S. f. (Grammaire) il se dit en général d'une disposition où les choses sont considérées, comme s'élevant les unes au-dessus des autres. Ce corps s'est formé par une gradation insensible.

GRADATION, en terme de Logique, signifie une argumentation qui consiste en plusieurs propositions arrangées, de façon que l'attribut de la première soit le sujet de la seconde, et que l'attribut de la seconde soit le sujet de la troisième, et ainsi des autres, jusqu'à-ce que le dernier attribut vienne à être affirmé du sujet de la première, comme dans l'arbre de porphyre. L'homme est un animal : un animal est une chose vivante : une chose vivante est un corps, un corps est une substance, donc l'homme est une substance.

Un argument de cette espèce est susceptible d'une infinité d'erreurs qui peuvent naître de l'ambiguité des termes, dont un sophiste abuse ; comme dans celui-ci : Pierre est un homme, un homme est un animal, un animal est un genre, un genre est un des universaux, donc Pierre est un des universaux. Chambers.

GRADATION, (Poésie) tableau gradué d'images et de sentiments, qui enchérissent les uns sur les autres ; c'est ainsi que l'on doit présenter les passions, en peignant avec art leurs commencements, leurs progrès, leur force, et leur étendue ; je n'en citerai pour exemple que le fragment de Sapho sur l'amour ; il est si beau que trois grands poètes, Catulle, Despréaux, et l'auteur anglais de l'hymne à Vénus, se sont disputé la gloire de le rendre de leur mieux, chacun dans leur langue. Me permettra-t-on d'insérer ici les trois traductions en faveur de leur élégance, et pour la satisfaction d'un grand nombre de lecteurs qui seront bien-aises de les comparer et de les juger ?

Ecoutons d'abord Catulle, il dit à Lesbie sa maîtresse :

Ille mi par esse Deo videtur

Ille, si fas est superare divos,

Qui sedents adversùs identidem te

Spectat, et audit

Dulce ridentem ; misero quod omnes

Eripit sensus mihi ! nam simul te

Lesbia aspexi, nihil est super me

Quod loquar amens ;

Lingua sed torpet, tenuis sub artus

Flamma dimanat, sonitu suopte

Tinniunt aures, geminâ teguntur

Lumina nocte.

Voici maintenant la traduction de Despréaux.

Heureux qui près de toi, pour toi seule soupire,

Qui jouit du plaisir de t'entendre parler,

Qui te voit quelquefois doucement lui sourire,

Les Dieux dans leur bonheur peuvent-ils l'égaler ?

Je sens de veine en veine une subtîle flamme,

Courir par tout mon corps sitôt que je te vois ;

Et dans les doux transports où s'égare mon âme,

Je ne saurais trouver de langue, ni de voix.

Un nuage confus se répand sur ma vue,

Je n'entends plus, je tombe en de douces langueurs ;

Et pâle, sans haleine, interdite, éperdue,

Un frisson me saisit, je tremble, je me meurs.

Enfin voici la traduction anglaise.

Blest as th' immortal god is he

The jouth who fondly sets by thee,

And hears, and fees thee all the while,

Softly speak, and sweetly smile,

My bozom glowed, the subtle flamme

Ran quick through all my vital frame,

O'er my dim eyes a darkness hung,

My ears with hollow murmurs rung.

In dewy damps my limbs were chill'd,

My blood with gentle horrors thrill'd,

My feeble pulze forgot to play,

I faint'd, sunk, and dy'd away. (D.J.)

GRADATION, en terme d'Architecture, signifie la disposition de plusieurs parties rangées avec symétrie et par degrés, de sorte qu'elles forment une espèce d'amphithéâtre, et que celles de devant ne nuisent point à celles de derrière.

Les Peintres se servent aussi du terme de gradation pour marquer le changement insensible des couleurs, qui se fait en diminuant les teintes et les nuances. Voyez DEGRADATION. Chambers.