S. m. (Gouvernement) peine corporelle, plus ou moins douloureuse, plus ou moins atroce.

Un dictionnaire des divers supplices, pratiqués chez tous les peuples du monde, ferait frémir la nature ; c'est un phénomène inexplicable que l'étendue de l'imagination des hommes en fait de barbarie et de cruauté.

Gouverner par la force des supplices, c'est vouloir faire faire aux supplices ce qui n'est pas en leur pouvoir, je veux dire, de donner des mœurs. Les supplices retranchent bien de la société un citoyen qui ayant perdu ses mœurs, viole les lois ; mais si le monde, ou si la plus grande partie d'un état a perdu ses mœurs, les supplices les retablissent-ils ? Ils arrêteront, je l'accorde, plusieurs conséquences du mal général, mais ils ne corrigeront pas ce mal.

La vue des Perses dans leurs sages établissements, au rapport de Xénophon, était d'aller au-devant du mal, persuadés qu'il vaut bien mieux s'appliquer à prévenir les fautes qu'à les punir ; et au lieu que dans les autres états on se contente d'établir des punitions contre les mécans, ils tâchaient de faire en sorte que parmi eux il n'y eut point de mécans. (D.J.)

SUPPLICE DE LA CENDRE, (Littér. sacrée et profane.) supplice particulier à la Perse, et dont on ne se servait que pour de grands criminels ; on les faisait périr en les étouffant dans la cendre. Voici la description qu'en donne le II. liv. des Macch. On remplissait de cendres jusqu'à une certaine élévation, une grande tour. Du haut de cette tour on jetait le criminel dans la cendre la tête la première, et ensuite avec une roue on remuait cette cendre autour de lui, jusqu'à ce qu'elle l'étouffât. Vous trouverez dans Valere Maxime l'origine de ce supplice, l. I. 9. 2. extern. §. 6. C'est de ce supplice qu'Ochus plus connu sous le nom de Darius Nothus, fit périr Sogdien son frère qui s'était emparé du trône par des meurtres. Il traita de même Arsites son autre frère, par le conseil de sa femme Parysatis. On ne voit dans l'histoire que des crimes punis par d'autres crimes. (D.J.)

SUPPLICES DES HEBREUX, on remarque plusieurs sortes de supplices usités chez les Hébreux et mentionnés dans l'Ecriture. On peut les réduire à ceux-ci 1°. le crucifiement ou le supplice de la croix dont nous avons parlé sous les mots CRUCIFIEMENT et CROIX, 2°. la suspension ou la corde, 3°. la lapidation, 4°. le feu, 5°. le tympanum ou le fouet. 6°. la prison, 7°. l'épée ou la décollation, 8°. la scie, 9°. précipiter les coupables du haut d'un rocher, 10°. les précipiter dans une tour remplie de cendres, 11°. les écraser sous des épines ou sous les pieds des animaux, 12°. leur faire perdre les yeux, 13°. les étendre sur le chevalet, 14°. leur couper les cheveux pour marque d'infamie. On en trouve encore un grand nombre d'autres marqués dans le livre des Macchabées, comme celui de la poêle ardente, d'arracher la peau avec les cheveux de la tête, de bruler les côtés et les entrailles avec des torches ardentes, de les déchirer avec des peignes de fer, d'étendre sur la roue, de couper les extrémités des pieds et des mains, etc. mais comme ces derniers étaient moins usités, et plutôt suggérés par la barbarie que prescrits par les lois, nous nous attacherons principalement à donner au lecteur une idée des premiers que nous avons indiqués d'après la dissertation que le p. Calmet a donnée sur cette matière ; avant que d'entrer dans le détail de chacun, il sera bon d'observer les formalités qui précédaient tous les supplices.

Les rabbins en racontent plusieurs qui accompagnaient et qui suivaient la décision des juges en matière criminelle. Quand il était question de décider de la vie ou de la mort d'un homme, on y procédait avec beaucoup de maturité. Lorsque les témoins avaient été ouis, on renvoyait l'affaire au lendemain ; les juges se retiraient chez eux, mangeaient peu, et ne buvaient point de vin ; le lendemain ils se rassemblaient deux à deux pour examiner de nouveau plus à loisir les circonstances du procès. Après cet examen on pouvait encore réformer le jugement, de manière que celui qui avait été pour la condamnation, pouvait changer de sentiment et absoudre, au lieu que celui qui avait absous, ne pouvait varier ni condamner.

La sentence étant confirmée et prononcée, on conduisait le criminel au supplice. Un homme placé à la porte de la cour tenait un mouchoir à sa main ; un peu plus loin était posté un cavalier ou un héraut à cheval. S'il se présentait quelqu'un pour parler en faveur du condamné, la première sentinelle faisait signe avec son mouchoir, et le cavalier courait et faisait ramener le coupable. Deux juges marchaient à ses côtés pour entendre s'il avait lui-même quelque chose à dire pour sa justification. On pouvait le ramener jusqu'à cinq fois pour entendre ceux qui voulaient parler pour sa défense. S'il n'y avait rien qui arrêtât l'exécution, on criait à haute voix : un tel est abandonné pour un tel crime : tels et tels ont déposé contre lui : si quelqu'un a des preuves de son innocence, qu'il les produise.

On donnait aux suppliciés à boire du vin mêlé d'encens, de myrrhe ou d'autres drogues fortes capables d'engourdir les sens, et de leur faire perdre le sentiment de la douleur. Salomon conseille de donner du vin à ceux qui sont accablés de douleur, et nous voyons la pratique de cette œuvre d'humanité envers J. C. dans sa passion ; on lui offrit du vin de myrrhe avant qu'il fût crucifié, et du vinaigre lorsqu'il était à la croix, Matth. xxvij. 34. 48. Ces choses étaient générales, et regardaient tous les suppliciés.

1°. La suspension ou la corde était en usage chez les Juifs ; mais il n'est pas sur qu'on y pendit les coupables vivants. Les Juifs disent qu'il n'y avait que les blasphémateurs et les idolâtres qu'on pendait ainsi ; pour les autres, on leur ôtait apparemment la vie d'une autre manière, et l'on suspendait ensuite leurs corps à un poteau ou une croix. Les exemples du pannetier de Pharaon dans la genèse ; du roi d'Haï, dans Josué ; de cinq autres rois chananéens que ce général fit encore pendre ; d'Aman et de plusieurs autres, prouvent que le supplice du gibet était connu des Juifs, et que quelquefois on pendait les hommes vivants, mais que plus souvent on pendait les cadavres des coupables après les avoir mis à mort.

2°. La lapidation consistait, comme le nom le porte, à écraser un homme à coups de pierres, que tout le peuple ou la multitude des assistants lançait contre lui. Cette exécution se faisait ordinairement hors des villes, comme il parait par les exemples du blasphémateur, du violateur du sabbat, d'Achan et de saint Etienne. Les Rabbins prétendent que parmi les Hébreux lapider n'était point la même chose que chez tous les autres peuples ; selon eux, celui qui était condamné à ce supplice, était conduit sur une éminence de la hauteur de deux hommes ; les deux témoins le précipitaient de-là sur des cailloux, et s'il n'était point mort de sa chute, le peuple l'accablait à coups de pierres. Mais cette idée est une vision des docteurs juifs, qui n'a pas le moindre fondement dans l'Ecriture.

3°. La peine du feu. Elle était en usage parmi les Hébreux, même avant la loi. Juda ayant appris que Thamar sa belle-fille était enceinte, voulut la faire bruler comme adultère. La loi de Moïse impose la peine du feu aux filles des prêtres qui tombent dans l'impureté, Levit. xxj. 9. Moïse veut qu'on brule vif celui qui aura épousé la mère et la fille, et il condamne ces femmes au même genre de mort : ce qui suppose un feu appliqué à l'extérieur. Cependant les auteurs juifs prétendent qu'on ne brulait point dans les flammes celui qui était condamné au feu ; on l'enterrait, selon eux, jusqu'aux genoux dans du fumier, on lui enveloppait la gorge d'un grand linge qui était tiré à deux, tant que le patient était obligé d'ouvrir la bouche, ou s'il faisait résistance, on la lui tenait ouverte de force par deux tenailles, puis on lui faisait couler du plomb fondu qui consumait ses entrailles. Il y a grande apparence que cette idée est de l'invention des rabbins.

4°. Le tympanum ou le fouet. Les critiques ont été fort partagés sur la signification du mot tympanum ; quelques-uns ont cru qu'il voulait dire écorcher vif, d'autres, trancher la tête, d'autres, tourmenter sur le chevalet. Dom Calmet croit, d'après le scholiaste d'Aristophane, qu'il signifie la bastonnade ou le supplice des verges, dans lequel on faisait étendre le criminel par terre, et on le frappait à coups de bâtons, quelquefois jusqu'à lui ôter la vie. A l'égard du fouet, lorsqu'un homme y était condamné, les exécuteurs de la justice le saisissaient, le dépouillaient depuis les épaules jusqu'à la ceinture, et déchiraient même sa tunique depuis le col jusqu'aux reins. Ils frappaient sur son dos avec un fouet de cuir de bœuf composé de quatre lanières et assez long pour atteindre jusqu'à sa poitrine ; il y en a même qui veulent qu'on ait frappé six coups sur le dos, puis trois coups sur la poitrine, à l'alternatif. Le patient était attaché fortement par les bras à une colonne assez basse, afin qu'il fût panché, et celui qui frappait, était derrière lui monté sur une pierre. Pendant l'exécution les trois juges étaient présents, et l'un d'eux criait : si vous n'observez point les paroles de cette loi, Dieu vous frappera de plaies extraordinaires, vous et vos enfants. Le second comptait les coups, et le troisième exhortait le licteur à faire son devoir. Le nombre des coups n'était, selon quelques-uns, que de trente-neuf, ni plus ni moins ; mais Schickard prétend qu'on le diminuait pour les moindres fautes, et qu'on le réitérait pour les grandes.

5°. La prison. C'était en général moins un supplice qu'une punition ; mais quelquefois elle était regardée comme supplice. Ainsi les Philistins après avoir crevé les yeux à Samson, le gardèrent dans un cachot où il était obligé de tourner la meule. Les liens, les menottes, les entraves, les chaînes qui accompagnaient pour l'ordinaire la prison, en aggravaient la peine. Mais les anciens hébreux avaient une espèce de joug composée de deux pièces de bois longues et larges, dans lesquelles on faisait une entaille pour passer le cou du criminel. Ils se servaient aussi de ceps ou d'entraves, qui étaient des bois ouverts de distance en distance dans lesquelles on faisait passer les jambes des prisonniers à une plus ou moins grande distance, selon qu'on voulait les tourmenter. Prudence a exprimé ce supplice dans ces deux vers de son hymne 4e.

Lignoque plantas inserit

Divaricatis cruribus.

Il en est aussi parlé dans le livre de Job, c. XIIIe Ve 27, et dans les proverb. c. VIIe Ve 22.

6°. Le supplice de l'épée ou la décollation. On en a plusieurs exemples dans l'Ecriture. Le pannetier de Pharaon eut la tête tranchée, et après cela son cadavre fut pendu à un poteau, Genèse xl. Ve 19. Abimelech, fils de Gédeon, fit décapiter 70 fils de Gédeon ses frères sur une seule pierre, Indic. ix. Ve 2. Ceux de Samarie firent couper les têtes aux 70 fils d'Achab, et les envoyèrent à Jehu dans des paniers. S. Jean fut décapité dans sa prison par le commandement d'Hérode. Matth. XIIe

7°. Le supplice de la scie. On n'en trouve d'exemple que dans la personne d'Isaïe qui fut, dit-on, scié par le milieu du corps depuis la tête jusqu'aux cuisses par ordre de Manassé, et l'on ajoute que ce fut avec une scie de bois. Mais le p. Calmet remarque que S. Jérôme et les septante appellent quelquefois du nom de scie certains gros rouleaux de bois armés de pointes de fer qu'on faisait passer sur les gerbes pour les battre et en tirer le grain, et que ce fut sous une semblable machine que le prophète Isaïe fut déchiré et mis en pièces. Que si l'on veut entendre le passage de S. Paul où il en est parlé, d'une scie proprement dite, il faut reconnaître que c'était une scie de fer à scier du bois, supplice qui n'était pas inconnu aux anciens, qui est en usage à Siam, et qu'on prétend aussi usité parmi les Suisses.

8°. Précipiter les coupables du haut d'un rocher. On en a quelques exemples parmi les Hébreux. Amasias, roi de Juda, fit sauter à bas d'un rocher dix mille Iduméens qu'il avait pris à la guerre. II. Paralip. xxv. 12. Les juifs de Nazareth voulurent précipiter Jesus-Christ du haut de leur montagne. S. Jacques le juste fut jeté en bas de l'endroit le plus élevé du temple dans la vallée qui était au pied.

9°. Le précipiter dans une tour remplie de cendre ou de poussière pour les étouffer. C'était un supplice plus en usage chez les Perses et les autres peuples voisins des Hébreux, que chez les Hébreux mêmes, où l'on n'en cite aucun exemple particulier à la nation.

10°. Ecraser sous les épines, sous des traineaux ou sous les pieds des éléphans sont des supplices inconnus aux peuples d'occident, mais dont on trouve quelques exemples dans l'Ecriture. Il est dit dans les Juges, c. VIIIe Ve 16, que Gédeon étant de retour de la poursuite des Madianites, écrasa sous les épines et les ronces du désert les principaux de la ville de Socoth qui lui avaient insulté. Il mit apparemment du gros bois ou de grosses pierres sur les épines qui couvraient ces malheureux, afin de les écraser et de les faire mourir. C'est ainsi à-peu-près qu'en usaient les Romains envers ceux qu'ils faisaient mourir sous la claie : sub crate necare ; on mettait le patient sous une claie qu'on chargeait de grosses pierres. David fit encore souffrir un supplice plus cruel aux Ammonites pris en guerre ; car il les coupa avec des scies ; il fit passer sur eux des chariots armés de fer, les fit couper en pièces avec des couteaux, et les fit jeter dans les fourneaux où l'on cuit les briques, ainsi qu'il est rapporté dans le II. liv. des Rais, c. XIIe Ve 31. mais par les scies il faut entendre les rouleaux de bois armés de pointes de fer dont nous avons parlé ci-dessus. Les chariots étaient des machines propres à briser les gerbes, et à en faire sortir le grain, il y en avait de plusieurs sortes, mais tous étaient armés de pierre ou de fer. Enfin il les fit passer par des couteaux de fer et par un lieu où l'on cuit la brique, soit qu'on entende ces derniers mots d'un four à brique ou du lieu où l'on broie la terre des tuiliers où on écrasa ces malheureux ; supplices horribles, mais tolérés parmi ces peuples qui se permettaient de mettre à mort tout ce qui était pris en guerre.

Lex nulla capto parcit, aut poenam impedit. Senec.

Ptolémée Philopator voulut faire écraser les Juifs sous les pieds de ses éléphans ; on dit que c'était chez les Carthaginois la peine qu'on infligeait quelquefois aux déserteurs.

11°. Arracher les yeux et faire perdre la vue, c'était des supplices peu communs, et dont l'on n'a des exemples que dans la personne de Samson et de Nabuchodonosor.

12°. Le supplice du chevalet consistait à étendre violemment le coupable sur une espèce de banc avec des cordes et des poulies, et là on le tourmentait de diverses manières. Voyez CHEVALET.

13°. Couper les cheveux des coupables, parait être un supplice plus ignominieux que douloureux ; cependant on croit que l'on joignait la douleur à la honte, qu'on ne se contentait pas de couper et de raser les cheveux, mais qu'on les arrachait avec violence, comme on plume un oiseau vivant ; c'est la propre signification de l'hébreu et du grec qui se lit dans Néhémie, qui dit qu'il reprit les juifs qui avaient épousé des femmes étrangères, qu'il en battit quelques-uns et leur arracha les cheveux, decalvavit eos, en grec, . Quelquefois on jetait de la cendre chaude sur la peau dont on avait arraché le poil, afin de rendre la douleur plus aiguë et plus vive. C'est ainsi qu'on en usait à Athènes envers les adultères, comme le remarque le scholiaste d'Aristophane, et c'est encore ainsi qu'en usent les sauvages d'Amérique qui, lorsqu'ils brulent leurs prisonniers, leur arrachent la peau de la tête, et leur répandent ensuite de la cendre chaude sur le crâne sanglant et dépouillé.

Ce supplice était commun en Perse. Artaxerxès y apporta quelques changements ; il ordonna qu'au lieu d'arracher les cheveux à ceux de ses satrapes ou généraux qui avaient commis quelque faute, on les obligeât à quitter la tiare. L'empereur Domitien fit raser les cheveux et la barbe au philosophe Apollonius. En France on coupe les cheveux aux sorciers. On a souvent fait souffrir cette peine aux martyrs de la religion chrétienne. Les Juifs, dans le livre impie qu'ils ont composé de la vie de Jesus-Christ sous le nom de Toledos Jesu, disent que leurs ancêtres lui firent couper les cheveux, et lui firent ensuite frotter la tête d'une liqueur qui empêcha les cheveux de croitre, et qui le rendit chauve pour toute sa vie. Mais il y a bien d'autres calomnies et d'autres impertinences dans cet ouvrage. Calmet, Dictionnaire de la Bibl. tom. III. pag. 599. et suiv. et dissert. sur les supplices des Hébreux.