S. m. pl. (Histoire et Droit public d'Allemagne) On donne ce nom en Allemagne à des princes qui sont en possession du droit d'élire l'empereur. Les auteurs ne s'accordent pas sur l'origine de la dignité électorale dans l'Empire. Pasquier dans ses recherches, croit qu'après l'extinction de la race des Carlovingiens, l'élection des empereurs fut commise à six des princes les plus considérables de l'Allemagne, auxquels on en ajoutait un septième en cas que les voix fussent partagées également. Quelques-uns prétendent, que l'institution des électeurs doit être rapportée au temps d'Othon III. d'autres au temps d'Othon IV. d'autres à celui de Fréderic II. Il s'est aussi trouvé des écrivains qui ont cru que c'était le pape de qui les électeurs dérivaient leur droit ; mais c'est une erreur, attendu que le souverain pontife n'ayant jamais eu aucun droit sur le temporel de l'Empire, n'a jamais pu conférer le privilège d'élire un empereur. Le sentiment le plus vraisemblable, est que le collège électoral prit naissance sous le règne de Fréderic II. et qu'il s'établit du consentement tacite des autres princes et états de l'Empire, qui avaient lieu d'être fatigués des troubles, de la confusion et de l'anarchie qui depuis longtemps agitaient l'Allemagne ; ces malheurs étaient des suites nécessaires des longs interrègnes qui arrivaient lorsque l'élection de l'empereur se faisait par tous les états de l'Empire. Cependant il y a des auteurs qui prétendent que les électeurs se sont arrogés pour toujours un droit, qui ne leur avait été originairement déféré que par la nécessité des circonstances, et seulement pour un temps, et que toutes choses étant rentrées dans l'ordre, les autres états de l'Empire devraient aussi rentrer dans le droit de concourir à donner un chef à l'Empire. Ce qu'il y a de certain, c'est que la bulle d'or est la première loi de l'Empire qui fixe le nombre des électeurs, et assigne à chacun d'eux ses fonctions : par cette loi leur nombre est fixé à sept, dont trois ecclésiastiques, et quatre laïcs. Mais en 1648, par le traité de Westphalie, on créa un cinquième électorat séculier en faveur du duc de Bavière ; enfin en 1692, on en créa un sixième en faveur du duc de Brunswick-Lunebourg, sous le nom d'électorat de Hanovre ; mais ce prince ne fut admis sans contradiction dans le collège électoral qu'en 1708 ; de sorte qu'il y a présentement neuf électeurs, trois ecclésiastiques, savoir ceux de Mayence, de Treves et de Cologne, et six séculiers qui sont, le roi de Boheme, le duc de Bavière, le duc de Saxe, le Marggrave de Brandebourg, le comte Palatin du Rhin, et le duc de Brunswick-Hanovre. Ces électeurs sont en possession des grands offices de l'Empire qu'on appelle archi-officia Imperii.

L'électeur de Mayence est archi-chancelier de l'Empire en Germanie. L'électeur de Treves a le titre d'archi-chancelier de l'Empire pour les Gaules et le royaume d'Arles ; l'électeur de Cologne est archichancelier de l'Empire pour l'Italie. Ces trois électeurs sont archevêques.

Le roi de Boheme est archi-pincerna, c'est-à-dire, grand échanson de l'Empire. L'électeur de Bavière est archi-dapifer, grand-maître d'hôtel. L'électeur de Saxe est archi-marescallus, grand-maréchal. L'électeur de Brandebourg est archi-camerarius, grand-chambellan. L'électeur Palatin est archi-thesaurarius, grand-thrésorier de l'Empire. Quant à l'électeur de Hanovre, on ne lui a point encore assigné d'office. Il y a tout lieu de croire que la dignité électorale, ou le droit d'élire l'empereur, n'a été attaché aux grands offices de la couronne, que parce que dans les commencements, c'était les grands officiers qui annonçaient l'élection qui avait été faite par tous les états de l'Empire. Le jour du couronnement, les électeurs sont tenus d'exercer leurs fonctions auprès de l'empereur par eux-mêmes ou par leurs substituts, dont les offices sont héréditaires dans certaines familles. Voyez l'art. EMPEREUR, où l'on trouvera les formalités qui se pratiquent à l'élection et au couronnement d'un empereur.

Les électeurs ecclésiastiques parviennent à la dignité électorale par le choix des chapitres qui, en élisant un archevêque, le font électeur ; d'où l'on voit que souvent un simple gentilhomme qui est chanoine d'une des trois métropoles de Mayence, de Treves, ou de Cologne, peut parvenir à cette éminente dignité. Pour que les électeurs ecclésiastiques puissent jouir du droit d'élire un empereur, il suffit qu'ils aient été élus ou postulés légitimement sans qu'il soit besoin d'attendre la confirmation du pape.

Les électorats séculiers s'acquièrent par le droit de naissance : ils sont héréditaires, ne peuvent se partager, mais appartiennent en entier aux premiers nés des maisons électorales ; ils sont majeurs à l'âge de 18 ans, et durant leur minorité, c'est le plus proche des agnats qui est leur tuteur.

Les électeurs forment le corps le plus auguste de l'Empire ; on le nomme le collège électoral. Voyez cet article, et l'article DIETE. Ils jouissent d'un grand nombre de prérogatives très-considérables qui les mettent au-dessus des autres princes d'Allemagne. 1°. Ils ont le droit d'élire un empereur et un roi des Romains, seuls et sans le concours des autres états de l'Empire. 2°. Ils peuvent s'assembler pour former une diete électorale, et déliberer de leurs affaires particulières et de celles de tout l'Empire, sans avoir besoin pour cela du consentement de l'empereur. 3°. Ils exercent dans leurs électorats une juridiction souveraine sans que leurs vassaux et sujets puissent appeler de leurs décisions aux tribunaux de l'Empire, c'est-à-dire à la chambre impériale et au conseil aulique, c'est ce qu'on appelle en Allemagne privilegium de non appelando. 4°. L'empereur ne peut pas convoquer la diete sans le consentement du collège électoral, qui lui est aussi nécessaire dans les affaires pressées et qui ne souffrent point de délai. 5°. Chaque électeur a le droit de présenter deux assesseurs ou juges de la chambre impériale. 6°. Les électeurs sont exemts de payer des droits à la chancellerie impériale, lorsqu'ils prennent l'investiture de leurs états.

Les électeurs prétendent marcher de pair avec les têtes couronnées, et même ils ne cedent point le pas aux rois à la cour de l'empereur ; ils ont le droit d'envoyer des ambassadeurs. L'empereur, quand il leur écrit, traite les électeurs ecclésiastiques de neveux, et les séculiers d'oncles. Ils veulent être seuls en droit de dresser les articles de la capitulation impériale : mais ce droit leur est contesté par les autres princes et états de l'Empire ; cependant jusqu'à présent ils en sont demeurés en possession. Voyez CAPITULATION IMPERIALE.

Outre ces privilèges qui sont communs à tous les électeurs, il y en a encore d'autres qui sont particuliers à chacun d'eux, et que l'on peut voir dans les auteurs qui ont écrit sur le droit public d'Allemagne. Voyez Vitriarii Institut. juris publ.

Les attributs de la dignité électorale, sont le bonnet et le manteau fourrés d'hermine, l'épée et la crosse pour les ecclésiastiques, etc. On leur donne le titre d'altesse électorale. Le fils ainé d'un électeur séculier se nomme prince électoral. (-)

ELECTEUR, s. m. (Jurisprudence) est celui qui donne son suffrage pour l'élection qui se fait de quelque personne, soit pour un bénéfice, soit pour un office, commission, ou autre place. Voyez ci-après ELECTION. (A)