S. douteux, (Grammaire) L'académie française fait ce mot masculin, et c'est l'usage le plus suivi ; cependant Danet, Richelet, et l'auteur du Novitius, le font du genre féminin. Les Latins, dit ce dernier en parlant de la dialecte éolique, ont suivi particulièrement cette dialecte. Le prote de Poitiers, dans son dictionnaire d'orthographe, fait aussi ce mot féminin, édition de 1739 ; mais il ajoute, et ceci n'a pas été corrigé dans la dernière édition revue par M. Restaut ; il ajoute, dis-je, que MM. de Port-royal soutiennent que ce mot est féminin : cependant je ne le trouve que masculin dans la méthode grecque de Port-royal, édit. de 1695. préf. pag. 17. 28. etc. S'il m'est permis de dire mon sentiment particulier, il me parait que ce mot étant purement grec, et n'étant en usage que parmi les gens de Lettres, et seulement quand il s'agit de grec, on n'aurait dû lui donner que le genre qu'il a en grec, et c'est ce que les Latins ont fait : tum ipsa habet eam jucunditatem, ut latentes etiam numeros complexa videatur. Quintil. inst. orat. lib. IX. c. IVe

Quoi qu'il en soit du genre de ce mot, passons à son étymologie, et à ce qu'il signifie. Ce mot est composé de , dico, et de , préposition qui entre dans la composition de plusieurs mots, et c'est de-là que vient notre préposition inséparable di et dis : diférer, disposer, &c.

, manière particulière de prononcer, de parler ; , dissero, colloquor. La dialecte n'est pas la même chose que l'idiotisme : l'idiotisme est un tour de phrase particulier, et tombe sur la phrase entière ; au lieu que la dialecte ne s'entend que d'un mot qui n'est pas tout à fait le même, ou qui se prononce autrement que dans la langue commune. Par exemple, le mot fille se prononce dans notre langue commune en mouillant l'l, mais le peuple de Paris prononce fi-ye, sans l ; c'est ce qu'en grec on appellerait une dialecte. Si le mot de dialecte était en usage parmi nous, nous pourrions dire que nous avons la dialecte picarde, la champenoise ; mais le gascon, le basque, le languedocien, le provençal, ne sont pas des dialectes : ce sont autant de langages particuliers dont le français n'est pas la langue commune, comme il l'est en Normandie, en Picardie et en Champagne.

Ainsi en grec les dialectes sont les différences particulières qu'il y a entre les mots, relativement à la langue commune ou principale. Par exemple, selon la langue comme on dit , les Attiques disaient ; mais ce détail regarde les grammaires grecques.

La méthode grecque de Port-royal, après chaque partie ou discours, nom, pronom, verbe, etc. ajoute les éclaircissements les plus utiles sur les dialectes. On trouve à la fin de la grammaire de Clénard, une douzaine de vers techniques très-instructifs touchant les dialectes. On peut voir aussi le traité de Joannes Grammaticus, de dialectis.

L'usage de ces dialectes était autorisé dans la langue commune, et était d'un grand service pour le nombre, selon Quintilien. Il n'y a rien de semblable parmi nous, et nous aurions été fort choqués de trouver dans la Henriade des mots français habillés à la normande, ou à la picarde, ou à la champenoise ; au lieu qu'Homère s'est attiré tous les suffrages en parlant dans un seul vers les quatre dialectes différentes, et de plus la langue commune. Les quatre dialectes sont l'attique, qui était en usage à Athènes ; l'ionique, qui était usitée dans l'Ionie, ancien nom propre d'une contrée de l'Asie mineure, dont les villes principales étaient Milet, Ephese, Smyrne, etc. La troisième dialecte était la dorique, en usage parmi un peuple de Grèce qu'on appelait les Doriens, et qui fut dispersé en différentes contrées. Enfin la quatrième dialecte c'est l'éolique : les éoliens étaient un peuple de la Grèce, qui passèrent dans une contrée de l'Asie mineure, qui de leur nom fut appelée Eolie. Cette dialecte est celle qui a été le plus particulièrement suivie par les Latins. On trouve dans Homère ces quatre dialectes, et la langue commune : l'attique est plus particulièrement dans Xénophon et dans Thucydide ; Hérodote et Hippocrate emploient souvent l'ionique ; Pindare et Théocrite se servent de la dorique ; Sapho et Alcée de l'éolique, qui se trouve aussi dans Théocrite et dans Pindare : c'est ainsi que par rapport à l'italien, le bergamasque, le vénitien, le polonais, le toscan et le romain pourraient être regardés comme autant de dialectes. (F)