S. f. (Grammaire) double sens d'une phrase, produit par sa mauvaise construction.

Les équivoques sont des expressions louches, qui rendent le discours réellement obscur, et embarrassent l'esprit du lecteur pour en découvrir le véritable sens. Les langues qui demandent de la clarté, et la langue française en particulier, sont ennemies de ces sortes d'ambiguités de construction. Il est vrai que toute la lecture de la période en fait d'ordinaire comprendre le sens, dès que l'on y donne un peu plus d'attention ; mais il vaudrait mieux que cela n'arrivât point : car c'est aux paroles à faire entendre le sens, et non pas au sens à faire entendre les paroles. Si l'on vous relit deux fais, dit M. de Vaugelas, que ce soit pour vous admirer, et non pas pour chercher ce que vous avez voulu dire. Le même critique a justement remarqué que la plupart des équivoques se forment dans notre langue par les pronoms relatifs, possessifs, et démonstratifs. Exemple du pronom relatif : c'est le fils de cette femme qui a fait tant de mal. On ne sait si ce qui se rapporte à fils ou à femme ; de sorte que si l'on veut qu'il se rapporte à fils, il faut mettre lequel au lieu de qui. Exemple du pronom possessif : il a toujours aimé cette personne au milieu de son adversité. Ce son est équivoque ; car on ne sait s'il se rapporte à cette personne ou à il, qui est celui qu'on a aimé. Il en est de même du pronom démonstratif.

Les équivoques se font encore, quand un mot qui est entre deux autres se peut rapporter à tous les deux, comme dans cette période d'un célèbre auteur : je passerai par-dessus ce qui ne sert de rien ; mais aussi veux-je bien particulièrement traiter ce qui me semblera nécessaire. Le bien se rapporte à particulièrement, et non pas à veux-je ; c'est pourquoi pour écrire nettement il fallait mettre, aussi veux-je traiter bien particulièrement, et non pas, aussi veux-je bien particulièrement traiter.

Les équivoques se font enfin, quand on met quelques mots entre ceux qui ont du rapport ensemble, et que néanmoins les derniers mots se peuvent rapporter aux mots qui sont entre deux ; un exemple le Ve faire entendre : l'orateur arrive à son but, qui est de persuader, d'une façon toute particulière. L'intention de celui qui s'exprime ainsi, est que ces mots, d'une façon toute particulière, se rapportent à ceux-ci, arrive à son but ; mais comme ils sont placés, il semble qu'ils se rapportent à persuader : il faudrait donc dire, l'orateur arrive d'une façon toute particulière à son but, qui est de persuader.

Quoique ce précis, tiré de M. de Vaugelas, puisse ici suffire, il serait bon d'étudier toutes les observations de cet auteur, de même que celles de nos meilleurs critiques, sur les équivoques de construction ; car c'est le défaut dans lequel tombent les plus grands écrivains, parce qu'il est très-difficîle de l'éviter, si on n'y donne une grande attention, et si on ne relit souvent ses ouvrages à tête reposée ; mais il ne faut pas en même temps porter ses timides scrupules jusqu'à l'excès, énerver son style, et prendre l'ombre d'une équivoque pour une équivoque réelle.

Equivoque se dit aussi dans notre langue d'un terme à double-sens, dont abusent seulement ceux qui cherchent à jouer sur les mots. Voyez POINTE ou JEU DE MOTS. Article de M(D.J.)

EQUIVOQUE, (Morale) discours ou proposition à double-sens ; l'un naturel, qui parait être celui qu'on veut faire entendre, et qui est effectivement entendu de ceux qui écoutent ; l'autre détourné, qui n'est entendu que de la personne qui parle, et qu'on ne soupçonne pas même pouvoir être celui qu'elle a intention de faire entendre. C'est un expédient imaginé pour ne point dire la vérité et ne point mentir en même temps ; mais cet expédient n'est réellement qu'une tromperie condamnable dans ceux qui s'en servent, parce qu'ils manquent à la bonne-foi. Il n'y a, dit très-bien un de nos auteurs modernes, que la subtilité d'une éducation scolastique qui puisse persuader que l'équivoque soit un moyen de sauver du naufrage sa sincérité ; car dans le monde ce moyen n'empêche pas de passer pour menteur et pour mal-honnête homme, et il donne de plus un ridicule d'esprit très-méprisable.

Cependant, n'est-il jamais permis de se servir de termes ambigus, ou même obscurs ? Je réponds avec Grotius et Puffendorf, qu'on ne doit jamais y avoir recours, à moins que ce moyen ne soit nécessaire, par exemple, à l'instruction de ceux qui sont confiés à nos soins, ou à éluder une question importante ou captieuse, qu'on n'a pas droit de nous faire ; ou à nous procurer quelqu'avantage innocent sans nuire à un tiers. Du reste, toutes les fois qu'on est dans l'obligation de découvrir clairement sa pensée à quelqu'un, il n'y a pas moins de crime à le tromper par une équivoque que par un mensonge. Enfin, de l'aveu même des Payens, c'est un lâche artifice et une insigne fourberie, que d'avoir recours aux équivoques lorsqu'il s'agit de contrat ou de quelqu'affaire d'intérêt. En un mot, les équivoques sont si blâmables en général, qu'on ne peut apporter trop de réserve à spécifier les cas fort rares où elles seraient innocentes. Article de M(D.J.)

EQUIVOQUE, adj. (Médecine) est aussi l'épithète que donnent les Médecins aux signes qui ne constituent pas essentiellement le caractère d'une maladie, et qui ne la distinguent pas d'une autre. Equivoque en ce sens est opposé à univoque, qui est l'épithète des signes qui conviennent uniquement à une maladie, tirés des symptômes qui en sont inséparables. Voyez SIGNE. (d)