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Catégorie : Grammaire
S. m. (Grammaire) violente agitation de l'air, accompagnée de pluie et quelquefois de grêle, d'éclairs et de tonnerre.

Les grands vaisseaux ne craignent ni les vents, ni l'orage, mais seulement la terre et le feu.

Il se prend au figuré, le vaisseau de l'église est sans cesse battu de l'orage. Il n'y a point de maisons qui ne soient troublées par quelques orages.

ORAGE, (Physique) personne ne doute qu'il n'y ait une matière extrêmement agitée qui pénètre les corps même les plus durs, ébranle leurs petites parties, les sépare les unes des autres, les entraîne avec elle, et les répand çà et là dans le fluide qui les environne : aussi les voyons-nous tous, tant solides que liquides, se dissiper insensiblement, diminuer de volume, et enfin par le laps du temps s'évanouir et disparaitre à nos yeux.

Il y a donc dans l'air des parties de tous les mixtes que nous voyons sur la terre, et de ceux même que nous ne voyons pas, et qu'elle renferme dans son sein.

Nous savons d'ailleurs que parmi ces mixtes il y en a dont le mélange est toujours suivi d'un mouvement de fermentation. Il doit donc y avoir dans l'air des fermentations, dont les effets doivent varier selon la différente nature des principes qui les produisent, selon la différente combinaison de ces mêmes principes, et même selon la différente disposition du fluide dans lequel ils nagent.

Et voilà d'abord une idée générale de la cause qui produit les orages et les phénomènes qui les accompagnent ; mais entrons dans quelque détail, et voyons comment la fermentation opère tous ces prodiges.

Formation des orages. L'expérience nous apprend qu'il n'y a point de fermentation qui ne produise un mouvement expansif dans la matière qui fermente : ainsi dès que les vapeurs et les exhalaisons qui forment un nuage, commencent à être agitées par la fermentation, il faut que ce nuage se dilate et qu'il occupe un plus grand espace, il faut donc aussi qu'il s'élève : car puisque son volume augmente, sa masse demeurant la même, il devient plus léger qu'un pareil volume d'air, ce qui suffit pour le faire monter suivant les lois invariables de l'Hydrostatique. Or il est aisé de comprendre que ce mouvement de bas-en-haut doit attirer les nuages qui se trouvent à une certaine distance du lieu abandonné par celui qui s'élève ; car à mesure qu'il passe d'une couche d'air à une autre plus élevée, et par conséquent moins dense que la première, l'espace qu'il laisse après lui doit être occupé principalement par l'air collatéral, puisque c'est le seul qui ait la densité requise pour faire équilibre à cette hauteur. Donc la couche d'air qui répond à cette même hauteur, doit prendre une pente vers cet endroit, et en même temps y pousser les nuages voisins, lesquels se joignant au premier fermenteront avec lui, et en attireront d'autres de la même manière qu'ils ont été attirés eux-mêmes.

Et je n'avance rien ici dont il ne soit aisé de se convaincre ; car d'où viennent ces mouvements contraires et opposés qu'on remarque toujours dans les nuages qui environnent un orage pendant qu'il se forme, et dont le vulgaire croit rendre raison en disant que les vents se battent ? N'est-il pas évident que l'exaltation de la matière qui fermente attire les uns, tandis que son mouvement expansif du centre à la circonférence écarte les autres ?

Mais développons ceci encore mieux, s'il est possible.

Dès que la matière qui forme un nuage commence à fermenter, il est certain que son expansion et le mouvement de chaleur qui se répand de tous côtés doivent écarter l'air environnant, ensemble les nuages voisins dont cet air se trouve chargé. Mais l'effet de cette chaleur et de cette force expansive, diminuera sans doute dans cette couche d'air à mesure que la matière s'en éloignera en passant dans une autre plus élevée, donc ce même air d'abord écarté à droite et à gauche doit bientôt retomber par son propre poids et par la force de son ressort vers l'espace abandonné par la matière qui s'éleve, et ramener ainsi vers l'orage les mêmes nuages qu'on avait Ve s'en écarter un peu auparavant. C'est ainsi que l'air écarté par l'action du soleil revient à l'endroit même d'où il a été chassé aussi-tôt que le soleil a passé outre : encore dans le cas proposé, y a-t-il, comme l'on voit, une cause particulière qui doit hâter le retour de l'air, puisque le nuage qui s'élève laisse après lui un espace propre à la recevoir, au lieu que le soleil n'en laisse point.

Pour rendre encore plus sensible ce que je viens de dire, et ne laisser aucun doute sur la cause qui produit ce jeu singulier dans les nuages qui se trouvent à portée d'un orage qui se forme, je suppose qu'on mette dans un vase différentes liqueurs moins pesantes les unes que les autres, par exemple, du mercure, de l'eau et de l'huile, et pour rapprocher cette supposition du cas proposé autant qu'il est possible, j'imagine ce vase extrêmement étendu et ces différentes liqueurs aussi élastiques que l'air. Si on jette dans ce vase un solide d'un certain volume et d'une pesanteur spécifique égale à celle de l'eau, il est évident qu'il doit s'arrêter dans l'eau entre l'huîle et le mercure, et qu'il doit s'y tenir en équilibre tandis qu'il ne surviendra aucun changement dans sa masse, ni dans son volume : mais si l'on suppose qu'il se fasse dans ce solide une fermentation qui le dilate, il arrivera en premier lieu que son expansion jointe au mouvement de chaleur qui l'accompagne écartera l'eau environnante, et la poussera de tous côtés vers les parois du vase, en sorte que si cette eau se trouve chargée de quelques corpuscules, on les verra s'éloigner peu-à-peu en s'approchant des bords : il arrivera en second lieu que ce solide, en se dilatant, s'élevera hors de l'eau et passera dans l'huile, qu'il doit également pousser vers les parois du vase, de même que les corps étrangers dont l'huîle se trouvera chargée. Enfin il arrivera qu'à mesure que ce solide passera de l'eau dans l'huile, l'eau qui d'abord avait été poussée vers les bords, doit tomber par son propre poids vers l'espace que le solide laisse dans l'eau en montant dans l'huile, et ramener ainsi au-dessous du solide les mêmes corpuscules qu'on avait Ve un peu auparavant s'écarter vers les bords ; en sorte que dans le même temps on verra ceux-ci s'approcher du solide, et ceux qui nagent dans l'huîle s'en éloigner, jusqu'à ce qu'enfin le solide passant de l'huîle dans l'air, ils seront ramenés à leur tour vers l'espace que le solide laissera dans l'huîle en montant dans l'air. Ceci est palpable, et il est aisé d'en faire l'application aux différents nuages qui se trouvent dans les différentes couches d'air qu'un orage qui se forme doit traverser en s'élevant.

Mais ce n'est pas assez d'avoir démontré que les nuages voisins doivent être attirés par ce mouvement de bas-en-haut de la matière qui fermente, il faut encore prouver que les vapeurs et les exhalaisons qui ne forment point de nuage, et qui sont si répandues dans l'air qu'elles ne tombent point sous les sens, doivent aussi se porter vers cet endroit et suivre la matière qui s'éleve. Or rien de plus aisé à faire que cette preuve.

Car premièrement, tout mouvement de chaleur excité dans l'air, procure l'élévation des corpuscules qu'il soutient. Or la chaleur de la fermentation se répand sans doute dans cette couche d'air, qui est immédiatement au-dessous de la matière qui fermente. Donc les vapeurs et les exhalaisons qui s'y trouvent doivent monter plus haut, et se joindre à celles qui fermentent.

En second lieu, cette première couche d'air ne peut se débarrasser de tous les corps étrangers dont elle était chargée, et que la fermentation lui enleve, qu'en même temps elle n'attire une partie de ceux qui se trouvent répandus dans la couche inférieure, lesquels à mesure qu'ils y arriveront seront élevés plus haut comme les premiers, et iront tout comme eux grossir le corps de l'orage, et par-là même contribuer au progrès, tant de la fermentation que de cette espèce de vertu attractive, qui en est une suite.

Desorte que, selon ces principes, il peut arriver ce que l'on voit souvent, que quand bien même il n'y aura point ou presque point de nuages qui aillent se joindre à celui qui commence à fermenter, il ne laisse pas que de s'étendre et de grossir considérablement au moyen de cette espèce d'empire qu'il exerce sur les vapeurs et les exhalaisons répandues autour de lui, en les attirant de toutes parts, et en les allant chercher jusque vers la surface de la terre et dans la terre même ; car on comprend que de proche en proche l'attraction peut aller jusque-là, surtout quand il règne un grand calme dans l'air, que la terre est humide et que le soleil dardant ses rayons sur cet endroit de la terre qui se trouve directement sous l'orage, en détache des parties déjà ébranlées par l'humidité, et facilite leur élévation en les atténuant : aussi observe-t-on constamment que les orages deviennent plus considérables et même plus dangereux toutes les fois que le soleil parait pendant qu'ils se forment, comme aussi qu'ils sont souvent précédés d'une rosée abondante qui tombe pendant la nuit, ou d'un brouillard ou petite pluie qui tombe le matin.

Au reste, j'ai dit ci-dessus que les nuages poussés vers le lieu abandonné par ceux que la fermentation éleve, doivent s'élever aussi et se joindre à eux. J'ajouterai maintenant que cela doit arriver, quelle que soit leur densité ou leur pesanteur spécifique. Car, parmi tous ces corpuscules et toutes ces parties de différents mixtes dont je viens d'expliquer l'élévation, il y en a sans doute que l'on peut regarder comme des véritables ferments ; or ces ferments ne pouvant s'élever jusqu'aux nuages supérieurs qui les attirent sans rencontrer ceux qui s'assemblent au-dessous, les pénétreront, les feront fermenter, les dilateront et les feront monter jusqu'à-ce qu'ils se joignent aux premiers.

Voilà une explication bien simple de la manière dont les orages se forment : celle que l'on Ve donner du vent impétueux qui se fait sentir ordinairement lorsqu'ils commencent à fondre, ne le sera pas moins.

Vent. Pendant que la fermentation élève et soutient la matière qui fermente, il est évident que ceux qui se trouvent sous l'orage ne doivent sentir aucun vent, à moins que quelque cause particulière et indépendante de l'orage ne leur en procure, puisqu'alors tout le mouvement qui règne dans l'air se dirige vers le lieu abandonné par la matière qui s'éleve. Mais voyons ce qui doit arriver lorsque la fermentation parvenue au période commence enfin à diminuer.

D'abord si nous supposons qu'elle diminue également et dans la même proportion dans toutes les parties de l'orage, il arrivera en premier lieu que le corps de l'orage diminuera de volume, et que cette diminution sera parfaitement égale dans toutes ses parties : il arrivera en second lieu que la résistance que le corps de l'orage opposait à l'air environnant, diminuera également de tous côtés, de façon que le ressort de cet air environnant doit se déployer également sur toutes ses parties. Il y aura donc deux causes qui concourront pour pousser l'orage perpendiculairement vers la terre, et pour le tenir toujours parallèle à lui-même pendant sa chute ; l'air intermédiaire doit donc être pressé de-haut en-bas avec une force exactement proportionnée à la vitesse avec laquelle l'orage descend, c'est-à-dire à la diminution plus ou moins prompte de la fermentation qui le soutient. Mais quel sera l'effet de cette pression ? et que doit devenir cette grande colonne d'air ainsi poussée contre la surface de la terre qu'elle ne peut pénétrer ? La réponse est aisée. Elle doit s'échapper de tous côtés en se répandant du centre à la circonférence de l'orage ; en sorte qu'on doit se représenter cette ligne qui tombe du centre de gravité de l'orage perpendiculairement sur la surface de la terre, comme environnée dans toute sa longueur de petits filets de vent coulant horizontalement jusque par-delà les extrémités de l'orage, et se repliant ensuite vers l'espace que l'orage laisse après lui. Il n'y aura donc point de vent au pied de cette ligne (non plus que dans toute sa longueur) ; et celui qui soufflera tout proche ne sera presque rien, et ne pourra devenir sensible qu'à une certaine distance, comme vers les extrémités, et tout autour de cet endroit de la terre sur lequel l'orage descend.

Mais il est moralement impossible que la fermentation diminue en même temps et dans la même proportion dans toutes les parties de l'orage, ainsi qu'on vient de le supposer ; il faudrait pour cela que les ferments eussent été distribués par-tout également, qu'ils eussent par-tout la même force et la même activité, et que la matière qui fermente fût par-tout également disposée et susceptible du même degré de fermentation dans le même temps. Ainsi ce cas-là doit presque être regardé comme un cas chimérique.

Supposons donc ce qui doit presque toujours arriver, que la fermentation s'affoiblisse sensiblement dans une partie de l'orage, tandis qu'elle se soutient ou qu'elle diminue beaucoup moins dans les autres : alors il est évident non-seulement que le corps de l'orage doit faire un mouvement vers cet endroit devenu plus faible, mais encore que toute l'action de l'air environnant, qui jusque-là a été tellement dirigée vers le centre de l'orage, qu'elle l'a tenu immobîle en le pressant également de tous côtés, doit maintenant suivre ce centre qui s'échappe, et se déployer de ce côté avec d'autant plus de force, que la résistance de la partie de l'orage qui s'affoiblit, diminue avec plus de promptitude.

Et ce qui doit donner lieu à cet air de se jeter du même côté avec encore plus de force, et d'accélérer d'autant plus le mouvement progressif de l'orage, c'est que la fermentation ne peut s'affoiblir dans une de ses parties sans que cet affoiblissement se communique en quelque façon à tout le corps de l'orage ; je m'explique. La partie qui s'affoiblit ne peut descendre sans entraîner tout l'orage, qui doit descendre aussi en s'inclinant sur elle. Donc la fermentation doit aussi s'affoiblir dans le corps de l'orage ; la conséquence est évidente, car il ne peut descendre sans prendre la place d'un volume d'air plus pesant ; il doit donc devenir lui-même plus pesant. Donc son volume doit diminuer ; ce qui ne peut se faire sans que la fermentation diminue aussi dans la même proportion : de sorte que ces deux choses, savoir la diminution de la fermentation et la descente de la matière qui fermente, seront la cause et l'effet l'une de l'autre en différents endroits de l'orage.

Cependant comme l'orage n'est forcé de descendre qu'en s'inclinant sur la partie faible, la diminution de la fermentation occasionnée par cette descente, ne doit pas être égale dans toutes ses parties, mais plus ou moins considérable dans chacune, selon qu'elle se trouve plus ou moins proche de la partie faible qui entraîne tout. On voit même que le progrès que cet affoiblissement fera dans cette partie, doit se communiquer aux autres de la même manière et avec la même gradation. Voyez ci-après pag. suiv. phénom. 3.

Il y aura donc cette différence du premier cas à celui-ci, que dans le premier le corps de l'orage doit descendre directement vers le centre de la terre, au lieu que dans le second il doit plonger obliquement entrainé par la partie faible qui est la première à descendre, et forcé d'obéir au mouvement que lui imprime l'action de l'air, qui le suit et le pousse devant lui, ainsi qu'on vient d'expliquer.

Ce n'est donc plus directement vers la terre que sa chute doit pousser l'air intermédiaire, comme dans le cas précédent, mais obliquement et suivant la direction de sa ligne de route. Or la surface de la terre ne saurait empêcher l'effet de cette pression, qui dans ce cas doit être suivie d'un vent plus ou moins impétueux, selon que le mouvement progressif de l'orage est plus ou moins hâté par l'affoiblissement de la fermentation, et par la facilité que cet affoiblissement trouve à se communiquer d'une extrémité de l'orage à l'autre.

Ouragans. C'est la direction oblique de ce vent, ainsi excité par la translation précipitée du corps de l'orage, qui est cause de ces tourbillons que l'on voit quelquefois arracher des arbres, renverser des maisons, etc. car cette direction étant composée de l'horizontale et de la perpendiculaire, la surface de la terre est entièrement opposée à l'une ; et les montagnes, les édifices, les forêts, etc. s'opposent à l'autre, et même en différents sens et de différentes façons, selon leur différente position et la différente inclinaison de leurs surfaces, par rapport au mouvement direct du vent que l'orage pousse devant lui. Ainsi, par exemple, différents ruisseaux de vent réfléchis en arrière et du haut en bas par différentes montagnes, différents édifices, etc. différemment situés et différemment inclinés, peuvent concourir en un même point comme en un foyer. Là ils seront croisés par d'autres ruisseaux réfléchis en avant et de bas en haut par la surface de la terre, et les uns et les autres seront encore traversés par des troisiemes qui n'ayant point rencontré d'obstacle, ont suivi jusques-là leur première détermination.

On voit assez que le concours, l'opposition, la différente inclinaison de tous ces ruisseaux, les uns à l'égard des autres, peut produire dans l'air qui les compose, un mouvement spiral ou circulaire extrêmement violent, et que si quelque obstacle, par exemple, un arbre se trouve dans l'enceinte de ce tourbillon, il en deviendra bientôt le centre, et qu'il sera arraché avec d'autant plus de facilité que ses branches et son feuillage donneront plus de prise au vent qui roule tout autour avec une rapidité inconcevable.

Grêle. Ce phénomène, tout étrange qu'il est, l'est cependant moins que celui qu'à juste titre on peut appeler le fléau de nos contrées ; on voit bien que c'est de la grêle qu'il est ici question. En effet, il n'est pas mal-aisé de comprendre que plusieurs courants d'air, qui se choquant les uns aux autres, s'empêchent mutuellement de continuer leur mouvement en ligne droite, et par-là même s'obligent à tourner circulairement autour d'un centre commun ; peuvent envelopper un arbre et le déraciner. Mais comment concevoir que des vapeurs et des exhalaisons suspendues sur nos têtes, et échauffées à un tel point, que le lieu d'où elles sortent nous parait bien souvent tout en feu, puissent se convertir subitement en pièces de glace plus compactes et plus solides que celle que nous voyons se former durant l'hiver le plus rude ? On dira sans doute que ce qui glace et durcit ainsi les parties liquides qui se détachent d'un orage, et le convertit en grêle, c'est la froideur de l'air qu'elles ont à traverser pour parvenir jusqu'à la surface de la terre.

Mais premièrement, à quelque hauteur qu'un orage puisse s'élever, peut-on raisonnablement supposer que l'air qui se trouve au-dessous, soit assez froid pour glacer et durcir dans un instant une matière qui, indépendamment de son mouvement de liquidité, a deux autres mouvements également propres à empêcher cet effet ; savoir, un mouvement de chaleur que la fermentation doit lui avoir laissé ; et un mouvement de translation qui la précipite vers la terre ?

En second lieu, nous savons que la moyenne région de l'air, qui est la région des vents et des orages, ne s'étend pas tout à fait jusqu'au sommet des plus hautes montagnes. Or je demande si ceux qui y sont montés, ont senti cet air froid capable de produire un effet aussi surprenant. Si cela était, ils y seraient morts sans doute, et ils ne seraient jamais revenus nous apprendre que des caractères tracés sur la poussière se sont conservés pendant plusieurs années, sans souffrir la plus petite altération.

Ces raisons et quelques autres que j'obmets pour abréger, m'ont toujours empêché d'adopter le système ordinaire sur la formation de la grêle ; et j'ai toujours cru que cette matière qui se détache des orages lorsqu'ils fondent, et qui se glace et se durcit en tombant, portait du sein même de l'orage, où elle a fermenté, le principe qui produit cet effet pendant sa chute.

Pour expliquer ce que c'est que ce principe, je commence par observer premièrement, que la grêle étant une espèce de glace, il est très-vraisemblable qu'elle se forme à-peu-près comme la glace ordinaire ; et secondement, que de l'aveu de la plupart des physiciens, la glace se forme au moyen de parties de nitre répandues dans l'air, que quelques-uns appellent esprits frigorifiques, lesquelles, selon les uns, s'insinuent comme de petits coins dans les intervalles que les parties du liquide laissent entre elles, et par-là empêchent que la matière extrêmement agitée, qui est la cause de la liquidité, ne puisse y passer avec assez de liberté pour produire son effet ordinaire ; et selon d'autres, fichent leur pointe dans différentes parties du même liquide, et en forment des molécules si grossières, que la cause de la liquidité ne pouvant plus les agiter, elles tombent les unes sur les autres, et forment ainsi un corps dur. La manière dont on fait la glace artificielle est une assez bonne preuve de la solidité de l'une ou de l'autre de ces deux opinions.

D'où je pourrais conclure sans autre preuve, car ici les vraisemblances doivent tenir lieu de démonstrations, que ce sont ces mêmes parties de nitre, ces mêmes esprits frigorifiques, ou du-moins des parties de matière analogues à celles-là, qui faisant parties de ce mélange de vapeurs et d'exhalaisons qui se détachent d'un orage lorsqu'il fond, les glacent en tombant, et les convertissent en grêle.

Mais pour appuyer cette conjecture et la tourner en preuve, j'expliquerai en peu de mots comment cela doit arriver, conformément au système proposé.

Lorsque la fermentation diminue, le volume de la matière qui fermente diminue aussi dans la même proportion, c'est-à-dire, que ses petites parties se rapprochent les unes des autres, à mesure qu'elles perdent de leur mouvement ; mais les moins subtiles et les plus grossières, du nombre desquelles seront les parties de nitre et autres semblables, lorsqu'à cause de leur roideur et de leur inflexibilité, elles auront résisté (a) plus que les autres à l'action de la fermentation, doivent faire plus que se rapprocher : leur propre poids et le retour de l'air environnant attiré tout-à-la-fais par la descente et par la réduction du volume de la matière qui forme l'orage, doivent les faire tomber les unes sur les autres, et les rassembler ainsi par pelotons d'autant plus grands que la fermentation tombe avec plus de promptitude. Ces pelotons renfermeront nécessairement quelques parties de cet air extrêmement dilaté, dans lequel ils se forment, et le tout ensemble descendra vers la terre.

Or je dis que ces pelotons ainsi composés, doivent se glacer en tombant indépendamment de la froideur de l'air qu'ils ont à traverser : car le ressort de l'air intérieur, de cet air raréfié qu'ils portent du sein même de l'orage où ils se sont formés, Ve toujours s'affoiblissant depuis qu'il n'est plus soutenu par la chaleur de la fermentation, et se réduit presque à rien ; par conséquent il n'oppose presque point de résistance à l'action de l'air extérieur, qui les environnant de toutes parts dans leur trajet, presse leurs petites parties les unes contre les autres, et les tient ainsi dans un repos respectif, (a) que l'on peut comparer au repos d'une eau dormante. Donc ces parties de nitre, ces esprits frigorifiques, qui entrent dans la composition de ces petits grumeaux de matière liquide, doivent y produire le même effet que celui qu'ils produisent dans l'eau dormante durant le froid de l'hiver, ou encore mieux le même effet que celui qu'ils produisent dans l'eau quand on fait de la glace artificielle. En un mot, forcés d'obéir à la pression de l'air extérieur, ils doivent s'arranger dans le liquide de la manière la plus propre à réduire sa masse au plus petit volume qu'il est possible. Ils doivent donc boucher ses pores, ou si l'on veut, ficher leurs pointes dans ses petites parties, et par-là arrêter l'action de cette matière extrêmement agitée, qui est la cause de leur liquidité.

Il faut pourtant convenir qu'il doit y avoir deux différences notables entre la glace ainsi formée, et la glace d'hiver ; mais ces différences viennent à l'appui de mon hypothèse, bien loin de la combattre ; car il suit des principes ci-dessus établis, que cette matière qui se glace ainsi en tombant, doit se glacer en très-peu de temps, et plus promptement que l'eau ne se glace en plein air durant l'hiver le plus rude, puisqu'ici l'air intérieur ne fait point d'obstacle à l'affaissement des parties, au lieu que le ressort de l'air qui est dans l'eau en soulève les parties et les empêche de se rapprocher ; tellement qu'elle ne se convertit en glace, qu'en écartant cet air et en le contraignant de s'assembler en petits grumeaux ou petites bulles, que l'on voit éparses çà et là dans l'intérieur de la glace ; aussi ne doutai-je pas qu'on ne fit de la glace artificielle avec de l'eau purgée d'air plus facilement et plus promptement qu'avec de l'eau commune.

La seconde différence qu'il doit y avoir entre la glace et la grêle, c'est que la grêle doit être plus solide et plus compacte que la glace, puisqu'il y a beaucoup moins d'air dans l'une que dans l'autre. C'est pour la même raison que la glace qui se fait dans la machine pneumatique après qu'on en a pompé l'air grossier, est plus compacte et contient plus de matière propre sous le même volume, que celle qui se fait en plein air.

Tonnerre, foudre, éclairs. Après avoir expliqué comment un léger mouvement de fermentation

(a) Voyez ci-après l'explication du phénom. 7. pag. suiv.

(a) C'est ce repos des parties, les unes à l'égard des autres, qui est cause que l'eau douce dont on fait provision dans les vaisseaux destinés pour les voyages de long cours, se glace avec la même facilité que sur la terre ferme, malgré le mouvement de translation qui lui est commun avec le vaisseau.

excité dans un nuage peut-être suivi d'un orage affreux accompagné de vent et de grêle, je pourrais me dispenser de prouver que le tonnerre, la foudre, et les éclairs peuvent dériver du même principe, ou plutôt je pourrais en donner cette preuve aussi simple que solide, que ce que la plupart des physiciens ont dit de mieux sur ces trois phénomènes, s'adapte parfaitement au système proposé : car on conçoit aisément que la fermentation, cet agent universel, cette âme du monde, comme l'appelle un ancien philosophe, après avoir assemblé toutes ces parties de différents mixtes répandues dans l'atmosphère, peut beaucoup mieux que toute autre cause, produire dans ce mélange toutes ces combinaisons, altérations, secrétions, expansions, inflammations, etc. par lesquelles on explique le bruit du tonnerre, la lumière de l'éclair, et la nature des exhalaisons qui forment la foudre.

Cependant, comme on ne peut guère défendre ce système sans renoncer à l'explication que M. Descartes nous a donné du bruit du tonnerre, que ce philosophe attribue, comme tout le monde sait, à la compression de l'air occasionnée par la chute des nuages les uns sur les autres, (explication d'ailleurs surabondante, puisque cette compression peut très-bien s'expliquer par l'expansion de la matière qui s'enflamme dans le corps de l'orage), je crois devoir lui en substituer une autre, que l'on trouvera peut-être aussi vraisemblable, et d'autant plus simple, qu'elle est tirée du fond même du système. Voici ce que c'est.

Lorsque la fermentation commence à faire quelque progrès, la matière qui fermente doit se débarrasser des parties d'air les plus branchues et les plus rameuses, qui à cause de leur figure, sont les moins propres au mouvement. Ces parties écartées de tous côtés et en tous sens, se rencontreront, s'embarrasseront mutuellement, et formeront ainsi par intervalles les amas d'air grossier qui seront soutenus et pressés de tous côtés par la matière environnante, dont l'action tend toujours à repousser tout ce qui est incapable d'un mouvement pareil au sien.

On voit même qu'à mesure que la fermentation fera de nouveaux progrès, ces amas doivent grossir, se multiplier, se joindre les uns aux autres ; et tous ces différents mouvements seront la principale cause de cette espèce de bouillonnement ou de bruit sourd qu'on entend presque toujours dans le corps de l'orage.

Or il est évident que la chaleur de la fermentation qui Ve toujours croissant, dilatera cet air ainsi enfermé à un tel point, qu'à la fin il doit rompre les barrières qui le contiennent, percer ou soulever cette masse de matière qui fermente, et en s'échappant tout-au-travers exciter un bruit (a) proportionné à la résistance qu'il surmonte, et au degré de chaleur qui a bandé son ressort. C'est ainsi que nous voyons la chaleur du feu dilater et faire éclater l'air qui se trouve enfermé dans du bois sec et vermoulu.

Et voilà comment il peut arriver que le tonnerre se fasse entendre sans qu'il paraisse aucun éclair qui nous l'annonce. Cependant si cet air en s'échappant, ainsi qu'on vient de dire, rencontre quelques exhalaisons disposées à s'enflammer, il les enflammera infailliblement, et alors l'éclair sera le précurseur du tonnerre ; car la lumière se répandant plus vite que le son, elle doit frapper l'oeil avant que le son frappe l'oreille.

Mais parce qu'on pourrait trouver quelque difficulté à concevoir comment ces matières inflammables peuvent se rassembler pour être ainsi allumées par cette explosion de l'air, j'aime mieux dire, et ceci est très-intelligible, que les exhalaisons les moins propres (a) à la fermentation, étant écartées de tous côtés par l'action de celles qui se trouvent capables d'une fermentation plus prompte et plus vive, (b) se joignent à quelques-uns de ces amas d'air grossier qui a été mis à l'écart tout comme elles, et que là s'échauffant et fermentant separément des vapeurs répandues dans le corps de l 'orage, elles s'enflamment, soulèvent la matière environnante, et ouvrent ainsi une voie à cet air déjà dilaté qu'elles dilatent encore davantage, lequel en s'échappant les entraîne avec lui, et les lance avec impétuosité hors du corps de l 'orage.

Ou si l'on veut, ce sera cet air dilaté par la chaleur de la fermentation, qui se trouvant assez fort sans le secours de cette inflammation, sera le premier à se faire jour, percera ou soulevera la matière environnante, et en s'échappant enflammera ces exhalaisons, les emportera avec lui, et les lancera tout comme auparavant.

Il y a, comme l'on voit, cette différence d'un cas à l'autre, que dans le dernier c'est le tonnerre qui allume l'éclair, au lieu que dans le premier c'est l'éclair qui procure cette explosion de l'air dans laquelle consiste le tonnerre. Mais dans les deux cas l'effet doit être le même, et il est toujours vrai de dire que si les exhalaisons lancées hors du corps de l'orage, sont dirigées vers la terre, et qu'elles sont d'une telle nature, qu'elles ne se consument que dans un certain temps ou qu'elles ne puissent point s'allumer tout-à-la-fais, mais successivement et les unes après les autres ; elles pourront parvenir jusqu'à nous avant d'être entièrement consumées ; et alors l'éclair se convertira en foudre, dont les effets quelque variés qu'ils soient, sont une suite du principe ci-dessus. Car on comprend que selon que ces amas d'exhalaisons seront composés de parties nitreuses, sulphureuses, bitumineuses, vitrioliques, métalliques, etc. selon que toutes ces parties seront plus ou moins atténuées, et en un mot, selon la différente nature du tout qui résultera de la différente combinaison de leurs quantités et qualités respectives, la foudre doit produire des effets différents.

Ainsi, par exemple, l'exhalaison abonde-t-elle en nitre, et ses parties sont-elles attenuées à un certain point ? Elle passera tout-au-travers d'un corps poreux sans l'endommager ; mais si elle rencontre un corps dur, alors resserrée dans ses pores, elle déploiera toute son action sur ses parties solides, et les séparera les unes des autres. C'est ainsi que l'eau-forte qui ne dissout point le fer, dissout des métaux beaucoup plus durs et plus solides que le fer.

Au contraire l'exhalaison est-elle surtout composée d'un soufre volatil sans nitre ou sans presque point de nitre ? Elle n'aura pas assez de force pour consumer ou pour dissoudre les corps un peu durs, mais elle consumera ou dissoudra ceux dont les parties résistent moins à leur séparation.

S'il est vrai que la foudre tombe quelquefois en forme de pierre ou de corps dur et solide, cela peut

(a) Voyez ci-après l'explication des différentes modifications du tonnerre, phénom. 8. pag. suiv.

(a) Les moins propres, etc. non pas à la fermentation en général, mais à celle qui se fait dans le corps de l'orage. Il n'y a qu'à se rappeler ce qu'on a dit au commencement de cet article ; savoir, que les effets des différentes fermentations doivent varier selon la différente nature et la différente combinaison des principes qui les produisent. La fermentation qui se fait dans le corps de l'orage, peut donc être d'une telle nature que les matières inflammables demeureront dans la masse, et alors il n'y aura ni foudre ni éclair ; mais aussi elle peut être telle que ces mêmes matières seront mises à l'écart et rassemblées dans les cavités pleines d'air grossier, ainsi qu'on s'explique ici ; et alors elles s'enflammeront avec d'autant plus de facilité qu'elles se trouveront séparées des vapeurs.

(b) Plus prompte et plus vive, etc. ou seulement différente de celle à laquelle les premières seraient propres.

venir de ce que l'exhalaison s'éteint avant d'être entièrement consumée (ce qui peut arriver de plusieurs façons que chacun peut aisément imaginer) ; car cela posé, les parties qui resistent après l'extinction, doivent s'approcher les unes des autres, à mesure qu'elles se réfroidissent à cause de la pression de l'air environnant, et du peu de résistance de l'air intérieur (voyez ce qu'on a dit sur la grêle), ou même parce que les petits intervalles qu'elles laissent entr'elles sont remplis d'une matière encore plus subtîle que l'air le plus subtil, laquelle n'ayant plus cette action que lui donnait le feu avant de s'éteindre, doit aisément céder à la pression de l'air extérieur. Or il n'en faut pas davantage, pour que des exhalaisons séparées des vapeurs, puissent former un corps dur et solide. C'est ainsi que le plomb rendu liquide par l'action du feu, se durcit en se réfroidissant : encore pour rendre la comparaison plus juste, peut-on supposer que la matière qui reste et qui a été épargnée par le feu, est surtout composée des parties métalliques ?

Je ne m'étendrai pas davantage sur ce détail des effets de la foudre, qui me meneraient trop loin ; et je passe à l'explication de quelques phénomènes que je crois nécessaires pour mieux développer le fond du système.

1°. Les orages se forment le plus souvent sur le soir, et sont ordinairement annoncés par un vent du levant, connu sous le nom du vent dautan.

Parce qu'alors le soleil couchant, donnant à l'air un mouvement vers l'orient, opposé à celui que lui imprime le vent du levant, les nuages s'assemblent et demeurent immobiles au point de concours de ces deux vents, en sorte que les ferments qu'ils portent avec eux, ou ceux qui ont été élevés jusques-là par la chaleur du jour, peuvent agir sur eux, sans que leur action soit traversée par aucun mouvement ni des nuages eux-mêmes, ni de l'air qui les soutient.

2°. Il arrive souvent que plusieurs orages se forment au même endroit dans un même jour, quelquefois même le lendemain et les jours suivants ; comme aussi qu'ils se jettent tous du même côté, et suivent exactement la même voie.

C'est une suite du dérangement que la descente du premier orage a laissé dans l'air ; car à mesure qu'il est descendu, il a été remplacé principalement par l'air qu'il avait au-dessus de lui, lequel ne se trouvant plus soutenu, a dû le suivre et tomber avec lui. Or, dès que le calme commence à se rétablir, cet air ou d'autre encore qui est venu d'ailleurs, et a succédé au premier, n'ayant pas la densité requise pour se maintenir en cet endroit, doit insensiblement se remettre à sa place ; et par ce mouvement tirer à lui l'air environnant ensemble les nuages qui s'y trouvent, lesquels ainsi assemblés et immobiles pourront former un second orage, si la chaleur favorise l'action des ferments qu'ils portent avec eux, ou facilite l'élévation de ceux qui se trouvent répandus au-dessous.

Par la même raison tout l'espace que le premier orage a parcouru en descendant obliquement vers la terre, se trouve rempli d'un air qui n'étant pas à sa place, doit en sortir dès que le calme commence à favoriser son retour : donc les orages qui se forment au même endroit que le premier, trouvant moins de résistance de ce côté, doivent suivre la même voie.

En effet, dès que le second orage élevé par la fermentation arrive au point d'où le premier est parti, la matière qui le compose doit se répandre dans la voie qu'il a suivie, à cause du peu de résistance qu'elle y trouve, ainsi qu'on vient de le dire ; et ce mouvement ne peut se faire, comme l'on voit, sans que la fermentation en souffre : donc, caeteris paribus, la fermentation s'affoiblira dans cette partie de l'orage plutôt que dans toute autre. Or, j'ai dit ailleurs que la position de la partie de l'orage, qui est la première à s'affoiblir, détermine le point de l'horizon vers lequel le corps de l'orage doit être poussé.

3°. On voit quelquefois des orages se diviser en deux parties, dont l'une parait demeurer immobile, tandis que l'autre s'écarte de la première.

Cela vient de ce que la fermentation s'affoiblit dans une partie de l'orage, tandis qu'elle fait du progrès dans la partie voisine : car, cela posé, celle-ci doit s'élever en même-temps que l'autre plongera obliquement en se séparant de la première ; et c'est une exception à ce qu'on a dit ailleurs, pp. précédentes, qu'une partie de l'orage qui descend doit entraîner la partie voisine : ce qui ne doit arriver, comme l'on voit, qu'autant que cette dernière est entrainée d'un côté avec plus de force qu'elle n'est élevée de l'autre par l'action de la fermentation.

4°. Les deux parties d'un orage qui se divise prennent quelquefois differentes routes, et vont fondre en même temps l'un d'un côté, et l'autre de l'autre.

Parce que la fermentation s'affoiblit considérablement et en même temps aux deux extrémités opposées de l'orage ; car dans ce cas, chacune des extrémités doit entraîner la partie voisine ; ce qui ne peut se faire sans que l'orage se divise en deux parties, dont l'une plongera d'un côté, et l'autre de l'autre. On voit même que l'égalité ou l'inégalité de ces deux parties doit dépendre de l'égalité ou de l'inégalité de cet affoiblissement qui survient de deux côtés en même temps.

5°. A mesure qu'un orage fond en s'avançant vers nous, il parait s'étendre de tous côtés, et couvrir une plus grande partie de notre horizon.

Premièrement, parce que l'angle sous lequel nous le voyons, devient toujours plus grand, à mesure qu'il approche de notre zénith, et même à mesure qu'il descend vers la terre.

En second lieu, parce que la base de l'orage doit en effet s'étendre de tous côtés dès qu'il commence à fondre ; car la couche supérieure de la matière qui le compose, se trouvant moins soutenue par l'action de la fermentation, doit se répandre vers les extrémités de la couche inférieure, et augmenter ainsi l'étendue de cette partie de sa surface qui est tournée vers nous.

Ce qui n'empêche pas que le volume de la matière qui fermente ne diminue à mesure que la fermentation tombe, comme on l'a dit ailleurs ; car il suffit pour cela que la solidité du corps de l'orage, ou le produit de sa base par sa hauteur, perde plus par la diminution de la hauteur ou profondeur, qu'elle ne gagne par l'agrandissement de la base.

6°. Il arrive souvent qu'un orage qui a été poussé pendant quelque temps vers un certain point de l'horizon, change tout-à-coup de direction, et se jette d'un autre côté.

Cela doit arriver en premier lieu, lorsque la fermentation qui n'a encore diminué que très-peu dans une partie latérale de l'orage, vient à cesser tout-à-coup, ou à diminuer sensiblement dans cette même partie ; car par la même raison que le corps de l'orage s'est jeté sur sa partie antérieure lorsque la fermentation s'est affoiblie en cet endroit, il doit maintenant se jeter sur sa partie latérale, et changer ainsi la direction de son mouvement progressif, et celle de l'air qui le suit et le pousse devant lui.

La même chose doit arriver en second lieu, lorsque quelque obstacle considérable, par exemple, une montagne, se trouve dans le plan perpendiculaire de sa ligne de route ; car l'air pressé par la descente de l'orage contre la partie antérieure de la montagne qu'il ne peut pénétrer, doit se retourner contre l'orage même, l'empêcher d'avancer, et l'obliger de couler du côté où sa ligne de route fait le plus grand angle avec la montagne.

7°. Tous les orages ne donnent pas de la grêle.

Parce que pour la formation de la grêle deux conditions sont requises : il faut premièrement que les parties qui se détachent d'un orage lorsqu'il fond, soient mêlées d'une quantité suffisante de nitre, ou autres parties de matières propres à produire le même effet que le nitre : il faut en second lieu que l'air enfermé dans les petits intervalles que ces parties laissent entr'elles en s'assemblant avant de tomber, ait été dilaté à un certain point par la chaleur de la fermentation. Tout ceci a été expliqué ailleurs.

Or, la première de ces conditions manque toutes les fois que les alkalis dominent dans le mélange de la matière qui fermente, parce qu'ils usent et dénaturent les acides, et par conséquent le nitre qui est un véritable acide. Cette première condition manque aussi lorsque la fermentation est d'une telle nature, que le nitre, ou la plus grande partie du nitre est mise à l'écart, et jetée dans quelques-unes de ces cavités pleines d'air grossier, où il est consumé par le feu qui s'y allume, ou lancé hors du corps de l'orage par l'explosion de l'air qui fait le tonnerre : aussi remarque-t-on que les orages donnent d'autant moins de grêle, que les éclairs sont plus fréquents, et les éclats du tonnerre plus répétés et plus considérables, etc.

La seconde condition manque lorsque les ferments sont faibles et que la fermentation est douce et lente, ou bien encore lorsqu'il survient quelque cause étrangère qui rompt l'équilibre de l'air environnant, trouble la fermentation, et l'empêche de faire un certain progrès, comme serait un coup de vent, ou quelque mouvement excité dans l'air de quelqu'autre manière, etc.

8°. Le bruit du tonnerre varie et reçoit différentes modifications.

Parce que l'air comprimé qui le produit en rompant les barrières qui le contiennent, s'élance de différentes façons hors du corps de l'orage.

S'il soulève avec force la matière environnante, et qu'il s'échappe presque tout-à-la-fais, le bruit ne différera guère de celui d'un coup de canon : cela doit arriver lorsque son ressort déjà bandé à un certain point par la chaleur de la fermentation, vient tout-à-coup à recevoir de nouvelles forces par l'inflammation subite des exhalaisons contenues dans la cavité d'où il sort ; et alors on doit surtout craindre la foudre, parce qu'elle est d'autant plus à craindre, que l'explosion de l'air qui la mène vers nous, se fait avec plus de force.

Si l'air se fait des voies obliques à-travers le corps de l'orage, et qu'il s'échappe par petits filets, le bruit sera aigu, et durera un certain temps.

S'il s'élance irrégulièrement et comme par secousses, l'organe de l'ouie sera aussi ébranlé par secousses, et on entendra une espèce de brouissement ou de pétillement qui doit varier, comme l'on voit, selon l'ordre et la succession des vibrations plus ou moins fortes, plus ou moins fréquentes, plus ou moins distinctes, etc.

Enfin si l'air enfermé dans une cavité voisine de celle qui s'avance, se trouvant moins soutenue de ce côté, vient à percer la cloison qui les sépare, il s'échappera lui-même à la suite de celui qui a déjà commencé à se faire une voie, et augmentera le bruit excité par l'explosion commencée sans son secours : c'est ainsi qu'un éclat qui Ve en diminuant, et qui semble prêt à cesser, prend tout-à-coup de nouvelles forces, et se fait entendre beaucoup plus qu'auparavant.

Il peut même arriver que l'évacuation de cette seconde cavité donne lieu à l'évacuation d'une troisième, comme la première a donné lieu à la seconde ; ce qui doit faire un tonnerre continuel qui se fera entendre à coups redoublés.

J'aurais bien d'autres phénomènes à expliquer, si je voulais épuiser la matière ; mais je crois en avoir assez dit pour donner une idée du système que je propose. Je remarquerai seulement ici que le principe d'où je suis parti, est évident et incontestable ; savoir, que la fermentation est l'unique cause des orages et des phénomènes qui les accompagnent : aussi n'ai-je pas cru devoir me mettre en peine de le prouver. Le tonnerre, les éclairs, la foudre, le vent, ce bouillonnement que l'on entend dans un orage qui se forme, voilà mes preuves ; il n'en faut pas d'autres pour quiconque a Ve des fermentations. La grêle même n'est-elle pas une espèce de crystallisation, effet ordinaire des fermentations ?

Ainsi, j'ose le dire, quelque versés que soient dans la Physique ceux qui travailleront désormais sur ces matières, ils s'égareront s'ils perdent ce principe de vue : qu'on réforme, qu'on abatte même, si l'on veut, l'édifice que je viens d'élever, je n'en suis point jaloux ; mais qu'on ne cherche pas à bâtir sur un autre fondement.

Je voudrais que quelque physicien habile, quelqu'un de ces hommes privilégiés que la nature se plait à initier dans ses mystères ; par exemple, un... un... commençassent par se bien convaincre de cette vérité, et qu'ils prissent ensuite la résolution de faire un système, je suis assuré que la théorie qu'ils nous donneraient vaudrait infiniment mieux que tout ce qu'on a fait jusqu'ici sur cette matière. Que sçait-on même si le progrès de la théorie serait l'unique fruit de leur travail ? Ne pourrait-il pas arriver qu'ils fissent quelque découverte heureuse, et qu'ils trouvassent quelque moyen de nous délivrer d'un des plus funestes fléaux dont la colere divine puisse nous affliger ? On a bien fait d'autres découvertes auxquelles il semble qu'on aurait dû s'attendre encore moins qu'à celle-là.

Mais comme c'est à l'expérience bien plus qu'aux systèmes et aux raisonnements, que nous sommes redevables de toutes celles qui se sont faites jusqu'ici, c'est surtout de l'expérience que nous devons attendre celles qui se feront à l'avenir ; il semble donc que dans un pays dévasté tous les ans par la grêle, les raisons les moins spécieuses devraient suffire pour nous engager à tourner toute notre attention de ce côté-là. Menacés d'être réduits à la dernière indigence, et presque forcés à faire un abandon de nos biens, que ne devons-nous pas faire pour tâcher d'éviter ce malheur ?

Nous avons oui dire plus d'une fois à nos militaires, que le bruit du canon dissipe les orages, et qu'on ne voit jamais de grêle dans les villes assiégées. Je n'oserais assurer qu'on puisse compter sur cette observation ; il semble pourtant que l'accord de tant de gens dignes de foi, qui prétendent l'avoir faite, doit être de quelque considération.

Lorsque j'examine la chose en physicien, et relativement aux principes ci-dessus, cet effet du canon ne me parait pas hors de toute vraisemblance. Après tout que risquerait-on à faire un essai ? quelque quintal de poudre, les frais du transport de quelques pièces de canon qui ne vaudraient pas moins après avoir été employées à cet usage. (a)

Peut-être qu'au moyen de cette espèce de mouvement

(a) Vingt ou trente pièces de canon, peut-être un plus petit nombre pourrait suffire pour faire cette expérience, en les plaçant trois à trois ou quatre à quatre, de distance en distance, comme serait à une lieue ou à une lieue et demie les unes des autres.

d'ondulation qu'on exciterait dans l'air par l'explosion de plusieurs canons tirés les uns après les autres, on pourrait ébranler, diviser, dissiper le nuage qui commence à fermenter.

Peut-être qu'on écarterait les nuages voisins et qu'on disperserait toutes ces parties de différents mixtes répandues dans l'air ; en sorte qu'on empêcherait l'effet de cette vertu attractive qui assemble tout au même endroit : car ce n'est qu'à la faveur du calme extraordinaire qui règne dans l'air, que peut se former et continuer cette espèce de chaîne que font ces différents corpuscules en se levant vers l'orage les uns à la suite des autres. Or le bruit du canon en troublant ce calme, ne doit-il pas rompre cette chaîne, et faire cesser la fermentation en lui dérobant des ferments qui sans doute servent à l'entretenir ?

Peut-être enfin qu'on romprait cet équilibre qui règne dans toutes les parties de l'air environnant, comprimé par l'expansion de la matière qui fermente, lequel favorise l'action des ferments que l'orage renferme dans son sein en le tenant immobile, et en empêchant un mouvement de translation qui ne pourrait que traverser leur action.

Sur quoi j'observe que le canon pourrait produire ce dernier effet de deux façons :

Premièrement, en augmentant la force de cette partie de l'air environnant, vers laquelle son action serait dirigée ; secondement, en troublant la fermentation dans cette partie de l'orage qu'il ébranlerait le plus par ses secousses : car en supposant la fermentation arrêtée, ou considérablement diminuée dans une partie de l'orage, le corps de l'orage doit se jeter de ce côté, comme je l'ai observé ailleurs, et l'air environnant se déployant en même-temps du même côté, doit emporter l'orage et le dissiper, ou le faire fondre avant que la fermentation ait fait un progrès suffisant pour procurer cette coagulation qui fait la grêle. Il y a lieu de croire que c'est ce qui arrive lorsqu'un orage vient à fondre bientôt après qu'il a commencé à se former : aussi dans ce cas n'y a-t-il point de grêle.

Je ne porte pas plus loin mes conjectures, et je finis cet article en conjurant les physiciens de vouloir bien examiner s'il n'y aurait pas des bonnes raisons pour engager les malheureux habitants des pays sujets à la grêle, à faire l'expérience du canon pour tâcher de se délivrer de ce fléau.

Peut-être des raisons de douter devraient-elles suffire pour presser l'exécution de ce projet. En effet, pour le conduire avec prudence, on doit balancer le danger qu'il y a de faire une dépense inutîle par le degré d'utilité que cette même dépense peut procurer, si l'expérience réussit. Or, l'utilité serait (a) grande sans doute ; donc il semble que l'incertitude du succès ne devrait pas empêcher qu'on la fit.

Au reste, pour éviter l'embarras qu'il y aurait à faire transporter du canon, et la difficulté qu'on pourrait trouver à obtenir la permission de déplacer celui de nos villes de guerre, ne pourrait-on pas faire usage des boites-à-feu propres à produire le même effet dans l'air ? Et si cela se peut, comme je n'en doute pas, quelle forme faudrait-il leur donner pour que l'inflammation de la poudre qu'on y enfermerait, excitât dans l'air la plus forte commotion qu'il serait possible ? C'est ce que je voudrais qu'on examinât.

Ne pourrait-on pas encore faire des boites-à-vent, dans lesquelles on comprimerait l'air à un tel point, qu'en le laissant échapper tout-à-la-fais, il se débanderait avec force sur l'air extérieur, dans lequel il exciterait un ébranlement à peu-près pareil à celui qu'excite la poudre quand elle prend feu dans le canon ? Autre question à examiner.

ORAGE, s. m. (Poésie) grosse pluie, ordinairement de peu de durée, mais accompagnée d'un vent impétueux, et quelquefois de grêle, d'éclairs, et de tonnerre. Le lecteur sera peut-être bien-aise de se délasser à lire ici la description que fait M. Thompson d'un orage d'automne dans les îles britanniques : c'est un tableau plein de poésie et de sentiments d'humanité.

" Le sud brulant s'arme d'un souffle puissant qui détruit les travaux de l'année. A peine voit-on d'abord la pointe des arbres trembler, un murmure tranquille se glisse au long des moissons qui s'inclinent doucement ; mais la tempête croit, s'élève ; l'athmosphère s'ébranle et se remplit d'une humidité pénétrante, invisible, et immense, qui se précipite avec impétuosité sur la terre. Les forêts agitées jettent au loin des nuées de feuilles bruyantes. Les montagnes voisines battues de l'orage, poussent la tempête brisée, et la renvaient en torrents dans le vallon. La plaine fertîle flotte en ondes, découverte et exposée à la plus grande fureur du vent. La mer de la moisson ne peut éviter le coup qui la menace, quoiqu'elle plie à l'orage, elle est arrachée et enlevée dans l'air, ou réduite en chaume inutîle par l'ébranlement qui la détruit.

Quelquefois l'horizon noircit, fond et descend en fleuve précipité, tandis que la tempête semble se reproduire. L'obscurité s'augmente, le déluge s'accrait, les champs noyés de toutes parts, perdent leurs fruits couchés sous l'inondation. Tout-à-coup des ruisseaux sans nombre se précipitent tumultueusement, rougis, jaunis ou blanchis, par la terre des collines qu'ils entraînent ; la rivière s'enfle et quitte ses bords. Les brebis, la moisson, les cabanes roulent ensemble emportées par la cruelle vague. Tout ce que les vents ont épargné, céde à ce dernier effort, qui ruine en un instant les plus hautes espérances, et dissipe les trésors mérités, fruits de l'année laborieuse.

Le laboureur sans secours fuit sur les hauteurs, considère le malheureux naufrage de tout son bien, ses troupeaux noyés, et tous ses travaux dispersés. Les besoins de l'hiver s'offrent en ce cruel moment à la pensée tremblante : il frémit, il croit entendre les cris de ses chers enfants affamés.

Vous maîtres accourez, consolez-le, séchez ses larmes, et ne soyez alors occupés que de soutenir la main rude et laborieuse, qui vous procurera l'aisance dans laquelle vous vivez : donnez du moins des vêtements grossiers à ceux dont le travail a fourni la chaleur et la parure de vos habits : veillez encore au soin de cette pauvre table, qui a couvert la vôtre de luxe et d'abondance : soyez compatissants enfin, et gardez-vous d'exiger ce que les vents orageux et les affreuses pluies viennent de moissonner sans retour. " (D.J.)




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