S. m. (Grammaire) il se dit de la conformité d'une chose à une autre ; ce sont des qualités communes qui forment le rapport des caractères entr'eux : ce sont des circonstances communes qui forment le rapport d'un fait avec un autre, et ainsi des autres objets de comparaison à l'infini. Il y a des rapports de convenance, de disconvenance, de similitude, de différence ; mais en général on n'attache guère à ce mot que les idées de convenance et de similitude.

RAPPORT VICIEUX, (Grammaire) Un rapport est vicieux, quand un mot se rapporte à un autre auquel il ne devrait point se rapporter ; exemples : de quoi les juges n'étant pas d'avis, on dépêcha à l'empereur pour savoir le sien. D'avis étant indéfini, le sien ne devrait pas s'y rapporter. S'il y avait dans cet exemple : les juges dirent leur avis, et on dépêcha à l'empereur pour savoir le sien, cela serait régulier, et le sien se rapporterait bien à leur avis.

Disons la même chose des deux exemples suivants : 1°. Il n'est pas d'humeur à faire plaisir, et la mienne est bienfaisante ; 2°. Que j'ai de joie de vous revoir ! la vôtre n'en approche point. Si l'on avait dit, son humeur n'est pas de faire plaisir ; que ma joie est grande de vous revoir ! on aurait pu ajouter régulièrement, la mienne est bienfaisante, la vôtre n'en approche point, en opposant la mienne à son humeur, et la vôtre à ma joie.

Voici quelques autres exemples : Pour ce qui est des malheureux, nous les secourons avec un plaisir secret ; il est comme le prix qui nous paie en quelque façon du soulagement que nous leur donnons. Il ne se rapporte pas bien à plaisir secret, il fallait mettre qui, nous les secourons avec un plaisir secret, qui est comme le prix, &c.

Mettez-moi en repos là-dessus ; car cela a troublé le mien. Ce rapport de le mien à repos, n'est pas régulier : si la cour de Rome me laissait en repos, je ne troublerais celui de personne ; il serait mieux de dire, si la cour de Rome ne troublait pas mon repos, je ne troublerais celui de personne.

On doit éviter de faire rapporter un mot à ce qui est dit de la chose, au lieu de le faire rapporter à la chose même dont on parle principalement ; exemple : il faut que la conversation soit le plus agréable bien de la vie, mais il faut qu'il ait ses bornes. Il fallait mettre elle au lieu de il, faisant rapporter ce pronom à conservation, et non pas à bien.

On ne doute point que les livres de piété ne soient utiles à un grand nombre de personnes, et que trouvant dans cette lecture, etc. trouvant ne saurait se rapporter correctement à personnes, parce que personnes est au génitif, et trouvant au nominatif.

Le rapport vicieux est un défaut où on tombe souvent sans y penser ; et l'auteur est moins capable de s'en apercevoir que le censeur éclairé auquel il communique son ouvrage, et qui le lit froidement

RAPPORT, en Géométrie et en Arithmétique, c'est le résultat de la comparaison de deux quantités l'une avec l'autre, relativement à leur grandeur. On se sert aussi du mot raison, et même plus communément, surtout lorsque ce mot est joint à un adjectif, comme raison directe, raison inverse, raison doublée, etc. Voyez RAISON.

L'égalité de deux rapports forme ce qu'on appelle une proportion. Voyez PROPORTION. (E)

RAPPORT ou AFFINITE, (Chimie) les Chymistes entendent par ces mots l'aptitude de certaines substances à s'unir chymiquement à certaines autres substances. Par exemple, ils disent de l'acide et de l'alkali, qui sont capables de contracter l'union chymique, qu'ils ont entr'eux du rapport ou de l'affinité. Mais ils emploient pourtant très-rarement cette expression au positif, c'est-à-dire, pour désigner une propriété absolue : cette aptitude à s'unir considérée absolument, est ordinairement exprimée par les mots de solubilité ou de miscibilité ; et ces expressions d'affinité et de rapport sont consacrés à exprimer les differents degrés d'énergie de cette aptitude, de cette pente à s'unir. On dit, par exemple, que l'acide et l'alkali sont solubles l'un par l'autre, ou qu'ils sont miscibles (voyez MISCIBILITE), et que l'alkali fixe a plus de rapport ou d'affinité avec l'acide que l'alkali volatil.

Les divers degrés de rapport s'estiment entre deux substances par la faculté qu'a l'une de ces substances de précipiter l'autre. Voyez PRECIPITATION. Ainsi, dans l'exemple allégué, l'alkali fixe est dit avoir plus de rapport avec l'acide que l'alkali volatil, parce que si on applique l'alkali fixe à un corps formé par l'union de l'acide et de l'alkali volatil, l'alkali fixe dégage l'alkali volatil, et s'unit à l'acide en sa place. Il est essentiel de se ressouvenir de cette signification propre de ces expressions : plus grand rapport, plus de rapport, etc. car sans cela, on pourrait facilement être trompé par la considération de la facilité avec laquelle certaine substance s'unit à telle substance, et de la difficulté avec laquelle elle s'unit à telle autre ; en pensant que le plus grand rapport se trouve avec la plus grande facilité, et réciproquement. Car cette circonstance ne fait rien du tout au degré d'affinité, puisque tel corps qui s'unit à un autre avec la plus grande facilité, est ensuite précipité par un troisième, qui n'avait pas même la faculté de s'unir immédiatement avec celui de la société duquel il le dégage ou précipite. Par exemple, l'acide marin ne s'unit point immédiatement au mercure ni à l'argent, du-moins dans les procédés ordinaires, et l'acide nitreux s'unit, avec la plus grande facilité, à l'une et à l'autre de ces substances métalliques : cependant l'acide marin appliqué au composé formé par l'union de l'acide nitreux et de l'argent, ou du même acide et du mercure, en précipite l'acide nitreux ; c'est pourquoi on dit de l'acide marin qu'il a plus de rapport avec le mercure, et avec l'argent, que l'acide nitreux.

La table des rapports ou affinités, dressée par Geoffroy l'ainé, qui est gravée dans les planches de Chimie (voyez ces Planches), est une suite de systèmes ou séries de divers sujets chymiques disposés entre eux, selon les degrés de leur affinité. Chaque colomne de cette table, prise verticalement, contient un de ces systèmes. Le caractère qui occupe la case supérieure de chaque colomne représente la substance chymique avec laquelle toutes les substances représentées dans les cases inférieures ont divers degrés de rapport. La substance de la case inférieure est celle qui a le moindre rapport, celle qui la suit immédiatement en a davantage, et ainsi de suite, jusqu'à celle de la case que suit immédiatement la case supérieure. D'où il s'ensuit que, si on unit ensemble la substance de la case supérieure, et celle de la case inférieure, toutes les substances intermédiaires sont capables de précipiter la substance de la case inférieure ; et que si l'on procede par ordre elles se précipiteront toutes successivement jusqu'à ce qu'on soit parvenu à celle qui a le plus grand rapport connu. Prenons pour exemple la première colomne de la table de Geoffroy : l'acide uni à une substance métallique est précipité par la terre absorbante, par l'alkali volatil, et par l'alkali fixe ; la terre absorbante unie à l'acide est précipitée par l'alkali volatil, et par l'alkali fixe, et enfin l'alkali volatil uni à l'acide est précipité par l'alkali fixe.

La table des affinités de Geoffroy fut exposée dès sa publication à plusieurs objections, la plupart très-légitimes, et auxquelles l'auteur ne donne que des solutions insuffisantes. Plusieurs chymistes ont fait depuis plusieurs corrections et des augmentations considérables à cette table. Mais ces corrections et ces augmentations n'ont pas été rédigées encore : cette table immense d'affinités, qu'on a imprimée avec la pharmacopée de Quincy, est un monstre chymique. M. Jean-Philippe de Limbourg, médecin de Liège, en a présenté une à l'académie de Rouen, qui a remporté le prix proposé par cette compagnie, pour l'année 1758 : cette table est beaucoup plus étendue que celle de Geoffroy ; mais l'auteur n'a pas publié encore les expériences d'après lesquelles il l'a dressée. Ensorte que la table de Geoffroy, toute imparfaite qu'elle est, mérite seule jusqu'à présent d'être adoptée, au-moins comme modèle, comme germe ou noyau d'une meilleure, dont vraisemblablement l'art ne sera pas longtemps privé. Au reste, on trouvera dans les articles particuliers destinés aux différents sujets chymiques, plusieurs observations particulières sur leurs différents rapports, et ces observations quelquefois discutées contradictoirement avec les prétentions de Geoffroy. Voyez, par exemple, à l'article CHAUX Chimie.

Les Chymistes sagement circonspects, se gardent bien de théoriser sur le formel, le mécanisme, les causes de l'affinité chymique. Ils soupçonnent bien que la similitude ou l'identité de certains principes, de certaine surface, de certain côté dans les corps affinés, peut être le principe de cette singulière propriété : mais cette conjecture est exposée à des difficultés presqu'insurmontables. Car lorsqu'on en vient à la combinaison des principes primitifs, des éléments, la similitude ou l'identité d'une certaine surface, d'un certain côté manque absolument. De plus, il ne se fait point d'union chymique, comme nous l'avons exposé à l'art. MENSTRUE (voyez cet article), sans que les particules de chacun des corps que l'on mêle sous forme d'agrégé ou de masse, n'aient moins de rapport entr'elles qu'avec celles de l'autre corps. Or certes on ne saurait concevoir que difficilement (on résoudrait pourtant cette difficulté plutôt que la premiere), qu'il puisse y avoir dans les particules de chacun de ces deux agrégés que je suppose des corps composés, des surfaces ou côtés plus semblables, plus identiques à l'un des côtés des particules de l'autre agrégé, que les particules de chaque agrégé ne sont semblables, ne sont identiques entre elles. Il parait donc qu'il vaut mieux se contenter de l'expression vague et indéfinie (ces expressions sont si précieuses dans les sciences de fait) d'affinité ; et que M. Pott, qui, en employant le mot d'égalité ou d'identité, reproche aux François leur attachement pour celui d'affinité (Galli affinitatem loqui amant), leur fait un reproche peu philosophique. (b)

RAPPORT, (Histoire romaine) on nommait ainsi toute proposition qu'on faisait au sénat, pour qu'il en délibérât ; mais on observait beaucoup d'ordre et de règle au sujet des rapports qu'on avait à faire dans cette auguste assemblée.

Le magistrat devait faire son rapport au sénat, premièrement, sur les choses qui concernaient la religion, ensuite sur les autres affaires. Ce n'était pas seulement le magistrat qui avait assemblé le sénat qui pouvait y faire son rapport, tous ceux qui avaient droit de le convoquer jouissaient du même privilège. Aussi lisons-nous que divers magistrats ont, dans le même temps, proposé au sénat des choses différentes, mais le consul pouvait défendre de rien proposer au sénat sans son agrément ; ce qui ne doit pas néanmoins s'entendre des tribuns du peuple ; car non seulement ils pouvaient proposer malgré lui, mais encore changer et ajouter ce qu'ils voulaient aux propositions du consul : ils pouvaient même faire leur rapport, si le consul ne voulait pas s'en charger, ou prétendait s'y opposer. Ce droit était commun à tous ceux qui avaient une charge égale ou supérieure à celle du magistrat proposant ; cependant, lorsque le consul voyait que les esprits panchaient d'un côté, il pouvait, avant que chacun eut dit son sentiment, faire un discours à l'assemblée. Nous en avons un exemple dans la quatrième catilinaire, que Cicéron prononça avant que Caton eut dit son avis.

Après que la république eut perdu sa liberté, l'empereur, sans être consul, pouvait proposer une, deux et trois choses au sénat, et c'est ce qu'on appelait le droit de premier, de second et de troisième rapport. Si quelqu'un en opinant, embrassait plusieurs objets, tout sénateur pouvait lui dire de partager les matières, afin de les discuter séparément dans des rapports différents. L'art de celui qui proposait était de lier tellement deux affaires, qu'elles ne pussent se diviser.

Chacun des sénateurs avait aussi le droit, lorsque les consuls avaient proposé quelque chose, et que leur rang était venu pour opiner, de proposer tout ce qui leur paraissait avantageux à la république, et de demander que les consuls en fissent leur rapport à la compagnie, et ils le faisaient souvent, afin d'être assemblés tout le jour ; car après la dixième heure, on ne pouvait faire aucun nouveau rapport dans le sénat, ni aucun sénatus-consulte après le coucher du soleil. On disait son avis debout ; si quelqu'un s'opposait, le decret n'était point appelé sénatus-consulte, mais délibération du sénat, senatus auctoritas ; on en usait de même, lorsque le sénat n'était pas assemblé dans le lieu et dans le temps convenable, ou lorsque ni la convocation n'était légitime, ni le nombre compétent. En ce cas, on faisait le rapport au peuple. Au reste, le consul pouvait proposer ce qu'il jugeait à-propos, afin de le mettre en délibération dans l'assemblée ; c'était en quoi consistait sa principale autorité dans le sénat : et il se servait de cette formule, que ceux qui sont de cet avis passent de ce côté-là, et ceux qui sont d'un avis différent de ce côté-ci. Celui qui avait fait le rapport passait le premier.

Lorsque le sénatus-consulte était formé, ceux qui avaient proposé ce qui en était l'objet, et qui en étaient en quelque sorte les auteurs, mettaient leur nom au bas, et l'acte était déposé dans les archives, où l'on conservait le registre des lais, et tous les actes concernant les affaires de la république. Anciennement le dépôt public était dans le temple de Cérès, et les édiles en avaient la garde. C'était celui qui avait convoqué le sénat qui faisait finir la séance, et il usait de cette formule : pères conscrits, nous ne vous retenons pas davantage.

Les affaires dont on faisait le rapport au sénat étaient toutes celles qui concernaient l'administration de la république. Il n'y avait que la création des magistrats, la publication des lois et la délibération sur la guerre ou la paix, qui devaient absolument être portées devant le peuple. Voyez Denys d'Halicarnasse, liv. IV. ch. xx. et liv. VI. chapitre lxvj. (D.J.)

RAPPORT, (Barreau) exposé que fait un juge ou un commissaire, soit en pleine chambre, soit devant un comité, d'une affaire ou d'un procès par écrit qu'on lui a donné à voir et à examiner. Cette partie est d'un usage bien plus fréquent, et a beaucoup plus d'étendue que n'en a aujourd'hui l'éloquence éteinte du barreau ; puisqu'elle embrasse tous les emplois de la robe, et qu'elle a lieu dans toutes les cours souveraines et subalternes, dans toutes les compagnies, dans tous les bureaux, et dans toutes les commissions. Le succès de ces sortes d'actions attire autant de gloire qu'aucun plaidoyer, et il est d'un aussi grand secours pour la défense de la justice et de l'innocence. Comme on ne peut traiter ici cette matière que très-légèrement, je ne ferai qu'en indiquer les principes sans les approfondir.

Je sai que chaque compagnie, chaque juridiction a ses usages particuliers pour la manière de rapporter les procès ; mais le fond est le même pour toutes, et le style qu'on y emploie doit partout être le même. Il y a une sorte d'éloquence propre à ce genre de discours, qui consiste à parler avec clarté, avec précision, et avec élégance.

Le but que se propose un rapporteur est d'instruire les juges ses confrères, de l'affaire sur laquelle ils ont à prononcer avec lui. Il est chargé au nom de tous d'en faire l'examen. Il devient dans cette occasion, pour ainsi dire, l'oeil de la compagnie. Il lui prête et lui communique ses lumières et ses connaissances ; or pour le faire avec succès, il faut que la distribution méthodique de la matière qu'il entreprend de traiter, et l'ordre qu'il mettra dans les faits et dans les preuves, y répandent une si grande netteté, que tous puissent sans peine et sans effort, entendre l'affaire qu'on leur rapporte. Tout doit contribuer à cette clarté, les pensées, les expressions, les tours, et même la manière de prononcer, qui doit être distincte, tranquille et sans agitation.

J'ai ajouté qu'à la netteté il fallait y joindre de l'élégance, parce que souvent pour instruire, il faut plaire. Les juges sont hommes comme les autres, et quoique la vérité et la justice intéressent par elles-mêmes, il est bon d'y attacher encore plus fortement les auditeurs par quelque attrait. Les affaires, obscures pour l'ordinaire, et épineuses, causent de l'ennui et du dégout, si celui qui fait le rapport n'a soin de les assaisonner d'un sel pur et délicat, qui sans chercher à paraitre, se fasse sentir, et qui par une certaine grâce réveille et pique l'attention.

Les mouvements, qui sont ailleurs la plus grande force de l'éloquence, sont ici absolument interdits. Le rapporteur ne parle pas comme avocat, mais comme juge : en cette qualité, il tient quelque chose de la loi, qui tranquille et paisible se contente de démontrer la règle et le devoir ; et comme il lui est commandé d'être lui-même sans passions, il ne lui est pas permis non plus de songer à exciter celles des autres.

Cette manière de s'exprimer, qui n'est soutenue ni par le brillant des pensées et des expressions, ni par la hardiesse des figures, ni par le pathétique des mouvements, mais qui a un air aisé, simple, naturel, est la seule qui convienne aux rapports, et elle n'est pas si facîle qu'on se l'imagine.

J'appliquerais volontiers à l'éloquence du rapporteur ce que dit Cicéron de celle de Scaurus, laquelle n'était pas propre à la vivacité de la plaidoirie, mais convenait extrêmement à la gravité du sénateur, qui avait plus de solidité et de dignité que d'éclat et de pompe ; on y remarquait avec une prudence consommée, un fond merveilleux de bonne foi, qui entrainait la créance. Ici la réputation d'un juge fait partie de son éloquence, et l'idée qu'on a de sa probité, donne beaucoup de poids et d'autorité à son discours.

Ainsi l'on voit que pour réussir dans les rapports, il faut s'attacher à bien étudier le premier genre d'éloquence, qui est le simple, en bien prendre le caractère et le gout, et s'en proposer les plus parfaits modèles, être très-réservé et très-sobre à faire usage du second genre, qui est l'orné et le tempéré, n'en emprunter que quelques traits et quelques agréments, avec une sage circonspection, dans des occasions rares ; mais s'interdire très-sévèrement le troisième style, qui est le sublime.

Si les exercices des collèges étaient habilement dirigés, ils pourraient servir beaucoup aux jeunes gens, pour les former à la manière de bien faire un rapport. Après l'explication d'une harangue de Cicéron, apprendre de bonne heure l'art d'en rendre compte, d'en exposer toutes les parties, d'en distinguer les différentes preuves, et d'en marquer le fort ou le faible, serait un excellent apprentissage. On peut l'étendre à toutes sortes de sciences, et c'est un des moyens des plus utiles pour rendre un compte judicieux de bouche ou par écrit, de toutes sortes d'ouvrages. Un journaliste est un rapporteur des ouvrages des autres ; la bonté et la fidélité de son rapport font son mérite. (D.J.)

RAPPORT, (Jurisprudence) ce terme s'applique à différents actes.

Rapport d'ajournement, voyez Rapport d'exploit.

Rapport d'un appointement, c'est l'exposition du fait et des moyens d'une instance appointée, que le rapporteur fait aux autres juges. Voyez APPOINTEMENT, APPOINTE A METTRE, INSTANCE, PROCES, DELIBERE.

Rapport d'assignation, voyez Rapport d'exploit.

Rapport à la barre de la cour, voyez ci-après rapport de cause.

Rapport de cause, c'est le récit qu'un huissier fait à la cour, qu'il a appelé à la barre de la cour une telle partie et son procureur. Cela se pratique dans les causes qui sont au rôle, lorsqu'une partie demande un défaut à tour de rôle contre le défaillant. Celui qui préside avant d'accorder le défaut, dit : faites appeler et rapporter : alors on donne à l'huissier le sac ou dossier pour appeler le défaillant ; l'huissier Ve à la barre extérieure de la cour, c'est-à-dire hors de la chambre, et appelle à haute voix le défaillant et son procureur. Il vient ensuite à la barre de la cour ou entrée du parquet, fait son rapport, en disant qu'il a appelé un tel et son procureur. Après quoi le président prononce : la cour, après que la cause a été appelée et rapportée sur le rôle, a donné défaut, &c.

Rapport en Chirurgie, voyez ci-après RAPPORT de médecins et chirurgiens.

Rapport de clerc ou de greffier, c'est l'analyse qu'un greffier fait d'un compte qu'il a examiné. Il en est parlé dans la coutume de Hainault, ch. lxviij.

Rapport et dénombrement, c'est l'aveu ou déclaration que le vassal ou cottier est tenu de donner à son seigneur féodal ou censuel. Voyez les coutumes de Saint-Pol, Bourbonnais et Artais ; Bouthillier, en sa somme rurale, liv. I. ch. lxxxxj.

Rapport d'un délibéré, est l'exposition qu'un juge fait aux autres des faits et moyens d'une cause sur laquelle on a ordonné un délibéré sur les pièces. Voyez DELIBERE.

Rapport d'enquête, est la remise de la minute d'un procès-verbal d'enquête qui est faite au greffe et en la juridiction du juge de la cause, par l'enquêteur ou commissaire, pour le fait des enquêtes qui ont été ordonnées. Voyez le gloss. de Laurière, au mot rapport, et l'ordonnance de 1667, titre XXII. des enquêtes, art. 25.

Rapport en essence, ou en espèce, voyez ci-après Rapport à succession.

Rapport d'experts, est le procès-verbal dans lequel des experts font la relation de ce qu'ils ont Ve et observé, et où ils donnent leur avis. Voyez le mot EXPERT.

Rapport d'explait, c'était la relation que l'huissier ou sergent faisait au juge de l'ajournement qu'il avait donné. Le demandeur allait devant le juge, et lui présentait sa requête ; le juge donnait commission à l'huissier pour assigner, et celui-ci après avoir ajourné en faisait son rapport verbal au juge. Ce rapport verbal de l'explait se pratique encore dans les cas où les assignations verbales sont autorisées ; telles que celles données par les sergens verdiers et les sergens dangereux, par les messiers, par les gardes-chasses dans les plaisirs du roi. Voyez ASSIGNATION et AJOURNEMENT.

En quelques lieux, comme à la Rochelle, on appelle encore l'explait le rapport de l'assignation, parce qu'en effet cet explait est le procès-verbal et le rapport de ce que l'huissier a fait près du défendeur, avec cette différence que ce rapport est par écrit, au lieu qu'anciennement il n'était que verbal.

Rapport ex post facto, est un rapport à succession qui n'a pas été fait dans le temps du partage, et qui se fait après-coup, à cause d'un événement qui a fait cumuler à l'héritier des qualités incompatibles. Voyez ci-après RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport de garde-chasses, de garde d'eaux et forêts, de messiers, etc. est un procès-verbal fait par ces sortes de préposés, des délits qu'ils ont trouvés dans leur district. Voyez GARDE-CHASSE, GARDE DES EAUX ET FORETS, etc.

Rapport d'huissier ou sergent, voyez ci-devant Rapport d'explait.

Rapport et hypothèque d'héritage, est une déclaration que l'on fait en justice de celui auquel l'héritage doit appartenir après le décès de celui qui en est actuellement possesseur, et ce pour la sûreté de quelque dette ; ce que la coutume de Lille appelle hostigement. Voyez la coutume de Cambray, et le gloss. de Laurière, au mot rapport.

Rapport de jurés est la même chose que rapport d'experts. Les jurés sont ici des experts ; on les appelle jurés, parce qu'ils prêtent serment à justice. On pourrait aussi quelquefois entendre par ces termes rapport de jurés, les procès-verbaux que les jurés de quelque communauté font lors de leurs visites ; mais c'est le commissaire ou l'huissier dont ils sont assistés qui fait le procès-verbal, et l'on ne se sert pas ordinairement du terme de rapport pour designer cet acte.

Rapport en justice se dit de la représentation que quelqu'un est obligé de faire de certaines pièces devant le juge.

Rapport pour la légitime, est un rapport que les derniers donataires sont obligés de faire en faveur des enfants qui n'ont pas leur légitime. Ce rapport se fait jusqu'à concurrence de la légitime, et suivant l'ordre des donations, en épuisant d'abord la dernière, et remontant successivement aux autres. Voyez DONATION, LEGITIME, RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport de main pleine dans la coutume d'Orléans, c'est lorsque l'on garnit la main de justice d'effets suffisans pour répondre de l'objet de la saisie, afin d'avoir la main-levée de ce qui était saisi. Ce terme est usité dans certaines coutumes, comme Orléans, article 438, Montargis, ch. XVIIIe article 2 ; le gloss. de Laurière, au mot rapport.

Rapport de maître écrivain est un rapport ou procès-verbal qui se fait par un maître écrivain nommé par justice à l'effet de vérifier quelque écriture ou signature. Voyez COMPARAISON D'ECRITURE, ÉCRITURE, ÉCRIVAIN, EXPERT.

Rapport de matrônes est le procès-verbal que font les sages-femmes nommées par justice à l'effet de visiter quelque femme, fille ou enfant, et de reconnaître son état. Voyez MATRONE et SAGE-FEMME.

Rapport à la masse est la remise que l'on fait à la masse d'une succession, des effets que l'on a reçus en avancement d'hoirie. Voyez RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport de médecins et chirurgiens, est le procès-verbal que des médecins et chirurgiens font ensemble ou séparément de l'état d'un malade, ou d'un cadavre, ou de quelque autre chose dont la connaissance est de leur état. Voyez les principes de jurisprudence sur les visites de médecins ; par M. Prevost, avocat, et les mots MEDECINS et CHIRURGIENS.

Rapport en moins prenant, est un rapport fictif qui se fait à la masse d'une succession, sans y remettre réellement l'effet que l'on rapporte, mais seulement en précomptant sur sa part ce que l'on a reçu. Voyez RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport en mont commun se dit en Flandre pour rapport à la masse d'une succession. Voyez l'institution au droit belgique de Ghawiet, p. 247.

Rapport de montrée et vue dans la coutume de Bretagne, signifie le rapport des experts qui ont visité un héritage ou quelqu'autre objet.

Rapport en nature est la même chose que rapport en espèce ou en essence, à la différence du rapport qui se fait en précomptant ou moins prenant. Voyez ci-devant rapport en espèce, et ci-après RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport à partage est la remise effective que l'on fait d'un bien à la masse, ou le compte que l'on en tient à la succession. Voyez RAPPORT A SUCCESSION.

Rapport de pièces est la représentation que l'on fait de pièces que l'on doit communiquer ou remettre à quelqu'un.

Rapport de procès est l'exposition que l'un des juges qui a été nommé rapporteur, fait aux autres juges, des procédures et pièces d'une instance ou procès. Voyez ci-après RAPPORTEUR.

Rapport de sergent est la relation qu'un sergent fait dans un explait ou procès-verbal. Voyez l'édit de François I. en 1539, article 9 ; les coutumes de Bourbonnais, Poitou, et autres, et le gloss. de Laurière, au mot rapport.

Rapport solennel. Quelques coutumes appellent ainsi le procès-verbal qui est fait devant les gens de loi, pour la dessaisine ou le devêt qui est fait par le possesseur et propriétaire d'un immeuble, à l'effet qu'un autre qui l'a acquis de lui en soit vêtu et saisi. Voyez la coutume de Cambray, titre V. article premier, et Pinault des Jaunaux sur cet article. (A)

RAPPORT A SUCCESSION est la remise réelle ou fictive qu'un héritier fait à la masse, de quelque effet qu'il avait reçu en avancement d'hoirie, pour être mis en partage.

Le rapport à la succession, à la masse ou au partage, n'est qu'une seule et même chose.

L'obligation de rapport a pour objet de maintenir l'égalité entre les héritiers.

Cependant cette loi si équitable n'a pas toujours été pratiquée de même, et n'est pas encore par-tout uniforme.

Suivant la loi des douze tables, le rapport n'avait point encore lieu : il ne fut introduit que par le droit prétorien, à l'occasion des enfants émancipés ; ceux-ci conservaient ce qu'ils avaient acquis, au lieu que les acquisitions faites par les enfants étant en la puissance du père, faisaient partie de sa succession, et conséquemment les enfants émancipés y avaient leur part. Le préteur, pour rendre la condition de tous les enfants égale, obligea les enfants émancipés qui viendraient à la succession du père, avec ceux qui seraient en sa puissance, de rapporter leurs acquisitions. C'est la disposition de la loi première, au digeste de collationibus.

Mais les enfants émancipés n'étaient obligés à ce rapport que quand les enfants étant en la puissance du père auraient été lésés sans rapport : de sorte qu'il n'avait pas lieu entre deux émancipés, quoique partagés inégalement, ni entre deux enfants étant en la puissance du père.

C'était encore un point de l'ancien droit, que l'enfant émancipé ne laissait pas d'être tenu au rapport, quoique l'enfant étant en la puissance du père vint à la succession à un titre différent, comme si l'émancipé demandait la possession des biens contra tabulas, et que l'autre enfant institué héritier se tint à cette qualité.

Les dots des filles n'étaient pas non plus sujettes à rapport, mais elles y furent assujetties par un édit de l'empereur Antonin le pieux, inséré en la loi première, au digeste de collat. dotis.

L'empereur Léon ordonna la même chose pour la donation à cause de noces.

Par le dernier droit, tous les enfants qui se portent héritiers, ou qui obtiennent la possession des biens, sont obligés au rapport, soit que les émancipés viennent entr'eux, soit qu'ils viennent avec d'autres enfants qui sont sous la puissance du père, soit que le partage se fasse entre des enfants qui soient tous sous la puissance du père ; mais l'enfant émancipé ne rapporte plus que les biens profectices, et non les biens adventices, si ce n'est quant à l'usufruit ; le père ne gagnant plus que l'usufruit de ces biens adventices sur les enfants qui sont en sa puissance.

Enfin par l'ancien droit, le rapport ne se faisait que dans les successions ab intestat, et non entre les enfants héritiers institués, à-moins que le père ne l'eut ordonné par son testament, parce que le rapport ne se fait point entre étrangers, et que les enfants institués héritiers succédaient comme des étrangers ; mais par la novelle 18. les enfants rapportent toujours, soit qu'ils viennent ab intestat, ou en vertu du testament, à-moins que le père n'ait expressément défendu le rapport, ou qu'on ne puisse induire le prélegs des termes du testament.

Pour ce qui est des coutumes, leur disposition n'est pas uniforme sur cette matière.

Quelques-unes, comme celles de Nivernais, Bourbonnais et Berry, permettent au père de défendre le rapport : de sorte que dans ces coutumes quand la donation est faite entre-vifs, par préciput et avec dispense de rapport, le donataire ne laisse pas de venir à la succession sans rapporter.

D'autres coutumes, comme celle de Laon, portent que le rapport ne peut être défendu.

Dans les coutumes qu'on appelle coutumes d'égalité parfaite, telles qu'Anjou et Maine, le renonçant même est obligé au rapport.

Enfin, il y a d'autres coutumes qui sont aussi d'égalité, mais non pas d'égalité parfaite, comme celle de Paris, où les enfants venans à succession sont obligés au rapport, quand même le père les en aurait dispensés par la donation. Mais dans ces coutumes l'enfant peut demeurer donataire entre-vifs, ou être légataire, quoiqu'il ait plus que sa part afférente ; il peut aussi demeurer donataire, et être légataire jusqu'à concurrence de ce qu'il est permis de disposer : le tout sauf la légitime des autres enfants.

Ainsi, les enfants qui ne viennent à la succession qu'en vertu d'un testament, ne sont point obligés de rapporter entr'eux, à-moins que ce ne fussent des enfants rappelés à la succession dans les cas où le rappel donne la qualité d'héritier. Voyez RAPPEL.

L'obligation de rapporter n'a lieu qu'en directe, et non en collatérale, si ce n'est dans quelques coutumes singulières, comme Chauny, Maine et Anjou ; le rapport n'est même dû que dans la ligne directe descendante ; les ascendants n'y sont point obligés.

Dans les cas où on succede par souches, et non par têtes, comme cela a toujours lieu en directe, le rapport se fait aussi par branches ; de manière que si dans une branche composée de plusieurs petits-fils, quelques-uns qui sont donataires entre-vifs renoncent à la succession, les autres se portent héritiers, ces derniers sont obligés de rapporter pour les renonçans ; ce qui parait un peu dur, puisqu'on leur fait rapporter ce qu'ils n'ont pas reçu ; mais aussi la part des renonçans accrait à leur profit, et ils doivent prendre le bénéfice avec les charges.

Les créanciers, le fisc, ni le seigneur haut-justicier qui succede par déshérence ou autrement, ne peuvent pas obliger au rapport, attendu qu'ils ne peuvent pas opposer l'incompatibilité des qualités d'héritier et de légataire ou donataire.

Tout ce qui s'impute sur la légitime est sujet à rapport : ainsi toute donation gratuite est sujette à rapport, sous quelque forme qu'elle soit faite. Ainsi, quand le père a fait à son fils une vente à vil prix, ou qu'il a payé pour lui le prix de quelque acquisition, qu'il a exercé pour lui un retrait, qu'il a fait des impenses et améliorations sur les biens de son fils, tout cela est sujet à rapport.

A l'égard des choses mobiliaires, le rapport peut en être fait en essence lorsqu'elles ne sont point diminuées par l'usage, comme des diamants et des perles ; que si elles sont anéanties ou détériorées, il faut en rapporter la valeur, eu égard au temps du partage.

Les pensions, aliments et entretien fournis aux enfants, ni les livres, et ce qui a été dépensé pour leur instruction et éducation, tout cela n'est point sujet à rapport, mais une bibliothèque le serait.

On ne rapporte pas non plus les habits nuptiaux, frais de noces, mais seulement le trousseau de la fille.

Les étrennes et petits présents, les deniers donnés au mineur qui les a dissipés, ceux même que le père a donnés au majeur pour le jeu, ne sont pas rapportables.

Les offices venaux, soit de judicature ou de finance, sont sujets à rapport, et à plus forte raison les offices domaniaux ; mais ceux de la maison du roi ne se rapportent pas, parce qu'ils sont considérés comme des grâces personnelles, et non comme des biens héréditaires.

On ne peut pas obliger l'enfant de rapporter l'office même, il suffit qu'il en rapporte le prix.

L'enfant est aussi obligé de rapporter ce qui a été dépensé pour lui donner un état, comme pour le faire promouvoir aux ordres, le faire recevoir docteur dans quelque faculté, ou avocat, ou pour le faire recevoir maître dans quelque métier.

Les rapports se font ou en précomptant et moins prenant, ou en rapportant en essence.

Les meubles et sommes de deniers se rapportent ordinairement en précomptant et moins prenant : à l'égard des terres, maisons et rentes, on les rapporte aussi quelquefois de même ; mais on peut obliger l'enfant de les rapporter en essence, afin que chacun y ait part, à moins que ces biens n'aient été aliéné par lui de bonne foi, auquel cas il n'est tenu de rapporter que l'estimation.

Les fruits ne se rapportent que du jour de l'ouverture de la succession.

Les effets du rapport sont, 1°. que l'effet qui est rapporté est censé faire partie de la succession du moment qu'elle est ouverte ; 2°. que si l'enfant qui rapporte ne conserve pas dans son lot l'effet qu'il a rapporté, les hypothèques de ses créanciers passent sur les autres biens qui lui sont assignés pour sa part. La raison est que le partage n'est que déclaratif, et que les héritiers sont censés n'avoir jamais eu aucun droit aux biens qu'ils rapportent ; leurs créanciers ne peuvent même se plaindre de cette translation d'hypothèque, ayant dû connaître l'état de leur débiteur ; leur hypothèque sur ces biens n'était proprement que conditionnelle, au cas qu'ils demeurassent définitivement à leur débiteur.

La matière des rapports est traitée au digeste dans les titres de collatione bonorum, et de collatione dotis, et au code, titre de collationibus. On peut aussi voir Domat, part. III. liv. II. tit. IVe Lebrun, des successions, l. III. ch. VIe Duplessis sur la coutume de Paris, traité des success. Bouvot, tom. II. p. 120. Henrys, tome II. liv. VI. quest. 1. les arrêtés de M. le premier président de Lamoignon ; Dupineau, nouv. édit. l. VI. des arrêts, ch. XVe sect. 3. Voyez aussi les mots HERITIER, INCOMPATIBILITE, LEGATAIRE, PARTAGE, QUALITES, RENONCIATION, SUCCESSION. (A)

RAPPORT, (Médecine et Chirurgie) le terme de rapport tire son origine du verbe latin refero, qui signifie je rapporte ; mais on peut dire qu'il est encore de plus près dérivé du mot substantif relatio, qui signifie rapport ou récit d'une chose.

Selon cette première idée, il faut entendre par les rapports en Médecine et en Chirurgie, des actes authentiques et publics, que les Médecins et les Chirurgiens titrés sont obligés de faire en justice quand ils en sont requis par le magistrat, pour certifier sur leur conscience de l'état de ceux qu'ils visitent, soit sains, malades, blessés, ou décedés, afin que les juges, ou ceux qui ont droit d'y prendre part, en étant bien informés, fassent, ou ordonnent en conséquence ce qui est raisonnable pour le bien du public et des particuliers.

Des differences de rapports en Chirurgie. Tous les rapports en Chirurgie, quels qu'ils soient, peuvent se réduire sous trois espèces générales, qui sont les rapports proprement pris, les certificats d'excuse, et les estimations.

Le rapport proprement pris, est une certification à justice faite par un ou plusieurs chirurgiens titrés, de l'état où ils ont trouvé le corps humain vivant ou mort, dans son tout, ou dans quelques-unes de ses parties. Ces rapports proprement pris, sont de trois espèces ; savoir, dénonciatifs, provisoires, et mixtes.

On nomme rapports dénonciatifs, ceux que toutes sortes de chirurgiens font de quelque blessure que ce sait, à l'heure même, ou bien-tôt après, en vertu de leur droit de maitrise, à la requisition des blessés, ou de ceux qui s'intéressent pour eux, auxquels rapports les juges n'ont d'égard qu'autant qu'ils les croient justes et raisonnables. Je dis que les juges n'ont à ces rapports dénonciatifs que l'égard qu'il leur plait ; parce que n'étant que des témoignages volontaires, ils sont sujets à suspicion.

Les rapports proprement pris de la seconde espèce, que l'on nomme provisoires, sont ceux qui se font par les chirurgiens jurés en titre d'office préposés pour les rapports, et qui sont ordonnés par le juge. L'on obtient toujours pour les blessés, au moyen de ces rapports, quand les faits qui sont rapportés le méritent, des provisions, tant pour leurs aliments et médicaments, que pour leurs frais de poursuite.

Sous la troisième espèce de rapports proprement dits, que l'on peut appeler rapports mixtes, on comprend ceux qui sont donnés sur la simple requisition des blessés ; mais qui étant faits ou approuvés par les chirurgiens titrés, ne laissent pas d'être provisoires, quoique la partie adverse en puisse contester l'exécution, quand il s'agit d'une seconde provision, en demandant par une requête présentée au juge, une contre-visite ; et en ce cas-là les juges nomment des chirurgiens d'office pour faire le rapport, qui prévaut même sur celui des chirurgiens titrés.

De la validité des rapports en Chirurgie. Comme l'usage des rapports sur quelque matière que ce sait, n'a été établi en justice que pour connaître des vérités dont les juges ne peuvent pas s'instruire par eux-mêmes, leurs lumières toutes pénétrantes qu'elles soient, ne suffisant pas pour les éclaircir à fond du détail de tous les faits qui concernent les différentes professions des hommes, il a été d'une grande importance, particulièrement à l'égard des rapports en Chirurgie, qui peuvent quelquefois décider de la vie ou de la mort des accusés, d'engager les Chirurgiens à ne se point éloigner de la vérité dans la relation des faits qui dépendent de leur art.

Or comme il se trouve peu de gens si confirmés dans le mal, qui ne soient intimidés par la religion du serment, c'est avec raison que l'on a ordonné que tous les autres titres dont les Chirurgiens pourraient être revêtus, ne rendraient point leurs rapports valables, s'ils ne s'étaient astreins par un serment exprès, à faire ces actes avec fidélité.

C'est aussi pour cela, que de quelque caractère que les Chirurgiens soient pourvus, ils ne sont admis par aucun juge civil ou criminel à faire des rapports en Chirurgie, qu'après avoir prêté ce serment entre ses mains ; et même que les juges subalternes sont toujours bien fondés à demander ce même serment dans les cas extraordinaires aux Chirurgiens qu'ils nomment d'office pour faire des rapports, quand même ils ne pourraient pas ignorer que ces dénomnés ne l'eussent déjà fait en des cours supérieures. C'est donc ce serment qui est la première condition essentielle à la validité des rapports ; cependant les juges n'admettent à ce serment que des maîtres chirurgiens qui ont un titre qui répond de leur suffisance.

Des conditions requises pour bien faire les rapports proprement pris. Il faut qu'un chirurgien, pour se bien acquitter de sa fonction en faisant les trois sortes de rapports proprement dits, observe nécessairement plusieurs choses.

1°. Il doit les faire dans un esprit d'équité, et avec une intégrité qui soit à toute épreuve ; de manière qu'elle ne puisse être ébranlée par des offres avantageuses, ni séduite par les prières de ses proches, et qu'elle le rende sourd aux instances de ses amis, aux sollicitations des puissances, et de tous ceux à qui il est redevable des bienfaits les plus insignes.

2°. Il faut qu'un chirurgien intègre examine tout par lui-même, et qu'il ne s'en rapporte en aucune façon à ses collègues, ou à ses serviteurs, dont l'ignorance et l'infidélité pourraient le faire tomber en faute sans le savoir. C'est néanmoins à quoi beaucoup de chirurgiens manquent, principalement à Paris, où il y a un grand nombre de privilégiés, qui n'ayant pas de titre pour faire des rapports, engagent un maître à les signer pour eux ; ce que ces maîtres font trop légèrement sur la foi de ces subalternes, sans voir les blessés ou les malades pour qui les rapports sont faits.

3°. Un chirurgien judicieux est obligé à ne rien dire d'affirmatif dans son rapport sur les causes absentes, sur les douleurs, et généralement sur tout ce qui ne tombe pas sous les sens ; parce que le récit qui lui en est fait, soit par le malade même, ou par les assistants, lui doit toujours être suspect.

4°. Il doit prendre toutes les précautions possibles, pour empêcher d'être trompé par des maladies feintes, par des contorsions, ou des convulsions simulées, du sang seringué, des tumeurs apparentes, des contusions en peinture, ou par de semblables artifices ou fourberies.

5°. Il doit faire ses pronostics d'une manière douteuse, parce que l'événement des maux et des blessures est toujours incertain ; et il vaut mieux dans les faits de conséquence, suspendre son jugement, que d'être trop décisif, particulièrement quand il s'agit de prédire la mort, ou d'assurer la guérison des blessés.

6°. Il est encore absolument nécessaire qu'il marque avec précision dans les rapports, la largeur et la profondeur des plaies, et qu'il désigne bien les signes par lesquels on peut juger de la lésion des parties intérieures.

7°. Il doit faire son possible pour bien déclarer l'essence des blessures, pour bien exprimer les accidents qui les accompagnent, et pour déterminer ensuite ce que l'on en peut espérer, et ce que l'on en doit craindre, l'ordre qu'il faudra tenir dans la curation, dans quel temps à-peu-près elle pourra être accomplie ; le régime que l'on doit faire observer aux malades, ou aux blessés ; s'ils doivent rester au lit ou non, et s'ils ne pourront point vacquer à leurs affaires dans le temps même de leur traitement.

8°. Il faut encore qu'il observe avec soin si les blessures pour lesquelles le rapport est requis ou ordonné, ont été les véritables causes de la mort, de l'impuissance, ou des autres accidents qui sont arrivés au blessé ; et cette instruction est très-nécessaire dans la procédure criminelle ; parce que si le blessé est mort par une autre cause que celle de la blessure qu'il a reçue, celui qui l'a blessé n'est pas responsable de sa mort, sa blessure n'ayant pas été mortelle par elle-même.

9°. Le chirurgien qui fait son rapport, ne doit pas négliger de marquer si le blessé l'est venu trouver pour être visité ou pansé, ou s'il a été requis de se transporter chez lui pour en faire la visite et le pansement ; en ce cas, il doit marquer s'il l'a trouvé couché ou debout, vaquant à ses affaires, ou dans l'impuissance d'y donner ses soins.

10°. Il ne doit rien oublier de tout ce qui peut donner au juge quelque éclaircissement, pour juger avec équité et avec connaissance de cause : il doit sur tout cela s'exprimer en termes clairs et intelligibles, et ne se point mettre en peine d'étaler son prétendu savoir, en affectant de se servir de termes barbares et d'école, comme font plusieurs chirurgiens, qui croient ne parler savamment, que lorsqu'ils ne sont point entendus.

11°. Un chirurgien judicieux doit bien prendre garde de ne pas passer d'un excès à l'autre, et sous prétexte de bien éclaircir un fait, de ne pas charger ses rapports d'une longue suite de raisonnements. Ces sortes de discours scientifiques ne peuvent être plus mal employés dans un récit, dont la perfection dépend de sa simplicité, de sa précision, et de sa briéveté, accompagnée d'une grande exactitude dans la vérité des faits. Or cet avis n'est pas donné sans raison, puisqu'il s'est trouvé des chirurgiens assez extravagans, pour tracer des figures géométriques dans leurs rapports, et assez peu sensés pour s'imaginer qu'ils se rendraient recommandables aux juges, en leur faisant voir qu'ils pouvaient démontrer géométriquement l'effet des forces mouvantes, et la pesanteur des corps liquides, etc.

12°. Il ne doit pas présumer de son savoir et de sa capacité, jusqu'au point de se croire infaillible ; en sorte qu'une telle présomption l'empêche de prendre conseil dans les choses douteuses et difficiles ; parce que l'amour-propre aveugle celui qu'il obsede, et que cet aveuglement le conduit à l'erreur.

13°. Il est enfin fort à propos que les rapports en Chirurgie soient faits sans connivence, et avec tout le secret possible ; c'est pour cela que l'ordonnance porte qu'on les délivrera cachetés, parce que la révélation du secret attire souvent l'impunité du crime, et la persécution de l'innocence.

Des certificats d'excuses ou exoènes. On entend par l'exoène ou le certificat d'excuse, une certification par écrit donnée par un médecin ou par un chirurgien, conjointement ou séparément, sur l'état des particuliers, soit à leur simple requisition ou par ordonnance de justice, tendant à faire connaître à tous ceux qui ont droit d'y prendre part, la vérité des causes maladives qui peuvent les dispenser valablement de faire bien des choses dont ils seraient tenus, s'ils jouissaient d'une santé parfaite.

Ces sortes de certifications sont de trois espèces ; savoir ecclésiastiques, politiques, et juridiques.

Les exoènes ecclésiastiques tendent à obtenir du pape, des evêques, des prélats, et de tous ceux qui ont quelque supériorité dans la hiérarchie ecclésiastique, des dispenses concernant l'exercice de certaines fonctions bénéficiales, l'observation des lois canoniques, la dissolution du mariage sur faits d'impuissance, attribuée à l'un ou à l'autre des conjoints.

Les exoènes politiques regardent tout l'état en général, ou le service des maisons royales en particulier.

Les premiers se font en France, à la requisition de ceux que leurs maladies ou leurs blessures empêchent de vaquer à leurs charges, emplois, et fonctions. Ceux de la seconde espèce qui regardent le service des maisons royales, sont demandés par les officiers de ces maisons. Dans ces sortes d'exoènes politiques, on n'observe aucune formalité judiciaire, étant de simples certificats qui sont délivrés par ordre des supérieurs, ou à la requisition des particuliers. La seule précaution qu'on y apporte, est de n'y avoir aucun égard, que lorsqu'ils sont donnés par des médecins ou chirurgiens d'une réputation connue, et non suspects de subornation.

Les exoènes juridiques ont lieu dans les procédures civiles et criminelles, pour retarder le jugement d'un procès, dont l'instruction ou la poursuite demande la présence des parties.

Elles sont encore requises ou ordonnées, lorsqu'il est question d'élargir, de resserrer, ou de transferer un prisonnier que le mauvais air ferait périr infailliblement ; quand il s'agit de commuer la peine d'un forçat qui n'est pas en état de servir sur les galeres ; d'épargner dans ces pays-ci, ou de modérer les douleurs de la torture à un criminel que sa faiblesse met hors d'état d'en essuyer la violence.

La grossesse ou les couches des femmes, sont encore des raisons valables pour les dispenser de comparaitre en personne, afin de répondre aux accusations qui leur sont intentées.

Or il faut pour la validité des exoènes, non-seulement une procuration spéciale de la part des exoènés, par laquelle on affirme à l'audience de la validité de l'exoène ; mais l'ordonnance veut encore que l'on produise le rapport d'un médecin approuvé, qui ait affirmé de la vérité de sa certification par-devant le juge du lieu.

Au reste, toutes les circonstances marquées pour bien faire les rapports proprement pris, doivent être gardées dans les exoènes juridiques, surtout dans la procédure criminelle.

Des rapports comprenant les estimations de visite, pansements, et médicaments. L'on doit entendre par un rapport d'estimation en Chirurgie, un jugement par écrit donné par un, ou par plusieurs chirurgiens-jurés, sur l'examen d'un mémoire de pansements et de médicaments qui leur est remis par un chirurgien auquel le payement en est contesté par celui qui en est le débiteur, soit qu'ils lui aient été faits ou fournis à lui-même, ou que le chirurgien y ait travaillé par son ordre, ou qu'il ait été condamné par justice à en faire les frais.

Les estimations ont donc lieu en Chirurgie, lorsque les salaires sont contestés par les débiteurs aux chirurgiens qui les ont traités, soit qu'ils refusent absolument d'entrer en payement, ou qu'ils leur fassent des offres qui ne soient pas recevables ; car en ce cas-là, les juges ordonnent que les mémoires concernant les opérations, pansements, et médicaments en question, seront prisés et estimés par des experts, qui sont quelquefois nommés d'office, mais ordinairement dont les parties conviennent ; le demandeur en nommant un, et le défendeur un autre.

Mais au surplus, soit que les experts aient été nommés d'office, ou que les parties en soient convenues, on observe toutes les formalités nécessaires, pour que les juges puissent faire droit aux parties avec toute l'équité possible.

Il y a ici des règles générales et particulières à observer dans toutes sortes d'estimations de Chirurgie.

Par exemple, 1°. les experts doivent considérer le mérite de l'opération, parce que celles qui demandent beaucoup de dextérité et d'expériences, ou qui sont pénibles et laborieuses, doivent être mieux payées que celles qui sont faciles, communes, et que l'on fait sans beaucoup de peine et de travail.

2°. Il faut quelquefois avoir plutôt égard à l'importance des maladies ; par exemple, un chirurgien qui réunira en fort peu de temps une grande division dans les chairs, par la suture, par la situation, et par un bandage convenable, méritera d'être beaucoup mieux récompensé qu'un chirurgien ignorant qui aura tamponné une semblable plaie, et qui ne l'aura conduite à sa guérison, qu'après une longue suppuration, et qu'après avoir fait souffrir au blessé de cruelles douleurs qu'il lui aurait épargnées, aussi-bien qu'un traitement fort ennuyeux, s'il eut été bien versé dans son art, dont une des meilleures maximes l'engage à traiter ses malades promptement, surement, et avec le moins de dérangement qu'il est possible.

Je ne prétends pourtant pas inférer de là, que le temps qu'on emploie dans les traitements ne doive pas être considéré dans les estimations de Chirurgie, parce qu'il y a des maladies si grandes par elles-mêmes, qui ont de si fâcheuses complications, et auxquelles il survient un si grand nombre d'accidents, que l'on ne peut très-souvent les guérir que par un long traitement. Il y en a même qui sont légères en apparence, et que la mauvaise disposition des sujets rend néanmoins très-longues et très-difficiles à guérir. Or les experts doivent peser sur toutes ces choses, afin de faire leur estimation avec équité.

3°. L'on doit beaucoup insister dans la taxe d'un mémoire sur la qualité des personnes qui ont été traitées, aussi-bien que sur leurs facultés ; car plus les personnes sont élevées en dignité, plus aussi demandent-elles de sujétions, de soins, de visites, d'assiduités, qui méritent par conséquent une plus ample récompense : outre que les fonctions des Chirurgiens qui n'ont rien de fixe, sont toujours payées à l'amiable par les honnêtes gens, selon le rang qu'ils tiennent, et cet usage doit servir de règle dans les estimations.

La considération des facultés des malades n'est pas moins essentielle en ces rencontres que celle de leurs qualités, parce qu'il y a tel marchand, ou officier de robe, ou surtout tel employé dans les fermes, qui s'incommoderait moins en payant largement un traitement d'importance ; que beaucoup de gens de la première qualité, dont les biens ne répondent pas à leur naissance.

4°. Il faut que les vues des experts s'étendent jusque sur la distance des lieux ; car il ne serait pas raisonnable qu'un chirurgien qui aurait été d'un bout d'une grande ville à l'autre, pendant trois ou quatre mois, pour faire un traitement de conséquence, principalement à Paris, ou à une lieue et plus dans la campagne, ne fût pas mieux payé qu'un autre chirurgien qui aurait fait un pareil traitement dans son voisinage.

Enfin les experts doivent en même-temps porter leur estimation à des prix honnêtes, équitables et indispensables.

Des talents nécessaires pour bien faire toutes sortes de rapports. Quoiqu'il soit vrai de dire généralement parlant, que les chirurgiens les mieux versés dans la théorie et dans la pratique de leur art, sont aussi les plus capables de bien faire toutes sortes de rapports en Chirurgie, il y a néanmoins des parties de cet art plus particulièrement requises pour y bien réussir, et ces parties dépendent ou de l'anatomie, ou de la doctrine des maladies chirurgicales, qu'il faut connaître par leurs propres signes, par pratique et par théorie. Il faut avoir aussi beaucoup d'expérience dans la bonne méthode de traiter ces maladies.

A l'égard de l'anatomie, il faut pour bien faire les rapports, savoir celle que l'on nomme utile, c'est-à-dire celle qui tombe sous les sens, préférablement à celle qui est appelée curieuse, laquelle consiste dans certaines recherches que l'on fait avec le secours du microscope, des injections et des tuyaux qui servent en introduisant l'air dans les conduits, à les rendre plus visibles.

Il faut par exemple, qu'un chirurgien, pour bien faire ses rapports, soit parfaitement instruit de la structure, de l'ordonnance, du nombre, et de la conjonction des os, parce qu'il ne peut sans cela, bien connaître les fractures et les dislocations de ces parties, qui fournissent souvent matière à faire des rapports : outre que ces masses solides étant fixes et permanentes, lui donnent lieu de mieux désigner la situation des autres parties, qui sont attachées aux corps durs, et auxquelles ils servent d'appui.

Il ne doit pas être moins informé de la situation, de l'ordonnance, du progrès des muscles, et des vaisseaux considérables, afin de pouvoir juger de l'issue des plaies, qui sont faites à la surface du corps, et aux extrémités tant supérieures qu'inférieures, et cela tant par rapport à l'hémorrhagie, qui est plus ou moins fâcheuse, selon que les vaisseaux ouverts sont plus ou moins gros, qu'eu égard à la perte du mouvement de quelque organe, lorsque les tendons ou les ligaments des jointures se trouvent intéressés dans les plaies.

Il est encore absolument nécessaire qu'un chirurgien, pour bien faire ses rapports, se soit appliqué à examiner la situation de tous les viscères dans les trois cavités principales, qui sont la tête, la poitrine et le bas-ventre ; comment ils sont placés dans les différentes régions qui partagent ces cavités, et comment ils correspondent au-dehors, afin que la division que l'instrument offensif a fait à l'extérieur, lui donne lieu de juger quel viscère peut être blessé dans l'intérieur quand les plaies sont pénétrantes.

La connaissance des maladies chirurgicales lui est absolument nécessaire pour en exprimer dans ses rapports l'essence, les signes, les accidents et les pronostics ; la pratique sur tout cela lui est encore plus nécessaire que la théorie, car quand il s'agira de caractériser une maladie, et de juger de ses suites, comme, par exemple, lorsqu'on sera en doute si certains sujets sont attaqués de vérole, de lepre, de scorbut, de bubons pestilentiels, de cancer, d'écrouelles, etc. Un chirurgien qui aura beaucoup Ve et traité de ces sortes de maladies, en jugera bien mieux, et plus surement qu'un autre qui se sera contenté de lire avec application les livres qui en discourent.

Il faut néanmoins qu'il soit savant, indépendamment qu'il doit être expérimenté dans la méthode de traiter ces maladies, afin de pouvoir marquer dans ses rapports l'ordre et le temps de leur curation, et de pouvoir juger si les autres chirurgiens y ont procédé méthodiquement ou non.

Il faut de plus qu'il connaisse bien les remèdes, leur prix et leur effet, tant pour ne pas adjuger dans les estimations le payement de plusieurs remèdes qui auraient été inutiles ou contraires à la maladie, qu'afin de pouvoir estimer selon leur juste valeur, ceux qui ont été utilement administrés.

Mais comme l'objet des plaies fournit seul plus de matières aux rapports de Chirurgie que toutes les autres maladies qui sont du ressort de cet art, il résulte que le chirurgien doit s'y appliquer tout entier pour éviter les erreurs dans les rapports en ce genre. Eh combien de connaissance ne demandent-ils pas ! Depuis qu'Hippocrate a avoué ingénument et en grand homme, s'être trompé en prenant dans une blessure à la tête la lésion de l'os pour une suture, que personne ne pense pouvoir être à l'abri d'une faute après l'exemple du prince des Médecins ; mais surtout si le chirurgien et le médecin s'aperçoivent dans le traitement d'une blessure avoir commis quelque erreur semblable, par négligence ou par ignorance, il est de leur devoir et de l'équité, d'en faire l'aveu au juge dans leur rapport, afin que celui qui aurait porté le coup, ne soit point puni de la faute d'autrui.

Une autre observation bien importante dans tous les rapports de blessures, c'est de ne point attribuer légérement la mort qui a suivi, à la blessure comme à sa cause. Souvent la mort arrive tout-à-coup, en conséquence des causes cachées jusqu'alors. On peut donc imputer mal-à-propos le terme de notre vie à des accidents qui n'y entrent pour rien, ou du-moins pour peu de chose. Souvent des ignorants, en visitant des cadavres, au lieu d'étudier les blessures en forgent d'imaginaires.

Enfin l'on ne saurait être trop circonspect à définir le temps qui doit s'écouler entre la blessure et la mort pour décider que la plaie était absolument mortelle. Nombre de personnes pensent que si le blessé passe le neuvième jour, on ne doit point alors attribuer à la blessure la mort qui survient, mais qu'au contraire, si le blessé meurt avant ce temps, la plaie était absolument mortelle.

Cette idée n'est cependant qu'un préjugé populaire, dont un habîle homme ne doit point se préoccuper. Une artère étant coupée au bras ou à la cuisse, pourra causer la mort au bout de quelques heures, et même plus promptement, quoique cette plaie ne fût pas absolument mortelle, et qu'on eut pu y apporter du remède. Si un intestin grêle se trouve coupé près du pylore, le blessé pourra vivre quelques jours jusqu'à ce qu'il tombe en consomption par défaut de nutrition, et cependant cette plaie sera absolument mortelle. Ces exemples suffisent pour prouver combien la doctrine des rapports est délicate, et combien elle exige de talents, de prudence, de connaissances et de précautions.

Il nous reste à donner quelques modèles généraux des différentes espèces de rapports dont nous avons parlé ; nous commencerons par les exoènes.

Exoène pour une prisonnière. Rapporté par moi maître chirurgien juré à Paris, qu'en vertu de l'ordonnance de messieurs les officiers du grenier à sel de cette ville, en date du 3 Mars 1695, je me suis transporté ès prisons du fort-l'évêque, aux fins de voir et visiter, au désir de ladite ordonnance, la nommée Jaqueline Bataille, âgée de 50 ans ou environ, à laquelle j'ai remarqué une glande tuméfiée et disposée à suppurer, située sous l'aisselle gauche, et un grand nombre de pustules dartreuses aux fesses et aux cuisses, outre qu'elle s'est plainte à moi d'avoir la fièvre considérablement les soirs ; toutes lesquelles indispositions me paraissent être causées par un sang échauffé et corrompu, devenu tel par le mauvais air qu'elle respire depuis longtemps, et par l'usage des mauvais aliments dont elle a été nourrie ; c'est pourquoi j'estime, sous le bon plaisir néanmoins de mesdits sieurs du grenier à sel, que ladite prisonnière a besoin pour guérir de ses incommodités, d'être saignée, purgée, et traitée suivant les règles de l'art, de respirer un meilleur air, et d'user de bons aliments. De plus, elle doit coucher, boire, et manger seule jusqu'à ce qu'elle soit en état de faire les remèdes nécessaires ; sans ces remèdes, elle ne manquera pas de communiquer ses maux aux autres prisonniers. Fait à Paris, les jour et an que dessus.

Rapport de la condition d'un coup d'arme à feu, pour savoir si l'arme a crevé dans la main du blessé, ou si le coup a été tiré exprès sur sa personne. Rapporté par moi soussigné maître chirurgien juré à Paris, que de l'ordonnance verbale de nosseigneurs du grand-conseil, j'ai Ve et visité le nommé Edme Hamon dit Langevin, en présence de M. Lucas, procureur de la partie, qui ont requis de moi, si les blessures dudit Langevin ont été faites par une arme à feu crevée dans les mains du blessé, ou par un coup de cet arme qui lui aurait été porté en-dehors. Après avoir considéré avec attention toutes les cicatrices, leurs figures et leur situation, je les ai trouvées trop ramassées entr'elles pour procéder d'une arme crevée entre les mains du blessé, laquelle cause toujours à la main de terribles écartements, qui produisent des cicatrices fort étendues ; ce qui me fait croire que ces cicatrices ont succédé à un coup qui a été tiré de propos délibéré sur la personne dudit Langevin. Fait à Paris ce 14 Avril 1662.

Rapport d'estimation de pansements et médicaments pour une fracture compliquée à la cuisse. Nous médecin et chirurgien du roi en son châtelet de Paris, soussignés, certifions qu'en vertu d'une sentence contradictoire rendue au châtelet par M. le lieutenant civil, en date du 15 Février 1695, laquelle ordonne que les pansements faits et fournis au sieur T... capitaine au régiment de, par le sieur B... chirurgien major des hôpitaux du roi, seront par nous prisés et estimés, après avoir préalablement Ve et visité ledit sieur T... pour certifier de sa guérison, nous avons procédé à ladite visite, et que nous avons remarqué audit sieur T... deux cicatrices encore récentes, très-considérables et fort profondes ; savoir l'une située à la partie moyenne et antérieure de la cuisse droite, et l'autre à la partie moyenne et postérieure de la même cuisse, pareille à la précédente, que ledit blessé nous a dit être les vestiges d'un coup de mousquet, traversant la cuisse de part en part, et fracturant l'os dans son passage ; laquelle plaie nous a paru très-bien guérie, et avoir été très-sagement traitée ; en sorte que bien loin que le blessé ait lieu de se plaindre de la claudication à laquelle il est réduit, au contraire, nous l'estimons fort heureux que sa cuisse ait pu lui être conservée après une si terrible blessure. Sur quoi nous étant appliqués à l'examen du mémoire qui nous a été mis ès mains par ledit sieur B... et après avoir pesé juridiquement sur les soins, sujétions et assiduités qu'il a été obligé de rendre audit blessé pendant plus de sept mois, tant en la ville d'Ath, qu'en cette ville de Paris, nous estimons que bien que la somme de 1200 liv. demandée par ledit sieur B... ne soit pas exorbitante par rapport à un traitement aussi considérable, et à son heureux succès, il doit néanmoins se contenter de celle de 800 l. attendu qu'il nous est notoire que les biens dudit sieur T... ne répondent pas tout à fait à sa qualité et à sa naissance. Fait à Paris le 16 dudit mois et an.

Rapport fait par des matrones de leur visite d'une fille de trente ans qui avait été forcée et violée. Nous Marie Mirau, Christophlette Reine, et Jeanne Portepoulet, matrones jurées de la ville de Paris, certifions à tous qu'il appartiendra, que le 22e jour d'Octobre de l'année présente 1672, par l'ordonnance de M. le prevôt de Paris, en date du 15 de cedit mois, nous nous sommes transportés dans la rue de Pompierre, en la maison qui est située à l'occident de celle où l'écu d'argent pend pour enseigne, une petite rue entre deux, où nous avons Ve et visité Olive Tisserand, âgée de trente ans ou environ, sur la plainte par elle faite en justice contre Jacques Mudont, bourgeois de la ville de la Roche-sur-Mer, duquel elle a dit avoir été forcée et violée.

Le tout Ve et visité au doigt et à l'oeil, nous avons trouvé qu'elle a les toutons dévoyés, c'est-à-dire la gorge flétrie ; les barbes froissées, c'est-à-dire l'os pubis ; le lippion recoquillé, c'est-à-dire le poil ; l'entrepet ridé, c'est-à-dire le périnée ; le pouvant débiffé, c'est-à-dire la nature de la femme qui peut tout ; les balunaux pendants, c'est-à-dire les lèvres ; le lippendis pelé, c'est-à-dire le bord des lèvres ; les baboles abattues, c'est-à-dire les nymphes ; les halerons démis, c'est-à-dire les caroncules ; l'entrechenat retourné, c'est-à-dire les membranes qui lient les caroncules les unes aux autres ; le barbideau écorché, c'est-à-dire le clitoris ; le guilboquet fendu, c'est-à-dire le cou de la matrice ; le guillenard élargi, c'est-à-dire le cou de la pudeur ; la dame du milieu retirée, c'est-à-dire l'hymen ; l'arriere-fosse ouverte, c'est-à-dire l'orifice interne de la matrice. Le tout Ve et visité feuillet par feuillet, nous avons trouvé qu'il y avait trace de... etc. Et ainsi nous dites matrones, certifions être vrai à vous M. le prevôt, au serment qu'avons fait à ladite ville. Fait à Paris le 23 Octobre 1672.

Ce rapport de matrones avec l'explication des termes ici transcrite, est tiré du tableau de l'amour du sieur Nicolas Venette, médecin. On l'a copié sur le dictionnaire de Trévoux.

Rapport de la visite d'une fille de dix ans, qui avait été violée, et qui avait en même-temps contracté la vérole. Rapporté par nous chirurgiens du roi, en sa cour de parlement, maître chirurgien juré à Paris, et maîtresse sage-femme jurée en titre d'office au châtelet de ladite ville, qu'en vertu d'une requête répondue par M. le lieutenant-criminel, en date du 27 Septembre dernier, laquelle ordonne que M. A. L. C. âgée de dix ans, fille de Joseph L. C. joueur d'instruments, et de R. N. sa femme, sera par nous vue et visitée, nous nous sommes à cet effet assemblés en la maison de J. B. l'un de nous, auquel lieu ladite M. A. L. C. nous a été amenée par son père ; lequel, avant qu'on procédât à la visite en question, nous a dit que sadite fille avait été violée il y a six mois ou environ, et que deux mois après ladite violence, il lui avait paru des pustules en différentes parties de son corps, accompagnées d'une inflammation douloureuse au pharynx, et d'une grande douleur de tête. Sur quoi l'ayant visitée en tout son corps, nous avons remarqué à sa vulve les vestiges d'une contusion et d'un écartement, qui ont procédé de l'intromission que l'on a faite en cette partie, que nous avons trouvée toute humectée du suintement des glandes vaginales. De plus, nous avons remarqué à ladite fille une inflammation ulcéreuse, et un gonflement sensible aux glandes du gosier, nommées amygdales, et quantité de pustules plates et farineuses à la tête, aux bras, aux cuisses, et en d'autres endroits de son corps, qui nous ont paru d'un mauvais caractère, et participer de virulence vénérienne. Enfin ladite M. A. L. C. ayant été interrogée par nous de ce qu'elle ressentait en tout son corps, elle s'est plainte de ressentir des douleurs continuelles à la gorge et à la tête depuis quinze jours, et principalement la nuit ; ce qui nous a déterminés à déclarer qu'elle a besoin d'être incessamment traitée de la maladie vénérienne dans toutes les formes. Fait à Paris ce 9 jour du mois d'Octobre 1698.

Rapport au sujet d'un enfant étouffé. Nous médecin et chirurgien du roi en son châtelet de Paris, soussignés, certifions que cejourd'hui 21 Décembre 1689, en vertu de l'ordonnance de M. le lieutenant-criminel, nous nous sommes transportés en la rue des Rosiers, quartier S. Antoine, où est demeurant Josse Frocheux, maître cordonnier à Paris, pour voir et visiter le corps de Crépinian Frocheux, son fils, âgé de huit à neuf mois, décédé la nuit dernière, duquel nous avons trouvé la face de couleur violette et pourprée, la bouche et le nez couverts d'écume, et après l'ouverture que nous en avons faite, les poumons pleins d'un air écumeux. Pour raison de quoi, et de la bonne disposition de toutes les autres parties de son corps tant intérieures qu'extérieures, nous avons jugé qu'il a été étouffé et suffoqué par quelque personne endormie, par quelque animal qui s'est couché sur son visage, ou de quelqu'autre manière à-peu-près semblable, qui ne peut nous être connue ; et nous avons été en quelque façon confirmés dans ce jugement par plusieurs personnes présentes à ladite visite, qui nous ont assuré que ledit enfant était le jour précédent en parfaite santé. Fait à Paris, etc.

Rapport concernant un corps mort de la foudre. Rapporté par moi maître chirurgien juré au bourg de Lonjumeau, qu'en vertu de l'ordonnance de M. le prevôt au siege dudit bourg, j'ai Ve et visité le corps de feu Martin Josier, dit la Vallée, âgé de 40 ans ou environ, étant au service du sieur Bertrand Vaugire, receveur de la terre et marquisat de Chilly, en qualité d'un de ses charretiers ; auquel j'ai d'abord observé qu'il exhalait de son cadavre une odeur sulphureuse, et je lui ai ensuite aperçu sur le haut de la tête un endroit plus froid que le reste du corps, ce qui m'ayant porté à examiner plus soigneusement ledit endroit, j'y ai trouvé nombre de poils brulés et réduits en poussière de la largeur d'un écu, et au-dessous une petite ouverture de figure ronde entourée d'un cercle noir ci, pénétrante comme une escare dans toute l'épaisseur des téguments ; puis ayant introduit ma sonde dans cette ouverture, j'ai trouvé le crâne perforé dans toute son épaisseur, et ma sonde ne rencontrait aucun obstacle à pénétrer dans le vide selon toute sa longueur ; sur quoi, après avoir dilaté les téguments, j'ai connu que le crâne était percé sur le milieu de la suture sagittale. Après cela j'ai scié le crâne, et j'ai reconnu que tant la dure et la pie mère, que toute la substance du cerveau étaient dissoutes en forme de bouillie délayée dans une liqueur noire. Enfin, examinant la base du crâne, j'ai aperçu un trou se glissant obliquement de la selle de l'os sphénoïde vers l'os du palais, que j'ai trouvé percé du côté droit, et deux dents canines brisées en menues parties, et le muscle orbiculaire des lèvres tout noir et corrompu en-dedans. Toutes lesquelles observations font voir clairement que ledit Josier a été frappé de la foudre, qui lui ayant percé le crâne de part en part, est sortie par la bouche, pendant l'orage qu'il a fait ce matin. Fait au bourg de Lonjumeau, le 26 Juin 1680.

Rapport concernant deux garçons rôtisseurs, l'un trouvé mort, et l'autre fort malade de la vapeur du charbon. Rapporté par moi maître chirurgien juré à Paris, que ce 16 Janvier 1681, j'ai été mandé avec empressement, à cinq heures du matin, en la rue aux Ours, dans une maison où est demeurant le sieur L. maître rôtisseur à Paris, auquel lieu j'ai été conduit au cinquième étage dans un petit réduit fermé de planches, où étaient gissants les nommés Olivier Graville et Jacques Usart, deux des garçons dudit sieur L. que j'ai trouvés ayant la face de couleur plombée, sans pouls, sans mouvement, sans parole, et avec une froideur universelle ; et comme je me suis d'abord aperçu que la fumée du charbon les avait réduits en cet état par la mauvaise odeur dont ce petit lieu était encore infecté, j'en ai fait promptement tirer l'un d'eux, qui est ledit Jacques Usart, en qui j'ai remarqué quelques signes de vie par un battement fort obscur que je lui ai senti à l'endroit du cœur, ledit Olivier étant mort sans ressource. Or pour secourir ledit Usart encore vivant, je lui ai ouvert la bouche avec un instrument convenable, je lui ai fait avaler un vomitif, et je lui ai soufflé dans les narines de la poudre d'euphorbe pour lui exciter l'éternuement ; lesquels remèdes ayant opéré, ledit Usart a ouvert les yeux et recouvré la parole, se plaignant d'une grande pesanteur de tête, et d'une extrême lassitude et faiblesse. Après quoi j'ai conseillé audit sieur L. de faire appeler son médecin pour ordonner au malade en question les autres remèdes dont il a besoin pour être parfaitement rétabli. Fait à Paris, etc.

Rapport de visite du cadavre d'une femme qui s'était défaite elle-même par suspension. Nous médecin et chirurgien du roi en son châtelet de Paris, soussignés, certifions que sur le requisitoire de M. le commissaire M... nous nous sommes transportés, rue du Monceau S. Gervais, vis-à-vis le grand portail de S. Jean en Greve, à la première chambre d'une maison où pend pour enseigne la corne de cerf ; auquel lieu, en présence dudit sieur commissaire et du sieur Bon de Billy l'un des chirurgiens du nouveau châtelet, nous avons visité le cadavre d'une femme qui était âgée d'environ 65 à 70 ans, ayant la langue noire, épaisse, et sortant un peu hors de la bouche avec un excrément gluant, rougeâtre et visqueux, venant tant de la bouche que du nez, lequel cadavre on nous a dit être celui de N. D. veuve du nommé T. maître couvreur à Paris. Nous avons trouvé ledit cadavre droit, l'extrémité des pieds à fleur de terre, et attaché par le cou à une solive qui sert de soutien à une soupente, par le moyen d'un cordon composé de deux rubans de fil de différente étendue, l'un large d'un pouce, et l'autre plus étroit, faisant les deux ensemble plus de six aulnes de longueur, avec un gros nœud composé de plusieurs, lequel cordon pendant en bas, formait une anse qui passait entre le menton et le larynx par-dessous les angles de la mâchoire inférieure, et entre les oreilles et les apophyses mastoïdes, et par-derrière sur les parties moyennes et latérales de l'occiput, ayant fait une profonde impression à toutes ces parties, et notamment au-dessous de la symphise du menton, ou était le nœud qui unissait tous les bouts du licou, au-dessous duquel était encore une autre petite corde faisant six tours autour du cou sans le comprimer. Desorte qu'ayant examiné toutes les circonstances ci-dessus énoncées, aussi bien que celles qui sont insérées au procès-verbal dudit sieur commissaire, et après avoir examiné toutes les parties dudit cadavre, tant intérieures, qu'extérieures, les unes après les autres, nous avons reconnu que la seule cause de la mort de cette femme a été celle du licou qu'elle s'était elle-même préparé, selon toutes les apparences. Fait à Paris, le 7 Mars 1690.

Certificat pour un religieux prêtre, tendant à obtenir en cour de Rome la permission de continuer à dire la messe. Nous soussignés, maîtres chirurgiens à Paris, certifions à tous qu'il appartiendra, qu'au mois de Juillet dernier, et pendant une partie de celui d'Aout suivant, nous avons pansé le R. P. Raymond, prêtre, religieux du tiers-ordre de S. Français, au couvent de Picpusse, de son pouce droit, brisé et dilacéré par la détente du ressort du gros horloge de la maison, dans les roues duquel cette partie se trouva embarrassée, et que nous fumes obligés de lui extirper cet organe à l'heure même dans la jointure de la première phalange avec l'os du métacarpe, étant impossible de le lui conserver ; ce qui n'empêche pas néanmoins qu'il ne soit parfaitement guéri de cette amputation, que les autres quatre doigts de sadite main ne fassent leur action à l'ordinaire, et ne suppléent par conséquent en quelque manière au défaut du pouce dont il est privé, au moyen de quoi il est encore en état de satisfaire pleinement à la plupart des fonctions sacerdotales, et notamment à celle de célebrer la sainte-messe. En foi de quoi nous avons signé le présent certificat pour valoir ce que de raison. Fait à Paris, ce 17 Septembre 1696.

Rapports de corps morts. Premier rapport de l'ouverture du corps de Charles IX. L'an 1574, le 14 avant les calendes de Juin, à quatre heures après midi, l'on fit l'ouverture du corps de Charles IX. très-chrétien, roi de France.

Dans laquelle on aperçut et observa ce qui suit : tout le parenchyme du foie se trouva exangue et desséché ; et les extrémités de ses lobes vers les parties concaves tendantes à noirceur : la vésicule du foie dénuée de bile, affaissée sur elle-même et un peu noirâtre. La rate était sans aucun vice ; il en était de même de l'estomac, dont le pylore était dans toute son intégrité. L'intestin colon était teint de jaune, et d'ailleurs dans son état naturel. L'épiploon était d'une mauvaise couleur, exténué à l'excès, brisé en partie, et sans aucune graisse. Les deux reins, la vessie de l'urine, et les uretères n'avaient contracté aucun vice.

Le cœur était flasque, et comme tabide ; et il ne se trouva, contre l'ordinaire, aucune humidité renfermée dans le péricarde. Le poumon gauche était tellement adhérent aux côtes, jusqu'aux clavicules, contre l'ordre naturel, qu'on ne put l'en détacher sans le rompre et le déchirer, et sa substance était toute pourrie, dans laquelle il s'était formé une vomique dont la rupture fournit une excrétion purulente, putride et de très-mauvaise odeur, et en si grande quantité qu'elle regorgeait par l'âpre artère, laquelle purulence ayant intercepté la respiration, avait causé à ce monarque une mort soudaine.

Le poumon droit était sans adhérence, ayant néanmoins plus de volume qu'il n'en aurait dû avoir naturellement ; et il était rempli dans sa partie supérieure d'une humeur pituiteuse, muqueuse et écumeuse, qui tenait beaucoup de la purulence. Le cerveau était parfaitement sain.

Second rapport de l'ouverture du corps mort d'Henri III. Nous, soussignés, conseillers-médecins et chirurgiens ordinaires du roi, certifions que le jour d'hier mercredi de ce présent mois d'Aout 1589, environ les dix heures du matin, suivant l'ordonnance de M. le grand-prevôt de France et hôtel du roi, nous avons Ve et diligemment visité le corps mort de défunt de très-heureuse mémoire et très-chrétien Henri III. vivant, roi de France et de Pologne, lequel était décédé le même jour, environ les trois heures après minuit, à cause de la plaie qu'il reçut de la pointe d'un couteau au ventre inférieur, au-dessous du nombril, partie dextre, le mardi précédent, sur les huit ou neuf heures du matin, et à raison des accidents qui survinrent à sa majesté très-chrétienne si-tôt après icelle plaie reçue, de laquelle et accidents susdits reçus, nous avons fait plus ample rapport à justice.

Et pour avoir plus ample connaissance de la profondeur de ladite plaie et des parties intérieures offensées, nous avons fait ouverture dudit ventre inférieur avec la poitrine et la tête. Après diligente visitation de toutes les parties contenues au ventre inférieur, nous avons trouvé une portion de l'intestin grêle, nommé ilion, percée d'outre en outre, selon la largeur du couteau, de la grandeur d'un pied, qui nous a été représenté saigneux plus de quatre doigts, revenant à l'endroit de la plaie extérieure ; et préfondant plus avant, ayant vuidé une très-grande quantité de sang répandu par cette capacité, avec gros thrombus ou caillots de sang, nous avons aussi Ve le mésentère percé en deux divers lieux, avec incision des veines et artères.

Toutes les parties nobles, les naturelles et animales contenues en la poitrine, étaient bien disposées, &, suivant l'âge, bien tempérées, et sans aucune lésion, ni vice, excepté que toutes les susdites parties, comme aussi les veines et artères tant grosses que petites, étaient exangues et vides de sang, lequel était très-abondamment sorti hors par ces plaies internes, principalement du mésentère, et retenu dedans ladite capacité, comme en un lieu étranger et contre la nature, à raison de quoi la mort de nécessité, et en l'espace d'environ dix-huit heures, est advenue à sa majesté très-chrétienne, étant précédée de fréquentes faiblesses, douleurs extrêmes, suffocations, nausées, fièvre continue, altération, soif intolérable, avec de très-grandes inquiétudes, lesquelles indispositions commencèrent un peu après le coup donné, et continuèrent ordinairement jusqu'au parfait et final syncope de la mort, laquelle, pour les raisons et accidents susdits, quelque diligence qu'on y eut pu apporter, était inévitable. Fait, sous nos seings manuels, au camp de S. Cloud près Paris, le jeudi matin 3 d'Aout 1589.

Traisième rapport de l'ouverture du corps mort d'Henri IV. S'est trouvé par les médecins et chirurgiens soussignés ce qui suit :

Une plaie au côté gauche, entre l'aisselle et la mamelle, sur la deuxième et troisième côte d'enhaut, d'entrée du travers d'un doigt, coulant sur le muscle pectoral vers ladite mamelle, de la longueur de quatre doigts, sans pénétrer au-dedans de la poitrine.

L'autre plaie au plus bas lieu, entre la cinquième et sixième côte au milieu du même côté, d'entrée de deux travers de doigt, pénétrant la poitrine, et perçant l'un des lobes du poumon gauche, et de-là coupant le tronc de l'artère veineuse, à y mettre le petit doigt, un peu au-dessus de l'oreille gauche du cœur. De cet endroit l'un et l'autre poumon a tiré le sang, qu'il a jeté à flots par la bouche, et du sur plus se sont tellement remplis, qu'ils s'en sont trouvés tout noirs comme d'une échymose.

Il s'est trouvé aussi quantité de sang caillé en la cavité de ladite poitrine, et quelque peu au ventricule droit du cœur, lequel ensemble les grands vaisseaux qui en sortent, étaient tout affaissés de l'évacuation, et la veine cave au droit du coup fort près du cœur, a paru noircie de la contusion faite par la pointe du couteau. Pourquoi tous ont jugé que cette plaie était seule et nécessaire cause de la mort.

Toutes les autres parties du corps se sont trouvées fort entières et saines, comme tout le corps était de très-bonne température et de très-belle structure. Fait à Paris.

On ne lit point ce dernier rapport sans émotion, parce que l'imagination ne peut ici séparer la nature de la plaie de la personne dont elle causa nécessairement la mort, c'est-à-dire du meilleur et du plus grand roi qu'ait eu la France ; le vainqueur et le père de son peuple cependant cruellement assassiné par un horrible parricide dans sa capitale, et au milieu de ses sujets qui l'adoraient.

Comme la matière des rapports est très-importante en elle-même et au bien public, on a cru devoir la traiter avec étendue ; et pour ne rien obmettre, on pense qu'il est bon d'indiquer les principaux auteurs qu'on peut consulter dans l'occasion.

Auteurs sur les rapports. Ammanus (Paulus) Medicina critica, sive decisoria. Lips. 1677, in-4°.

Blegni (Nicolas), la doctrine des rapports en Chirurgie. Lyon, 1684, in-12. première édition.

Bohnius (Joan.), de renunciatione vulnerum, Lips. 1689, in-4 °. et 1711, in-4°. Amstelod. 1732.

Codronchius (Bapt.), Methodus certificandi. Imoli. 1597. C'est le premier livre imprimé sur les rapports ; mais l'auteur, dans son ouvrage, ne respire que la philosophie d'Aristote.

Dencherus, de vulneris inspectione post homicidium, Helmstadii, 1727, in-4 °.

Feltmannus (Gerhaldus), de cadavère inspiciendo, Bremae, 1692, in-4 °.

Fidelis (Fortunatus), italien, de relationibus Medicorum, lib. IV. Venet. 1617, in-4 °. Lips. 1674, in-8 °. bonne édition. Cet ouvrage concerne surtout les rapports politiques ; et l'auteur est assez exact, quoique trop attaché aux opinions des anciens.

Gendry, maître chirurgien d'Angers, les moyens de bien rapporter en justice. Angers, 1650, in-12. livre tombé dans l'oubli.

Paré (Ambraise) a traité dans ses œuvres la matière des rapports.

Reinesius (Thomas), scola Jurisconsultorum medica. Lips. 1679, in-8 °.

Sebizius (Melchior), examen vulnerum corporis humani partium, Argentorati, 1639, in-4 °. Il y a beaucoup de recherches anatomiques dans cet ouvrage.

Suevus (Bernardus), tractatus de inspectione vulnerum laethalium et sanabilium. Marpurgi, 1629, in-4 °.

Techmeyeri (Hermanni-Friderici), Institutiones medico-legales, Jenae, 1723, in-4 °.

Valentini (Michael-Bernardi), Pandectae medico-legales, Francof. ad Maenum, 1701, deux vol. in-4°.

De Vaux, l'art de faire des rapports en Chirurgie, Paris, 1693, 1730 et 1743, in-12. C'est un excellent livre, le plus simple, le plus sage, &, en son genre, le meilleur de tous.

Welschius (Gotofred.), Rectionale vulnerum laethalium judicium. Lipsiae, 1662, in-8 °. 1674, in-4 °.

Zacchias (Paulus), romanus, Quaestiones medico-legales, Avenione, 1660, in-fol. tome premier. Lugd. 1661, tome second, in-fol. et plusieurs fois réimprimé depuis ; c'est un auteur fort connu. (D.J.)

RAPPORT, en terme de commerce de mer, signifie une déclaration que le maître d'un vaisseau marchand doit faire à l'amirauté, vingt-quatre heures après son arrivée dans le port, par laquelle il énonce le lieu d'où il est parti, le temps de son départ, en quoi consiste le chargement de son navire ; les hasards qu'il a courus ; les désordres arrivés dans son bord, et enfin toutes les circonstances essentielles de son voyage, et représenter en même-temps le congé qu'il a eu de l'amiral pour aller en mer.

Les capitaines des vaisseaux armés en guerre sont tenus de se conformer à la même police pour les prises qu'ils font : les droits de ces rapports se paient aux greffes des amirautés, qui pour les recevoir doivent être ouverts en tout temps depuis huit heures jusqu'à onze heures du matin, et depuis deux heures après midi jusqu'à six. Diction. de Commerce.

RAPPORT, ouvrage de, (Ebénisterie) on appelle ouvrages de rapport, des ouvrages faits de plusieurs pierres, ou de bois, de différentes couleurs, dont on forme des desseins et des représentations de compartiments d'oiseaux, de feuillage, et même de figures humaines ; la mosaïque et la marqueterie sont des ouvrages de rapport. (D.J.)