S. f. (Grammaire) signifiait autrefois l'imagination, et on ne se servait guère de ce mot que pour exprimer cette faculté de l'âme qui reçoit les objets sensibles. Descartes, Gassendi, et tous les philosophes de leur temps, disent que les espèces, les images des choses se peignent en la fantaisie ; et c'est de-là que vient le mot fantôme. Mais la plupart des termes abstraits sont reçus à la longue dans un sens différent de leur origine, comme des instruments que l'industrie emploie à des usages nouveaux. Fantaisie veut dire aujourd'hui un désir singulier, un goût passager : il a eu la fantaisie d'aller à la Chine : la fantaisie du jeu, du bal, lui a passé. Un peintre fait un portrait de fantaisie, qui n'est d'après aucun modèle. Avoir des fantaisies, c'est avoir des gouts extraordinaires qui ne sont pas de durée. Voyez l'article suivant. Fantaisie en ce sens est moins que bizarrerie et que caprice. Le caprice peut signifier un dégoût subit et déraisonnable. Il a eu la fantaisie de la musique, et il s'en est dégouté par caprice. La bizarrerie donne une idée d'inconséquence et de mauvais gout, que la fantaisie n'exprime pas : il a eu la fantaisie de bâtir, mais il a construit sa maison dans un goût bizarre. Il y a encore des nuances entre, avoir des fantaisies et être fantasque : le fantasque approche beaucoup plus du bizarre. Ce mot désigne un caractère inégal et brusque. L'idée d'agrément est exclue du mot fantasque, au lieu qu'il y a des fantaisies agréables. On dit quelquefois en conversation familière, des fantaisies musquées ; mais jamais on n'a entendu par ce mot, des bizarreries d'hommes d'un rang supérieur qu'on n'ose condamner, comme le dit le dictionnaire de Trévoux : au contraire, c'est en les condamnant qu'on s'exprime ainsi ; et musquée en cette occasion est une explétive qui ajoute à la force du mot, comme on dit sottise pommée, folie fieffée, pour dire sottise et folie complete . Article de M. DE VOLTAIRE.

FANTAISIE, (Morale) c'est une passion d'un moment, qui n'a sa source que dans l'imagination : elle promet à ceux qu'elle occupe, non un grand bien, mais une jouissance agréable : elle s'exagère moins le mérite que l'agrément de son objet ; elle en désire moins la possession que l'usage : elle est contre l'ennui la ressource d'un instant : elle suspend les passions sans les détruire : elle se mêle aux penchants d'habitude, et ne fait qu'en distraire. Quelquefois elle est l'effet de la passion même ; c'est une bulle d'eau qui s'élève sur la surface d'un liquide, et qui retourne s'y confondre ; c'est une volonté d'enfant, et qui nous ramène pendant sa courte durée, à l'imbécillité du premier âge.

Les hommes qui ont plus d'imagination que de bon-sens, sont esclaves de mille fantaisies ; elles naissent du desœuvrement, dans un état où la fortune a donné plus qu'il ne faut à la nature, où les désirs ont été satisfaits aussi-tôt que conçus : elles tyrannisent les hommes indécis sur le genre d'occupations, de devoirs, d'amusements qui conviennent à leur état et à leur caractère : elles tyrannisent surtout les âmes faibles, qui sentent par imitation. Il y a des fantaisies de mode, qui pendant quelque temps sont les fantaisies de tout un peuple ; j'en ai Ve de ce genre, d'extravagantes, d'utiles, de frivoles, d'héroïques, etc. Je vois le patriotisme et l'humanité devenir dans beaucoup de têtes des fantaisies assez vives, et qui peut-être se répandraient, sans la crainte du ridicule.

La fantaisie suspend la passion par une volonté d'un moment ; et le caprice interrompt le caractère. Dans la fantaisie on néglige les objets de ses passions et ses principes, et dans le caprice on les change. Les hommes sensibles et legers ont des fantaisies, les esprits de travers sont fertiles en caprices.

FANTAISIE, (Musique) pièce de musique instrumentale qu'on exécute en la composant. Il y a cette différence du caprice à la fantaisie, que le caprice est un recueil d'idées singulières et sans liaison, que rassemble une imagination échauffée, et qu'on peut même composer à loisir ; au lieu que la fantaisie peut être une pièce très-régulière, qui ne diffère des autres qu'en ce qu'on l'invente en l'exécutant, et qu'elle n'existe plus quand elle est achevée : ainsi le caprice est dans l'espèce et l'assortiment des idées, et la fantaisie dans leur promptitude à se présenter. Il suit de-là qu'un caprice peut fort bien s'écrire, mais jamais une fantaisie ; car si-tôt qu'elle est écrite ou répetée, ce n'est plus une fantaisie, mais une pièce ordinaire. (S)

FANTAISIE, (Manège) On doit nommer fantaisie dans le cheval, une action quelconque suggérée par une volonté tellement opiniâtre et rebelle, qu'elle répugne à toute autre dénomination ; et appeler du nom de défense, la résistance plus ou moins forte que l'animal oppose à toute puissance émanant d'une volonté étrangère. Voyez METTRE UN CHEVAL. (e)

FANTAISIE, (Peinture) Peindre, dessiner de fantaisie, n'est autre chose que faire d'invention, de génie : quelquefois cependant fantaisie signifie une composition qui tient du grotesque. Voyez PITTORESQUE.