S. f. (Grammaire) adresse, art, finesse, moyen subtil, dont on use pour en imposer aux autres. Seul, il se prend toujours en mauvaise part ; il ne faut point avoir de ruses ; la ruse est d'un caractère faux et d'un petit esprit. On dit qu'il y a des ruses innocentes, j'y consens ; mais je n'en veux avoir ni de celles-là, ni d'autres : on dit rusé et ruser.

RUSES MILITAIRES, (Art militaire) ce sont, à la guerre, des différents moyens qu'on emploie pour tromper et surprendre l'ennemi. Les ruses militaires se nomment ordinairement stratagêmes. Voyez ce mot.

Suivant Thucydide, la plus belle de toutes les louanges qu'on peut donner à un général d'armée, est celle qui s'acquiert par la ruse et le stratagême.

Les Grecs étaient grands maîtres dans cet art : c'est plutôt une science, car l'art de tromper finement à la guerre, peut être très-aisément réduit en principes et en méthode. On y excelle infiniment plus par l'acquis que par le naturel, puisqu'en effet la guerre est la science des tromperies.... Plutarque dit qu'à Lacédémone on mettait une grande différence entre ceux qui surmontaient leurs ennemis par la ruse, et ceux qui les vainquaient par la force ouverte, et que les premiers immolaient une plus grande victime.

Homère, qui est le conseiller des gens de guerre, dit qu'il faut faire du pis que l'on peut à son ennemi, et que la tromperie de quelque espèce qu'elle puisse être, est toujours permise. Il parait assez que Grotius est de cet avis, dans son excellent ouvrage, de jure pacis et belli, que bien peu de gens de guerre lisent. Il rapporte un grand nombre d'autorités respectables et très-favorables aux ruses et fourbes militaires. Tout leur est permis, jusqu'au mensonge. Il cite bon nombre de théologiens et quelques saints, entr'autres saint Chrysostome, qui dit que les empereurs qui avaient usé de surprise, de ruse et d'artifice pour réussir dans leurs desseins, étaient très-louables. Il a raison, puisque l'Ecriture est toute remplie de stratagêmes et de ruses militaires.

La victoire qui s'acquiert par la force et par la supériorité du nombre, est ordinairement l'ouvrage du soldat, plutôt que celui du général ; mais celle qu'on remporte par la ruse et par l'adresse est uniquement dû. à celui-ci. L'une et l'autre sont la ressource des petites armées contre les grandes ; et toutes les deux la pierre de touche de la valeur et de l'intelligence. Cette ressource ne peut être que dans l'esprit et dans le cœur. L'un se trouve toujours tranquille, et toujours présent dans les plus grands périls ; il faut avoir l'autre bien haut et bien ferme pour soutenir et affronter un ennemi puissant et redoutable.

Un général qui se met à la tête d'une armée étonnée par les défaites précédentes, qui n'offre presque que de nouveaux soldats à la place des vieux qui ont péri dans les batailles, qui les expose contre de vieilles troupes accoutumées à vaincre, et qui rend tous les desseins de l'ennemi inutiles, par la force de son esprit et par l'artifice de ses mouvements ; un général, dis-je, tel que celui-ci, est un homme du premier ordre, de la plus haute volée, et il a un courage au-dessus de tous les autres, et digne d'être admiré....

Celui qui compte sur le grand nombre de ses troupes et sur leur courage, n'a pas besoin de ruses contre un ennemi qui n'a qu'une petite armée à lui opposer. Il laisse faire au nombre ; il lui suffit de lâcher la détente et le coup part, il est assuré de l'effet par ses troupes. Les victoires de la plupart des conquérants, d'un Attila, d'un Gengiscan, d'un timur-bec, ont été le prix de leur nombre ; mais celles d'Annibal furent celui de la ruse et de la sagesse audacieuse de ce grand homme. Je conclus de tout ceci, dit M. de Folard, que nous n'avons fait que copier depuis le commencement de cet article, que tout général qui n'est pas rusé, est un pauvre général.

Comme l'art de ruser ne peut s'apprendre par la pratique, par la routine, qu'il faut lire et étudier, non-seulement ce que Polyen et Frontin ont écrit sur ce sujet, mais encore tout ce que les historiens nous ont transmis des ruses des grands capitaines, il n'est pas étonnant de trouver peu de généraux assez habiles dans cette matière pour en faire un usage fréquent. Il faut de plus un esprit vif et intelligent, qui saisisse le moment d'employer les ruses, qui sache les varier suivant les circonstances ; et c'est ce qui ne se rencontre pas fréquemment. M. de Folard, qui nous fournit presque toute la matière de cet article, observe que les anciens s'appliquaient beaucoup à la lecture des ouvrages qui traitent des ruses ou des stratagêmes militaires ; lecture qui lui parait plus nécessaire à un général qu'à tout autre : car outre, dit-il, qu'elle est très-amusante, et encore plus instructive, l'ignorance où l'on est là-dessus, fait que l'on est toujours nouveaux contre la ruse et le stratagême ; et lorsqu'on ne les ignore point, on apprend à les rendre inutiles, ou à les mettre en usage dans l'occasion. Ce qu'il y a de bien surprenant, c'est qu'ils ont toujours leur effet, et que l'on donne toujours tout au-travers, quoiqu'il y en ait un très-grand nombre qui aient été pratiqués mille fais. Enfin la guerre, dit le célèbre commentateur de Polybe, est l'art de ruser et de tromper finement par principes et par méthode. Celui qui excelle le plus dans cet art, est sans doute le plus habîle ; mais chacun ruse selon la portée de son esprit et de ses connaissances. Deux généraux médiocres se tromperont réciproquement tous les deux comme deux enfants ; deux habiles comme des hommes faits ; ils mettront en œuvre tout ce que la guerre a de plus subtil, de plus grand, et de plus merveilleux. Voyez SURPRISES. (Q)

RUSE, le bout de la ruse, (Vénerie) il se dit lorsqu'on trouve au bout du retour qu'a fait une bête, que ses voyes sont simples, qu'elle s'en va, et qu'elle perce.