S. m. (Grammaire) vient originairement du latin fasti, jours de fêtes. C'est en ce sens qu'Ovide l'entend dans son poème intitulé les fastes. Godeau a fait sur ce modèle les fastes de l'église, mais avec moins de succès, la religion des romains payens étant plus propre à la poésie que celle des chrétiens ; à quoi on peut ajouter qu'Ovide était un meilleur poète que Godeau. Les fastes consulaires n'étaient que la liste des consuls. Voyez ci-après les articles FASTES (Histoire).

Les fastes des magistrats étaient les jours où il était permis de plaider ; et ceux auxquels on ne plaidait pas s'appelaient nefastes, nefasti, parce qu'alors on ne pouvait parler, fari, en justice. Ce mot nefastus en ce sens ne signifiait pas malheureux ; au contraire, nefastus et nefandus furent l'attribut des jours infortunés en un autre sens, qui signifiait, jours dont on ne doit pas parler, jours dignes de l'oubli ; ille et nefasto te posuit die.

Il y avait chez les Romains d'autres fastes encore, fasti urbis, fasti rustici ; c'était un calendrier à l'usage de la ville et de la campagne.

On a toujours cherché dans ces jours de solennité à étaler quelque appareil dans ses vêtements, dans sa suite, dans ses festins. Cet appareil étalé dans d'autres jours s'est appelé faste. Il n'exprime que la magnificence dans ceux qui par leur état doivent représenter ; il exprime la vanité dans les autres. Quoique le mot de faste ne soit pas toujours injurieux, fastueux l'est toujours. Il fit son entrée avec beaucoup de faste : c'est un homme fastueux : un religieux qui fait parade de sa vertu, met du faste jusque dans l'humilité même. Voyez l'article suivant.

Le faste n'est pas le luxe. On peut vivre avec luxe dans sa maison sans faste, c'est-à-dire sans se parer en public d'une opulence révoltante. On ne peut avoir de faste sans luxe. Le faste est l'étalage des dépenses que le luxe coute. Art. de M. DE VOLTAIRE.

FASTE, (Morale) c'est l'affectation de répandre, par des marques extérieures, l'idée de son mérite, de sa puissance, de sa grandeur, etc. Il entrait du faste dans la vertu des Stoïciens. Il y en a presque toujours dans les actions éclatantes. C'est le faste qui élève quelquefois jusqu'à l'héroïsme, des hommes, à qui il en couterait d'être honnêtes. C'est le faste qui rend la générosité moins rare que l'équité ; et de belles actions, plus faciles que l'habitude d'une vertu commune. Il entre du faste dans la dévotion, quand elle inspire plus de zèle que de mœurs, et moins l'attachement à ses devoirs comme homme et comme citoyen, que le goût des pratiques extraordinaires.

On se sert plus communément du mot faste, pour exprimer cet appareil de magnificence ; ce luxe d'apparence, et non de commodité, par lequel les grands prétendent annoncer leur rang au reste des hommes. Ils ont presque tous du faste dans les manières : c'est un des signes par lesquels ils font reconnaître leur état. Dans les pays où ils ont part au gouvernement, ils ont de la morgue et du dédain : dans les pays où ils ont moins de crédit que de prétentions, ils ont une politesse qui a son faste, et par laquelle ils cherchent à plaire sans commettre leur rang.

On demande si dans ce siècle éclairé il est encore utîle que les hommes qui commandent aux nations, annoncent la grandeur et la puissance des nations par des dépenses excessives, et par le luxe le plus fastueux ? Les peuples de l'Europe sont assez instruits de leurs forces mutuelles, pour distinguer chez leurs voisins un vain luxe d'une véritable opulence. Une nation aurait plus de respect pour des chefs qui l'enrichiraient, que pour des chefs qui voudraient la faire passer pour riche. Des provinces peuplées, des armées disciplinées, des finances en bon ordre, imposeraient plus aux étrangers et aux citoyens, que la magnificence de la cour. Le seul faste qui convienne à de grands peuples, ce sont les monuments, les grands ouvrages, et ces prodiges de l'art qui font admirer le génie autant qu'ils ajoutent à l'idée de la puissance.

FASTES, s. m. pl. (Histoire) calendrier des Romains, dans lequel étaient marqués jour par jour leurs fêtes, leurs jeux, leurs cérémonies, et tout cela sous la division générale de jours fastes et néfastes, permis et défendus, c'est-à-dire de jours destinés aux affaires, et de jours destinés au repos.

Varron dans un endroit dérive le nom de fastes de fari, parler, quia jus fari licebat ; et en un autre endroit il le fait venir de fas, terme qui signifie proprement loi divine, et est différent de jus, qui signifie seulement loi humaine.

Mais les fastes, quelle qu'en soit l'étymologie, et dans quelque signification qu'on les prenne, n'étaient point connus des Romains sous Romulus. Les jours leur étaient tous indifférents, et leur année composée de dix mois selon quelques-uns, ou de douze selon d'autres, bien loin d'avoir aucune distinction certaine pour les jours, n'en avait pas même pour les saisons, puisqu'il devait arriver nécessairement plutôt ou plutard que les grandes chaleurs se fissent quelquefois sentir au milieu de Mars, et qu'il gelât à glace au milieu de Juin : en un mot Romulus était mieux instruit dans le métier de la guerre, que dans la science des astres.

Tout changea sous Numa : ce prince établit un ordre constant dans les choses. Après s'être concilié l'autorité, que la grandeur de son mérite et la fiction de son commerce avec les dieux pouvaient lui attirer, il fit plusieurs règlements, tant pour la religion, que pour la politique ; mais avant tout, il ajusta son année de douze mois au cours et aux phases de la Lune ; et des jours qui composaient chaque mois, il destina les uns aux affaires, et les autres au repos. Les premiers furent appelés dies fasti, les derniers dies nefasti ; comme qui dirait jours permis, et jours défendus. Voilà la première origine des fastes.

Il parait que le dessein de Numa fut seulement d'empêcher qu'on ne put quand on voudrait, convoquer les tribus et les curies, pour établir de nouvelles lais, ou pour faire de nouveaux magistrats ; mais par une pratique constamment observée depuis ce prince jusqu'à l'empereur Auguste, c'est-à-dire pendant l'espace d'environ 660 ans, ces jours permis et défendus, fasti et nefasti, furent entendus des Romains, aussi bien pour l'administration de la justice entre les particuliers, que pour le maniment des affaires entre les magistrats. Quoi qu'il en sait, Numa voulut faire sentir à ses peuples que l'observation régulière de ces jours permis et non-permis, était pour eux un point de religion, qu'ils ne pouvaient négliger sans crime : de-là vient que fas et nefas dans les bons auteurs, signifie ce qui est conforme ou contraire à la volonté des dieux.

On fit donc un livre où tous les mois de l'année, à commencer par Janvier, furent placés dans leur ordre, ainsi que les jours, avec la qualité que Numa leur avait assignée. Ce livre fut appelé fasti, du nom des principaux jours qu'il contenait. Dans le même livre se trouvait une autre division des jours nommés festi, prefesti, intercisi, auxquels furent ajoutés dans la suite, dies senatorii, dies comitiales, dies praeliares, dies fausti, dies atri, c'est-à-dire des jours destinés au culte religieux des divinités, au travail manuel des hommes, des jours partagés entre les uns et les autres, des jours indiqués pour les assemblées du sénat, des jours pour l'élection des magistrats, des jours propres à livrer bataille, des jours marqués par quelque heureux événement, ou par quelque calamité publique. Mais toutes ces différentes espèces se trouvaient dans la première subdivision de dies fasti et nefasti.

Cette division des jours étant un point de religion, Numa en déposa le livre entre les mains des pontifes, lesquels jouissant d'une autorité souveraine dans les choses qui n'avaient point été réglées par le monarque, pouvaient ajouter aux fêtes ce qu'ils jugeaient à-propos : mais quand ils voulaient apporter quelque changement à ce qui avait été une fois établi et confirmé par un long usage, il fallait que leur projet fût autorisé par un decret du sénat ; par exemple, le 15 de devant les ides du mois Sextilis, c'est-à-dire le 17 de Juin, était un jour de fête et de réjouissance dans Rome ; mais la perte déplorable des 300 Fabius auprès du fleuve de Crémera l'an de Rome 276, et la défaite honteuse de l'armée romaine auprès du fleuve Allia par les Gaulois l'an 372, firent convertir ce jour de fête en jour de tristesse.

Les pontifes furent déclarés les dépositaires uniques et perpétuels des fastes ; et ce privilège de posséder le livre des fastes à l'exclusion des toutes autres personnes, leur donna une autorité singulière. Ils pouvaient sous prétexte des fastes ou néfastes, avancer ou reculer le jugement des affaires les plus importantes, et traverser les desseins les mieux concertés des magistrats et des particuliers. Enfin, comme il y avait parmi les Romains des fêtes et des féries fixées à certains jours, il y en avait aussi dont le jour dépendait uniquement de la volonté des pontifes.

S'il est vrai que le contenu du livre des fastes était fort resserré quand il fut déposé entre les mains des prêtres de la religion, il n'est pas moins vrai que de jour en jour les fastes devinrent plus étendus. Ce ne fut plus dans la suite des temps un simple calendrier, ce fut un journal immense de divers événements que le hasard ou le cours ordinaire des choses produisait. S'il s'élevait une nouvelle guerre, si le peuple romain gagnait ou perdait une bataille ; si quelque magistrat recevait un honneur extraordinaire, comme le triomphe ou le privilège de faire la dédicace d'un temple ; si l'on instituait quelque fête ; en un mot quelque nouveauté, quelque singularité qu'il put arriver dans l'état en matière de politique et de religion, tout s'écrivit dans les fastes, qui par-là devinrent les mémoires les plus fidèles, sur lesquels on composa l'histoire de Rome. Voyez, dans les mém. de l'acad. des B. L. le discours savant et élégant de M. l'abbé Sallier, sur les monuments historiq. des Romains.

Mais les pontifes qui disposaient des fastes, ne les communiquaient pas à tout le monde ; ce qui désespérait ceux qui n'étaient pas de leurs amis, ou pontifes eux-mêmes, et qui travaillaient à l'histoire du peuple romain. Cependant cette autorité des pontifes dura environ 400 ans, pendant lesquels ils triomphèrent de la patience des particuliers, des magistrats, et sur tout des prêteurs, qui ne pouvaient que sous leur bon plaisir marquer aux parties les jours qu'ils pourraient leur faire droit.

Enfin l'an de Rome 450, sous le consulat de Publius Sulpitius Averrion, et de Publius Sempronius Sophus, les pontifes eurent le déplaisir de se voir enlever ce précieux trésor, qui jusqu'alors les avait rendus si fiers. Un certain Cneius Flavius trouva le moyen de transcrire de leurs livres la partie des fastes qui concernait la jurisprudence romaine, et de s'en faire un mérite auprès du peuple, qui le récompensa par l'emploi d'édîle curule : alors pour donner un nouveau lustre à son premier bienfait, il fit graver pendant son édilité ces mêmes fastes sur une colonne d'airain, dans la place même où la justice se rendait.

Dès que les fastes de Numa furent rendus publics, on y joignit de nouveaux détails sur les dieux, la religion, et les magistrats ; ensuite on y mit les empereurs, le jour de leur naissance, leurs charges, les jours qui leur étaient consacrés, les fêtes et les sacrifices établis à leur honneur, ou pour leur prospérité : c'est ainsi que la flatterie changea et corrompit les fastes de l'état. On alla même jusqu'à nommer ces derniers, grands fastes, pour les distinguer des fastes purement calendaires, qu'on appela petits fastes.

Pour ce qui regarde les fastes rustiques, on sait qu'ils ne marquaient que les fêtes des gens de la campagne, qui étaient en moindre nombre que celles des habitants des villes ; les cérémonies des calendes, des nones, et des ides ; les signes du zodiaque, les dieux tutélaires de chaque mois, l'accroissement ou le décroissement des jours, etc. ainsi c'était proprement des espèces d'almanacs rustiques, assez semblables à ceux que nous appelons almanacs du berger, du laboureur, &c.

Enfin il arriva qu'on donna le nom de fastes à des registres de moindre importance.

1°. A de simples éphémerides, où l'année était distribuée en diverses parties, suivant le cours du soleil et des planètes : ainsi ce que les Grecs appelaient , fut appelé par les Latins calendarium et fasti. C'est pour cette raison qu'Ovide nomme fastes, son ouvrage qui contient les causes historiques ou fabuleuses de toutes les fêtes qu'il attribue à chaque mois, le lever et le coucher de chaque constellation, etc. sujet sur lequel il a trouvé le moyen de répandre des fleurs d'une manière à faire regretter aux savants la perte des six derniers livres qu'il avait composés pour complete r son année.

2°. Toutes les histoires succinctes, où les faits étaient rangés suivant l'ordre des temps, s'appelèrent aussi fastes, fasti ; c'est pourquoi Servius et Porphyrion disent que fasti sunt annales dierum, et rerum indices.

3°. On nomma fastes, des registres publics où chaque année l'on marquait tout ce qui concernait la police particulière de Rome ; et ces années étaient distinguées par les noms des consuls. C'est pour cela qu'Horace dit à Lycé : " Vous vieillissez, Lycé ; la richesse des habits et des pierreries ne saurait vous ramener ces rapides années, qui se sont écoulées depuis le jour de votre naissance, dont la date n'est pas inconnue.

Tempora

Notis condita fastis.

Od. 13. liv. IV.

En effet dès qu'on savait sous quel consul Lycé était née, il était facîle de savoir son âge ; parce que l'on avait coutume d'inscrire dans les registres publics ceux qui naissaient et ceux qui mouraient : coutume fort ancienne, pour le dire en passant, puisque nous voyons Platon ordonner qu'elle soit exécutée dans les chapelles de chaque tribu. Liv. VI. des Rais.

Mais au lieu de poursuivre les abus d'un mot, je dois conseiller au lecteur de s'instruire des faits, c'est-à-dire d'étudier les meilleurs ouvrages qu'on a donnés sur les fastes des Romains ; car de tant de choses curieuses qu'ils contiennent, je n'ai pu jeter ici que quelques parcelles, écrivant dans une langue étrangère à l'érudition. On trouvera de grands détails dans les mémoires de l'académie des Belles-Lettres ; le dictionnaire de Rosinus, Ultraj. 1701, in -4. celui de Pitiscus, in-fol. et dans quelques auteurs hollandais, tels que Junius, Siccama, et surtout Pighius, qui méritent d'être nommés préférablement à d'autres.

Junius (Adrianus), né à Hoorn en 1511, et mort en 1575 de la douleur du pillage de sa bibliothèque par les Espagnols, a publié un livre sur les fastes sous le titre de fastorum calendarium, Basileae 1553, in -8°.

Siccama (Sibrand Tétard), Frison d'origine, a traité le même sujet en deux livres imprimés à Bollswert en 1599, in -4°.

Mais Pighius (Etienne Vinant), né à Campen en 1519, et mort en 1604, est un auteur tout autrement distingué dans ces matières. Après s'être instruit complete ment des antiquités romaines, par un long séjour sur les lieux, il se fit la plus haute réputation en publiant ses annales de la ville de Rome, et accrut sa célébrité par ses commentaires sur les fastes. Article de M(D.J.)

FASTES CONSULAIRES, (Littérature) c'est le nom que les modernes ont donné au catalogue ou à l'histoire chronologique de la suite des consuls et autres magistrats de Rome ; telle est la table des consuls, que Riccioli a inserée dans sa chronologie réformée, revue par le P. Pagi ; tel est encore, si l'on veut, le calendrier consulaire, fasti consulares, imprimé par Alméloveen avec de courtes notes. Mais, pour dire la vérité, c'est aux Italiens que nous sommes le plus redevables en ce genre : aussi ne peut-on se passer d'avoir les beaux ouvrages de Panvini, de Sigonius, et de quelques autres.

Onuphre Panvini, né à Vérone en 1529, et mort à Palerme en 1568, à l'âge de trente-neuf ans, nous a laissé d'excellents commentaires sur les fastes consulaires, divisés en quatre livres, et mis au jour à Vérone. Charles Sigonius, né à Modene en 1529, et mort en 1584, s'est tellement distingué par ses écrits sur les fastes consulaires, les triomphes, les magistrats romains, consuls, dictateurs, censeurs, etc. qu'il parait supérieur à tous les écrivains qui l'ont précédé. Cependant les curieux feront bien de joindre aux livres qu'on vient de citer, celui de Reland, Hollandais, sur les fastes consulaires, parce que ce petit ouvrage méthodique a été donné pour l'éclaircissement des Codes Justinien et Théodosien, et cet ouvrage manquait dans la république des Lettres.

Au reste, la connaissance des fastes consulaires intéresse les savants, parce que dans toute l'histoire d'Occident il y a peu d'époques plus sures que celles qui sont tirées des consuls, soit que l'on considère l'état de la république romaine avant Auguste, soit que l'on suive les révolutions de ce grand empire jusqu'au temps de l'empereur Justinien. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.