S. f. (Jurisprudence) est un terme de pratique, dont on se sert pour exprimer les différentes voies permises que l'on prend pour forcer quelqu'un de faire ce à quoi il est obligé ou condamné.

Les commandements, les saisies et arrêts, saisie-exécution, et ventes de meubles, saisies réelles et adjudication par decret, l'emprisonnement du débiteur qu'on appelle contrainte par corps, sont autant de contraintes différentes dont on peut user contre l'obligé : mais il n'est pas toujours permis d'en user indifféremment ni de les cumuler toutes ; par exemple, on ne peut pas saisir-exécuter, ni saisir réellement ou emprisonner, que l'on n'ait fait un commandement préalable pour mettre l'obligé en demeure. Si le débiteur est mineur, il faut discuter ses meubles avant de saisir réellement ses immeubles ; et l'on ne peut prendre la voie de la saisie réelle que pour une dette qui soit au moins de 200 livres. Enfin la contrainte par corps n'a lieu qu'en certains cas et contre certaines personnes, ainsi qu'on l'expliquera ci-après ; du reste lorsqu'on a droit d'user de plusieurs contraintes, on peut les cumuler toutes, c'est-à-dire que pour une même dette on peut tout à la fois saisir et arrêter, saisir-exécuter, saisir réellement, et même emprisonner si le titre emporte la contrainte par corps.

On entend aussi par contrainte le titre même qui autorise à user de contrainte, tel qu'un jugement ou ordonnance qui permet de saisir, de vendre, ou emprisonner.

Enfin on appelle encore plus particulièrement contraintes, des mandements ou commissions décernées par certains officiers publics, auxquels ce pouvoir est attribué par le Roi chacun dans leur district, tels que les fermiers, receveurs, et autres préposés au recouvrement des deniers royaux, et les receveurs des consignations, lesquels décernent des contraintes contre ceux qui sont redevables de quelques droits : les commissaires aux saisies-réelles en décernent aussi contre les fermiers judiciaires pour le prix de leurs baux, et celles-là emportent la contrainte par corps, parce que les fermiers judiciaires sont considérés comme dépositaires de deniers de justice.

Pour décerner ces sortes de contraintes, il faut avoir serment à justice.

Les officiers qui n'ont point de juridiction, ne peuvent faire exécuter leurs contraintes si elles ne sont visées d'un juge ; par exemple, les élus visent celles que les receveurs des aides décernent contre les redevables. (A)

CONTRAINTE PAR CORPS, se prend, tantôt pour le jugement, ordonnance ou commission qui permet au créancier de faire emprisonner son débiteur en matière civile, tantôt pour le droit que le créancier a d'user de cette voie contre son débiteur, tantôt enfin pour l'arrêt et emprisonnement qui est fait en conséquence de la personne du débiteur.

Il n'était pas permis chez les Egyptiens de s'obliger par corps, Boccoris en avait fait une loi, et Sesostris l'avait renouvellée.

Les Grecs au contraire permettaient d'abord l'obligation et la contrainte par corps, c'est pourquoi Diodore dit qu'ils étaient blamables, tandis qu'ils défendaient de prendre en gage les armes et la charrue d'un homme, de permettre de prendre l'homme même ; aussi Solon ordonna-t-il à Athènes qu'on n'obligerait plus le corps pour dettes, loi qu'il tira de celle d'Egypte.

La contrainte par corps avait lieu chez les Romains contre ceux qui s'y étaient soumis ou qui y étaient condamnés, pour stellionat ou dol : mais si le débiteur faisait cession, on ne pouvait plus l'emprisonner : on ne pouvait pas non plus arrêter les femmes pour dettes civiles, même pour deniers du fisc.

En France autrefois il était permis de stipuler la contrainte par corps dans toutes sortes d'actes ; elle avait lieu de plein droit pour dettes fiscales, et il y avait aussi certains cas où elle pouvait être prononcée par le juge quoiqu'elle n'eut pas été stipulée.

L'édit du mois de Février 1535, concernant la conservation de Lyon, ordonne que les sentences de ce tribunal seront exécutées par prise de corps et de biens dans tout le royaume sans visa ni pareatis, ce qui s'observe encore de même présentement.

Charles IX. en établissant la juridiction consulaire de Paris par son édit de 1563, ordonna que les sentences des consuls provisoires ou définitives qui n'excéderont la somme de 500 liv. tournois, seront exécutées par corps.

La contrainte par corps n'avait point encore lieu pour l'exécution des autres condamnations : mais par l'ordonnance de Moulins, art. 48. il fut dit que pour faire cesser les subterfuges, délais, et tergiversations des débiteurs, tous jugements et condamnations de sommes pécuniaires, pour quelque cause que ce fût, seraient promptement exécutés par toutes contraintes et cumulations d'icelles jusqu'à l'entier payement et satisfaction ; que si les condamnés n'y satisfaisaient pas dans les quatre mois après la condamnation à eux signifiée à personne ou domicile, ils pourraient être pris au corps et tenus prisonniers jusqu'à la cession et abandonnement de leurs biens, et que si le débiteur ne pouvait pas être pris ou que le créancier le demandât, il serait procédé par le juge pour la contumace du condamné au doublement et tiercement des sommes adjugées.

Les prêtres ne pouvaient cependant être contraints par corps en vertu de cette ordonnance, ainsi que cela fut déclaré par l'art. 57. de l'ordonnance de Blais.

L'usage des contraintes par corps après les quatre mois, qui avait été établi par l'ordonnance de Moulins, a été abrogé pour les dettes purement civiles par l'ordonnance de 1667, tit. xxxjv. art. 1. qui défend aux cours et à tous juges de les ordonner à peine de nullité, et à tous huissiers et sergens de les exécuter à peine de dépens, dommages et intérêts.

La contrainte par corps peut néanmoins, suivant l'art. 2. du même tit. être ordonnée après les quatre mois pour dépens adjugés, s'ils montent à 200 liv. ou au-dessus ; ce qui a lieu pareillement pour la restitution des fruits et pour les dommages et intérêts au-dessus de 200 liv.

Les tuteurs et curateurs peuvent aussi être contraints par corps après les quatre mois pour les sommes par eux dû.s à cause de leur administration, lorsqu'il y a sentence, jugement ou arrêt définitif, et que la somme est liquide et certaine.

Les juges mêmes supérieurs ne peuvent prononcer aucune condamnation par corps en matière civile, si ce n'est en cas de réintegrande pour délaisser un héritage en exécution d'un jugement, pour stellionat, dépôt nécessaire, consignation faite par ordonnance de justice ou entre les mains de personnes publiques, représentation de biens par les sequestres, commissaires ou gardiens, lettres de change quand il y a remise de place en place, dettes entre marchands pour fait de la marchandise dont ils se mêlent.

L'ordonnance de 1667 déclare aussi que Sa Majesté n'a point entendu déroger au privilège des deniers royaux, ni à celui des foires, ports, étapes et marchés, et des villes d'arrêt.

Elle défend de passer à l'avenir aucuns jugements, obligations, ou autres conventions portant contrainte par corps contre les sujets du roi, à tous greffiers, notaires et tabellions de les recevoir, et à tous huissiers et sergens de les exécuter, encore que les actes aient été passés hors le royaume, à peine de tous dépens, dommages et intérêts.

Il est seulement permis aux propriétaires des terres et héritages situés à la campagne, de stipuler par les baux les contraintes par corps.

Les femmes et filles ne peuvent s'obliger ni être contraintes par corps, à moins qu'elles ne soient marchandes publiques, ou pour cause de stellionat procédant de leur fait. Voyez STELLIONAT.

L'édit du mois de Juillet 1680, explique en quel cas les femmes et les filles peuvent être emprisonnées pour stellionat procédant de leur fait, savoir, lorsqu'elles sont libres et hors la puissance de leurs maris, ou qu'étant mariées elles se sont réservé par leur contrat de mariage l'administration de leurs biens, ou qu'elles sont séparées de biens d'avec leurs maris ; sans que les femmes qui se seraient obligées conjointement, avec leurs maris, avec lesquels elles sont en communauté de biens, puissent être reputées personnellement stellionataires, mais qu'elles seront solidairement sujettes au payement des dettes pour lesquelles elles se seront obligées avec leurs maris par saisie et vente de leurs biens propres, acquêts ou conquêts, mais qu'elles ne pourront être contraintes par corps.

Au parlement de Toulouse on n'ordonne point la contrainte par corps contre une femme marchande publique, à moins qu'il n'y ait du dol, l'ordonnance de 1667 ayant seulement dit que les femmes pourront en ce cas être contraintes par corps. On suit dans ce parlement la disposition du droit et celle de l'ordonnance de 1629, qui déchargent les femmes de la contrainte par corps pour dettes civiles.

Les septuagenaires ne peuvent être emprisonnés pour dettes purement civiles, si ce n'est pour stellionat recelé, et pour dépens en matière criminelle, et que les condamnations soient par corps ; le privilège de la conservation de Lyon l'emporte néanmoins sur celui des septuagenaires.

Pour obtenir la contrainte par corps après les quatre mois dans les cas exprimés en l'article second de l'ordonnance, le créancier doit faire signifier le jugement à la personne ou domicîle de la partie, avec commandement de payer et déclaration qu'il y sera contraint par corps après les quatre mois.

Les quatre mois passés, à compter du jour de la signification, le créancier lève au greffe un jugement portant que dans la quinzaine la partie sera contrainte par corps, et il le fait signifier ; au moyen de quoi la quinzaine étant expirée, la contrainte par corps peut être exécutée sans autres procédures. Il faut seulement observer que toutes les significations dont on a parlé, soient faites avec toutes les formalités ordonnées pour les ajournements.

Si le débiteur appelle de la sentence ou s'oppose à l'exécution de l'arrêt ou jugement portant condamnation par corps, la contrainte doit être sursise jusqu'à ce que l'appel ou l'opposition aient été jugés ; mais si avant la signification de l'appel ou opposition les huissiers ou sergens s'étaient saisis de la personne du condamné, il ne serait point sursis à la contrainte.

Les poursuites et contraintes par corps n'empêchent pas les saisies, exécutions, et ventes des biens de ceux qui sont condamnés.

Il n'est pas permis d'arrêter pour dettes les dimanches et fêtes, ni de prendre le débiteur dans sa maison, conformément à un arrêt de règlement du 19 Décembre 1702, à moins qu'il n'y en ait une permission expresse. Les jugements de la conservation de Lyon ont cependant le privilège de pouvoir être exécutés par corps, même dans les maisons, sans aucun visa ni pareatis. Edit d'Aout 1714, et arrêt du 14 Septembre 1715.

Tous dépositaires de justice sont contraignables par corps à la représentation des effets dont ils sont chargés : néanmoins par arrêt du conseil et lettres patentes des 25 Janvier et 23 Aout 1737, registrés en la cour des monnaies et au grand-conseil les 3 et 10 Septembre 1737, il a été fait défenses à tous juges de prononcer aucunes condamnations par corps contre les maîtres et gardes des six corps des marchands de la ville de Paris, pour la représentation et restitution des marchandises qui auront été saisies dans le cours de leurs visites, et à tous huissiers et autres personnes de les y contraindre ; la raison est sans doute qu'ils ne sont point personnellement dépositaires des effets saisis.

Les billets d'une communauté n'assujettissent pas non plus à la contrainte par corps, ceux qui les ont signés au nom de la communauté.

La contrainte par corps n'a pas lieu non plus entre associés, à cause de l'espèce de fraternité que la société forme entre les associés, ce qui a lieu même pour les fermes du Roi, à moins que l'un des associés n'eut fait des avances au Roi pour les autres, suivant la déclaration du 13 Juin 1705. Voyez l'ordonnance de 1667, tit. xxxjv, celle de 1673, tit. VIIe (A)

CONTRAINTE SOLIDAIRE, est le mandement pour exécuter solidairement contre chacun de plusieurs débiteurs, ou l'exécution même qui est faite solidairement contre l'un d'eux. Les receveurs des tailles ne peuvent décerner aucune contrainte solidaire contre aucun des habitants pour le payement de la taille, si ce n'est en cas de rébellion des habitants, ou qu'ils eussent négligé d'élire des asséeurs et collecteurs, ou que ceux qu'ils auraient nommés se trouveraient insolvables, ce qui doit être jugé préalablement par les élus ; et afin qu'il n'y ait point d'abus dans l'exécution de ces contraintes, les principaux de la paraisse qui doivent être contraints solidairement pour la communauté, doivent être nommés par noms, surnoms, et qualités dans les contraintes des receveurs et ordonnances des élus. Voyez le règlement pour les tailles, du mois de Janvier 1634, art. 55. (A)