S. m. c'est le second cas dans les langues qui en ont reçu : son usage universel est de présenter le nom comme terme d'un rapport quelconque, qui détermine la signification vague d'un nom appelatif auquel il est subordonné.

Ainsi dans lumen solis, le nom solis exprime deux idées ; l'une principale, désignée surtout par les premiers élements du mot, sol, et l'autre accessoire, indiquée par la terminaison is : cette terminaison présente ici le soleil comme le terme auquel on rapporte le nom appelatif lumen (la lumiere), pour en déterminer la signification trop vague par la relation de la lumière particulière dont on prétend parler, au corps individuel d'où elle émane ; c'est ici une détermination fondée sur le rapport de l'effet à la cause.

La détermination produite par le génitif peut être fondée sur une infinité de rapports différents. Tantôt c'est le rapport d'une qualité à son sujet, fortitudo regis ; tantôt du sujet à la qualité, puer egregiae indolis : quelquefois c'est le rapport de la forme à la matière, vas auri ; d'autre fois de la matière à la forme, aurum vasis. Ici c'est le rapport de la cause à l'effet, creator mundi ; là de l'effet à la cause, Ciceronis opera. Ailleurs c'est le rapport de la partie au tout, pes montis ; de l'espèce à l'individu, oppidum Antiochiae ; du contenant au contenu ; modius frumenti ; de la chose possédée au possesseur, bona civium ; de l'action à l'objet metus supplicii, etc. Par-tout le nom qui est au génitif exprime le terme du rapport ; le nom auquel il est associé en exprime l'antécédent ; et la terminaison propre du génitif annonce que ce rapport qu'elle indique est une idée déterminative de la signification du nom antécédent. Voyez RAPPORT.

Cette diversité des rapports auxquels le génitif peut avoir trait, a fait donner à ces cas différentes dénominations, selon que les uns ont fixé plus que les autres l'attention des Grammairiens. Les uns l'ont appelé possessif, parce qu'il indique souvent le rapport de la chose possédée au possesseur, praedium Terentii ; d'autres l'ont nommé patrius ou paternus, à cause du rapport du père aux enfants, Cicero pater Tulliae : d'autres uxorius, à cause du rapport de l'épouse au mari, Hectoris Andromache. Toutes ces dénominations péchent en ce qu'elles portent sur un rapport qui ne tient point directement à la signification du génitif, et qui d'ailleurs est accidentel. L'effet général de ce cas est de servir à déterminer la signification vague d'un nom appelatif par un rapport quelconque dont il exprime le terme ; c'était dans cette propriété qu'il en fallait prendre la dénomination, et on l'aurait appelé alors déterminatif avec plus de fondement qu'on n'en a eu à lui donner tout autre nom. Celui du génitif a été le plus unanimement adopté, apparemment parce qu'il exprime l'un des usages les plus fréquents de ce cas ; il nait du nominatif, et il est le générateur de tous les cas obliques et de plusieurs espèces de mots : c'est la remarque de Priscien même, lib. V. de casu : Genitivus, dit-il, naturale vinculum generis possidet, nascitur quidem à nominativo, generat autem omnes obliquos sequentes ; et il avait dit un peu plus haut, Generalis videtur esse hic casus genitivus, ex quo ferè omnes derivationes, et maximè apud Graecos, solent fieri. En effet les services qu'il rend dans le système de la formation s'étendent à toutes les branches de ce système. Voyez FORMATION.

I. Dans la dérivation grammaticale, le génitif est la racine prochaine des cas obliques ; tous suivent l'analogie de sa terminaison, tous en conservent la figurative. Ainsi homo a d'abord pour génitif hom-in-is, où l'on voit o du nominatif changé en in-is ; is est la terminaison propre de ce cas, in en est la figurative ; or la figurative in demeure dans tous les cas obliques, la seule terminaison is y est changée ; hom-in-is, hom-in-i ; hom-in-em, hom-in-e, hom-ines, hom-in-um, hom-in-ibus. De même de temp-or-is, génitif de tempus, sont venus temp-or-i, temp-or-e, temp-or-a, temp-or-um, temp-or-ibus. C'est par une suite de cet usage du génitif, que ce cas a été choisi comme le signe de la déclinaison, voyez DECLINAISON. C'est le signal de ralliement qui rappelle à une même formule analogique tous les noms qui ont à ce cas la même terminaison. Il est vrai que la distinction des déclinaisons doit résulter des différences de la totalité des cas : mais ces différences suivent exactement celle du génitif, et par conséquent ce cas seul peut suffire pour caractériser les déclinaisons.

Les noms de la première ont le génitif singulier en ae, comme mensa (table) gén. mensae : ceux de la seconde ont le génitif en i, comme liber (livre), génit. libri. Ceux de la troisième l'ont en is, comme pater (pere), gén. patris. Ceux de la quatrième l'ont en us, comme fructus (fruit), génit. fructus ; et ceux de la cinquième l'ont en ei, comme dies (jour), génit. diei. On en trouve quelques-uns dont le génitif s'éloigne de cette analogie ; ce sont des noms grecs auxquels l'usage de la langue latine a conservé leur génitif originel : Andromache (Andromaque), génit. Andromaches, première déclinaison : Orpheus (Orphée), génit. Orphei et Orpheos, seconde déclinaison : syntaxis (syntaxe), génit. syntaxis et syntaxeos, troisième déclinaison.

Ces exceptions sont, pour ainsi dire, les restes des incertitudes de la langue naissante. Les cas, et spécialement le génitif, n'y furent pas fixés d'abord à des terminaisons constantes, et les premières qu'on adopta étaient grecques, parce que le latin est comme un rejeton du grec ; elles s'altérèrent insensiblement pour se défaire de cet air d'emprunt, et pour se revêtir des apparences de la propriété.

Ainsi as fut d'abord la terminaison du génitif de la première déclinaison, et l'on disait musa, musas, comme les Doriens : outre le pater familias connu de tout le monde, on trouve encore bien d'autres traces de ce génitif dans les auteurs ; dans Ennius, dux ipse vias, pour viae ; et dans Virgile (Aenaeid. xj.) nihil ipsa, nec auras, nec sonitus memor, selon Jules Scaliger qui attribue à l'impéritie le changement d'auras en aurae. Le génitif de la première déclinaison fut aussi en aï, terraï, aulaï ; on lit dans Virgile, aulaï in medio, pour aulae : comme on rencontre plus d'exemples de ce génitif dans les poètes, on peut présumer qu'ils l'ont introduit pour faciliter la mesure du vers, et qu'ils se réglaient alors sur la déclinaison éolienne, où au lieu du dorien, on disait .

Les noms des autres déclinaisons ont eu également leurs variations au génitif. On trouve plusieurs fois dans Salluste senati. Aulu-Gelle, (lib. VI. c. xvj.) nous apprend qu'on a dit senatuis, fluctuis ; et le génitif senatus, fluctus parait n'en être qu'une contraction. Le génitif de dies se présente dans les auteurs sous quatre terminaisons différentes : 1°. en es, comme equittes daturos illius dies paenas (Cic. pro Sext.) : 2°. en e, comme César l'avait indiqué dans ses analogies, et comme Servius et Priscien veulent qu'on le lise dans ce vers de Virgile (j. Géorg. 208.)

Libra die somnique pares ubi fecerit horas.

3°. en ii, comme dans cet autre passage du même poète, munera laetitiam que dii ; quod imperitiores dei legunt, dit Aulu-Gelle, lib. IXe cap. XIVe 4°. enfin en ei, et c'est la terminaison qui a prévalu.

II. Dans la dérivation philosophique le génitif est la racine génératrice d'une infinité de mots, soit dans la langue latine même, soit dans celles qui y ont puisé ; on en reconnait sensiblement la figurative dans ses dérivés.

Ainsi du génitif des adjectifs l'on forme, à peu d'exceptions près, leurs degrés comparatif et superlatif, en ajoutant à la figurative de ce cas les terminaisons qui caractérisent ces degrés : docti, docti-or, docti-ssi-mus ; prudenti-s prudenti-or, prudenti-ssimus. Il en est de même des adverbes dérivés des adjectifs ; ils prennent cette figurative au positif, et la conservent dans les autres degrés : prudent-is, prudent-er, prudent-iùs, prudent-issimé.

Le génitif des noms sert à la dérivation de plusieurs espèces de mots : de patris sont sortis les noms de patria, patriciatus, patratio, patronus, patrona, patruus ; les adjectifs patrius, patricius, patrimus ; l'adverbe patriè ; les verbes patrare, patrissare. On trouve même plusieurs noms dont le génitif, quant au matériel, ne diffère en rien de la seconde personne du singulier du présent absolu de l'indicatif des verbes qui en sont dérivés : lex, legis ; lego, legis : dux, ducis ; duco, ducis. Quelques génitifs inusités hors de la composition, se retrouvent de même dans des verbes composés de la même racine élémentaire : tibicen, tibi-cinis ; con-cino, con-cinis ; parti-ceps, participis ; ac-cipio, ac-cipis.

Nous avons dans notre langue des mots qui viennent immédiatement d'un génitif latin ; tels sont capitaine, capitation, qui sont dérivés de capitis ; tels encore les monosyllabes, art, mort, part, sort etc. qui viennent des génitifs art-is, mort-is, part-is, sortis, dont on a seulement supprimé la terminaison latine. De-là les dérivés simples : de capitaine, capitainerie ; d'art, artiste, artistement ; de mort, mortel, mortellement, mortalité, mortuaire ; de part, partie, partiel ; de sort, sorte, sortable, &c.

III. Dans la composition, c'est encore le génitif qui est la racine élémentaire d'une infinité de mots, soit primitifs, soit dérivés. On le voit sans aucune altération dans les composés legis-lator, legis-latio ; juris-peritus, juris-prudentia ; agri-colla, agri-cultura. On en reconnait la figurative dans patri-monium, patro-cinium, fronti-spicium, juri-stitium ; et on la retrouve encore dans homi-cidium malgré l'altération ; hom-o, c'est le nominatif ; hom-in-is, c'est le génitif dont la figurative est in ; et la consonne n de cette figurative est retranchée pour éviter le choc trop rude des deux consonnes n c, mais i est resté.

Nous apercevons sensiblement la même influence dans les mots composés de notre langue, qui ne sont pour la plupart que des mots latins terminés à la française ; patri-moine, légis-lateur, légis-lation, jurisconsulte, juris-prudence, agri-culture, frontis-pice, homi-cide : et l'analogie nous a naturellement conduits à conserver les droits de ce génitif dans les mots que nous avons composés par imitation ; part-ager, as-sort-ir, res-sort-ir, &c.

On voit par ce détail des services du génitif dans la génération des mots, que le nom qu'on lui a donné le plus unanimement a un juste fondement ; quoiqu'il n'exprime pas l'espèce de service pour lequel il parait que ce cas a été principalement institué, je veux dire la détermination du sens vague du nom appelatif auquel il est subordonné.

C'est pour cela qu'en latin il n'est jamais construit qu'avec un nom appelatif, quoiqu'on rencontre souvent des locutions où il parait lié à d'autres mots : mais on retrouve aisément par l'ellipse le nom appelatif auquel se rapporte le génitif.

I. Il est quelquefois à la suite d'un nom propre ; Terentia Ciceronis, supp. uxor ; Sophia Septimi, supp. filia.

II. D'autres fois il suit quelqu'un de ces adjectifs présentés sous la terminaison neutre, et réputés pronoms par la foule des Grammairiens ; ad id locorum, c'est-à-dire ad id punctum locorum ; quid rei est ? c'est-à-dire quod momentum rei est ?

III. Souvent il parait modifier toute autre adjectif dont le corrélatif est exprimé ou supposé : plenus vini, lassus viarum, supp. de copiâ vini, de labore viarum. C'est la même chose après le comparatif et le superlatif ; fortior manuum, primus ou doctissimus omnium, supp. è numero manuum, è numero omnium.

IV. Plus souvent encore le génitif est à la suite d'un verbe, et les méthodistes énoncent expressément qu'il en est le régime ; c'est une erreur, il ne peut l'être en latin que d'un nom appelatif, et l'ellipse le ramène à cette construction. Il est aisé de le vérifier sur des exemples qui réuniront à-peu-près tous les cas. Est regis, c'est-à-dire est officium regis. Refert Caesaris, c'est-à-dire refert ad rem Caesaris, comme Plaute a dit (in Pers.). Quid id ad me aut ad meam rem refert ? Interest reipublicae ; est inter negotia, est inter commoda reipublicae. Manet Romae, c'est-à-dire manet in urbe Romae.

On trouve communément le génitif après les verbes poenitère, pudere, pigère, taedere, miserere ; et les rudimentaires disent que ces verbes sont impersonnels, que leur nominatif se met à l'accusatif, et leur régime au génitif. Il est aisé d'apercevoir les absurdités que renferme cette décision : nous ferons voir au mot IMPERSONNEL, que ces verbes sont réellement personnels, et que leur sujet doit être au nominatif quand on l'exprime. Nous allons montrer ici que leur prétendu régime au génitif est le régime déterminatif du nom qui leur sert de sujet ; et que ce qu'on envisage ordinairement comme leur sujet sous la dénomination ridicule de nominatif, est véritablement leur régime objectif.

On lit dans Plaute (Stich. in arg.) et me quidem haec conditio nunc non poenitet : il est évident que haec conditio est le sujet de poenitet, et que me en est le régime objectif ; et l'on pourrait rendre littéralement ces mots me haec conditio non poenitet, par ceux-ci : cette condition ne me peine point, ne me fait aucune peine ; c'est le sens littéral de ce verbe dans toutes les circonstances. Cet exemple nous indique le moyen de ramener tous les autres à l'analogie commune, en suppléant le sujet sousentendu de chaque verbe : poenitet me facti veut dire conscientia facti poenitet me, le sentiment intérieur de mon action me peine.

Pareillement dans cette phrase de Cicéron (pro domo), ut me non solum pigeat stultitiae meae, sed etiam pudeat ; c'est tout simplement, ut conscientia stultitiae meae non solum pigeat, sed etiam pudeat me.

Dans celle-ci, sunt homines quos infamiae suae neque pudeat neque taedeat (2. verr.) ; suppléez turpitudo, et vous aurez la construction pleine : sunt homines quos turpitudo infamiae suae neque pudeat neque taedeat.

De même dans cette autre qui est encore de Cicéron, miseret me infelicis familiae ; suppléez sors, et vous aurez cette phrase complete , sors infelicis familiae miseret me.

On voit donc que les mots facti, stultitiae, infamiae, familiae, ne sont au génitif dans ces phrases, que parce qu'ils sont les déterminatifs des noms conscientia, turpitudo, sors, qui sont les sujets des verbes ;

Le génitif se construit encore avec d'autres verbes ; quanti emisti ? c'est-à-dire, pro re quanti pretii emisti ? Cicéron (Attic. viij.) parlant de Pompée, dit facio pluris omnium hominum neminem ; c'est comme s'il avait dit, facio neminem ex numero omnium hominum virum pluris momenti : c'est la même chose du passage de Térence (in Phorm.) meritò te semper maximi feci, c'est-à-dire virum maximi momenti. Mais si le régime objectif est le nom d'une chose inanimée, le nom appelatif qu'il faut suppléer, c'est res ; illos scelestos qui tuum fecerunt fanum parvi (Plaut. in Rudent.), c'est-à-dire, qui tuum fecerunt fanum rem parvi pretii. Accusare furti, c'est accusare de crimine furti ; condemnare capitis, c'est condemnare ad poenam capitis. Oblivisci, recordari, meminisse alicujus rei ; suppléez memoriam alicujus rei ; c'est ce même nom qu'il faut sous-entendre dans cette phrase de Cicéron et dans les pareilles, tibi tuarum virtutum veniat in mentem (de orat. IIe 61.) suppléez memoria.

V. Quand on trouve un génitif avec un adverbe, il n'y a qu'à se rappeler que l'adverbe a la valeur d'une préposition avec son complément, voyez ADVERBE ; et que ce complément est un nom appelatif : en décomposant l'adverbe, on retrouvera l'analogie. Ubi terrarum, décomposez ; in quo loco terrarum : nusquam gentium, c'est-à-dire in nullo loco gentium.

Il faut remarquer ici qu'on ne doit pas chercher par cette voie l'analogie du génitif, après certains mots que l'on prend mal-à-propos pour les adverbes de quantité, tels que parum, multum, plus, minus, plurimum, minimum, satis, etc. ce sont de vrais adjectifs employés sans un nom exprimé, et souvent comme complément d'une préposition également sousentendue : dans ce second cas, ils font l'office de l'adverbe : mais par-tout le génitif qui les accompagne est le déterminatif du nom leur corrélatif ; satis nivis, c'est copia satis nivis, ou copia conveniens nivis. De l'adjectif satis vient satior.

VI. Enfin on rencontre quelquefois le génitif à la suite d'une préposition ; il se rapporte alors au complément de la préposition même qui est sous-entendue. Ad Castoris, suppléez aedem ; ex Apollodori (Cic.) suppléez chronicis ; labiorum tenùs, suppléez extremitate.

Nous nous sommes un peu étendus sur ces phrases elliptiques ; premièrement, parce que le génitif qui est ici notre objet principal, y paraissant employé d'une autre manière que sa destination originelle ne semble le comporter, il était de notre devoir de montrer que ce ne sont que des écarts apparents, et que les assertions contraires des méthodistes sont fausses et fort éloignées du vrai génie de la langue latine : en second lieu, parce que nous regardons la connaissance des moyens de suppléer l'ellipse, comme une des principales clés de cette langue.

On doit être suffisamment convaincu par tout ce qui précède, que le génitif fait l'office de déterminatif à l'égard du nom auquel il est subordonné : mais il faut bien se garder de conclure que ce soit le seul moyen qu'on puisse employer pour cette détermination. Il faut bien qu'il y en ait d'autres dans les langues dont les noms ne reçoivent pas les inflexions appelées cas.

En français on remplace assez communément la fonction du génitif latin par le service de la préposition de, qui par le vague de sa signification semble exprimer un rapport quelconque ; ce rapport est spécifié dans les différentes occurrences (qu'on nous permette les termes propres) par la nature de son antécédent et de son conséquent. Le créateur de l'univers, rapport de la cause à l'effet : les écrits de Cicéron, rapport de l'effet à la cause : un vase d'or ; rapport de la forme à la matière : l'or de ce vase, rapport de la matière à la forme, etc. En hébreu, on emploie des préfixes, sortes de prépositions inséparables, dont quelqu'une est spécialement déterminative d'un terme antécédent. Chaque langue a son génie et ses ressources.

La langue latine elle-même n'est pas tellement restreinte à son génitif déterminatif, qu'elle ne puisse remplir les mêmes vues par d'autres moyens : Evandrius ensis, c'est la même chose qu'ensis Evandri ; liber meus, c'est liber mei, liber pertinens ad me ; domus regia, c'est domus regis. On voit que le rapport de la chose possédée au possesseur, s'exprime par un adjectif véritablement dérivé du nom du possesseur, mais qui s'accorde avec le nom de la chose possédée ; parce que le rapport d'appartenance est réellement en elle et s'identifie avec elle.

Le rapport de l'espèce à l'individu, n'est pas toujours annoncé par le génitif : souvent le nom propre déterminant est au même cas que le nom appelatif déterminé, urbs Roma, flumen Sequana, mons Parnassus, etc. Mais cette concordance ne doit pas s'entendre comme le commun des Grammairiens l'expliquent : urbs Roma ne signifie point, comme on l'a dit Roma quae est urbs ; c'est au contraire urbs quae est Roma ; urbs est déterminé par les qualités individuelles renfermées dans la signification du mot Roma. Il y a précisément entre urbs Romae et urbs Roma, la même différence qu'entre vas auri et vas aureum ; aureum est un adjectif, Roma en fait la fonction ; l'un et l'autre est déterminatif d'un nom appelatif, et c'est la fonction commune des adjectifs relativement aux noms. N'est-il pas en effet plus que vraisemblable que les noms propres Asia, Africa, Hispania, Gallia, etc. sont des adjectifs dont le substantif commun est terra ; que annularis, auricularis, index, etc. noms propres des doigts, se rapportent au substantif commun digitus ? Quand on veut donc interprêter l'apposition, et rendre raison de la concordance des cas, c'est le nom propre qu'il faut y considérer comme adjectif, parce qu'il est déterminant d'un nom appelatif. Voyez APPOSITION.

La langue latine a encore une manière qui lui est propre, de déterminer un nom appelatif d'action par le rapport de cette action à l'objet ; ce n'est pas en mettant le nom de l'objet au génitif, c'est en le mettant à l'accusatif. Alors le nom déterminé est tiré du supin du verbe qui exprime la même action ; et c'est pour cela qu'on le construit comme son primitif avec l'accusatif. Ainsi, au lieu de dire, quid tibi hujus cura est rei ? Plaute dit ; qui tibi hanc curatio est rem ?

Nous avons Ve jusqu'ici la nature, la destination générale, et les usages particuliers du génitif ; n'en dissimulons pas les inconvéniens. Il détermine quelquefois en vertu du rapport d'une action au sujet qui la produit, quelquefois aussi en vertu du rapport de cette action à l'objet ; c'est une source d'obscurités dans les auteurs latins.

Est-il aisé, par exemple, de dire ce qu'on entend par amor Dei ? La question paraitra singulière au premier coup-d'oeil ; tout le monde répondra que c'est l'amour de Dieu : mais c'est en français la même équivoque ; car il restera toujours à savoir si c'est amor Dei amantis ou amor Dei amati. Il faut avouer que ni l'expression française ni l'expression latine n'en disent rien. Mais mettez ces mots en relation avec d'autres, et vous jugerez ensuite. Amor Dei est infinitus, c'est amor Dei AMANTIS ; amor Dei est ad salutem necessarius, c'est amor Dei AMATI.

Cette remarque amène naturellement celle-ci. Il ne suffit pas de connaître les mots et leur construction mécanique, pour entendre les livres écrits en une langue ; il faut encore donner une attention particulière à toutes les correspondances des parties du discours, et en observer avec soin tous les effets. (E. R. M.)