S. m. (Grammaire) transport de sa personne d'un lieu où l'on est dans un autre assez éloigné. On fait le voyage d'Italie. On fait un voyage à Paris. Il faut tous faire une fois le grand voyage. Allez avant le temps de votre départ déposer dans votre tombeau la provision de votre voyage.

VOYAGE, (Commerce) les allées et les venues d'un mercenaire qui transporte des meubles, du blé, et autres choses. On dit qu'il a fait dix voyages, vingt voyages.

VOYAGE, (Education) les grands hommes de l'antiquité ont jugé qu'il n'y avait de meilleure école de la vie que celle des voyages ; école où l'on apprend la diversité de tant d'autres vies, où l'on trouve sans cesse quelque nouvelle leçon dans ce grand livre du monde ; et où le changement d'air avec l'exercice sont profitables au corps et à l'esprit.

Les beaux génies de la Grèce et de Rome en firent leur étude, et y employaient plusieurs années. Diodore de Sicîle met à la tête de sa liste des voyageurs illustres, Homère, Lycurgue, Solon, Pythagore, Démocrite, Eudoxe et Platon. Strabon nous apprend qu'on montra longtemps en Egypte le logis où ces deux derniers demeurèrent ensemble pour profiter de la conversation des prêtres de cette contrée, qui possédaient seuls les sciences contemplatives.

Aristote voyagea, avec son disciple Alexandre, dans toute la Perse, et dans une partie de l'Asie jusques chez les Bracmanes. Cicéron met Xénocrates, Crantor, Arcesilas, Carnéade, Panétius, Clitomaque, Philon, Possidonius, etc. au rang des hommes célèbres qui illustrèrent leur patrie par les lumières qu'ils avaient acquises en visitant les pays étrangers.

Aujourd'hui les voyages dans les états policés de l'Europe (car il ne s'agit point ici des voyages de long cours), sont au jugement des personnes éclairées, une partie des plus importantes de l'éducation dans la jeunesse, et une partie de l'expérience dans les vieillards. Choses égales, toute nation où règne la bonté du gouvernement, et dont la noblesse et les gens aisés voyagent, a des grands avantages sur celle où cette branche de l'éducation n'a pas lieu. Les voyages étendent l'esprit, l'élèvent, l'enrichissent de connaissances, et le guérissent des préjugés nationaux. C'est un genre d'étude auquel on ne supplée point par les livres, et par le rapport d'autrui ; il faut soi-même juger des hommes, des lieux, et des objets.

Ainsi le principal but qu'on doit se proposer dans ses voyages, est sans contredit d'examiner les mœurs, les coutumes, le génie des autres nations, leur goût dominant, leurs arts, leurs sciences, leurs manufactures et leur commerce.

Ces sortes d'observations faites avec intelligence, et exactement recueillies de père en fils, fournissent les plus grandes lumières sur le fort et le faible des peuples, les changements en bien ou mal qui sont arrivés dans le même pays au bout d'une génération, par le commerce, par les lois, par la guerre, par la paix, par les richesses, par la pauvreté, ou par de nouveaux gouverneurs.

Il est en particulier un pays au-delà des Alpes, qui mérite la curiosité de tous ceux dont l'éducation a été cultivée par les lettres. A peine est-on aux confins de la Gaule sur le chemin de Rimini à Cesene, qu'on trouve gravé sur le marbre, ce célèbre sénatus-consulte qui dévouait aux dieux infernaux, et déclarait sacrilege et parricide quiconque avec une armée, avec une légion, avec une cohorte passerait le Rubicon, aujourd'hui nommé Pisatello. C'est au bord de ce fleuve ou de ce ruisseau, que César s'arrêta quelque temps, et là la liberté prête à expirer sous l'effort de ses armes, lui couta encore quelques remords. Si je diffère à passer le Rubicon, dit-il à ses principaux officiers, je suis perdu, et si je le passe, que je vais faire de malheureux ! Ensuite après y avoir réflechi quelques moments, il se jette dans la petite rivière, et la traverse en s'écriant (comme il arrive dans les entreprises hazardeuses) : n'y songeons plus, le sort est jeté. Il arrive à Rimini, s'empare de l'Umbrie, de l'Etrurie, de Rome, monte sur le trône, et y périt bientôt après par une mort tragique.

Je sais que l'Italie moderne n'offre aux curieux que les débris de cette Italie si fameuse autrefois ; mais ces débris sont toujours dignes de nos regards. Les antiquités en tout genre, les chefs-d'œuvres des beaux arts s'y trouvent encore rassemblés en foule, et c'est une nation savante et spirituelle qui les possède ; en un mot, on ne se lasse jamais de voir et de considerer les merveilles que Rome renferme dans son sein.

Cependant le principal n'est pas, comme dit Montagne, " de mesurer combien de pieds a la santa Rotonda, et combien le visage de Néron de quelques vieilles ruines, est plus grand que celui de quelques médailles ; mais l'important est de frotter, et limer votre cervelle contre celle d'autrui ". C'est ici surtout que vous avez lieu de comparer les temps anciens avec les modernes, " et de fixer votre esprit sur ces grands changements qui ont rendu les âges si différents des âges, et les villes de ce beau pays autrefois si peuplées, maintenant désertes, et qui semblent ne subsister, que pour marquer les lieux où étaient ces cités puissantes, dont l'histoire a tant parlé. " (D.J.)

VOYAGES DE LONG COURS. (Marine) On appelle ainsi les grands voyages de mer, que quelques marins fixent à 1000 lieues.

VOYAGE, (Jurisprudence) est un droit que l'on alloue dans la taxe des dépens à celui qui a plaidé hors du lieu de son domicile, et qui a obtenu gain de cause avec dépens, pour les voyages qu'il a été obligé de faire, soit pour charger un procureur, soit pour produire ses pièces, soit pour faire juger l'affaire.

On joint quelquefois les termes de voyages et séjours, quoiqu'ils aient chacun leur objet différent. Ces voyages sont ce qui est alloué pour aller et venir ; les séjours sont ce qui s'est alloué pour le séjour que la partie a été obligée de faire.

Ces voyages ne doivent être alloués qu'autant qu'ils ont été véritablement faits, et que l'on en fait apercevoir par un acte d'affirmation fait au greffe.

La femme peut venir pour son mari, et le mari pour sa femme ; les enfants âgés de 20 ans pour leurs père et mère, et le gendre pour son beau-pere, en affirmant par eux leur voyage au greffe.

Voyez le règlement de 1665 pour la taxe des dépens, et celui du 10 Avril 1691 sur les voyages et séjours. (A)