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Catégorie : Grammaire
S. m. (Grammaire) le participe est un mode du verbe qui présente à l'esprit un être indéterminé désigné seulement par une idée précise de l'existence sous un attribut, laquelle idée est alors envisagée comme l'idée d'un accident particulier communicable à plusieurs natures. C'est pour cela qu'en grec, en latin, en allemand, etc. le participe reçoit des déterminaisons relatives aux genres, aux nombres et aux cas, au moyen desquelles il se met en concordance avec le sujet auquel on l'applique ; mais il ne reçoit nulle part aucune terminaison personnelle, parce qu'il ne constitue dans aucune langue la proposition principale : il n'exprime qu'un jugement accessoire qui tombe sur un objet particulier qui est partie de la principale. Quos ab urbe discedents Pompeius erat adhortatus. Caes. I. civil. Discedents est ici la même chose que tum cùm discedebat ou discessit ; ce qui marque bien une proposition incidente : la construction analytique de cette phrase ainsi résolue, est, Pompeius erat adhortatus eos (au lieu de quos) tùm cùm discedit ab urbe ; la proposition incidente discessit ab urbe est liée par la conjonction cùm à l'adverbe antécedent tùm (alors, lors) ; et le tout, tùm cùm discessit ab urbe (lorsqu'il partit de la ville), est la totalité du complément circonstanciel du temps du verbe abhortatus. Il en sera ainsi de tout autre participe, qui pourra toujours se décomposer par un mode personnel et un mot conjonctif, pour constituer une proposition incidente.

Le participe est donc à cet égard comme les adjectifs : comme eux, il s'accorde en genre, en nombre, et en cas avec le nom auquel il est appliqué ; et les adjectifs expriment comme lui des additions accessoires qui peuvent s'expliquer par des propositions incidentes : des hommes savants, c'est-à-dire, des hommes qui sont savants. En un mot le participe est un véritable adjectif, puisqu'il sert, comme les adjectifs, à déterminer l'idée du sujet par l'idée accidentelle de l'évenement qu'il exprime, et qu'il prend en conséquence les terminaisons relatives aux accidents des noms et des pronoms.

Mais cet adjectif est aussi verbe, puisqu'il en a la signification, qui consiste à exprimer l'existence d'un sujet sous un attribut ; et il reçoit les diverses inflexions temporelles qui en sont les suites nécessaires : le présent, precans (priant) ; le prétérit, precatus (ayant prié) ; le futur, précaturus (devant prier).

On peut donc dire avec vérité que le participe est un adjectif-verbe, ainsi que je l'ai insinué dans quelque autre article, où j'avais besoin d'insister sur ce qu'il a de commun avec les adjectifs, sans vouloir perdre de vue sa nature indestructible de verbe ; et c'est précisément parce que sa nature tient de celle des deux parties d'oraison, qu'on lui a donné le nom de participe. Ce n'est point exclusivement un adjectif qui emprunte par accident quelque propriété du verbe, comme Sanctius semble le décider (min. I. xv.) ; ce n'est pas non plus un verbe qui emprunte accidentellement quelque propriété de l'adjectif ; c'est une sorte de mot dont l'essence comprend nécessairement les deux natures, et l'on doit dire que les participes sont ainsi nommés, quoi qu'en dise Sanctius, quòd partem (naturae suae) capiant à verbo, partem à nomine, ou plutôt ab adjectivo.

M. l'Abbé Girard (tom. I. disc. II. pag. 70) trouve à ce sujet de la bizarrerie dans les Grammairiens : " Comment, dit-il, après avoir décidé que les infinitifs, les gérondifs et les participes sont les uns substantifs et les autres adjectifs, osent-ils les placer au rang des verbes dans leurs méthodes, et en faire des modes de conjugaison " ? Je viens de le dire ; le participe est verbe, parce qu'il exprime essentiellement l'existence d'un sujet sous un attribut, ce qui fait qu'il se conjugue par temps : il est adjectif, parce que c'est sous le point de vue qui caractérise la nature des adjectifs, qu'il présente la signification fondamentale qui le fait verbe ; et c'est ce point de vue propre qui en fait dans le verbe un mode distingué des autres, comme l'infinitif en est un autre, caractérisé par la nature commune des noms. Voyez INFINITIF.

Priscien donne, à mon sens, une plaisante raison de ce que l'on regarde le participe comme une espèce de mot différente du verbe : c'est, dit-il, quòd et casus habet quibus caret verbum, et genera ad similitudinem nominum, nec modos habet quos continet verbum (lib. II. de oratione) : sur quoi je ferai quatre observations.

1°. Que dans la langue hébraïque il y a presque à chaque personne des variations relatives aux genres, même dans le mode indicatif, et que ces genres n'empêchent pas les verbes hébreux d'être des verbes.

2°. Que séparer le participe du verbe, parce qu'il a des cas et des genres comme les adjectifs ; c'est comme si l'on en séparait l'infinitif, parce qu'il n'a ni nombres, ni personnes, comme le verbe en a dans les autres modes ; ou comme si l'on en séparait l'impératif, parce qu'il n'a pas autant de temps que l'indicatif, ou qu'il n'a pas autant de personnes que les autres modes : en un mot, c'est séparer le participe du verbe, par la raison qu'il a un caractère propre qui l'empêche d'être confondu avec les autres modes. Que penser d'une pareille logique ?

3°. Qu'il est ridicule de ne vouloir pas regarder le participe comme appartenant au verbe, parce qu'il ne se divise point en mode comme le verbe. Ne peut-on pas dire aussi de l'indicatif, que nec modos habet quos continet verbum ? N'est-ce pas la même chose de l'impératif, du suppositif, du subjonctif, de l'optatif, de l'infinitif pris à part ? C'est donc encore dans Priscien un nouveau principe de logique, que la partie n'est pas de la nature du tout, parce qu'elle ne se subdivise pas dans les mêmes parties que le tout.

4°. On doit regarder comme appartenant au verbe tout ce qui en conserve l'essence, qui est d'exprimer l'existence d'un sujet sous un attribut (voyez VERBE) ; et toute autre idée accessoire qui ne détruit point celle-là, n'empêche pas plus le verbe d'exister, que ne font les variations des personnes et des nombres. Or le participe conserve en effet la propriété d'exprimer l'existence d'un sujet sous un attribut, puisqu'il admet les différences de temps qui en sont une suite immédiate et nécessaire (voyez TEMS). Priscien, par conséquent avait tort de séparer le participe du verbe, par la raison des idées accessoires qui sont ajoutées à celle qui est essentielle au verbe.

J'ajoute qu'aucune autre raison n'a dû faire regarder le participe comme une partie d'oraison différente du verbe : outre qu'il en a la nature fondamentale, il en conserve dans toutes les langues les propriétés usuelles. Nous disons en français, lisant une lettre, ayant lu une lettre, comme je lis ou j'ai lu une lettre ; arrivant ou étant arrivé des champs à la ville, comme j'arrive ou j'étais arrivé des champs à la ville. En grec et en latin, le complément objectif du participe du verbe actif se met à l'accusatif, comme quand le verbe est dans tout autre mode : , diliges Dominum Deum tuum (vous aimerez le Seigneur votre Dieu) ; de même, , diligens Dominum Deum tuum (aimant le Seigneur votre Dieu). Perizonius (sanct. min. I. XVe not. 1.) prétend qu'il en est de l'accusatif mis après le participe latin, comme de celui que l'on trouve après certains noms verbaux, comme dans quid tibi hanc rem curatio est, ou après certains adjectifs, comme omnia similis, caetera indoctus ; et que cet accusatif y est également complément d'une préposition sous-entendue : ainsi de même que hanc rem curatio veut dire propter hanc rem curatio, que omnia similis, c'est secundum omnia similis, et que caetera indoctus signifie circa caetera indoctus, ou selon l'interprétation de Perizonius même, in negotio quod attinet ad caetera indoctus ; de même aussi amants uxorem signifie amants ergà uxorem ou in negotio quod attinet ad uxorem. La principale raison qu'il en apporte, c'est que l'accusatif n'est jamais régi immédiatement par aucun adjectif, et que les participes enfin sont de véritables adjectifs, puisqu'ils en reçoivent tous les accidents, qu'ils se construisent comme les adjectifs, et que l'on dit également amants uxoris et amants uxorem, patiens inediae et patiens inediam.

Il est vrai que l'accusatif n'est jamais régi immédiatement par un adjectif qui n'est qu'adjectif, et qu'il ne peut être donné à cette sorte de mot aucun complément déterminatif, qu'au moyen d'une préposition exprimée ou sous-entendue. Mais le participe n'est pas un adjectif pur ; il est aussi verbe, puisqu'il se conjugue par temps et qu'il exprime l'existence d'un sujet sous un attribut. Pour quelle raison la syntaxe le considérerait-elle comme un adjectif plutôt que comme verbe ? Je sais bien que si elle le faisait en effet, il faudrait bien en convenir et admettre ce principe, quand même on n'en pourrait pas assigner la raison : mais on ne peut statuer le fait que par l'usage ; et l'usage universel, qui s'explique à merveille par l'analogie commune des autres modes du verbe, est de mettre l'accusatif sans préposition après les participes actifs. On ne trouve aucun exemple où le complément objectif du participe soit amené par une préposition ; et si l'on en rencontre quelqu'un où ce complément paraisse être au génitif, comme dans patiens inediae, uxoris amants, c'est alors le cas de conclure que ce génitif n'est pas le complément immédiat du participe, mais celui de quelqu'autre nom sous-entendu qui sera lui-même complément du participe.

Usus vulgaris, dit Perizonius lui-même (ibid.) quodammodo distinxit, participii praesentis significationem ratione constructionis, seu, prout genitivo vel accusativo jungitur. Nam patiens inediae quum dicunt vetères, videntur significare eum qui aequo animo saepius patitur vel facîle potest pati : at patiens inediam, qui uno actu aut tempore volents nolents patitur. Il dit ailleurs (Min. III. Xe 2.) : Amants virtutem adhibetur ad notandum... praesens illud temporis momentum quo quis virtutem amat ; at amants virtutis usurpatur ad perpetuum virtutis amorem in homine aliquo significandum.

Cette différence de signification attachée à celle de la syntaxe usuelle, prouve directement que l'accusatif est le cas propre qui convient au complément objectif du participe, puisque c'est lui que l'on emploie, quand on se sert de ce mode dans le sens même du verbe auquel il appartient ; au lieu que quand on veut y ajouter l'idée accessoire de facilité ou d'habitude, on ne montre que le génitif de l'objet principal, et l'on sous-entend le nom qui est l'objet immédiat, parce qu'en vertu de l'usage il est suffisamment indiqué par le génitif : ainsi l'on devine aisément que patiens inediae signifie facilè patiens omnia incommoda inediae, et que amants virtutis veut dire de amore amants omnia negotia virtutis. Alors patiens et amants sont des présents pris dans le sens indéfini, et actuellement rapportés à toutes les époques possibles : au lieu que dans patiens inediam et amants virtutem, ce sont des présents employés dans un sens défini, et rapportés ou à une époque actuelle, ou à une époque antérieure, ou à une époque postérieure, selon les circonstances de la phrase. Voyez TEMS et PRESENT.

Eh ! il faut bien convenir que le participe conserve la nature du verbe, puisque tout verbe adjectif peut se décomposer, et se décompose en effet par le verbe substantif : auquel on joint comme attribut le participe du verbe décomposé. Que dis-je ? le système complet des temps aurait exigé dans les verbes latins neuf temps simples, savoir trois présents, trois prétérits, et trois futurs ; et il y a quantité de verbes qui n'ont de simples que les présents : tels sont les verbes déponens, dont les prétérits et les futurs simples sont remplacés par le prétérit et le futur du participe avec les présents simples du verbe auxiliaire ; et comme on peut également remplacer les présents par celui du participe avec les présents simples du même verbe auxiliaire : voici sous un seul coup-d'oeil l'analyse complete des neuf temps de l'indicatif, par exemple, du verbe precor.

Les verbes les plus riches en temps simples, comme les verbes actifs relatifs, n'ont encore que des futurs composés de la même manière ; amaturus sum, amaturus eram, amaturus ero : et ces futurs composés exprimant des points de vue nécessaires à la plénitude du système des temps exigé par l'essence du verbe, il est nécessaire aussi de reconnaître que le participe qui entre dans ces circonlocutions est de même nature que le verbe dont il dérive ; autrement les vues du système ne seraient pas effectivement remplies.

Sanctius, et après lui Scioppius, prétendent que tout participe est indistinctement de tout temps ; et M. Lancelot a presque approuvé cette doctrine dans sa méthode latine. La raison générale qu'ils alleguent tous en faveur de cette opinion, c'est que chaque participe se joint à chaque temps du verbe auxiliaire, ou même de tout autre verbe, au présent, au prétérit, et au futur. Je n'entrerai pas ici dans le détail immense des exemples qu'on allegue pour la justification de ce système : cependant comme on pourrait l'appliquer aux participes de toutes les langues, j'en ferai voir le faible, en rappelant un principe qui est essentiel, et dont ces Grammairiens n'avaient pas une notion bien exacte.

Il faut considérer deux choses dans la signification générale des temps ; 1°. un rapport d'existence à une époque, 2°. l'époque même qui est le terme de comparaison. L'existence peut avoir à l'époque trois sortes de rapports ; rapport de simultanéité, qui caractérise les présents ; rapport d'antériorité, qui caractérise les prétérits ; et rapport de postériorité, qui caractérise les futurs : ainsi une partie quelconque d'un verbe est un présent quand il exprime la simultanéité de l'existence à l'égard d'une époque ; c'est un prétérit, s'il en exprime l'antériorité, et c'est un futur, s'il en exprime la postériorité.

On distingue plusieurs espèces ou de présents, ou de prétérits, ou de futurs, selon la manière dont l'époque de comparaison y est envisagée. Si l'existence se rapporte à une époque quelconque et indéterminée, le temps où elle est ainsi envisagée est ou un présent, ou un prétérit, ou un futur indéfini. Si l'époque est déterminée, le temps est défini : or l'époque envisagée dans un temps ne peut être déterminée que par sa relation au moment même où l'on parle ; et cette relation peut aussi être ou de simultanéité, ou d'antériorité, ou de postériorité, selon que l'époque concourt avec l'acte de la parole, ou qu'elle le précède, ou qu'elle le suit : ce qui divise chacune des trois espèces générales de temps indéfinis en actuel, antérieur et postérieur. Voyez TEMS.

Cela posé, l'origine de l'erreur de Sanctius vient de ce que les temps du participe sont indéfinis, qu'ils font abstraction de toute époque, et qu'on peut, en conséquence, les rapporter tantôt à une époque et tantôt à une autre, quoique chacun de ces temps exprime constamment la même relation d'existence à l'époque. Ce sont ces variations de l'époque qui ont fait croire qu'en effet le même temps du participe avait successivement le temps du présent, celui du prétérit, et celui du futur.

Ainsi l'on dit, par exemple, sum metuents (je suis craignant, ou je crains), metuents eram (j'étais craignant, ou je craignais), metuents ero (je serai craignant, ou je craindrai) ; et ces expressions marquent toute ma crainte comme présente à l'égard des diverses époques désignées par le verbe substantif, époque actuelle désignée par sum, époque antérieure désignée par eram, époque postérieure désignée par ero.

Il en est de même de tous les autres temps du participe : egressurus sum (je suis devant sortir), c'est-à-dire, actuellement ma sortie est future ; egressurus eram (j'étais devant sortir), c'est-à-dire par exemple, quand vous êtes arrivé ma sortie était future ; egressurus ero (je serai devant sortir), c'est-à-dire par exemple, je prendrai mes mesures quand ma sortie sera future : où l'on voit que ma sortie est toujours envisagée comme future, et à l'égard de l'époque actuelle marquée par sum, et à l'égard de l'époque antérieure marquée par eram, et à l'égard de l'époque postérieure marquée par ero.

Ce ne sont donc point les relations de l'époque à l'acte de la parole, qui déterminent les présents, les prétérits et les futurs ; ce sont les relations de l'existence du sujet à l'époque même. Or tous les temps du participe étant indéfinis, expriment une relation déterminée de l'existence du sujet à une époque indéterminée, qui est ensuite caractérisée par le verbe qui accompagne le participe. Voilà la grande règle pour expliquer tous les exemples d'où Sanctius prétend inférer que les participes ne sont d'aucun temps.

Il faut y ajouter encore une observation importante. C'est que plusieurs mots, participes dans l'origine, sont devenus de purs adjectifs, parce que l'usage a supprimé de leur signification l'idée de l'existence qui caractérise les verbes, et conséquemment toute idée de temps ; tels sont en latin, sapiens, cautus, doctus, etc. en français, plaisant, déplaisant, intriguant, intéressé, poli, etc. Or il peut arriver encore qu'il se trouve des exemples où de vrais participes soient employés comme purs adjectifs, avec abstraction de l'idée d'existence, et par conséquent, de l'idée du temps : mais loin d'en conclure que ces participes, qui au fond ne le sont plus quoiqu'ils en conservent la forme, sont de tous les temps ; il faut dire au contraire qu'ils ne sont d'aucun temps, parce que les temps supposent l'idée de l'existence, dont ces mots sont dépouillés par l'abstraction. Vir patiens inediae, vir amants virtutis, c'est comme vir fortis, vir amicus virtutis.

Il n'y a en grec ni en latin aucune difficulté de syntaxe par rapport au participe, parce que ce mode est déclinable dans tous ses temps par genres, par nombres et par cas, et qu'en vertu du principe d'identité il s'accorde en tous ses accidents avec son sujet immédiat. Notre syntaxe à cet égard n'est pas aussi simple que celle de ces deux langues, parce qu'il me semble qu'on n'y a pas démêlé avec autant de précision la véritable nature de chaque mot. Je vais tâcher de mettre cette matière dans son vrai jour : et sans recourir à l'autorité de Vaugelas, de Ménage, du père Bouhours, ni de M. l'abbé Régnier, parce que l'usage a déjà changé depuis eux ; je prendrai pour guide MM. d'Olivet et Duclos, témoins éclairés d'un usage plus récent et plus sur, et surtout de celui de l'académie française où ils tiennent un rang si distingué : ils me permettront de consulter en même temps la Philosophie qu'ils ont eux-mêmes consultée, et d'employer les termes que les vues de mon système grammatical m'ont fait adopter. Voyez les opuscules sur la langue française, et les remarques de M. Duclos sur la Grammaire générale.

On a coutume de distinguer dans nos verbes deux sortes de participes simples ; l'un actif et toujours terminé en ant, comme aimant, souffrant, unissant, prenant, disant, faisant, voyant, etc. l'autre passif, et terminé de toute autre manière, comme aimé, souffert, uni, pris, dit, fait, vu, &c.

Art. I. " Le participe (actif) dit le père Buffier (Grammaire franç. n °. 542.), reçoit quelquefois avant soi la particule en ; comme en parlant, en lisant, etc. c'est ce que quelques-uns appellent gérondif. N'importe quel nom on lui donne, pourvu qu'on sache que cette particule en devant un participe actif signifie lorsque, tandis que ".

Il me semble que c'est traiter un peu cavalièrement une distinction qui intéresse pourtant la Philosophie plus qu'il ne parait d'abord. Les gérondifs, en latin, sont des cas de l'infinitif (voyez GERONDIF) ; et l'infinitif, dans cette langue et dans toutes les autres, est un véritable nom, ou pour parler le langage ordinaire, un vrai nom substantif (voyez INFINITIF). Le participe au contraire est un mode tout différent de l'infinitif ; il est adjectif. Le premier est un nom-verbe ; le second est un adjectif-verbe. Le premier ne peut être appliqué grammaticalement à aucun sujet, parce qu'un nom n'a point de sujet ; et c'est pour cela qu'il ne reçoit dans nul idiome aucune des terminaisons par lesquelles il pourrait s'accorder avec un sujet : le second est applicable à un sujet, parce que c'est une propriété essentielle à tout adjectif ; et c'est pour cela que dans la plupart des langues il reçoit les mêmes terminaisons que les adjectifs, pour se prêter, comme eux, aux lois usuelles de la concordance. Or il n'est assurément rien moins qu'indifférent pour l'exactitude de l'analyse, de savoir si un mot est un nom ou un adjectif, et par conséquent si c'est un gérondif ou un participe.

Que le verbe terminé en ant puisse ou ne puisse pas être précédé de la préposition en, M. l'abbé Girard le traite également de gérondif ; et c'est un mode, dit-il (vrais princ. disc. VIII. tom. IIe pag. 5.), " fait pour lier (l'événement) à un autre événement comme circonstance et dépendance ". Mais que l'on dise, cela étant vous sortirez, ou cela posé vous sortirez ; il me semble que étant et posé expriment également une circonstance et une dépendance de vous sortirez : cependant M. l'abbé Girard regarde étant comme un gérondif, et posé comme un participe. Son analyse manque ici de l'exactitude qu'il a tant annoncée.

D'autres grammairiens, plus exacts en ce point que le père Buffier et l'abbé Girard, ont bien senti que nous avions gérondif et participe en ant ; mais, en assignant des moyens mécaniques pour les reconnaître, ou ils s'y sont mépris, ou ils nous en ont laissé ignorer les caractères distinctifs.

" Nos deux participes AIMANT et AIME, dit la Grammaire générale (part. II. ch. xxij.), en tant qu'ils ont le même régime que le verbe, sont plutôt des gérondifs que des participes ". Il est évident que ce principe est erronné. Nous ne devons employer dans notre Grammaire française le mot de gérondif, qu'autant qu'il exprimera la même idée que dans la Grammaire latine d'où nous l'empruntons ; et ce doit être la même chose du mot participe : or en latin, le participe et le gérondif avaient également le même régime que le verbe ; et l'on disait legendi, legendo ou legendum libros, legens ou lecturus libros, comme légère ou lego libros. D'ailleurs, il y a assurément une grande différence de sens entre ces deux phrases, je l'ai Ve parlant à son fils, et je l'ai Ve en parlant à son fils ; c'est que parlant, dans la première est un participe, et qu'il est gérondif dans la seconde, comme on en convient assez aujourd'hui, et comme je le ferai voir tout-à-l'heure : cependant c'est de part et d'autre le même matériel, et c'est de part et d'autre parlant à son fils, comme on dirait parler à son fils ou il parlait à son fils.

M. Duclos a connu toutes ces méprises, et en a nettement assigné l'origine ; c'est la ressemblance de la forme et de la terminaison du gérondif avec celle du participe. " Cependant, dit-il (rem. sur le ch. xxj. de la II. part. de la Grammaire gén.) quelque semblables qu'ils soient quant à la forme, ils sont de différente nature, puisqu'ils ont un sens différent. Pour distinguer le gérondif du participe, ajoute-t-il un peu plus bas, il faut observer que le gérondif marque toujours une action passagère, la manière, le moyen, le temps d'une action subordonnée à une autre. Exemple : en riant, on dit la vérité. En riant, est l'action passagère et le moyen de l'action principale de dire la vérité. Je l'ai Ve en passant. En passant, est une circonstance de temps ; c'est-à-dire, lorsque je passais. Le participe marque la cause de l'action, ou l'état de la chose. Exemple : les courtisans préférant leur avantage particulier au bien général, ne donnent que des conseils intéressés. Préférant, marque la cause de l'action, et l'état habituel de la chose dont on a parlé ".

J'oserai cependant remarquer 1°. que quand ces caractères conviendraient incontestablement aux deux espèces, et qu'ils seraient incommunicables, ce ne serait pas ceux que devrait envisager la Grammaire, parce que ce sont des vues totalement métaphysiques, et qui ne tiennent en rien au système de la Grammaire générale : 2°. qu'il me semble que le gérondif peut quelquefois exprimer la cause de l'action et l'état de la chose ; et qu'au contraire on peut énoncer par le participe une action passagère et le temps d'une action subordonnée. Par exemple, en remplissant toujours vos devoirs et en fermant constamment les yeux sur les désagréments accidentels de votre place, vous captiverez enfin la bienveillance de vos supérieurs : les deux gérondifs en remplissant et en fermant expriment l'état habituel où l'on exige ici que soit le subalterne, et ils énoncent en même temps la cause qui lui procurera la bienveillance des supérieurs. Que l'on dise au-contraire, mon père sortant de sa maison, des inconnus enlevèrent à ses yeux le meilleur de ses amis ; le mot sortant a un sujet qui n'est qu'à lui, mon père, et c'est par conséquent un participe ; cependant il n'exprime qu'une action passagère, et le temps de l'action principale, qui est fixé par l'époque de cette action subordonnée. L'exemple que j'ai cité dès le commencement d'après César, quos ab urbe discedents Pompeius erat adhortatus, sert encore mieux à confirmer ma pensée : discedents est sans contredit un participe, et il n'exprime en effet qu'une circonstance de temps de l'événement exprimé par erat adhortatus. Or les caractères distinctifs du gérondif et du participe doivent être les mêmes dans toutes les langues, ou les Grammairiens doivent changer leur langage.

Je crois donc que ce qui doit caractériser en effet le gérondif et le participe actif, c'est que le gérondif, dont la nature est au fond la même que celle de l'infinitif, est un véritable nom ; au lieu que le participe actif, comme tout autre participe, est un véritable adjectif. De-là vient que notre gérondif peut être employé comme complément de la préposition en, ce qui caractérise un véritable nom ; en riant, on dit la vérité : que quand la préposition n'est point exprimée ; elle est du-moins sous-entendue, et qu'on peut la suppléer ; allant à la campagne je l'ai rencontré, c'est-à-dire, en allant à la campagne je l'ai rencontré : enfin, que le gérondif n'a jamais de sujet auquel il soit immédiatement appliqué, parce qu'il n'est pas dans la nature du nom d'avoir un sujet. Au contraire notre participe actif est toujours appliqué immédiatement à un sujet qui lui est propre, parce qu'il est adjectif, et que tout adjectif suppose essentiellement un sujet auquel il se rapporte.

Notre gérondif est toujours simple, et il est toujours au présent ; mais c'est un présent indéfini qui peut s'adapter à toutes les époques : en riant, je vous donne un avis sérieux ; en riant, je vous ai donné un avis sérieux ; en riant, je vous donnerai un avis sérieux.

Au contraire notre participe actif admet les trois différences générales de temps, mais toujours dans le sens indéfini et relativement à une époque quelconque : donnant est au présent indéfini ; ayant donné est au prétérit indéfini ; devant donner est au futur indéfini ; et par-tout c'est le participe actif.

M. Duclos prétend qu'en beaucoup d'occasions le gérondif et le participe peuvent être pris indifféremment l'un pour l'autre ; et il cite en exemple cette phrase : les hommes jugeant sur l'apparence, sont sujets à se tromper : il est assez indifférent, dit-il, qu'on entende dans cette proposition, les hommes en jugeant ou les hommes qui jugent sur l'apparence. Pour moi je ne crois point du tout la chose indifférente : si l'on regarde jugeant comme un gérondif, il me semble que la proposition indique alors les cas où les hommes sont sujets à se tromper, c'est en jugeant, in judicando, lorsqu'ils jugent sur l'apparence ; si jugeant est un participe, la proposition énonce par-là la cause pourquoi les hommes sont sujets à se tromper, c'est que cela est le lot ordinaire des hommes qui jugent sur l'apparence : or il y a une grande différence entre ces deux points de vue ; et un homme délicat qui voudra marquer l'un plutôt que l'autre, se gardera bien de se servir d'un tour équivoque ; il mettra la préposition en avant le gérondif, ou tournera le participe par qui, conformément à l'avis même de M. Duclos.

Il n'est plus question d'examiner aujourd'hui si nos participes actifs sont déclinables, c'est-à-dire, s'ils prennent les inflexions des genres et des nombres. Ils en étaient autrefois susceptibles ; mais aujourd'hui ils sont absolument indéclinables. Si l'on dit, une maison appartenante à Pythius, une requête tendante aux fins, etc. ces prétendus participes doivent plutôt être regardés comme de purs adjectifs qui sont dérivés du verbe, et semblables dans leur construction à quantité d'autres adjectifs, comme utîle à la santé, nécessaire à la vie, docîle aux bons avis, etc. C'est ainsi que l'académie française elle-même le décida le 3 Juin 1679 (opusc. pag. 343.), et cette décision est d'une vérité frappante : car il est évident que dans les exemples allégués, et dans tous ceux qui seront semblables, on n'a égard à aucune circonstance de temps, ce qui est pourtant essentiel dans les participes.

Au reste l'indéclinabilité de nos participes actifs ne doit point empêcher qu'on ne les regarde comme de vrais adjectifs-verbes : cette indéclinabilité leur est accidentelle, puisqu' anciennement ils se déclinaient ; et ce qui est accidentel ne change point la nature indestructible des mots. Les adjectifs numéraux quatuor, quinque, sex, septem, etc. et en français, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, etc. plusieurs, ne sont pas moins adjectifs, quoiqu'ils gardent constamment la même forme : les verbes de la langue franque ne laissent pas d'être des verbes, quoique l'usage ne leur ait accordé ni nombres, ni personnes, ni modes, ni temps.

Si la plupart de nos grammairiens ont confondu le gérondif français avec le présent du participe actif, trompés en cela par la ressemblance de la forme et de la terminaison ; on est tombé dans une méprise toute pareille au sujet de notre participe passif simple, que l'on a confondu avec le supin de nos verbes actifs, parce qu'ils ont aussi le même matériel.

Je ne doute point que ce ne sait, pour bien des grammairiens, un véritable paradoxe, de vouloir trouver dans nos verbes un supin proprement dit : mais je prie ceux qui seront prévenus contre cette idée, de prendre garde que je ne suis pas le premier qui l'ai mise en avant, et que M. Duclos, dans ses remarques sur le ch. xxj. de la II. part. de la Grammaire gén. indique assez nettement qu'il a du-moins entrevu que ce système peut devenir probable. " A l'égard du supin, dit-il, si nous en voulons reconnaître en français, je crois que c'est le participe passif indéclinable, joint à l'auxiliaire avoir ". Ce que dit ici cet habîle académicien n'est qu'une espèce de doute qu'il propose ; mais c'est un doute dont ne se serait pas avisé un grammairien moins accoutumé à démêler les nuances les plus délicates, et moins propre à approfondir la vraie nature des choses.

Ce n'est point par la forme extérieure ni par le simple matériel des mots qu'il faut juger de leur nature ; autrement on risquerait de passer d'erreur en erreur et de tomber souvent dans des difficultés inexplicables. Le, la, les, leur, ne sont-ils pas quelquefois des articles et d'autres fois des pronoms ? Si est adverbe modificatif dans cette phrase : Bourdaloue est si éloquent qu'il enlève les cœurs ; il est adverbe comparatif dans celle-ci : Alexandre n'est pas si grand que César ; il est conjonction hypothétique dans celle-ci : si ce livre est utile, je serai content ; et dans cette autre : je ne sais si mes vues réussiront. La ressemblance matérielle de notre supin avec notre participe passif, ne peut donc pas être une raison suffisante pour rejeter cette distinction, surtout si on peut l'établir sur une différence réelle de service, qui seule doit fixer la diversité des espèces.

Il faut bien admettre ce principe dans la Grammaire latine, puisque le supin y est absolument semblable au participe passif neutre, et que cette similitude n'a pas empêché la distinction, parce qu'elle n'a pas confondu les usages. Le supin y a toujours été employé comme un nom, parce que ce n'est en effet qu'une forme particulière de l'infinitif (voyez SUPIN) : quelquefois il est sujet d'un verbe fletum est (avoir pleuré est) on a pleuré (voyez IMPERSONNEL) ; d'autres fois il est complément objectif d'un verbe, comme dans cette phrase de Varron, me in Arcadiâ scio spectatum suem, dont la construction erga me scio spectatum suem in Arcadiâ, (je sais avoir vu), car la méthode latine de P. R. convient que spectatum est pour spectasse, et elle a raison ; enfin, dans d'autres occurrences, il est complément d'une préposition du-moins sous-entendue, comme quand Salluste dit, nec ego vos ultum injurias hortor, c'est-à-dire, ad ultum injurias. Au lieu que le participe a toujours été traité et employé comme adjectif, avec les diversités d'inflexions exigées par la loi de la concordance.

C'est encore la même chose dans notre langue ; et outre les différences qui distinguent essentiellement le nom et l'adjectif, on sent aisément que notre supin conserve le sens actif, tandis que notre participe a véritablement le sens passif. J'ai lu vos lettres : si l'on veut analyser cette phrase, on peut demander j'ai quoi ? et la réponse fait dire j'ai lu ; que l'on demande ensuite, lu quoi ? on répondra vos lettres : ainsi lu est le complément immédiat de j'ai, comme lettres est le complément immédiat de lu. Lu, comme complément de j'ai, est donc un mot de même espèce que lettres, c'est un nom ; et comme ayant lui-même un complément immédiat, c'est un mot de la même espèce que j'ai, c'est un verbe relatif au sens actif. Voilà les vrais caractères de l'infinitif, qui est un nom-verbe (voyez INFINITIF) ; et conséquemment ceux du supin, qui n'est rien autre chose que l'infinitif sous une forme particulière (voyez SUPIN).

Que l'on dise au contraire vos lettres lues, vos lettres étant lues, vos lettres sont lues, vos lettres ayant été lues, vos lettres ont été lues, vos lettres devant être lues, vos lettres doivent être lues, vos lettres seront lues. etc. On sent bien que lues a dans tous ces exemples le sens passif ; que c'est un adjectif, qui dans sa première phrase, se rapporte à lettres par apposition, et qui dans les autres s'y rapporte par attribution ; que par-tout c'est un adjectif mis en concordance de genre et de nombre avec lettres ; et que c'est ce qui doit caractériser le participe qui, comme je l'ai déjà dit, est un adjectif-verbe.

Il parait qu'en latin le sens naturel et ordinaire du supin est d'être un prétérit : nous venons de voir il n'y a qu'un moment le supin spectatum, employé pour spectasse, ce qui est nettement indiqué par scio, et justement reconnu par Lancelot. J'ai présenté ailleurs (IMPERSONNEL) l'idée d'une conjugaison, dont on a peut-être tort de ne rien dire dans les paradigmes des méthodes, et qui me semble établir d'une manière indubitable que le supin est un prétérit ; ire est (on va) ire erat (on alloit), ire erit (on ira) sont les trois présents de cette conjugaison, et répondent aux présents naturels eo, ibam, ibo ; itum est (on est allé), itum erat (on était allé), itum erit (on sera allé), sont les trois prétérits qui répondent aux prétérits naturels ivi, iveram, ivero ; enfin eundum est (on doit aller), eundum erat, (on devait aller), eundum erit (on devra aller), sont les trois futurs, et ils répondent aux futurs naturels iturus, a, um sum, iturus eram, iturus ero : or on retrouve dans chacune de ces trois espèces de temps, les mêmes temps du verbe substantif auxiliaire, et par conséquent les espèces doivent être caractérisées par le mot radical qui y sert de sujet à l'auxiliaire ; d'où il suit qu'ire est le présent proprement dit, itum le prétérit, et eundum le futur, et qu'il doit ainsi demeurer pour constant que le supin est un vrai prétérit dans la langue latine.

Il en est de même dans notre langue ; et c'est pour cela que ceux de nos verbes qui prennent l'auxiliaire avoir dans leurs prétérits, n'en emploient que les présents accompagnés du supin qui désigne par lui-même le prétérit ; j'ai lu, j'avais lu, j'aurai lu, comme si l'on disait j'ai actuellement, j'avais alors, j'aurai alors par-devers moi l'acte d'avoir lu ; en latin habeo, habebam, ou habebo lectum ou legisse. Ensorte que les différents présents de l'auxiliaire servent à différencier les époques auxquelles se rapporte le prétérit fondamental et immuable, énoncé par le supin.

C'est dans le même sens que les mêmes auxiliaires servent encore à former nos prétérits avec notre participe passif simple, et non plus avec le supin, comme quand on dit en parlant de lettres, je les ai lues, je les avais lues, je les aurai lues, etc. La raison en est la même : ce participe passif est fondamentalement prétérit, et les diverses époques auxquelles on le rapporte, sont marquées par la diversité des présents du verbe auxiliaire qui l'accompagne ; je les ai lues, je les avais lues, je les aurai lues, etc. c'est comme si l'on disait en latin eas lectas habeo, ou habebam, ou habebo.

Il ne faut pas dissimuler que M. l'abbé Regnier, qui connaissait cette manière d'interpreter nos prétérits composés de l'auxiliaire et du participe passif, ne la croyait point exacte. " quam habeo amatam, selon lui, gramm. fran. in -12 p. 467. in -4°. p. 493. ne veut nullement dire que j'ai aimée ; il veut seulement dire que j'aime (quam habeo caram). Que si l'on voulait rendre le sens du français en latin par le verbe habere, il faudrait dire quam habui amatam ; et c'est ce qui ne se dit point. "

Mais il n'est point du tout nécessaire que les phrases latines par lesquelles on prétend interprêter les gallicismes, aient été autorisées par l'usage de cette langue : il suffit que chacun des mots que l'on y emploie ait le sens individuel qu'on lui suppose dans l'interprétation, et que ceux à qui l'on parle conviennent de chacun de ces sens. Ce détour peut les conduire utilement à l'esprit du gallicisme que l'on conserve tout entier, mais dont on disseque plus sensiblement les parties sous les apparences de la latinité. Il peut donc être vrai, si l'on veut, que quam habeo amatam, voulait dire dans le bel usage des Latins que j'aime, et non pas que j'ai aimée ; mais il n'en demeure pas moins assuré que leur participe passif était essentiellement prétérit, puisqu'avec les prétérits de l'auxiliaire sum il forme les prétérits passifs ; et il faut en conclure, que sans l'autorité de l'usage qui voulait quam amavi, et qui n'introduit pas d'exacts synonymes, quam habeo amatam aurait signifié la même chose : et cela suffit aux vues d'une interprétation qui après tout est purement hypothétique.

Quelques-uns pourront se défier encore de cette distinction du supin actif et du participe passif, dont le matériel est si semblable dans notre langue, qu'ils auront peine à croire que l'usage ait prétendu les distinguer. Pour lever ce scrupule je ne répéterai point ce que j'ai déjà dit de la nécessité de juger des mots par leur destination, plutôt que par leur forme ; je me contenterai de remonter à l'origine de cette similitude embarrassante. Il parait que nous avons en cela imité tout simplement les Latins, chez qui le supin laudatum, par exemple, ne diffère en rien du participe passif neutre, de sorte que ces deux parties du verbe ne différent en effet que parce que le supin parait indéclinable, et que le participe passif est déclinable par genres, par nombres et par cas ; ce dont nous avons retenu tout ce que comporte le génie de notre langue.

La difficulté n'est pas encore levée, elle n'est que passée du français au latin ; et il faut toujours en venir à l'origine de cette ressemblance dans la langue latine. Or il y a grande apparence que le participe en us, qui passe communément pour passif, et qui l'est en effet dans les écrivains qui nous restent du bon siècle, a pourtant commencé par être le prétérit du participe actif ; de sorte que comme on distinguait alors, sous une forme simple, les trois temps généraux de l'infinitif, le présent amare, le prétérit amavisse ou amasse, et le futur amassere, voyez INFINITIF ; de même distinguait-on ces trois temps généraux dans le participe actif, le présent amants (aimant), le prétérit amatus (ayant aimé), et le futur amaturus (devant aimer) : on peut même regarder cette convenance d'analogie comme un motif favorable à cette opinion, si elle se trouve étayée d'ailleurs ; et elle l'est en effet tant par des raisons analogiques et étymologiques que par des faits positifs.

La première impression de la nature dans la dérivation des mots, amène communément l'uniformité et la régularité d'analogie : ce sont des causes subordonnées, locales ou momentanées, qui introduisent ensuite l'anomalie et les exceptions : il n'est donc pas dans l'ordre primitif que le supin amatum ait le sens actif, et que le participe qui lui est si semblable, amatus, a, um, ait le sens passif ; ils ont dû appartenir tous deux à la même voix dans l'origine, et ne différer entr'eux que comme différent un adjectif et un nom abstrait semblable au neutre de cet adjectif, par exemple l'adjectif bonus, a, um, et le nom abstrait bonum. Mais il est constant que le futur du participe actif, amaturus, a, um, est formé du supin amatum, et d'ailleurs que ce supin se trouve par-tout avec le sens actif : il est donc plus probable qu'amatus, a, um, était anciennement de la voix active, qu'il n'est croyable qu'amatum ni amaturus aient appartenu à la voix passive.

Ce premier raisonnement acquiert une force en quelque sorte irrésistible, si l'on considère que le participe en us a conservé le sens actif dans plusieurs verbes de conjugaison active, comme successus, juratus, rebellatus, ausus, gavisus, solitus, moestus, confisus, meritus, et une infinité d'autres que l'on peut voir dans Vossius, anal. IV. 13. ce qui est le fondement de la conjugaison des verbes communement appelés neutres-passifs, voyez NEUTRE ; verbes irréguliers par rapport à l'usage le plus universel, mais peut-être plus réguliers que les autres par rapport à l'analogie primitive.

On lit dans Tite-Live, lib. II. c. xlij. Moti irâ numinis causam nullam aliam vates canebant publicè privatimque, nunc extis, nunc per aves consulti, quàm haud ritè sacra fieri. Le Clerc, art. crit. part. I. sect. I. c. Xe n. 2. cite ce passage comme un exemple d'anomalie, parce que selon lui, vates non consuluntur extis et avibus, sed ipsi per exta et aves consulunt deos. Il semble que ce principe même devait faire conclure que consulti a dans Tite-Live le sens actif, et qu'il l'avait ordinairement, parce qu'un écrivain comme Tite-Live ne donne pas dans un contresens aussi absurde que le serait celui d'employer un mot passif pour un mot actif ; mais le Clerc ne prenait pas garde que les participes en us des verbes neutres-passifs ont tous le sens actif.

Outre ceux-là, tous les déponens sont encore dans le même cas, et le participe en us y a le sens actif ; precatus (ayant prié), secutus (ayant suivi), usus (ayant usé), etc. Il y en a plusieurs entre ceux-ci, dont le participe est usité dans les deux voix, et l'on peut en voir la preuve dans Vossius, anal. IV. 11. mais il n'y en a pas un seul dont le participe n'ait que le sens passif.

Telle est constamment la première impression de la nature : elle destine d'abord les mots qui ont de l'analogie dans leur formation, à des significations également analogues entr'elles ; si elle se propose l'expression de sens différents et sans analogie entr'eux, quoiqu'ils portent sur quelque idée commune, il ne reste dans les mots que ce qu'il faut pour caractériser l'idée commune, mais la diversité des formations y marque d'une manière non équivoque, la diversité des sens individuels adaptés à cette idée commune. Ainsi, pour ne pas sortir de la matière présente, le verbe allemand loben (louer), fait au supin gelobet (loué), et au prétérit du participe passif gelobter (ayant été loué) : lob est le radical primitif qui exprime l'action individuelle de louer, et ce radical se retrouve par-tout ; la particule prépositive ge, que l'on trouve au supin et au participe passif, désigne dans tous deux le prétérit ; mais l'un est terminé en et, parce qu'il est de la voix active, et l'autre est terminé en ter, parce qu'il est de la voix passive.

Il est donc à présumer que la même régularité naturelle exista d'abord dans le latin, et qu'elle n'a été altérée ensuite que par des causes subalternes, mais dont l'influence n'a pas moins un effet infaillible : or comme nous n'avons eu avec les Latins un commerce capable de faire impression sur notre langage, que dans un temps où le leur avait déjà adopté l'anomalie dont il s'agit ici, il n'y a pas lieu d'être surpris que nous l'ayons adoptée nous mêmes ; parce que personne ne raisonne pour admettre quelque locution nouvelle ou étrangère, et qu'il n'y a dans les langues de raisonnable que ce qui vient de la nature. Mais nonobstant la ressemblance matérielle de notre supin actif, et du prétérit de notre participe passif, l'usage les distingue pourtant l'un de l'autre par la diversité de leurs emplois, conformément à celles de leur nature : et il ne s'agit plus ici que de déterminer les occasions où l'on doit employer l'un ou l'autre, car c'est à quoi se réduit toute la difficulté dont Vaugelas disait, remarq. clxxxiv. qu'en toute la grammaire française il n'y a rien de plus important ni de plus ignoré.

Pour y procéder méthodiquement, il faut remarquer que nous avons, 1°. des verbes passifs dont tous les temps sont composés de ceux de l'auxiliaire substantif être et du participe passif, 2°. des verbes absolus, dont les uns sont actifs, comme courir, aller ; d'autres sont passifs, comme mourir, tomber, et d'autres neutres, comme exister, demeurer ; 3°. des verbes relatifs qui exigent un complément objectif ; direct et immédiat, comme aimer quelqu'un, finir un ouvrage, rendre un dépôt, recevoir une somme, etc. 4°. enfin des verbes que M. l'abbé de Dangeau nomme pronominaux, parce qu'on répete, comme complément, le pronom personnel de la même personne qui est sujet, comme je me repens, vous vous promenerez, ils se battaient, nous nous procurons un meilleur sort, etc. Chacune de ces quatre espèces doit être considerée à part.

§. 1. Des verbes passifs composés. On emploie dans la composition de cette espèce de verbe, ou des temps simples, ou des temps composés de l'auxiliaire être : il n'y a aucune difficulté sur les temps simples, puisqu'ils sont toujours indéclinables, du moins dans le sens dont il s'agit ici, et l'on dit également je suis, j'étais, ou je serai aimé ou aimée, nous sommes, nous étions, ou nous serons aimés ou aimées, dans les temps composés de l'auxiliaire, il ne peut y avoir que l'apparence du doute, mais nulle difficulté réelle ; ils résultent toujours de l'un des temps simples de l'auxiliaire avoir et du supin été, qui est par conséquent indéclinable, en sorte que l'on dit indistinctement j'ai ou nous avons été, j'avais ou nous avions été, etc.

Pour ce qui concerne le participe passif qui détermine alors le sens individuel du verbe, il se décline par genres et par nombres, et se met sous ce double aspect, en concordance avec le sujet du verbe, comme serait tout autre adjectif pris pour attribut : mon frère a été loué ; ma sœur a été louée ; mes frères ont été loués, mes sœurs ont eté louées, etc.

§. 2 Des verbes absolus. Par rapport à la composition des prétérits, nous avons en français trois sortes de verbes absolus : les uns qui prennent l'auxiliaire être, les autres qui emploient l'auxiliaire avoir, et d'autres enfin qui se conjuguent des deux manières.

Les verbes qui reçoivent l'auxiliaire être sont, suivant la liste qu'en a donnée M. l'abbé d'Olivet, opusc. p. 385, accoucher, aller, arriver, choir, déchoir, (& échoir), entrer, (& rentrer), mourir, naître, partir, retourner, sortir, tomber, (& retomber), venir et ses dérivés (tels que sont avenir, devenir et redevenir, intervenir, parvenir, provenir, revenir, survenir, qui sont les seuls qui se conjuguent comme le primitif.) Les prétérits de tous ces verbes se forment des temps convenables de l'auxiliaire être et du participe des verbes mêmes, lequel s'accorde en genre et en nombre avec le sujet. Cette règle ne souffre aucune exception ; et l'usage n'a point autorisé celle que propose M. l'abbé Regnier, gramm. franc. in -12. p. 490. in -4°. p. 516. sur les deux verbes aller et venir, prétendant que l'on doit dire pour le supin indéclinable, elle lui est allé parler, elle nous est venu voir, etc. et qu'en transposant les pronoms qui sont compléments, il faut dire par le participe déclinable, elle est allée lui parler, elle est venue nous voir, etc. De quelque manière que l'on tourne cette phrase, il faut toujours le participe, et l'on doit dire aussi, elle lui est allée parler, elle nous est venue voir : il me semble seulement que ce tour est un peu plus éloigné du génie propre de notre langue, parce qu'il y a un hyperbate, qui peut nuire à la clarté de l'énonciation.

Les verbes absolus qui reçoivent l'auxiliaire avoir sont en beaucoup plus grand nombre, et M. l'abbé d'Olivet (ibid.) prétend qu'il y en a plus de 550 sur la totalité des verbes absolus qui est d'environ 600. Les prétérits de ceux-ci se forment des temps convenables de l'auxiliaire avoir et du supin des verbes mêmes, qui est toujours indéclinable.

Enfin les verbes absolus qui se conjuguent avec chacun des deux auxiliaires, forment leurs préterits avec leur participe déclinable, quand ils empruntent le secours du verbe être ; ils les forment avec le supin indéclinable, quand ils se servent de l'auxiliaire avoir. Ces verbes sont de deux sortes : les uns prennent indifféremment l'un ou l'autre auxiliaire ; ce sont accourir, apparaitre, comparaitre et disparaitre, cesser, croitre, déborder, périr, rester : les autres se conjuguent par l'un ou par l'autre, selon la diversité des sens que l'on veut exprimer ; ce sont convenir, demeurer, descendre, monter, passer, repartir, dont j'ai expliqué ailleurs les différents sens attachés à la différence de la conjugaison. Voyez NEUTRE.

§. III. Des verbes relatifs. Les verbes relatifs sont des verbes concrets ou adjectifs, qui énoncent comme attribut une manière d'être, qui met le sujet en relation nécessaire avec d'autres êtres, réels ou abstraits : tels sont les verbes battre, connaître, parce que le sujet qui bat, qui connait, est par là-même en relation avec l'objet qu'il bat, qu'il connait. Cet objet, qui est le terme de la relation, étant nécessaire à la plénitude du sens relatif énoncé par le verbe, s'appelle le complément du verbe ; ainsi dans battre un homme, connaître Paris, le complément du verbe battre c'est un homme, et celui du verbe connaître, c'est Paris.

Un verbe relatif peut recevoir différents compléments, comme quand on dit rendre gloire à Dieu, gloire est un complément du verbe rendre, et à Dieu en est un autre. Dans ce cas l'un des compléments a au verbe un rapport plus immédiat et plus nécessaire, et il se construit en conséquence avec le verbe d'une manière plus immédiate et plus intime, sans le secours d'aucune préposition ; rendre gloire, je l'appelle complément objectif ou principal, parce qu'il exprime l'objet sur lequel tombe directement et principalement l'action énoncée par le verbe. Tout autre complément, moins nécessaire à la plénitude du sens, est aussi lié au verbe d'une manière moins intime et moins immédiate, c'est communément par le secours d'une préposition ; rendre à Dieu, je l'appelle complément accessoire, parce qu'il est en quelque manière ajouté au principal, qui est d'une plus grande nécessité. Voyez REGIME. Les Grammairiens modernes, et spécialement M. l'abbé d'Olivet, appellent le complément principal, régime simple, et le complément accessoire, régime composé.

Après ces préliminaires, on peut rétablir comme une règle générale, que tous les verbes dont il s'agit ici forment leurs prétérits avec l'auxiliaire avoir ; et il n'est plus question que de distinguer les cas où l'on fait usage du supin, et ceux où l'on emploie le participe.

Première règle. On emploie le supin indéclinable dans les prétérits des verbes actifs relatifs, quand le verbe est suivi de son complément principal.

Seconde règle. On emploie le participe dans les prétérits des mêmes verbes, quand ils sont précédés de leur complément principal ; et le participe se met alors en concordance avec ce complément, et non avec le sujet du verbe.

On dit donc, j'ai reçu vos lettres par le supin, parce que le complément principal, vos lettres, est après le verbe j'ai reçu ; et reçu doit également se dire au singulier, comme au pluriel, de quelque genre et de quelque nombre que puisse être le sujet. Mais il faut dire, par le principe, les lettres que mon père a reçues ou qu'a reçues mon père, parce que le complément principal que, qui veut dire lesquelles lettres, est avant le verbe a reçues ; et le participe s'accorde ici en genre et en nombre avec ce complément objectif ou principal que, indépendamment du genre, du nombre, et même de la position du sujet mon père.

Titus avait rendu sa femme maîtresse de ses biens, par le supin ; il ne l'avait pas rendue maîtresse de ses démarches, par le participe : c'est toujours le même principe, quoique le complément principal soit suivi d'un autre nom qui s'y rapporte. Ce serait la même chose, quand il serait suivi d'un adjectif : le commerce a rendu cette ville puissante ; c'est le supin ; mais il l'a rendue orgueilleuse ; c'est le participe.

Lorsqu'il y a dans la dépendance du préterit composé un infinitif, il ne faut qu'un peu d'attention pour démêler la syntaxe que l'on doit suivre. En général il faut se servir du supin, lorsqu'il n'y a avant le prétérit aucun complément ; j'ai fait poursuivre les ennemis : et il ne peut y avoir de doute, que quand il y a quelque complément avant le prétérit. Des exemples vont éclaircir tous les cas.

Je l'ai fait peindre, en parlant d'un objet masculin ou féminin au singulier ; je les ai fait peindre, au pluriel : c'est le ou la du premier exemple, et les du second, qui sont le complément principal du verbe peindre, et non de j'ai fait ; j'ai fait a pour complément l'infinitif peindre. Communément quand il y a un infinitif après fait, il est le complément immédiat et principal de fait qui est alors un supin.

Les vertus que vous avez entendu louer ; les affaires que vous avez prévu que vous auriez : dans chacun de ces deux exemples, que, qui veut dire lesquelles vertus ou lesquelles affaires, n'est point le complément du préterit composé ; dans la première phrase, que est complément de louer ; dans la seconde, que est complément de vous auriez ; c'est pourquoi l'on fait usage du supin.

Je l'ai entendu chanter, par le supin, en parlant d'une cantate, parce que la qui précéde n'est pas le complément du prétérit j'ai entendu, mais du verbe chanter qui est ici relatif. Au contraire, en parlant d'une chanteuse, il faut dire, je l'ai entendue chanter, par le participe, parce que la qui précède le prétérit en est le complément principal, et non pas de chanter qui est ici absolu.

En parlant d'une femme on dira également je l'ai Ve peindre, par le supin, et je l'ai vue peindre, par le participe, mais en des sens très-différents. Je l'ai Ve peindre, veut dire, j'ai Ve l'opération de peindre, elle ; ainsi la qui précède le préterit n'en est pas le complément ; il l'est de peindre, et peindre est le complément objectif de j'ai vu, qui, pour cette raison, exige le supin. Je l'ai vue peindre, veut dire, j'ai Ve elle dans l'opération de peinture ; ainsi la qui est avant le prétérit, en est ici le complément principal, c'est pourquoi il est nécessaire d'employer le participe. On peut remarquer en passant que peindre, dans la seconde phrase, ne peut donc être qu'un complément accessoire de je l'ai vue ; d'où l'on doit conclure qu'il est dans la dépendance d'une préposition sousentendue, je l'ai vue dans peindre, ou comme je l'ai déjà dit, je l'ai vue dans l'operation de peindre : car les infinitifs sont de vrais noms, dont la syntaxe a les mêmes principes que celle des noms. Voyez INFINITIF.

Le mot en placé avant un prétérit en est quelquefois complément ; mais de quelle espèce ? C'est un complément accessoire ; car en est alors un adverbe équivalent à la proposition de avec le nom indiqué par les circonstances : Voyez ADVERBE et MOT. Ainsi il ne doit point introduire le participe dans le prétérit, et l'on doit dire avec le supin, plus d'exploits que les autres n'en ont lu, et en parlant de lettres, j'en ai reçu deux.

L'usage veut que l'on dise, les chaleurs qu'il a fait, et non pas faites ; la disette qu'il y a eu, et non pas eue. " Une exception de cette nature étant seule, dit M. l'abbé d'Olivet, et si connue de tout le monde, n'est propre qu'à confirmer la règle, et qu'à lui assurer le titre de règle générale ". Opusc. page 375.

§. IV. Des verbes pronominaux. Tous les verbes pronominaux forment leurs prétérits par l'auxiliaire être ; et l'on y ajoute le supin, si le complément principal est après le verbe ; au contraire, on se sert du participe mis en concordance avec le complément principal, si ce complément est avant le verbe.

1°. Elle s'est fait peindre, avec le supin, parce que peindre est le complément principal de fait, et que le pronom se, qui précède, est complément de peindre et non de fait ; c'est comme si l'on disait, elle a fait peindre soi.

Elle s'est crevé les yeux, avec le supin, parce que les yeux est complément principal de crevé, et que se en est le complément accessoire ; elle a crevé les yeux à soi.

Elle s'est laissé séduire, et non pas laissée, parce que se n'en est pas le complément principal, mais de séduire qui l'est lui-même de laissé : elle a laissé séduire soi.

Pour les mêmes raisons il faut dire, elle s'est mis des chimères dans la tête : elle s'est imaginé qu'on la trompait ; elle s'était donné de belles robes, etc.

2°. Voici des exemples de participe, parce que le complément principal est avant le verbe.

Elle s'est tuée, et non pas tué, parce que le pronom est complément principal du préterit ; c'est comme si l'on disait, elle a tué soi. Par les mêmes raisons, il faut dire, elles se sont repenties ; ma mère s'était promenée ; mes sœurs se sont faites religieuses ; nos troupes s'étaient battues longtemps.

Il faut dire, elle s'est livrée à la mort, et par un semblable principe de syntaxe, elle s'est laissée mourir, c'est-à-dire, elle a laissé soi à mourir ou à la mort.

Les deux doigts qu'elle s'était coupés ; parce que le complément principal du préterit c'est que, qui veut dire lesquels deux doigts, et ce complément est avant le verbe. De même faut-il dire, les chimères que cet homme s'est mises dans la tête ; ces difficultés vous arrêtent sans cesse, et je ne me les serais pas imaginées ; voilà de belles estampes, je suis surpris que vous ne vous les soyez pas données plutôt.

Cette syntaxe est la même, quelle que soit la position du sujet, avant ou après le verbe ; et l'on doit également dire ; les lois que les Romains s'étaient prescrites ou que s'étaient prescrites les Romains ; ainsi se sont perdues celles qui l'ont cru ; comment s'est élevée cette difficulté ? etc.

Malherbe, Vaugelas, Bouhours, Regnier, etc. n'ont pas établi les mêmes principes que l'on trouve ici ; mais ils ne sont pas plus d'accord entr'eux qu'avec nous ; &, comme le dit M. Duclos, Rem. sur le ch. xxij. de la II. part. de la Grammaire gén. " ils donnent des doutes plutôt que des décisions, parce qu'ils ne s'étaient pas attachés à chercher un principe fixe. D'ailleurs, quelque respectable que soit une autorité en fait de science et d'art, on peut toujours la soumettre à l'examen ".

Ainsi l'usage se trouvant partagé, le parti le plus sage qu'il y eut à prendre, était de préferer celui qui était le plus autorisé par les modernes, et surtout par l'académie, et qui avait en même temps l'avantage de n'établir que des principes généraux : car, selon la judicieuse remarque de M. l'abbé d'Olivet, Opusc. page 386, " moins la Grammaire autorisera d'exceptions, moins elle aura d'épines ; et rien ne me parait si capable, que des règles générales, de faire honneur à une langue savante et polie. Car supposé, dit-il ailleurs, pag. 380, que l'observation de ces règles générales nous fasse tomber dans quelque équivoque ou dans quelque cacophonie ; ce ne sera point la faute des règles ; ce sera la faute de celui qui ne connaitra point d'autres tours, ou qui ne se donnera pas la peine d'en chercher. La Grammaire, dit-il encore en un autre endroit, pag. 366, ne se charge que de nous enseigner à parler correctement. Elle laisse à notre oreille, et à nos réflexions, le soin de nous apprendre en quoi consistent les grâces du discours ". (B. E. R. M.)

PARTICIPE, (Jurisprudence) en matière criminelle signifie celui qui a eu quelque part à un crime ; un accusé a quelquefois plusieurs complices, participes, fauteurs et adhérents. On entend par complices ceux qui ont commis le crime conjointement avec l'accusé, ou qui savaient d'avance qu'il devait le commettre, les participes sont ceux qui ont eu part, autrement, par exemple, ceux qui ont vendu ou fourni sciemment du poison ou des armes pour faire mourir quelqu'un. Voyez ACCUSE, CRIME, DELIT. (A)

PARTICIPE, en termes de finances, est celui qui a part secrètement dans un traité ou dans une ferme du roi. La différence qu'il y a entre un traitant et un participe, consiste en ce que le traitant s'engage au roi, s'oblige sous son nom à être la caution de l'adjudicataire, et que le participe n'a part à la ferme que par un traité secret qu'il fait avec le traitant, et non pas avec le roi. Voyez TRAITANT.

PARTICIPE, en terme de commerce de mer, signifie celui qui a part au corps d'un vaisseau marchand. Ce terme, aussi-bien que celui de parsonnier, veut dire sur la Méditerranée, la même chose que co-bourgeois sur l'Océan. Voyez CO-BOURGEOIS.

PARTICIPE, se dit aussi dans le Commerce, tant en gros qu'en détail, d'une des quatre sociétés anonymes que les marchands ont coutume de faire entr'eux. On la nomme aussi société en participation. Les associés ne s'y obligent point les uns pour les autres, mais chacun en son propre et privé nom. Souvent elles ne sont que verbales, quelquefois elles se font par écrit, mais presque toujours en ce cas par lettres missives. Rarement elles contiennent plus d'un article, ne se faisant ordinairement que pour l'achat ou la vente, comme momentanées, de quelques marchandises. Aussi ne durent-elles qu'autant que l'occasion de négoce qui les a fait naître subsiste. Dict. de comm.




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