut manquer de devenir faux par cette raison, et par la chute des cendres, qui doivent se vitrifier conjointement avec la matière qu'on veut essayer, ou dont l'alkali peut former un foie avec le soufre de la mine que l'on traite ; ainsi le bois coupé menu comme du charbon, est à préférer pour cette espèce de fourneau, que l'on convient être insuffisant dans plusieurs circonstances. Il ne faut toutefois pas s'imaginer qu'on puisse faire usage de la casse et du reverbere en même temps, fondre et coupeller tout-à-la-fais, parce qu'il arrive que ces deux opérations demandent des degrés de feu qui ne sont pas les mêmes, dans le même temps précisément, en supposant qu'on les commence toutes les deux à-la-fais. Si, par exemple, l'on a à réduire une mine de plomb, et du plomb à affiner en même temps, il peut arriver qu'il faille donner chaud à l'affinage, pendant que le feu devra être ralenti, pour attendre que l'effervescence de la réduction soit passée. On ne nie pas pour cela qu'un artiste exercé ne puisse combiner assez juste pour réunir deux genres d'opérations, dont l'une ne souffre point du régime du feu nécessaire à l'autre, et réciproquement.

Voici maintenant les proportions qu'on donne communément au fourneau d'essai à l'anglaise qu'on veut placer dans le laboratoire philosophique. Elles ont été communiquées par M. Baden fameux essayeur anglais, dont l'occupation consistait uniquement à se transporter dans les fonderies mêmes où il était appelé pour les essais, ou à faire des cours de Docimastique ; et j'ai Ve moi-même un fourneau construit en terre sur ses proportions, qui faisait beaucoup plus d'effet qu'on n'aurait eu lieu de l'attendre, eu égard à sa grandeur. Il le faisait construire quelquefois en briques de Windsor, dont les dimensions sont à-peu-près les mêmes que celles de nos briques de Bourgogne ; c'est-à-dire qu'elles ont 8 pouces de longueur environ, sur 4 ou 4 et demi de large, et sur 2 environ d'épaisseur, en comptant le trait de rustique. Il lui mettait sept rangs de ces briques jusqu'à la grille du foyer, à laquelle il donnait, ainsi qu'à la casse, 8 pouces de long sur 6 de large. Le soupirail doit avoir aussi 6 pouces de large, et être élevé jusqu'à la grille. La casse a 9 pouces de profondeur, et communique à un reverbere de même largeur, c'est-à-dire de 6 pouces, sur 4 de long, par un pont élevé d'un pouce et demi au-dessus du sol du reverbere, qui est éloigné de sa couverture de 3 pouces. Peu importe que ce pont soit épais ou mince : on le fait de briques, faute d'autre chose ; et pour lors il a, malgré qu'on en ait, 2 pouces d'épais. Le passage de la flamme, flew en anglais, est élevé d'un pouce au-dessus du sol du reverbere, et est surbaissé d'environ autant par le haut, afin de déprimer la flamme qui Ve gagner la cheminée, dont la largeur est de 6 pouces ; ainsi l'on doit concevoir que le fourneau commence à s'élargir immédiatement après qu'il s'est élevé par le bas, et qu'il s'est déprimé par le haut pour le passage de la flamme, qui est d'un pouce et un quart de haut. La cheminée a 4 pouces de large dans le bas, et se termine en un tuyau de 4 pouces de diamètre, qu'on augmente avec un tuyau de tole. On couvre la casse d'un carreau de terre cuite, dont les bords excédent un peu les siens. Ce carreau est surmonté d'un bouton ou poignée pour le manier, comme celui de la figure. Pour rendre ce fourneau durable, on met à chaque côté, ainsi qu'en-devant, deux rangs de briques qu'on arme de cercles et barres de fer. Ceux qui se font en terre, durent et tiennent leur chaleur en raison de l'épaisseur qu'on leur donne, qui est arbitraire.

Nous allons passer aux opérations de Docimastique : notre but n'est point d'en donner un traité complet ; ceux qui voudront voir cette matière exposée au long, doivent consulter les ouvrages mentionnés au commencement de cet article. Les opérations qui se font pour les essais, n'ont point d'autre définition générale que celles de la Chimie analytique ; elles ne sont, ainsi que celles de cette science, que les changements qu'on fait subir à un corps, au moyen des instruments de l'art, et selon les règles qu'il prescrit, à dessein de connaître la nature des substances qui entrent dans sa composition, et la quantité en laquelle elles s'y trouvent : dernière condition qui distingue l'essai de l'analyse pure et simple. Voyez CHIMIE. Je réduirai les opérations propres de Docimastique à la torréfaction, à la scorification, au départ concentré, à l'affinage et au raffinage, à l'inquart et au départ par la voie humide, à la liquation, et à quelques espèces de cémentations ; et les préparatoires au lavage seulement. Toutes les autres, que M. Cramer met dans son catalogue, appartiennent à la Chimie philosophique. Mais il ne faut pas être étonné de cette erreur, elle est conséquente au principe qu'il a posé ; &, en effet, qui pourrait s'imaginer qu'un homme qui mérite avec raison le titre d'ingénieux que lui a donné son traducteur anglais dans son épitre dédicatoire, et qui en donne des preuves continuelles dans son livre, eut rangé dans ce nombre l'évaporation, la sublimation, la distillation, etc. voyez pag. 321. première partie de l'édition latine ; et page 263, tome II. de la traduction française ; à moins que de le supposer accoutumé à regarder la Docimastique comme une science isolée, et qui n'est pas plus la Chimie, quoiqu'elle en emprunte presque tout, que la Botanique n'est l'Anatomie, et réciproquement. Cette contradiction évidente est exposée bien clairement dans son §. 499 : Vix autem ulla habetur operatio chimica, quam non aliquando in arte docimastica opus sit perficère : è contrario plures sunt quas sibi Docimasia solas vindicat. Earum ideò quae huc tantùm propriè pertinent, vel, licet ex Chimia generaliori petitae sint, creberrimè tamen à Docimastis in usum vocantur, generalem licet conspectum, etc. C'est-à-dire : " A peine y a-t-il une opération de Chimie dont on puisse se passer en Docimastique : cette science au contraire en possède un grand nombre qui n'appartiennent qu'à elle seule. Nous allons donner un tableau général de celles qui sont proprement de son ressort, ou dont les Essayeurs font un fréquent usage, quoiqu'empruntées de la Chimie générale ". Ainsi la Docimastique pourra prendre ce que bon lui semblera dans la Chimie, sans que celle-ci puisse s'en plaindre, ni même donner ses titres à l'autre, sauf à lui faire honneur de ce qui lui appartiendrait. L'art des essais sera, comme on le peut voir, ce qu'il est, sans rien devoir à la Chimie, quoiqu'il tienne presque tout d'elle ; et il aura des opérations de son ressort, ou qui appartiendront à la Chimie générale. Un mot mis dans la place d'un autre, donnait un sens à tout ceci, si M. Cramer eut dit, tum, licet ex Chimiâ, etc. au lieu de vel, licet ex Chimiâ, etc. il raisonnait juste, et ne se contredisait pas dans le même instant, mais seulement à l'égard de quelques autres endroits de son ouvrage ; comme, par exemple, avec celui du §. 497, sans aller plus loin : Primaria quaevis operatio docimastica, ab agendi modo omnibus communi, vocari potest solutio, etc. ce qui signifie que la dissolution, comme étant une action commune à toutes les opérations de Docimastique, peut être mise à leur tête. Nous ferons grâce à Schlutter, quand il dit (page 73, ligne 2 par en-bas) " que quiconque n'est pas dans l'habitude de connaître les minéraux métalliques à la simple inspection, doit acquérir cette connaissance par l'analyse chimique, à laquelle on a donné le nom de Docimasie ", parce que nous ne confondons point l'artiste avec le dialecticien. On concevra aisément que quoique tout essai soit une analyse chimique, il ne s'ensuit pas pour cela que l'analyse chimique seule constitue l'essai ; il faut de plus quelques opérations particulières à la Docimastique, et un appareil tourné du côté de l'exactitude que demande le calcul. Nous lui passerons encore la supposition qu'il fait, qu'on peut avoir l'habitude de connaître les minéraux métalliques à la seule inspection, parce qu'il est convenu (page 72.) que cela n'est pas toujours possible.

En décrivant ces opérations, nous ferons en sorte que la première serve de clé à la suivante ; et c'est sur ces principes que nous commencerons par le plomb. Mais avant que d'essayer une mine de ce métal, il faut l'avoir lotie, au cas qu'on veuille savoir combien un tas de cette mine non triée, ou avec toute sa roche, peut fournir par quintal (voyez LOTISSAGE) ; car il arrive qu'on fait aussi un essai pour savoir ce que contient un quintal de mine lavée ou schlich ; ou bien encore ce que contient un quintal de mine pure. Sait donné pour exemple la mine de plomb à facettes spéculaires, ou de telle autre espèce que ce sait, pourvu qu'elle soit fusible : mettez-la en petits morceaux gros comme des grains de chénevi ; pesez-en trois quintaux fictifs (voyez POIDS FICTIFS) ; étendez-les avec les doigts sur un test que vous placerez sous la moufle du fourneau d'essai, couvert d'un autre test qui ne laisse aucun intervalle entre lui et l'inférieur : vous aurez eu la précaution d'allumer le feu par le haut, et vous saisirez l'instant pour placer votre test sous la moufle, où elle n'aura pris qu'un rouge un peu obscur : vous augmenterez le feu jusqu'au point où le test sera au même ton de chaleur, et vous ne le découvrirez que quand la décrépitation de la mine aura cessé. La mine alors paraitra terne et livide, et parsemée de petites molécules blanches, qui ne sont autre chose que sa roche qui a pris cette couleur. Continuez le même degré de feu pendant deux heures, et la mine sera pour lors d'un jaune grisâtre à sa surface. Retirez-la du feu quand elle sera refroidie ; mettez-la en poudre fine, et lui ajoutez une partie de flux noir, et une demi-partie de limaille de fer non rouillée, avec autant de fiel de verre : mêlez bien le tout dans le mortier ; chargez-en une tute ou creuset d'essai, dont la moitié reste vide quand vous l'aurez couvert d'un doigt de sel marin décrépité, que vous tallerez bien : adaptez à ce creuset un couvercle, dont vous lutterez bien les jointures avec de la terre à four : placez ce creuset ainsi chargé, dans la casse d'un fourneau à vent ; couvrez-le de charbons jusqu'à son couvercle ; allumez le feu par le haut avec quelques petits charbons ardents, que vous éloignerez du creuset le plus que vous pourrez : donnez quelques coups de soufflet, afin de rougir médiocrement votre vaisseau : continuez jusqu'à ce que vous entendiez un petit sifflement ; si-tôt que ce bruit sera cessé, soufflez de nouveau, après avoir remis assez de charbon pour excéder le couvercle du creuset de 2 ou 3 doigts. Si le bouillonnement recommençait, il faudrait couvrir la casse, et cesser de souffler jusqu'à ce qu'il fût passé ; après quoi vous donneriez un bon feu de fonte pendant un quart d'heure ou une petite demi-heure : au bout de ce temps retirez votre creuset du feu, et le frappez de quelques petits coups par le côté, en appuyant vos tenailles de la main gauche sur le couvercle, pour l'empêcher de tomber. Quand il sera refroidi, cassez-le ; son poids vous indiquera la quantité qu'on peut retirer de la mine, si l'essai est bien fait.

Si au lieu d'une mine fusible vous avez à en essayer une réfractaire par les pyrites qu'elle contient, vous pourrez la torréfier à un feu un peu plus fort, à deux ou trois reprises : vous lui ajouterez égale quantité de fiel de verre et le double de flux noir ; et procéderez, quant au reste, comme pour la mine fusible.

Si c'est une mine réfractaire, en conséquence de terre et de pierre inséparables par le lavage, ajoutez-lui parties égales de fiel de verre, et trois ou quatre fois son poids de flux noir, que vous mêlerez bien intimement par la trituration, et procéderez ainsi que nous l'avons dit.

On divise la mine de plomb, afin qu'elle perde plus aisément le soufre qui la minéralise : il est pourtant de certaines bornes qu'il ne faut pas passer ; si elle était en poudre trop subtile, elle serait plus sujette à pâter, et le soufre ne se dissiperait pas si bien. C'est pour éviter cet inconvénient qu'on recommande encore de bien étendre la mine dans le test, afin qu'elle communique par une plus large surface avec l'air, qui est le véhicule des vapeurs. On a la précaution de couvrir ce test d'un autre renversé, ou d'un couvercle, pour empêcher que la mine en décrépitant ne sautille et ne rende l'essai faux ; autrement il s'en perdrait une bonne partie, surtout si la roche était abondante. J'ai roti quelquefois des mines de plomb si abondantes en soufre, que je voyais sa flamme secher la surface de la mine dans le premier instant que je lavais le test.

Avant que d'allumer le fourneau d'essai, on assujettit bien la moufle sur ses deux barres, et on en lutte l'embouchure avec la porte du foyer, de la grandeur de laquelle elle doit être : on a soin de casser le charbon de la grosseur d'un œuf de pigeon, sans quoi il ne s'affaisserait pas également. On allume le feu par le haut pour échauffer lentement : il est bon de passer de temps en temps par l'oeil du fourneau une verge de fer pour remuer le charbon et lui faire remplir les vides qui peuvent se faire ; on en remet souvent, de crainte qu'une trop grande quantité fournie tout-à-coup ne refroidisse le fourneau et ne dérange l'opération. Si le feu était trop vif quand on place le test sur la moufle, on donnerait froid en fermant les soupiraux, jusqu'à ce qu'il fût du degré requis. Il faut tenir ce test d'un rouge obscur, surtout au commencement de l'opération, pour empêcher que la mine ne pâte et ne s'y attache ; car si cela arrivait, il faudrait recommencer l'opération. Quand le soufre s'est dissipé en partie, alors on peut l'augmenter, mais toujours avec discrétion. M. Cramer conseille de frotter le scorificatoire de sanguine ou de colchothar ; mais cette précaution est inutîle quand on est exercé : il ne faut pas s'inquiéter de la présence des grains de sable, peu adhérants à la surface interne du test, que les Fournalistes de Paris saupoudrent pour leur commodité ; ils ne peuvent que se vitrifier avec le plomb : mais la réduction s'en fait pendant la fonte, en même temps que celle des particules vitreuses du fiel de verre. Il est bon d'observer que la mine ne doit être pesée que quand elle a été broyée, parce qu'il s'attache toujours quelques molécules de la mine au mortier ou au porphyre des essayeurs, quelque polis qu'ils soient l'un et l'autre, ou qu'il s'en détache toujours quelques petites molécules qui sautent de côté et d'autre ; ce qui rend l'essai faux. Il faut encore avoir un soin tout particulier à n'employer aucun vaisseau qui puisse porter dans l'essai une matière étrangère, à moins qu'on ne se soucie peu de l'exactitude en pareille circonstance, ou qu'on soit sur du résultat du corps qu'on essaye ; car les phénomènes peuvent être tous différents, en conséquence du nouveau corps introduit. Si l'on pese la mine de plomb rotie, on trouve que le poids est le même qu'avant de la griller, quelquefois plus faible, et quelquefois plus fort, quoiqu'elle ait cependant perdu une bonne quantité de soufre. Le même phénomène arrive encore au plomb calciné : quelques personnes attribuent l'augmentation de cette gravité spécifique au rapprochement des parties ; mais il me parait qu'il est plus raisonnable de croire qu'elle est dû. à la surabondance de phlogistique qu'il prend dans cet état, quoiqu'il semble qu'il l'ait perdu. Mais la différence de combinaison produit celle de l'état : on voit une augmentation de poids dans le fer qu'on a réduit en acier, en le mettant dans un creuset tout seul, et fermant bien ce creuset ; et l'on voit en même temps qu'une surabondance de phlogistique n'est pas toujours la cause d'une plus grande fusibilité, quoique combinée de la façon requise, comme il y a toute apparence.

Il n'y a nul inconvénient à faire plusieurs torréfactions à la fais, pourvu que ce soit des mines qui ne demandent pas des degrés de feu fort différents : on peut placer sous la moufle autant de scorificatoires qu'elle en peut contenir, observant de mettre vers son fond ceux qui demandent un plus grand feu, ou bien employant les instruments (voyez MOUFLE), s'ils exigent tous un feu doux, ou mettant des charbons allumés dans le canal de tole du fourneau, ou à l'embouchure même de la moufle du fourneau (voyez la figure), auquel cas il n'est pas necessaire de l'allumer, la chaleur de la moufle suffisant pour cela. La matière de chaque test veut être remuée avec un crochet particulier, qu'il faut placer dans le même ordre que les scorificatoires, afin que celle de l'un ne passe point dans l'autre, et réciproquement : la couleur terne de la mine annonce la dissipation d'une partie de son soufre ; quand il l'a perdue presque toute, alors il est d'un gris tirant sur le jaune.

On réduit en poudre fine la mine torréfiée, afin que chaque petite molécule de plomb sait, pour ainsi dire, environnée de plusieurs molécules de flux ; ce qui est nécessaire à la réduction. Voyez FLUX. On y ajoute le flux noir pour lui donner un réductif avec un fondant, parce que le plomb qui a perdu son phlogistique avec son soufre se vitrifierait, au lieu de paraitre sous la forme métallique. Le fiel de verre sert à donner de la fusibilité au flux noir, beaucoup plus réfractaire que lui : la limaille de fer sert à absorber le soufre qui peut rester, et l'on ne doit pas craindre qu'elle préjudicie à l'essai ; le fer pur ou sulphuré ne peut contracter d'union avec le plomb. Peu importe que le fer entre en fonte, il n'en absorbe pas moins le soufre ; et d'ailleurs ce minéral le rend fusible, outre que le flux noir produit le même effet. Sans l'addition de la limaille la mine ne se convertirait point en plomb, elle se précipiterait à-peu-près dans le même état qu'on l'a mis calciner, ou bien le bouton serait caverneux et blanc comme de l'argent, parce qu'il naitrait de l'union du soufre de la mine et de l'alkali du flux, un foie de soufre, qui est le dissolvant des métaux, qui corroderait l'extérieur du culot. M. Cramer met deux parties de flux noir contre une de mine ; ce qui est inutile, quoiqu'il n'y ait aucun inconvénient d'en mettre plus que moins. Une tute (voyez ce mot) est préférable au creuset à pied ordinaire, ou au creuset triangulaire sans pied, parce que son couvercle y entre comme un bouchon, et n'est pas si aisé à déranger que celui des creusets à pieds, que le moindre charbon délute quelquefois. Sans compter que le feu dilatant plus le creuset que le couvercle, et faisant sécher le lut, il arrive que celui-ci est forcé d'abandonner le couvercle, qui ne ferme plus exactement pour lors, et laisse consumer une partie de la matière charbonneuse du flux : il faut sécher les creusets avant que d'y mettre la matière à réduire. Les sels qu'on emploie dans les essais doivent être bien secs aussi ; c'est souvent faute d'avoir pris cette précaution que le creuset se délute : le même inconvénient doit arriver à ces artistes qui emploient le flux crud au lieu du flux noir, pendant la détonation duquel il s'élève des vapeurs épaisses capables de faire sauter le couvercle. C'est par la même raison qu'il faut faire décrepiter le sel marin, avant que d'en couvrir la matière de l'essai ; et il est étonnant que M. Cramer, qui est convaincu de la nécessité de faire bien sécher tous ces fondants, laisse à ce sel toute son humidité. Il est inutîle d'y en mettre une couche de quatre doigts, selon que le prescrit cet auteur ; un seul suffit pour garnir la matière subjacente du contact de l'air : il n'est pas non plus nécessaire que le creuset reste les deux tiers vides ; quand on sait gouverner le feu, deux doigts de bords sont tout ce qu'il faut : ainsi l'on ne doit pas cesser de faire une opération de cette espèce, parce qu'on n'aura que des creusets dont le vide ne pourra être plus considérable.

On peut faire plusieurs réductions d'une même fournée, comme plusieurs scorifications, pourvu que les degrés de feu soient les mêmes ; on doit même faire plus d'un essai à la fois de la même mine, afin de choisir celui qui aura le mieux réussi : pour cet effet on retire les creusets du feu, à quelque temps les uns des autres, et l'on se détermine pour les deux qui approchent le plus l'un de l'autre, en même temps qu'ils s'éloignent davantage des extrêmes.

Il est évident que c'est, pour échauffer peu-à-peu les creusets, qu'on allume le feu par le haut : en éloignant les charbons ardents des creusets, on fait en une seule fois ce que M. Cramer fait en deux, en prenant la peine d'en sécher le lut avant que de les mettre dans le fourneau. Quand la réduction se fait, elle est accompagnée d'une effervescence qui produit le sifflement qu'on entend, pendant lequel il faut ralentir l'action du feu, si l'on ne veut que la matière soulève le couvercle et passe par-dessus les bords du creuset.

Cet inconvénient peut arriver même quelques minutes après que le bouillonnement est cessé, si l'on redonne tout d'un coup un feu trop fort. On a des indices que la matière s'est répandue, par une flamme bleue et violette, et qui a odeur de foie de soufre : il faut bien se garder de la confondre avec la flamme jaunâtre, mêlée d'une fumée un peu épaisse et sentant légèrement l'hépar, qu'on voit toujours quand on fait une réduction, ou qu'en général l'on allume un fourneau. Ce phénomène vient des vapeurs sortant du creuset à-travers son lut, et sa cessation annonce la précipitation du régule : il ne faut cependant pas croire que l'opération doive être recommencée toutes les fois que la matière surmonte les bords du creuset ; si cet accident n'arrive que sur la fin de la réduction, et que la matière perdue ne soit pas en grande quantité, l'essai peut très-bien se trouver de même poids que ceux qui ont bien réussi, parce que ce n'est souvent que le sel marin, mêlé d'un peu de flux, qui s'est répandu.

En frappant le creuset de quelques petits coups, après qu'il a été retiré du feu, on a pour but d'achever de précipiter les petits grains métalliques qui peuvent être nichés dans les scories, pour les faire revenir au culot principal.

Il faut laisser refroidir le creuset de lui même, car si on le plongeait dans l'eau, on trouverait des grains de régule épars dans les scories ; et si on le cassait encore chaud, on risquerait de mettre en même temps le régule en morceaux.

L'opération est bien faite quand les scories n'ont point touché au couvercle ni passé à-travers son lut ; quand on n'y trouve point de molécules régulines ; que le culot est lisse, livide et malléable ; que les scories sont compactes, excepté dans leur milieu. Une scorie spongieuse et parsemée de grains métalliques, et un culot caverneux, ou même ressemblant encore à la mine, indiquent que le feu n'a été ni assez long ni assez fort : au contraire on est certain qu'il a été trop violent, quand le régule est d'un blanc brillant, quoique ce phénomène arrive encore en conséquence de ce que le flux n'était pas assez réductif, et était trop caustique, et quand il est recouvert d'une croute scorifiée. Il m'est arrivé quelquefois de trouver toute blanche la masse du sel marin fondue qui surnage les scories salines : mais ce phénomène n'a rien de mauvais en soi ; l'essai est tout aussi exact de cette façon que d'une autre, pourvu que cet inconvénient soit arrivé seul. On peut l'attribuer à ce que le sel marin, qui n'est noirci que par le flux noir, a perdu cette couleur par l'accès de l'air qui a donné lieu à la matière charbonneuse de se consumer et de se dissiper.

Cette opération peut également se faire dans l'aire d'une forge sur laquelle on imite avec des pierres ou des briques la casse d'un fourneau à vent.

M. Cramer préfère en cette circonstance le fourneau de fusion, animé par le jeu de l'air, à celui qui l'est par le vent du soufflet ; parce que, dit-il, on est plus le maître du feu dans celui-là que dans celui-ci ; mais je crois que c'est tout le contraire. Quand on a un bon soufflet double, on peut donner un feu très-vif dans un fourneau à vent, et le ralentir à volonté ; au lieu qu'un fourneau de fusion est souvent construit de façon qu'on ne peut le fermer exactement, ni par le haut ni par le bas.

On peut réduire la mine de plomb grillée, en la stratifiant avec les charbons. Ce travail est un modèle de ce qui se passe en grand dans le fourneau à manche. On prend pour cet effet un quintal fictif de mine rotie, dont chaque livre soit d'une demi-once, un quart d'once ou un gros. On le met lit sur lit avec du charbon dans le fourneau de fusion (voyez les fig.) garni de son bassin de réception, accommodé avec de la brasque pesante, et accompagné d'un second catin ; la dernière couche doit toujours être de charbon. On a la précaution de mettre la mine du côté opposé à la tuyere, afin qu'elle ne puisse être refroidie par le vent du soufflet. Il est bon d'avertir que les deux catins de réception doivent être sechés avant, au moins pendant une heure.

Il n'est point de plomb dans la nature qui ne contienne de l'argent. Souvent la quantité en est assez considérable, pour qu'on puisse l'affiner avec bénéfice dans les travaux en grand. On ne se donne pas cette peine quand le produit n'est pas capable de défrayer de la dépense. Sait donné le régule précédent, dont on veut connaître la quantité de fin. Prenez une coupelle capable de passer le culot en question ; vous le connoitrez à ce qu'elle pesera la moitié de son poids : placez-la sous la moufle du fourneau d'essai, où vous aurez allumé le feu comme nous l'avons dit : faites-la évaporer pendant le temps requis. Il faut la tenir renversée, de crainte qu'il ne tombe dedans quelques corps étrangers, qu'on n'en retirerait peut-être qu'en détruisant son poli. Mettez dessus le régule de plomb séparé de ses scories, et après avoir abattu ses angles à coups de marteau, de peur qu'il n'endommage la cavité de la coupelle. Le plomb ne tarde pas à entrer en fonte ; il bout et il fume ; il lance des étincelles lumineuses ; et l'on voit sa surface continuellement recouverte d'une petite pellicule qui tombe vers les bords, où elle forme un petit cercle dont le plomb est environné à-peu-près comme une rose l'est de son chaton. Cette pellicule, qui n'est autre chose que de la litharge, s'imbibe dans la coupelle à mesure qu'elle s'y forme. Tant que le plomb n'est pas trop agité, trop bombé, et que ses vapeurs qui lechent sa surface s'élèvent assez haut, il faut soutenir le feu dans le même état ; mais s'il est trop convexe, et que la fumée du plomb s'élève jusqu'à la voute de la moufle, c'est une preuve qu'il est trop fort, et qu'il faut donner froid. Si le bouillonnement au contraire était peu considérable, et qu'il parut peu de vapeurs, ou point du tout, il faudrait donner chaud, pour empêcher que l'essai ne fût étouffé ou noyé. Voyez ces mots.

A mesure que le régule diminue, il faut hausser le feu, parce que le même degré n'est plus en état de tenir l'argent en fonte, qui est moins fusible que le plomb. S'il contient de l'argent, son éclat se convertit en des iris qui croisent continuellement et rapidement sa surface en tous sens, ce qu'on appelle circuler. La litharge pénètre la coupelle, et le bouton de fin parait et fait son éclair (voyez ECLAIR). Sitôt que le feu n'est pas assez fort pour le tenir fondu, on le laisse un peu refroidir sous la moufle, et ensuite à son embouchure, parce que si on le retire si-tôt qu'il est passé, il se raréfie en vessie (voyez ÉCARTEMENT). Quand on s'aperçoit qu'il doit être figé, on le soulève de dessus la coupelle, parce que si on attendait qu'il fût froid, on en emporterait un morceau avec lui.

Cette opération prend le nom d'affinage, soit qu'elle se fasse pour connaître si la quantité d'argent que le plomb contient, peut être affinée avec bénéfice, ou à dessein de connaître quelle est la quantité d'argent que contient le plomb grenaillé qu'on emploie aux essais, à laquelle on donne le nom de grain de plomb, de grain de fin, ou de témoin (voyez ces mots). Si on fait l'affinage dans un cendré, ou grande coupelle, on se sert des fourneaux qu'on trouvera dans nos Pl. Voyez leur explication.

Il est essentiel de donner chaud sur la fin, pour occasionner la destruction totale du plomb, dont il ne manquera pas de rester une petite quantité dans l'argent, qui induirait en erreur. Il est vrai que quand le bouton est tant-sait-peu considérable, il est assez sujet à en retenir quelque portion dont on le dépouille par le raffinage, lequel détruira en même temps le cuivre qui peut s'y trouver.

Le raffinage de l'argent n'est que la repétition de l'opération que nous venons de détailler, excepté qu'on y ajoute du plomb granulé à diverses reprises. Voyez RAFFINAGE.

L'affinage et le raffinage en grand, sont précisément les mêmes qu'en petit. On peut retirer par la coupelle l'argent de quelques-unes de ses mines, en les torréfiant avec parties égales de litharge, si elles sont de fusion difficile, les pulvérisant, leur ajoutant huit fois autant de plomb granulé, si elles sont douces, ou le double, si elles sont rebelles. On met d'abord la moitié de la grenaille, à laquelle on ajoute la mine rotie par fractions. Le coupelage se fait comme nous l'avons mentionné.

Si l'argent contient de l'or, on le précipite et on le coupelle en même temps. On les sépare au moyen du départ. Voyez ce mot et INQUART.

La mine de cuivre pyriteuse, sulphureuse, et arsénicale, se traite par la torréfaction et la précipitation, comme celle de plomb ; avec cette différence, qu'il faut la rotir jusqu'à trois fois en la triturant à chaque fois pour faire paraitre de nouvelles surfaces, et achever de la dépouiller de son soufre et de son arsenic : comme ces matières facilitent la fonte de la mine, il faut donner peu de feu au commencement du grillage, de crainte qu'elle ne se grumelle, surtout quand la mine est douce ; auquel cas l'opération dure le double de temps. On ajoute un peu de graisse sur la fin pour achever de dissiper le reste du soufre, et empêcher que le cuivre ne devienne irréductible par la perte totale de son phlogistique.

Si la mine contient beaucoup de cuivre, la poudre en sera noirâtre : elle sera d'autant plus rouge, qu'elle sera mêlée d'une plus grande quantité de fer. Mêlez cette poudre avec égal poids d'écume de verre, et quatre fois autant de flux noir : mettez le tout dans un creuset, et avec les précautions que nous avons dit, vous aurez un culot demi-malléable, ordinairement noirâtre, et quelquefois blanchâtre, qu'on appelle communément cuivre noir.

On purifie ce cuivre noir en le mettant sur un test avec un quart de plomb granulé, s'il n'en contient point. On lui donne un feu capable de le faire bouillir légèrement. Le cuivre est raffiné quand on aperçoit sa surface pure et brillante ; mais comme on ne peut savoir au juste quelle est la quantité de cuivre fin qu'on devait retirer, parce que le plomb en a détruit une partie, il faut compter une partie de cuivre détruite par douze de plomb. Tels sont à-peu-près les rapports qu'on a découverts là-dessus.

On raffine encore le cuivre noir en le mettant au creuset avec égale quantité de flux noir : on le pîle avant, et on le torréfie plusieurs fais, s'il est extrêmement impur.

On vient à bout de délivrer ainsi le cuivre de toute matière étrangère, excepté de l'or et de l'argent, qui demandent une opération particulière qu'on appelle liquation. Voyez cet article.

Nous transcrirons ici la méthode de M. Cramer, pour tirer l'étain de sa mine. Après l'avoir séparée de ses pierres et terres par le lavage, mettez en six quintaux dans un test ; couvrez-le, et le placez sous une moufle embrasée ; découvrez-le quelques minutes après. Il n'en est pas de cette mine, comme de celle de cuivre et de plomb dont on a parlé ; elle ne pâte point à la violence du feu : si-tôt que les fumées blanches disparaitront, et que l'odeur d'ail, qui est celle de l'arsenic, ne se fera plus sentir, ôtez le scorificatoire : la mine étant refroidie, grillez-la une seconde fais, jusqu'à ce que vous ne sentiez plus d'odeur arsenicale, après l'avoir retirée. L'odorat est beaucoup meilleur juge que la vue en ces sortes d'occasions. Si vous craignez d'être incommodé en respirant sur le test, couvrez-le d'une lame de fer épaisse et froide, et la retirez avant qu'elle ait eu le temps de s'y échauffer : elle sera couverte d'une vapeur blanchâtre, si la mine contient encore quelque peu d'arsenic.

On réduit cette mine rotie comme celle du plomb, excepté qu'on lui ajoute un peu de poix.

On ne trouve presque jamais de mine d'étain sulphureuse : c'est au moyen de l'arsenic que ce métal est minéralisé, et pour lors la mine en est blanche principalement, demi-diaphane, et ressemble en quelque façon, quant à l'extérieur, à un spath ou à une stalactite blanche : elle est obscure quand il s'y trouve du soufre ; mais la quantité de ce minéral ne mérite pas d'entrer en considération auprès de celle de l'arsenic. Comme l'arsenic entraîne avec lui beaucoup d'étain, à l'aide du feu, qui le calcine rapidement, détériore le reste, et le réduit en un corps aigre et demi métallique ; il est essentiel d'en dépouiller sa mine par la torréfaction, le plus qu'il est possible. Il est à observer que ce métal se détruit en d'autant plus grande quantité et d'autant plus aisément, que sa mine supporte mieux la violence du feu, sans se réunir en masse. Alors il est irréductible, et se convertit en une scorie assez réfractaire, au lieu de se réduire. Il faut ajouter à cela que l'étain provenant d'une mine à laquelle on a donné la torture par le feu, n'est jamais si bon que quand il n'a éprouvé du feu que le degré convenable de durée et d'intensité. On peut vérifier cette doctrine avec le bon étain réduit : alors on reconnaitra qu'il devient d'autant plus chétif, qu'il est calciné et réduit plus de fais, et qu'on le traite à un feu plus fort, plus long, et plus pur. Voyez ETAIN.

On ne peut donc guère compter sur l'exactitude d'un essai fait par la réduction et précipitation dans les vaisseaux fermés de tout métal destructible au feu, et de l'étain surtout. Il est bien rare qu'un artiste, quelque exercé qu'il sait, qui répetera plusieurs fois ce procédé, retire des culots d'égal poids de la même mine, quoique réduite en poudre, exactement mêlée. La mine ou la chaux d'étain sont assez réfractaires, quand il s'agit de les réduire, et ont conséquemment besoin d'un grand feu. L'étain au contraire se détruit au même feu qui l'a réduit. On peut juger en quelque façon si une mine d'étain est riche ou pauvre, ou si elle tient un milieu entre ces deux états ; mais cela n'est presque pas possible à une livre près ; car on n'a aucun signe, pendant l'opération, qui indique si la précipitation est faite ; en sorte que l'on n'a de ressource que dans les conjectures. Il faut se rappeler à ce sujet les indices qui ont été donnés de l'issue de l'opération du plomb, qui est la même que celle-ci. D'ailleurs le flux salin, dont l'effet est de faciliter la scorification, n'a de matière sur laquelle il puisse agir, que l'étain lui-même, Ve qu'on sépare de sa mine les matières terrestres qui y adhèrent, avec beaucoup plus de soin et d'exactitude que de toute autre mine. Il n'est donc pas étonnant que le flux attaque promptement l'étain, et le vitrifie en conséquence de la dissipation du phlogistique, occasionné par un feu continué beaucoup plus longtemps qu'il ne convient, sans compter que l'étain devient d'autant plus mauvais, qu'il est exposé plus longtemps à l'ardeur du feu. Néanmoins on peut juger de l'exactitude ou de l'inexactitude de l'opération par la perfection ou l'imperfection des scories salines, la dissémination des grains métalliques dans ces scories ou par les scories, provenant du métal détruit et réductible qui se trouve principalement dans le voisinage du culot. On peut inférer de tout ce qui vient d'être dit, qu'il faut avoir recours à une autre méthode par laquelle on puisse voir ce qui se passe dans les vaisseaux pendant l'opération. Elle consiste à placer un creuset dans un fourneau de fusion, à y jeter en deux ou trois fois rapprochées, quand il sera d'un rouge de cerise, le mélange de mine et de flux, et de le recouvrir ; quelques minutes après, on en éloigne les charbons avant que de le découvrir. Alors si l'on voit le flux en fonte bien liquide et bouillant paisiblement sans écume, il faut l'ôter et le laisser refroidir. On le casse pour en avoir le culot.

La mine de fer se grille comme celle du plomb, mais plus fortement, et on la torréfie une seconde fais. On la mêle exactement avec trois parties de flux, composé d'une partie de verre pilé, d'une demi-partie de fiel de verre et de poussière de charbon : on couvre le tout de sel commun. On place le creuset dans le fourneau à vent : on le casse quand il est refroidi pour en avoir le culot.

Quoique la torréfaction enlève la plus grande partie du soufre et de l'arsenic à la mine de fer, néanmoins il en passe encore dans le bouton une quantité qui l'aigrit. C'est pour lui enlever ces dernières portions qu'on mêle aux mines de fer des absorbans terreux dans les travaux en grand, et qu'on forge ensuite la fonte, comme aussi pour lui enlever la terre non métallique qu'elle contient. Cet article est de M. DE VILLIERS.