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Catégorie parente: Morale
Catégorie : Gouvernement
S. m. (Gouvernement civil) on nomme sujets tous les membres de l'état, par opposition au souverain, soit que l'autorité souveraine ait été déférée à un seul homme, comme dans une monarchie, ou à une multitude d'hommes réunis, comme dans une république : ainsi le premier magistrat de cette république même, est un sujet de l'état.

On devient membre ou sujet d'un état en deux manières, ou par une convention expresse, ou par une convention tacite.

Si c'est par une convention expresse, la chose est sans difficulté ; à l'égard du consentement tacite, il faut remarquer que les premiers fondateurs des états, et tous ceux qui dans la suite en sont devenus membres, sont censés avoir stipulé que leurs enfants et leurs descendants auraient, en venant au monde, le droit de jouir des avantages communs à tous les membres de l'état, pourvu néanmoins que ces descendants, parvenus à l'âge de raison, voulussent de leur côté se soumettre au gouvernement, et reconnaître l'autorité du souverain.

Je dis pourvu que les descendants reconnaissent l'autorité du souverain, car la stipulation des pères ne saurait avoir par elle-même la force d'assujettir les enfants malgré eux, à une autorité à laquelle ils ne voudraient pas se soumettre ; ainsi l'autorité du souverain sur les enfants des membres de l'état, et réciproquement les droits que ces enfants ont à la protection du souverain, et aux avantages du gouvernement, sont établis sur un consentement réciproque.

Or de cela seul, que les enfants des citoyens parvenus à un âge de discrétion, veulent vivre dans le lieu de leur famille, ou dans leur patrie, ils sont par cela même censés se soumettre à la puissance qui gouverne l'état, et par conséquent ils doivent jouir, comme membres de l'état, des avantages qui en sont les suites ; c'est pourquoi aussi les souverains une fois reconnus, n'ont pas besoin de faire prêter serment de fidélité aux enfants qui naissent depuis dans leurs états.

Les sujets d'un état sont quelquefois appelés citoyens ; quelques-uns ne font aucune distinction entre ces deux termes, mais il est mieux de les distinguer. Celui de citoyen doit s'entendre de tous ceux qui ont part à tous les avantages, à tous les privilèges de l'association, et qui sont proprement membres de l'état, ou par leur naissance, ou d'une autre manière ; tous les autres sont plutôt de simples habitants, ou des étrangers passagers que des citoyens ; pour les serviteurs, le titre de citoyens ne leur convient qu'en tant qu'ils jouissent de certains droits, en qualité de membres de la famille d'un citoyen, proprement ainsi nommé, et en général, tout cela dépend des lois et des coutumes particulières de chaque état.

Quant au devoir des sujets, nous nous contenterons de remarquer, qu'ils sont ou généraux ou particuliers, les uns et les autres découlent de leur état et de leur condition.

Tous les citoyens ont cela de commun, qu'ils sont soumis au même souverain, au même gouvernement, et qu'ils sont membres d'un même état ; c'est de ces relations que dérivent les devoirs généraux ; et comme ils occupent les uns et les autres différents emplois, différents postes dans l'état, qu'ils exercent aussi différentes professions, de-là naissent leurs devoirs particuliers. Il faut encore remarquer que les devoirs des sujets supposent et renferment les devoirs de l'homme considéré simplement comme tel, et comme membre de la société humaine en général.

Les devoirs généraux des sujets ont pour objet, ou les conducteurs de l'état, ou tout le corps du peuple et la patrie, ou les particuliers d'entre les concitoyens. A l'égard des conducteurs de l'état, tout sujet leur doit l'obéissance que demande leur caractère. Par rapport à la patrie, un bon citoyen se fait une loi de lui faire honneur par ses talents, sa probité, et son industrie : ces devoirs particuliers sont attachés aux différents emplois qu'il a dans la société.

Mais c'est un droit naturel à tous les peuples libres, que chaque sujet et citoyen a la liberté de se retirer ailleurs, s'il le juge convenable, pour s'y procurer la santé, les nécessités, et les commodités de la vie, qu'il ne trouve pas dans son pays natal.

Les Romains ne forçaient personne à demeurer dans leur état, et Cicéron appelle cette maxime, le fondement le plus ferme de la liberté, qui consiste à pouvoir retenir ou céder son droit sans y renoncer, comme on le juge à propos ; voici ses propres termes. O jura praeclara atque divinitùs jam indè à principio romani nominis à majoribus nostris comparata.... ne quis invitus civitate mutetur, neve in civitate maneat invitus ; haec sunt enim fundamenta firmissima nostrae libertatis, sui quemque juris et retinendi et dimittendi esse dominum. Orat. pro L. Corn. Balbo.

On cesse aussi d'être sujet ou citoyen d'un état, quand on est banni à perpétuité, en punition de quelque crime ; car du moment que l'état ne veut plus reconnaître quelqu'un pour un de ses membres, et qu'il le chasse de ses terres, il le tient quitte des engagements où il était en tant que citoyen ; les Jurisconsultes appellent cette peine mort civile. Au reste, il est bien évident que l'état, ou le souverain, ne peut pas chasser un citoyen de ses terres quand il lui plait, et sans qu'il l'ait mérité par aucun crime.

On peut enfin perdre la qualité de sujet d'un état, par l'effet d'une force supérieure de la part d'un ennemi, par laquelle on est obligé de se soumettre à sa domination : c'est encore là un cas de nécessité, fondé sur le droit que chacun a de pourvoir à sa conservation.

Je finis par répondre à la question la plus importante qu'on fasse sur les sujets, vis-à-vis des souverains. On demande donc si un sujet peut exécuter innocemment un ordre qu'il sait être injuste, et que son souverain, lui prescrit formellement ; ou s'il doit plutôt refuser constamment d'obéir, même au péril de perdre la vie ?

Hobbes répond qu'il faut bien distinguer, si le souverain nous commande de faire, en notre propre nom, une action injuste qui soit réputée nôtre, ou bien s'il nous ordonne de l'exécuter en son nom et en qualité de simple instrument, et comme une action qu'il répute sienne. Au dernier cas, il prétend que l'on peut sans crainte exécuter l'action ordonnée par le souverain, qui alors en doit être regardé comme l'unique auteur, et sur qui toute la faute en doit retomber. C'est ainsi, par exemple, que les soldats doivent toujours exécuter les ordres de leur prince, parce qu'ils agissent comme instruments, et au nom de leur maître. Au contraire, il n'est jamais permis de faire en son propre nom une action injuste, directement opposée aux lumières d'une conscience éclairée. C'est ainsi qu'un juge ne doit jamais, quelque ordre qu'il en ait du prince, condamner un innocent ni un témoin à déposer contre la vérité.

Mais, cette distinction ne lève point la difficulté ; car de quelque manière qu'un sujet agisse dans tous les cas illicites, soit en son nom, soit au nom du souverain, sa volonté concourt à l'action injuste et criminelle qu'il exécute. Conséquemment, ou il faut toujours lui imputer en partie l'une et l'autre action, ou l'on ne doit lui en imputer aucune. Il est donc vrai que dans tout ordre du souverain évidemment injuste, ou qui nous parait tel, il faut montrer un noble courage, refuser de l'exécuter, et résister de toutes ses forces à l'injustice, parce qu'il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, quel que soit leur rang sur la terre. En promettant au souverain une fidèle obéissance, on n'a jamais pu le faire que sous la condition tacite qu'il n'ordonnerait rien qui fût contraire aux lois de Dieu, soit naturelles, soit revélées. " Je ne croyais pas, dit Antigone à Créon, roi de Thebes, que les édits d'un homme mortel tel que vous, eussent tant de force, qu'ils dû.sent l'emporter sur les lois des dieux mêmes, lois non écrites à la vérité, mais certaines et immuables ; car elles ne sont pas d'hier ni d'aujourd'hui ; on les trouve établies de temps immémorial ; personne ne sait quand elles ont commencé ; je ne devais donc pas par la crainte d'aucun homme, m'exposer, en les violant, à la punition des dieux. " C'est un beau passage de Sophocle, Tragédie d'Antigone, vers 463. (D.J.)

SUJET, s. m. (Logique et Grammaire) En Logique, le sujet d'un jugement, est l'être dont l'esprit aperçoit l'existence sous telle ou telle relation à quelque modification ou manière d'être. En Grammaire, c'est la partie de la proposition qui exprime ce sujet logique. Le sujet peut être simple ou composé, incomplexe ou complexe ; propriétés qui ont été développées ailleurs, et dont il n'est plus nécessaire de parler ici. Voyez CONSTRUCTION et surtout PROPOSITION. (B. E. R. M.)

SUJET, (Poésie) c'est ce que les anciens ont nommé dans le poème dramatique la fable, et ce que nous nommons encore l'histoire ou le roman. C'est le fond principal de l'action d'une tragédie ou d'une comédie. Tous les sujets frappans dans l'histoire ou dans la fable, ne peuvent point toujours paraitre heureusement sur la scène ; en effet leur beauté dépend souvent de quelque circonstance que le théâtre ne peut souffrir. Le poète peut retrancher ou ajouter à son sujet, parce qu'il n'est point d'une nécessité absolue, que la scène donne les choses comme elles ont été, mais seulement comme elles ont pu être.

On peut distinguer plusieurs sortes de sujets ; les uns sont d'incidents, les autres de passions ; il y a des sujets qui admettent tout-à-la-fais les incidents et les passions. Un sujet d'incidents, est lorsque d'acte en acte, et presque de scène en scène, il arrive quelque chose de nouveau dans l'action. Un sujet de passion, est quand d'un fond simple en apparence, le poète a l'art de faire sortir des mouvements rapides et extraordinaires, qui portent l'épouvante ou l'admiration dans l'âme des spectateurs.

Enfin les sujets mixtes sont ceux qui produisent en même temps la surprise des incidents et le trouble des passions. Il est hors de doute que les sujets mixtes sont les plus excellents et ceux qui se soutiennent le mieux. (D.J.)

SUJET, (Peinture) On appelle sujets en Peinture, tout ce que l'art du pinceau peut imiter. Ainsi pour transcrire ici les judicieuses réflexions de M. l'abbé du Bos, nous dirons avec lui, que tout ce qui tombe sous le sens de la vue peut devenir un sujet d'imitation. Quand les imitations que la peinture nous en présente, ont le pouvoir de nous attacher, tout le monde dit que ce sont là des sujets heureux. La représentation pathétique du sacrifice de la fille de Jephté, de la mort de Germanicus sont, par exemple, des sujets heureux. On néglige pour les contempler des sujets grotesques ; et même les paysages les plus riants et les plus gracieux. L'art de la peinture n'est jamais plus applaudi que lorsqu'elle réussit à nous affliger ; et si je ne me trompe fort, généralement parlant, les hommes trouvent encore plus de plaisir à pleurer qu'à rire au théâtre.

Il résulte de cette réflexion, que dès que l'attrait principal du peintre est de nous émouvoir par des imitations capables de produire cet effet, il ne saurait trop choisir les sujets intéressants ; car comment serons-nous attachés par la copie d'un original incapable de nous affecter ?

Ce n'est pas assez que le sujet nous intéresse, il faut encore que ce sujet se comprenne distinctement et qu'il imite quelque vérité ; le vrai seul est aimable. De plus, le peintre ne doit introduire sur sa toîle que des personnages dont tout le monde, dumoins le monde devant lequel il doit produire ses ouvrages, ait entendu parler. Il faut que ce monde les connaisse déjà ; car le peintre ne peut faire autre chose que de les lui faire reconnaître.

Il est des sujets généralement connus ; il en est d'autres qui ne sont bien connus que dans certains pays : les sujets les plus connus généralement dans toute l'Europe, sont tous les sujets tirés de l'Ecriture-sainte. Voilà pourquoi Raphaël et le Poussin ont préféré ces sujets aux autres. Les principaux événements de l'histoire des Grecs et celle des Romains, ainsi que les aventures fabuleuses des dieux qu'adoraient ces deux nations, sont encore des sujets généralement connus.

Il n'en est pas ainsi de l'histoire moderne, tant ecclésiastique que prophane. Chaque pays a ses saints, ses rais, et ses grands personnages très-connus, et que tout le monde y reconnait facilement, mais qui ne sont pas reconnus de même en d'autres pays. Saint Pierre vétu en évêque, et portant sur la main la ville de Bologne, caractérisée par ses principaux bâtiments et par ses tours, n'est pas une figure connue en France généralement comme elle l'est en Lombardie. Saint Martin coupant son manteau, action dans laquelle les Peintres et les Sculpteurs le représentent ordinairement, n'est pas d'un autre côté une figure aussi connue en Italie qu'elle l'est en France.

C'est à tort peut-être que les Peintres se plaignent de la disette des sujets, la nature est si variée, qu'elle fournit toujours des sujets neufs à ceux qui ont du génie. Un homme né avec du génie, voit la nature que son art imite, avec d'autres yeux que les personnes qui n'ont pas de génie. Il découvre une différence infinie entre des objets, qui aux yeux des autres hommes paraissent les mêmes. Il fait si bien sentir cette différence dans son imitation, que le sujet le plus rebattu, devient un sujet neuf sous sa plume ou son pinceau. Il est pour un grand peintre une infinité de joies et de douleurs différentes qu'il sait varier encore par les âges, par les tempéraments, par les caractères des nations et des particuliers, et par mille autres moyens. Comme un tableau ne représente qu'un instant d'une action, un peintre né avec du génie, choisit l'instant que les autres n'ont pas encore saisi ; ou s'il prend le même instant, il l'enrichit de circonstances tirées de son imagination, qui font paraitre l'action un sujet neuf. Or c'est l'invention de ces circonstances qui constitue le poète en peinture.

Combien a-t-on fait de crucifiments depuis qu'il est des peintres ? Cependant les artistes doués de génie, n'ont pas trouvé que ce sujet fût épuisé par mille tableaux déjà faits. Ils ont su l'orner par des traits nouveaux de poésie, et qui paraissent néanmoins tellement propres au sujet, qu'on est surpris que le premier peintre qui a médité sur la composition d'un crucifiment, ne se soit pas saisi de ces idées. C'est ce qu'ont prouvé Rubens, le Poussin et Coypel par leurs tableaux sur la crucifixion de Notre-Seigneur. En un mot, les peintres qui tiennent leur vocation du génie, trouveront toujours des sujets neufs dans la nature ; et pour parler figurément, leurs devanciers ont laissé plus de marbres dans les carrières qu'ils n'en ont tiré pour le mettre en œuvre.

Ce n'est pas assez d'avoir trouvé des sujets heureux, intéressants, et connus à imiter ; les Peintres doivent observer en traitant les sujets qu'ils ont choisis, de n'y rien mettre contre la vraisemblance. Les hommes ne sont guère touchés d'un événement qui leur parait sensiblement impossible.

Enfin, il est encore des sujets plus propres à chaque genre de peinture qu'à d'autres genres de peinture. Le sacrifice d'Iphigénie, par exemple, ne convient qu'à un tableau où le peintre puisse donner à ses figures une certaine grandeur. Un pareil sujet ne veut pas être représenté avec de petites figures destinées à l'embellissement d'un paysage. Un sujet grotesque ne veut pas être traité avec des figures aussi grandes que le naturel. Des figures plus grandes que nature, ne seraient point propres à représenter sur toîle une Vénus. (D.J.)

SUJET, en Musique, se dit du chant principal, sur lequel roule toute la disposition d'une pièce ou d'un morceau de musique, et dont toutes les autres parties ne sont que l'accompagnement. Quelquefois le sujet est à la basse, plus souvent dans les dessus, rarement dans les parties moyennes. Dans les musiques, qu'on appelle duo, trio, quatuor, etc. le sujet est ordinairement distribué entre plusieurs parties, ce qui le rend plus difficîle à traiter.

Le sujet est la partie la plus importante du dessein. Voyez DESSEIN. Toutes les autres ne demandent que du raisonnement et de l'art. Celle-ci seule dépend uniquement du génie, et c'est en elle que consiste l'invention. Les principaux sujets en musique produisent des imitations, des fugues, des basses-contraintes, etc. Voyez ces mots.

Enfin, sujet se dit encore du texte ou des paroles sur lesquelles on compose de la musique. (S)




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