S. m. (Grammaire) meuble où l'on prend le repos pendant la nuit ; il est composé du chalit ou bois, de la paillasse, des matelats, du lit-de-plume, du traversin, des draps, des couvertures, du dossier, du ciel, des pentes, des rideaux, des bonnes-graces, de la courte-pointe, du couvre-pié, etc.

LIT, (Jurisprudence) se prend en droit pour le mariage ; on dit les enfants du premier, du second lit, etc. Lit se prend aussi quelquefois pour cohabitation ; c'est pourquoi la séparation des corps est appelée dans les canons separatio à toro. Voyez MARIAGE et SEPARATION. (A)

LIT DE JUSTICE, (Jurisprudence) ce terme pris dans le sens littéral signifie le trône où le roi est assis lorsqu'il siège solennellement en son parlement.

Anciennement lorsque les parlements ou assemblées de la nation se tenaient en pleine campagne, le roi y siégeait sur un trône d'or, comme il est dit dans Sigebert et Aimoin ; mais depuis que le parlement a tenu ses séances dans l'intérieur d'un palais, on a substitué à ce trône d'or un dais et des coussins ; et comme dans l'ancien langage un siège couvert d'un dais se nommait un lit, on a appelé lit de justice le trône où le roi siège au parlement ; cinq coussins forment le siège de ce lit ; le roi est assis sur l'un ; un autre tient lieu de dossier ; deux autres servent comme de bras, et soutiennent les coudes du monarque ; le cinquième est sous ses pieds. Charles V. renouvella cet ornement ; dans la suite Louis XII. le fit refaire à neuf, et l'on croit que c'est encore le même qui subsiste présentement.

On entend aussi par lit de justice une séance solennelle du roi au parlement, pour y délibérer sur les affaires importantes de son état.

Toute séance du roi en son parlement, n'était pas qualifiée de lit de justice ; car anciennement les rois honoraient souvent le parlement de leur présence, sans y venir avec l'appareil d'un lit de justice : ils assistaient au plaidoyer et au conseil ; cela fut fréquent sous Philippes-le-Bel et ses trois fils, et depuis sous Charles V. Charles VI et Louis XII.

On ne qualifie donc de lit de justice que les séances solennelles où le roi est assis dans son lit de justice ; et ces assemblées ne se tiennent, comme on l'a dit, que pour des affaires d'état.

Anciennement le lit de justice était aussi qualifié de trône royal, comme on le peut voir dans du Tillet : présentement on ne se sert plus que du terme de lit de justice, pour désigner le siège où le roi est assis dans ces séances solennelles, et aussi pour désigner la séance même.

Les lits de justice ont succédé à ces anciennes assemblées générales qui se tenaient autrefois au mois de Mars, et depuis au mois de Mai, et que l'on nommait champ de Mars ou de Mai, et qui furent dans la suite nommées placités généraux, cours plenières, plein parlement, grand conseil.

M. Talon, dans un discours qu'il fit en un lit de justice tenu en 1649, dit que ces séances n'avaient commencé qu'en 1369, lorsqu'il fut question d'y faire le procès à Edouard, prince de Galles, fils du roi d'Angleterre ; que ces séances étaient alors désirées des peuples, parce que les rois n'y venaient que pour délibérer avec leur parlement de quelques affaires importantes à leur état, soit qu'il fût question de déclarer la guerre aux ennemis de la couronne, soit qu'il fût à-propos de conclure la paix pour le soulagement des peuples.

Je trouve néanmoins qu'il est déjà parlé du lit de justice du roi, dans une ordonnance de Philippes-le Long, du 17 Novembre 1318. Cette ordonnance veut d'abord que, le jour que le roi viendra à Paris, pour ouir les causes qu'il aura réservées, le parlement cessera toutes autres affaires.

Un autre article porte que, quand le roi viendra au parlement, le parc sera tout uni, et qu'on laissera vide toute la place qui est devant son siege, afin qu'il puisse parler secrétement à ceux qu'il appellera.

Enfin il est dit que personne ne partira de son siege, et ne viendra s'asseoir de lez le lit du roi ; les chambellans exceptés, et que nul ne vienne se conseiller à lui, s'il ne l'appele.

La même chose est rappelée dans un règlement fait par le parlement en 1344.

Le 21 Mai 1375, le roi Charles V. assista au parlement, à l'enregistrement de l'édit du mois d'Aout précédent, sur la majorité des rois de France : il est dit que cette loi fut publiée au parlement du roi, en sa présence, de par lui, tenant sa justice en sondit parlement, en sa magnificence ou majesté royale : l'on trouve différents arrêts où la présence du roi est énoncée à-peu-près dans les mêmes termes. A ce lit de justice assistèrent le dauphin, fils ainé du roi, le duc d'Anjou, frère du roi, le patriarche d'Alexandrie, 4 archevêques, 7 évêques, 6 abbés, le recteur et plusieurs membres de l'université de Paris, le chancelier de France, 4 princes du sang, plusieurs comtes et seigneurs, le prevôt des marchands, et les échevins de la ville de Paris, plusieurs autres gens sages et notables, et une grande affluence de peuple.

Il y eut un semblable lit de justice tenu par Charles VI. en 1386, et un autre en 1392, lequel, dans l'arrêt d'enregistrement, est appelé lectum justitiae.

Du Tillet fait mention d'un autre lit de justice tenu le 10 Avril 1396, pour la grâce de messire Pierre de Craon, où étaient les princes du sang, messire Pierre de Navarre, le fils du duc de Bourbonnais, le comte de la Marche, le connétable, le chancelier, le sire d'Albret, les deux maréchaux, l'amiral, plusieurs autres seigneurs, l'archevêque de Lyon, les évêques de Laon, de Noyon, de Paris, et de Poitiers ; les présidents du parlement, les maîtres des requêtes, messieurs des enquêtes, et les gens du roi.

L'ordonnance du même prince, du 26 Décembre 1407, portant que quand le roi décédera avant que son fils ainé soit majeur, le royaume ne sera point gouverné par un régent, mais au nom du nouveau roi, par un conseil dans lequel les affaires seraient décidées à la pluralité des voix, fut lue publiquement et à haute voix, en la grand'chambre, où était dressé le lit de justice, présents le roi de Sicile, les ducs de Guienne, de Berry, de Bourbonnais et de Bavière ; les comtes de Mortaing, de Nevers, d'Alençon, de Clermont, de Vendôme, de Saint-Pol, de Tancanille, et plusieurs autres comtes, barons, et seigneurs du sang royal et autres, le connétable, plusieurs archevêques et évêques, grand nombre d'abbés et autres gens d'église, le grand-maître d'hôtel, le premier et les autres présidents du parlement, le premier et plusieurs autres chambellans, grande quantité de chevaliers et autres nobles, de conseillers tant du grand-conseil et du parlement, que de la chambre des comptes, des requêtes de l'hôtel, des enquêtes et requêtes du palais, des aides, du trésor et autres officiers et gens de justice, et d'autres notables personnages en grande multitude.

Juvenal des Ursins, dans son histoire de Charles VI. en parlant de cette cérémonie, dit qu'il y eut une manière de lit de justice, etc. C'est apparemment à cause que le roi était fort infirme d'esprit, qu'il regardait ce lit de justice comme n'en ayant que la forme et non l'autorité.

Il y en eut un autre en 1413, sous la faction du duc de Bourgogne, et ce fut alors que la voie d'autorité commença d'être introduite dans ces sortes de séances où les suffrages étaient auparavant libres ; cependant le 5 Septembre de la même année il y eut un autre lit de justice, où l'on déclara nul tout ce qui avait été fait dans le précédent, comme fait sans autorité dû., et forme gardée, sans aviser et lire les lettres au roi et en son conseil, ni être avisé par la cour de parlement.

On tint un lit de justice en 1458, à Vendôme, pour le procès de M. d'Alençon.

Français I. tint souvent son lit de justice : il y en eut jusqu'à 4 dans une année, savoir, les 24, 26, 27 Juillet, et 16 Décembre 1527.

Dans le dernier siècle il y en eut un le 18 Mai 1643, pour la régence ; un en 1654, pour le procès de M. le prince ; un en 1663, pour la réception de plusieurs pairs ; il y en eut encore d'autres, pour des édits bursaux.

Ceux qui ont été tenus sous ce règne, sont des années 1715, 1718, 1723, 1725, 1730, 1732, et 1756.

Lorsque le roi vient au parlement, le grand maître vient avertir lorsqu'il est à la Sainte-Chapelle, et quatre présidens-à-mortier, avec six conseillers laïcs, et deux clercs, vont le recevoir, et saluer au nom de la compagnie ; ils le conduisent en la grand'chambre, les présidents marchent à ses côtés, des conseillers derrière lui, le premier huissier entre les deux huissiers-massiers du roi.

Le dais et lit de justice du roi est placé dans l'angle de la grand'chambre ; sur les hauts siéges, à la droite du roi, sont les princes du sang, les pairs laïcs ; au bout du dernier banc se met le gouverneur de Paris.

A sa gauche aux hauts sieges sont les pairs ecclésiastiques, et les maréchaux de France venus avec le roi.

Aux pieds du roi est le grand-chambellan.

A droite sur un tabouret, au bas des degrés du siège royal, le grand écuyer de France, portant au col l'épée de parement du roi.

A gauche sur un banc, au dessous des pairs ecclésiastiques, sont les quatre capitaines des gardes du corps du roi, et le commandant des cent-suisses de la garde.

Plus bas, sur le petit degré par lequel on descend dans le parquet, est assis le prevôt de Paris, tenant un bâton blanc en sa main.

En une chaire à bras couverte de l'extrémité du tapis de velours violet semé de fleurs-de-lis, servant de drap de pied au roi, au lieu où est le greffier en chef aux audiences publiques, se met présentement M. le chancelier lorsqu'il arrive avec le roi, ou à son défaut M. le garde des sceaux.

Sur le banc ordinaire des présidents à mortier, lorsqu'ils sont au conseil, sont le premier président et les autres présidents à mortier revêtus de leur épitoge. Avant François I. M. le chancelier se plaçait aussi sur ce banc au-dessus du premier président ; il s'y place même encore, lorsqu'il arrive avant le roi, et jusqu'à son arrivée qu'il Ve se mettre aux pieds du trône. On tient que ce fut le chancelier du Prat qui introduisit pour lui cette distinction de siéger seul, il le fit en 1527 ; cependant en cette même année, et encore en 1536, on retrouve le chancelier sur le banc des présidents.

Sur les trois bancs ordinaires, couverts de fleurs-de-lis, formant l'enceinte du parquet, et sur le banc du premier et du second barreau du côté de la cheminée, sont les conseillers d'honneur, les quatre maîtres des requêtes en robe rouge, les conseillers de la grand'chambre, les présidents des enquêtes et requêtes, tous en robe rouge, de même que les autres conseillers au parlement.

Dans le parquet, sur deux tabourets, au-devant de la chaire de M. le chancelier, sont le grand maître et le maître des cérémonies.

Dans le même parquet, à genoux devant le roi, deux huissiers-massiers du roi, tenant leurs masses d'argent doré, et six hérauts d'armes.

A droite sur deux bancs couverts de tapis de fleurs-de-lis, les conseillers d'état, et les maîtres des requêtes venus avec M. le chancelier, en robe de satin noir.

Sur un banc en entrant dans le parquet, sont les quatre secrétaires d'état.

Sur trois autres bancs à gauche dans le parquet, vis-à-vis les conseillers d'état, sont les chevaliers et officiers de l'ordre du Saint-Esprit, les gouverneurs et lieutenans généraux de provinces, et les baillis d'épée que le roi amène à sa suite.

Sur un siège à-part, le bailli du palais.

A côté de la forme où sont les secrétaires d'état, le greffier en chef revêtu de son épitoge, un bureau devant lui couvert des fleurs-de-lys, à sa gauche l'un des principaux commis au greffe de la cour, servant en la grand'chambre, en robe noire, un bureau devant lui.

Sur une forme derrière eux, les quatre secrétaires de la cour.

Sur une autre forme derrière les secrétaires d'état, le grand prevôt de l'hôtel, le premier écuyer du roi, et quelques autres principaux officiers de la maison du roi.

Le premier huissier est en robe rouge, assis en sa chaire à l'entrée du parquet.

En leurs places ordinaires, les chambres assemblées au bout du premier barreau, jusqu'à la lanterne du côté de la cheminée ; avec les conseillers de la grand'chambre, et les présidents des enquêtes et requêtes, sont les trois avocats du roi, et le procureur général placé après le premier d'entr'eux.

Dans le surplus des barreaux, des deux côtés, et sur quatre bancs que l'on ajoute derrière le dernier barreau du côté de la cheminée, se mettent les conseillers des enquêtes et requêtes, qui sont tous en robe rouge.

Lorsque le roi est assis et couvert, le chancelier commande par son ordre, que l'on prenne séance ; ensuite le roi ayant ôté et remis son chapeau, prend la parole.

Anciennement le roi proposait souvent lui-même les matières sur lesquelles il s'agissait de délibérer. Henri III. le faisait presque toujours ; mais plus ordinairement le roi ne dit que quelques mots, et c'est le chancelier, ou, à son défaut, le garde des sceaux, lorsqu'il y en a un, qui propose.

Lorsque le roi a cessé de parler, le chancelier monte vers lui, s'agenouille pour recevoir ses ordres ; puis étant descendu, remis en sa place, assis et couvert, et après avoir dit que le roi permet que l'on se couvre, il fait un discours sur ce qui fait l'objet de la séance, et invite les gens du roi à prendre les conclusions qu'ils croiront convenables pour l'intérêt du roi et le bien de l'état.

Le premier président, tous les présidents et conseillers mettent un genouil en terre, et le chancelier leur ayant dit, le roi ordonne que vous vous leviez, ils se lèvent et restent debout et découverts ; le premier président parle ; et son discours fini, le chancelier monte vers le roi, prend ses ordres le genouil en terre ; et descendu et remis en sa place, il dit que l'intention du roi est que l'on fasse la lecture des lettres dont il s'agit ; puis s'adressant au greffier en chef, ou au secrétaire de la cour qui, en son absence, fait ses fonctions, il lui ordonne de lire les pièces ; ce que le greffier fait étant debout et découvert.

La lecture finie, les gens du roi se mettent à genoux, M. le chancelier leur dit que le roi leur ordonne de se lever ; ils se lèvent, et restent debout et découverts, le premier avocat général porte la parole, et requiert selon l'exigence des cas.

Ensuite M. le chancelier remonte vers le roi et le genouil en terre, prend ses ordres, ou, comme on disait autrefois, son avis, et Ve aux opinions à messieurs les princes et aux pairs laïcs ; puis revient passer devant le roi, et lui fait une profonde révérence, et Ve aux opinions aux pairs ecclésiastiques et maréchaux de France.

Puis descendant dans le parquet, il prend les opinions de messieurs les présidents (autrefois il prenait leur avis après celui du roi ;) ensuite il Ve à ceux qui sont sur les bancs et formes du parquet, et qui ont voix délibérative en la cour et dans les barreaux laïcs, et prend l'avis des conseillers des enquêtes et requêtes.

Chacun opine à voix basse, à moins d'avoir obtenu du roi la permission de parler à haute voix.

Enfin, après avoir remonté vers le roi et étant redescendu, remis en sa place, assis et couvert, il prononce : le roi en son lit de justice a ordonné et ordonne qu'il sera procédé à l'enregistrement des lettres sur lesquelles on a délibéré ; et à la fin de l'arrêt il est dit, fait en Parlement le roi y séant en son lit de justice.

Anciennement le chancelier prenait deux fois les opinions : il les demandait d'abord de sa place, et chacun opinait à haute voix ; c'est pourquoi lorsque le conseil s'ouvrait, il ne demeurait en la chambre que ceux qui avaient droit d'y opiner ; on en faisait sortir tous les autres, et les prélats eux-mêmes, quoiqu'ils eussent accompagné le roi, ils ne rentraient que lors de la prononciation de l'arrêt ; cela se pratiquait encore sous François I. et sous Henri II. comme on le voit par les registres de 1514, 1516, 1521, 1527. On croit que c'est du temps d'Henri II. que l'on a cessé d'opiner à haute voix ; cela s'est pourtant encore pratiqué trois fois sous Louis XIV. savoir en 1643, en 1654 et 1663.

Présentement, comme on opine à voix basse, ceux qui ont quelque chose de particulier à dire, le disent tout haut.

Après la résolution prise, on ouvrait les portes de la grand'chambre au public, pour entendre la prononciation de l'arrêt. C'est ainsi que l'on en usa en 1610 et en 1643, et même encore en 1725. Après l'ouverture des portes, le greffier faisait une nouvelle lecture des lettres qu'il s'agissait d'enregistrer ; les gens du roi donnaient de nouveau leurs conclusions, qu'ils faisaient précéder d'un discours destiné à instruire le public des motifs qui avaient déterminé ; ensuite le chancelier reprenait les avis pour la forme, mais à voix basse, allant de rang en rang, comme on le fait à l'audience au parlement lorsqu'il s'agit de prononcer un délibéré, et ensuite il prononçait l'arrêt.

Présentement, soit qu'on ouvre les portes, ou que l'on opine à huit clos, M. le chancelier ne Ve aux opinions qu'une seule fais.

La séance finie, le roi sort dans le même ordre qu'il est entré. On a Ve des lits de justice tenus au château des Tuileries, tels que ceux du 26 Aout 1718, d'autres tenus à Versailles, comme ceux des 3 Septembre 1732, et 21 Aout 1756. Il y en eut un en 1720 au grand conseil, où les princes et les pairs assistèrent. Nos rois ont aussi tenu quelquefois leur lit de justice dans d'autres parlements ; François I. tint le sien à Rouen en 1517, il y fut accompagné du chancelier du Prat et de quelques officiers de sa cour. Charles IX. y en tint aussi un, pour déclarer sa majorité.

Sur les lits de justice, voyez le traité de la majorité des rois ; les mémoires de M. Talon, tome III. p. 329. son discours au roi en 1648, et ceux qui furent faits par les premiers présidents et avocats généraux aux lits de justice tenus en 1586, 1610, 1715, et les derniers procès-verbaux. (A)

LIT des Romains, (Histoire romaine) lectus cubicularis, Cic. couche sur laquelle ils se reposaient ou dormaient. Elle passa du premier degré d'austérité au plus haut point de luxe ; nous en allons parcourir l'histoire en deux mots.

Tant que les Romains conservèrent leur genre de vie dur et austère, ils couchaient simplement sur la paille, ou sur des feuilles d'arbres séches, et n'avaient pour couverture que quelques peaux de bêtes, qui leur servaient aussi de matelats. Dans les beaux jours de la république, ils s'écartaient peu de cette simplicité ; et pour ne pas dormir sous de riches lambris, leur sommeil n'en était ni moins profond, ni moins plein de délices. Mais bientôt l'exemple des peuples qu'ils soumirent, joint à l'opulence qu'ils commencèrent à goûter, les porta à se procurer les commodités de la vie, et consécutivement les raffinements de la mollesse. A la paille, aux feuilles d'arbres séches, aux peaux de bêtes, aux couvertures faites de leurs taisons, succédèrent des matelats de la laine de Milet, et des lits de plumes du duvet le plus fin. Non-contens de bois de lits d'ébene, de cedre et de citronnier, ils les firent enrichir de marqueterie, ou de figures en relief. Enfin ils en eurent d'ivoire et d'argent massif, avec des couvertures fines, teintes de pourpre, et rehaussées d'or.

Au reste, leurs lits, tels que les marbres antiques nous les représentent, étaient faits à-peu-près comme nos lits de repos, mais avec un dos qui régnait le long d'un côté, et qui de l'autre s'étendait aux pieds et à la tête, n'étant ouverts que par-devant. Ces lits n'avaient point d'impériale, ni de rideaux, et ils étaient si élevés, qu'on n'y pouvait monter sans quelque espèce de gradins.

LIT DE TABLE, lectus triclinaris, (Littérature) lit sur lequel les anciens se mettaient pour prendre leur repas dans les salles à manger.

Ils ne s'asseyaient pas comme nous pour manger, ils se couchaient sur des lits plus ou moins semblables à nos lits de salle, dont l'usage peut nous être resté de l'antiquité. Leur corps était élevé sur le coude gauche, afin d'avoir la liberté de manger de la main droite, et leur dos était soutenu par derrière avec des traversins, quand ils voulaient se reposer.

Cependant la manière dont les Romains étaient à table, n'a pas toujours été la même dans tous les temps, mais elle a toujours paru digne de la curiosité des gens de lettres, &, si je l'ose dire, je me suis mis du nombre.

Avant la seconde guerre punique, les Romains s'asseyaient sur de simples bancs de bois, à l'exemple des héros d'Homère, ou, pour parler comme Varron, à l'exemple des Crétais et des Lacédémoniens ; car, dans toute l'Asie, on mangeait couché sur des lits.

Scipion l'Africain fut la première cause innocente du changement qui se fit à cet égard. Il avait apporté de Carthage de ces petits lits, qu'on a longtemps appelés punicani, afriquains. Ces lits étaient fort bas, d'un bois assez commun, rembourrés seulement de paille ou de foin, et couverts de peaux de chèvre ou de mouton.

Un tourneur ou menuisier de Rome, nommé Archias, les imita, et les fit un peu plus propres ; ils prirent le nom de lits archiaques. Comme ils tenaient peu de place, les gens d'une condition médiocre n'en avaient encore point d'autres sous le siècle d'Auguste. Horace lui-même s'en servait à son petit couvert ; je le prouve par le premier vers de l'épitre Ve du liv. VII. car c'est ainsi qu'il faut lire ce vers :

Si potes Archiacis conviva recumbere lectis.

" Si vous voulez bien, mon cher Torquatus, accepter un repas frugal, où nous serons couchés sur des lits bourgeois ".

Il est certain qu'il y avait peu de différence pour la délicatesse entre les lits africains, apportés à Rome par Scipion, et les anciens bancs dont on se servait auparavant. Mais l'usage de se baigner chez soi, qui s'établissait dans ce temps-là et qui affoiblit insensiblement le corps, fit que les hommes au sortir du bain se jetaient volontiers sur des lits pour se reposer, et qu'ils trouvèrent commode de ne pas quitter ces lits pour manger. Ensuite la mode vint que celui qui priait à souper, fit la galanterie du bain à ses conviés ; c'est pourquoi on observait en bâtissant les maisons de placer la salle des bains proche de celle où l'on mangeait.

D'un autre côté, la coutume de manger couchés sur des lits prit faveur par l'établissement de dresser pour les dieux des lits dans leurs temples aux jours de leur fête et du festin public qui l'accompagnait ; la remarque est de Tite-Live, Décad. liv. I. ch. j. Il n'y avait presque que la fête d'Hercule où l'on ne mettait point de lits autour de ses tables, mais seulement des sieges, suivant l'ancien usage : ce qui fait dire à Virgile, quand il en parle, haec sacris sedes epulis. Tous les autres dieux furent traités plus délicatement. On peut voir encore aujourd'hui la figure des lits dressés dans leurs temples sur des bas-reliefs et des médailles antiques. Il y en a deux représentations dans Spanheim, l'une pour la déesse Salus, qui donne à manger à un serpent ; l'autre, au revers d'une médaille de la jeune Faustine.

Comme les dames romaines, à la différence des dames grecques, mangeaient avec les hommes, elles ne crurent pas d'abord qu'il fût de la modestie d'être couchées à table, elles se tinrent assises sur les lits tant que dura la république ; mais elles perdirent avec les mœurs la gloire de cette constance, et depuis les premiers césars, jusques vers l'an 320 de l'ère chrétienne, elles adoptèrent et suivirent sans scrupule la coutume des hommes.

Pour ce qui regarde les jeunes gens qui n'avaient point encore la robe virile, on les retint plus longtemps sous l'ancienne discipline. Lorsqu'on les admettait à table, ils y étaient assis sur le bord du lit de leurs plus proches parents. Jamais, dit Suétone, les jeunes césars, Caius et Lucius, ne mangèrent à la table d'Auguste, qu'ils ne fussent assis in imo loco, au bas bout.

La belle manière de traiter chez les Romains, était de n'avoir que trois lits autour d'une table, un côté demeurant vide pour le service. Un de ces trois lits était au milieu, et les deux autres à chaque bout ; d'où vint le nom de triclinium, donné également à la table et à la salle à manger.

Il n'y avait guère de place sur les plus grands lits, que pour quatre personnes ; les Romains n'aimaient pas être plus de douze à une même table, et le nombre qui leur plaisait davantage, était le nombre impair de trois, de sept ou de neuf : leurs lits ordinaires ne contenaient que trois personnes. Le maître de la maison se plaçait sur le lit à droite au bout de la table, d'où voyant l'arrangement du service, il pouvait plus facilement donner des ordres à ses domestiques ; il réservait une place au-dessus de lui pour un des conviés, et une au-dessous pour sa femme ou quelque parent.

Le lit le plus honorable était celui du milieu ; ensuite venait celui du bout à gauche : celui du bout à droite était censé le moindre. L'ordre pour la première place sur chaque lit, requérait de n'avoir personne au-dessus de soi ; et la place la plus distinguée était la dernière sur le lit du milieu : on l'appelait la place consulaire, parce qu'effectivement on la donnait toujours à un consul quand il allait manger chez quelque ami. L'avantage de cette place consistait à être la plus libre pour sortir du repas, et la plus accessible à ceux qui surviendraient pour lui parler d'affaire ; car les Romains, quoiqu'à table, ne se départaient jamais de remplir les fonctions de leurs charges.

Horace, dans une de ses satyres, l. II. sat. 8, nous instruit qu'on mettait la table sous un dais quand on traitait un grand seigneur, comme Mécène ; et Macrobe décrivant un repas des pontifes, dit, pour en exprimer la magnificence, qu'il n'y avait que dix conviés, et que cependant on mangeait dans deux salles. C'était par le même principe de magnificence, qu'il y avait une salle à cent lits, dans la célèbre fête d'Antiochus Epiphanès, décrite par Elien.

La somptuosité particulière des lits de table consistait 1°. dans l'ébene, le cedre, l'ivoire, l'or, l'argent, et autres matières précieuses dont ils étaient faits ou enrichis ; 2°. dans les superbes couvertures de diverses couleurs, brodées d'or et de pourpre ; 3°. enfin dans les trépiés d'or et d'argent.

Pline, l. XXXIII. c. XIe remarque qu'il n'était pas extraordinaire sous Auguste, de voir les lits de table entièrement couverts de lames d'argent, garnis des matelats les plus mollets, et des courtepointes les plus riches. Du temps de Seneque, ils étaient communément revêtus de lames d'or, d'argent ou d'électrum, métal d'or allié avec l'argent. Cette mode passa de l'Orient à Rome, comme il parait par la pompe triomphale de Lucullus, dont Plutarque nous a laissé la description.

Aulugelle se plaignant du luxe des Romains en lits d'or, d'argent, et de pourpre, ajoute qu'ils donnaient aux hommes dans leurs festins, des lits plus magnifiques qu'aux dieux mêmes ; cependant un docteur de l'Eglise, en parlant des lits des dieux, dit : dii vestri tricliniis coelestibus, atque in chalcidicis aureis coenitant. En effet, un auteur grec fait mention d'un lit des dieux, qui était tout d'or dans l'île de Pandere. Que devait-ce être des lits des hommes, s'ils les surpassaient encore !

Ciaconius qui a épuisé ce sujet dans sa dissertation de triclinio, vous en instruira. Il vous apprendra le degré de somptuosité où l'on porta la diversité de ces lits, suivant les saisons ; car il y en avait d'été et d'hiver. Il vous indiquera la matière de ces divers lits, le choix des étoffes et de la pourpre ; enfin leur perfection en broderie. Pour moi j'aime mieux ne vous citer que ce seul vers d'Ovide, qui peint l'ancienne pauvreté romaine : " Les lits de nos pères n'étaient garnis que d'herbes et de feuilles, il n'appartenait qu'aux riches de les garnir de peaux, "

Qui pelles poterat addere, dives erat.

La mode donna à ces lits depuis deux pieds jusqu'à quatre pieds de hauteur ; elle en changea perpétuellement la forme et les contours. On en fit en long, en ovale, en forme de croissant ; et ensuite on les releva un peu sur le bout qui était proche de la table, afin qu'on fût appuyé plus commodément en mangeant. On les fit aussi plus ou moins grands, non seulement pour être à son aise, mais encore afin que chaque lit put tenir au besoin, sans se gêner, quatre ou cinq personnes ; d'où vient qu'Horace dit, Sat. IVe l. I. Ve 86 : " Vous voyez souvent quatre personnes sur chacun des trois lits qui entourent une table ".

Saepè tribus lectis videas caenare quaternos.

Plutarque nous apprend que César après ses triomphes, traita le peuple romain à vingt-deux mille tables à trois lits. Comme il est vraisemblable que le peuple ne se fit point de scrupule de se presser pour un ami, et de se mettre quelquefois quatre, il en résulte qu'il y avait au-moins deux cent mille personnes à ces vingt mille tables, aux dépens de César : lisez au mot LARGESSE ce que j'ai dit de l'argent qu'il avait employé pour se faire des créatures.

Puisque dans les repas publics on faisait manger le peuple romain sur des lits, l'on ne doit pas s'étonner de voir cet usage établi en Italie sous le règne de Néron, jusque parmi les laboureurs : Columelle leur en fait le reproche, et ne le leur permet qu'aux jours de fêtes.

Quant aux tables autour desquelles les lits étaient rangés, c'est assez d'observer ici, que de la plus grande simplicité, on les porta en peu de temps à la plus grande richesse. Les convives y venaient prendre place à la sortie du bain, revêtus d'une robe qui ne servait qu'aux repas, et qu'on appelait vestis coenatoria, vestis convivalis. C'était encore le maître de la maison qui fournissait aux conviés ces robes de festins qu'ils quittaient après le repas.

Nous avons des estampes qui nous représentent ces robes, ces tables, ces lits, et la manière dont les Romains étaient assis dessus pour manger, mais je ne sais si, dans plusieurs de ces estampes, l'imagination des artistes n'a pas suppléé aux monuments : du-moins il s'y trouve bien des choses difficiles à concilier. Il vaut donc mieux s'en tenir aux seules idées qu'on peut s'en former par la lecture des auteurs contemporains, et par la vue de quelques bas-reliefs, qui nous en ont conservé des représentations incomplete s.

Dans l'un de ces bas-reliefs on voit une femme à table, couchée sur un des lits, et un homme près d'elle, qui se prépare à s'y placer quand on lui aura ôté ses souliers : on sait que la propreté voulait qu'on les ôtât dans cette occasion. La femme parait couchée un peu de côté, et appuyée sur le coude gauche, ayant pour tout habillement une tunique sans manche, avec une draperie qui l'enveloppe au-dessus de la ceinture jusqu'en bas. Elle a pour coiffure une espèce de bourse où sont ses cheveux, et qui se ferme autour de la tête.

La Planche XIV. du tome I. des peintures antiques d'Herculanum, représente aussi la fin d'un souper domestique de deux personnes seulement, assises sur un même lit. La table est ronde ; il y a dessus trois vases et quelques fleurs, et le plancher en est tout couvert. Je crains que cette estampe ne soit l'unique parmi les richesses d'Herculanum, puisque les éditeurs ne nous en ont point annoncé d'autres pour les tomes suivants. S'il y en avait par hasard, elles me fourniraient un supplément à cet article. (D.J.)

LIT NUPTIAL, lectus genialis, (Antiquité romaine) Lit préparé par les mains de l'Hymen. C'était un lit qu'on dressait exprès chez les Romains pour la nouvelle mariée, dans la salle située à l'entrée de la maison, et qui était décorée des images des ancêtres de l'époux. Le lit nuptial était toujours placé dans cette salle, parce que c'était le lieu où la nouvelle épouse devait dans la suite se tenir ordinairement pour filer et faire des étoffes.

On avait un grand respect pour ce lit ; on le gardait toujours pendant la vie de la femme, pour laquelle il avait été dressé ; et si le mari se remariait, il devait en faire tendre un autre. C'est pourquoi Cicéron traita en orateur, de crime atroce, l'action de la mère de Cluentius, qui devenue éperduement éprise de son gendre, l'épousa, et se fit tendre le même lit nuptial, qu'elle avait dressé deux ans auparavant pour sa propre fille, et dont elle la chassa.

Properce appelle le lit de nôces, adversum lectum, parce qu'on le mettait vis-à-vis de la porte. Il s'appelait genialis, parce qu'on le consacrait au génie, le dieu de la nature, et celui-là même qui présidait à la naissance des hommes. (D.J.)

LITS, (Chimie) en parlant des minéraux et des fossiles, signifie certains strata ou certaines couches de matières arrangées les unes sur les autres. Voyez COUCHE, VEINE, STRATIFIER, CEMENT.

LIT, (Hydraulique) on dit un lit de pierre, de marne, de craie, de glaise. Ce terme explique parfaitement leur situation horizontale, et leur peu d'épaisseur : on dit encore le lit d'une rivière, d'un canal, d'un réservoir, pour parler de son plafond. (K)

LIT DE MAREE, (Marine) endroit de la mer où il y a un courant assez rapide.

Lit du vent, nom qu'on donne aux lignes ou directions par lesquelles le vent souffle.

LIT, en Architecture, se dit de la situation naturelle d'une pierre dans la carrière.

On appelle lit tendre, celui de dessus, et lit dur, celui de dessous.

Les lits de pierre sont appelés par Vitruve, cubicula.

Lit de voussoir et de claveau, c'en est le côté caché dans les joints.

Lit en joint, c'est lorsqu'une pierre, au lieu d'être posée sur son lit, est posée sur son champ, et que le lit forme un joint à plomb. Voyez DELIT.

Lit de pont de bois ; c'en est le plancher, composé de poutrelles, et de travons avec son ponchis.

Lit de canal ou de réservoir ; c'en est le fond de sable, de glaise, de pavé, ou de ciment et de caillou.

LIT, (Coupe des pierres) par analogie au lit sur lequel on se couche, se dit 1°. de la situation naturelle de la pierre dans la carrière, qui est telle, que presque toujours les feuillets de la pierre sont parallèles à l'horizon d'où ils ont pris le nom de lits ; 2°. de la surface sur laquelle on pose une pierre. La surface qui reçoit une autre pierre, laquelle regarde toujours vers le ciel supérieur, s'appelle lit de dessus. La surface par laquelle une pierre s'appuie sur une autre, et qui regarde toujours la terre ou le ciel inférieur, s'appelle lit de dessous. Lorsque les surfaces sont inclinées à l'horizon, comme dans les voussoirs ou claveaux, on les appelle lits en joint. Voyez JOINT.

LIT, en terme de Cirier ; c'est un matelat couvert de drap et d'une couverte, entre lesquels on met les cierges jetés refroidir ou étuver, pour les rendre plus maniables.

LIT, (Jardinage) on dit un lit de terre, un lit de fumier ; c'est une certaine largeur, une épaisseur de terre ou de fumier, entremêlés l'un dans l'autre, ou bien c'est un lit de sable, un lit de fruits, tels que ceux que l'on pratique dans les manequins, pour conserver les glands et les chataignes pendant l'hiver.

Dans les fouilles des terres, on trouve encore différents lits, un lit de tuf, un lit de craie, de marne, de sable, de crayon, de caillou, de coquilles appelés coquillart, de glaise et autres.

LIT, MALLE, MUEE, ou BOUILLON DE POISSON, (Pêche) c'est ainsi que les pêcheurs de l'amirauté des sables d'Olone, appellent les troupes de poissons qui viennent ranger la côte dans certaines saisons.

LIT SOUS PLINTHE, terme de Sculpture. Le sculpteur dit faire un lit sous plinthe, pour exprimer le premier trait de scie qu'il fait donner à l'un des bouts d'un bloc de marbre, pour en former l'assise, base ou plinthe. Voyez PLINTHE.