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Catégorie parente: Morale
Catégorie : Jurisprudence
S. m. (Jurisprudence) est un officier de judicature lequel tient la place du premier officier de la juridiction en son absence.

Un magistrat ou un autre juge ne peut régulièrement se créer à lui-même un lieutenant ; car la puissance publique que donne l'office est un caractère imprimé dans la personne qui est pourvue de l'office, et qu'elle ne peut transmettre, soit à une personne privée, soit même à quelqu'un qui aurait pareil serment à justice ; le pouvoir de chaque officier étant limité au fait de sa charge, hors laquelle il n'est plus qu'homme privé, à moins que par le titre de son office il n'ait aussi le pouvoir de faire les fonctions d'un autre officier en son absence.

Chez les Romains, les magistrats, même ceux qui avaient l'administration de la justice, avaient liberté de commettre en tout ou en partie, à une ou plusieurs personnes, les fonctions dépendantes de leur office.

Les proconsuls qui avaient le gouvernement des provinces, tant pour les armes que pour la justice et les finances, avaient ordinairement des espèces de lieutenans distincts pour chacune de ces trois fonctions ; savoir, pour les armes, legatum, c'est-à-dire un député ou commis, lequel ne se mêlait point de la justice, à moins que le proconsul ne le lui eut mandé expressément. Pour la justice, ils avaient un assesseur, assessorem ; et pour les finances, un questeur. Quelquefois pour ces trois fonctions ils n'avaient qu'un même lieutenant, lequel, sous les derniers empereurs, s'appelait et quelquefois vicarius ; mais ce dernier titre se donnait plus ordinairement à ceux que l'empereur envoyait dans les provinces où il n'y avait point de gouverneur, lesquels en ce cas en étaient gouverneurs en chef, étant vicaires, non du gouverneur, mais de l'empereur même.

Les légats des proconsuls étaient choisis par le sénat, mais les assesseurs étaient choisis par les gouverneurs de provinces ; et lorsque les légats avaient outre les armes l'administration de la justice, ils tenaient cette dernière fonction de la volonté du gouverneur.

Les gouverneurs des provinces et plusieurs autres des principaux officiers de l'empire, avaient aussi coutume d'envoyer par les villes de leur département des commis appelés , ce que Julian, interprete des novelles, traduit par locum tenentes, d'où nous avons sans doute tiré le terme de lieutenant. Mais Justinien, en sa novelle 134, supprima ces sortes d'officiers, voulant que les défenseurs des cités, choisis par les habitants, fissent la charge des gouverneurs des provinces en leur absence.

Mais cela n'empêcha pas qu'il ne fût toujours libre à l'officier de commettre et de léguer quelqu'un pour faire sa charge ; les fonctions même de la justice, quoique les plus importantes et les plus difficiles, pouvaient presque toutes être déléguées même à des personnes privées.

D'abord pour ce qui est de la simple juridiction, il est certain qu'elle pouvait être déléguée : celui auquel elle était entièrement commise pouvait même subdéléguer et commettre à diverses personnes des procès à juger.

L'appel du commis ou délégué général se relevait devant le supérieur du magistrat qui l'avait commis, parce que ce délégué était comme nos lieutenans ; il n'exerçait d'autre juridiction que celle de son commettant et en son nom. Il y a même lieu de croire que les sentences de ce délégué général étaient intitulées du nom du magistrat qui l'avait commis, de même qu'en France les sentences rendues par le lieutenant ne laissent pas d'être intitulées du nom du bailli.

Il y avait pourtant un cas où l'on appelait du légat au proconsul ; mais apparemment que dans ce cas le légat avait quelque juridiction qui lui était propre.

Du simple juge délégué on se pourvoyait devant le délégué général qui l'avait commis, mais ce n'était pas par voie d'appel proprement dit ; car le simple délégué n'avait pas proprement de juridiction ; il ne donnait qu'un avis, lequel n'avait de soi aucune autorité jusqu'à ce que le déléguant l'eut approuvé.

Le pouvoir appelé chez les Romains mixtum imperium, ne pouvait pas être délégué indistinctement, car il comprenait deux parties.

L'une attachée à la juridiction et pour la manutention d'icelle, qui emportait seulement droit de légère correction : cette première partie était toujours censée déléguée à celui auquel on commettait l'entière juridiction, mais non pas au délégué particulier.

La seconde partie du mixtum imperium, qui consistait à décerner des decrets, à accorder des restitutions en entier, recevoir des adoptions, manumissions, faire des émancipations, mises en possession et autres actes semblables, n'était pas transférée à celui auquel la juridiction était commise, parce que ces actes légitimes tenaient plus du commandement que de la juridiction ; le mandataire de juridiction ou délégué général n'avait pas droit de monter au tribunal et d'occuper le siège du magistrat, comme font présentement les lieutenans en l'absence du premier officier du siège ; et c'est encore une raison pour laquelle le délégué général ne pouvait faire les actes qui devaient être faits pro tribunali. On pouvait néanmoins déléguer quelques-uns de ces actes légitimes, pourvu que ce fût par une commission expresse et spéciale.

L'usage de ces commissions ou délégations avait commencé à Rome pendant l'état populaire ; les magistrats étant en petit nombre et le peuple ne pouvant s'assembler aussi souvent qu'il aurait fallu pour donner lui-même toutes les commissions nécessaires, il fallait nécessairement que les magistrats substituassent des personnes pour exercer en leur place les moindres fonctions de leur charge. Les grands officiers avaient même le pouvoir d'en instituer d'autres au-dessous d'eux.

Mais toutes ces délégations et commissions étant abusives, furent peu-à-peu supprimées sous les empereurs. Le titre du code de officio ejus qui vice praesidis administrat, ne doit pas s'entendre d'un juge délégué ou commis par le président, mais de celui qui était envoyé au lieu du président pour gouverner la province, soit par l'empereur ou par le préfet du prétoire.

Il fut donc défendu par le droit du code de commettre l'entière juridiction, du-moins à d'autres qu'aux légats ou aux lieutenans en titre d'office ; il fut même défendu aux magistrats de commettre les procès à juger, à moins que ce ne fussent des affaires légères. C'est pourquoi les juges délégués n'étant plus mandataires de juridiction, furent appelés juges pédanées, comme on appelait auparavant tous ceux qui n'avaient point de tribunal ou prétoire ; et qui jugeaient de plano.

En France, sous la première et la seconde race, temps auquel les ducs et les comtes avaient dans les provinces et villes de leur département l'administration de la justice aussi bien que le commandement des armes et le gouvernement des finances ; comme ils étaient plus gens d'épée que de lettres, ils commettaient l'exercice de la justice à des clercs ou lettrés qui rendaient la justice en leur nom, et que l'on appelait en quelques endroits vicarii, d'où est venu le titre de viguier ; en d'autres vice-comites, vicomtes ; et en d'autres, prevôts, quasi praepositi juridicundo ; et ailleurs châtelains, quasi castrorum custodes.

Les vicomtes tenaient un rang plus distingué que les simples viguiers et prevôts, parce qu'ils étaient au lieu des comtes, soit que les villes où ils étaient établis n'eussent point de comte, ou que le comte n'y fit pas sa résidence, soit qu'ils y fussent mis par les ducs ou comtes, soit qu'ils fussent établis par le roi même comme gardiens des comtés, en attendant qu'il y eut mis un comte en titre.

Les vicomtes et les autres lieutenans des ducs n'avaient au commencement que l'administration de la justice civîle et l'instruction des affaires criminelles ; ils ne pouvaient pas condamner à aucune peine capitale.

Lorsqu' Hugues Capet parvint à la couronne, la plupart des vicomtes et autres lieutenans des ducs et comtes qui étaient établis hors des villes, usurpèrent la propriété de leurs charges à l'exemple des ducs et des comtes, ce que ne purent faire ceux des villes, qui administraient la justice sous les yeux d'un duc ou d'un comte. En Normandie ils sont aussi demeurés simples officiers.

Les ducs et les comtes s'étant rendus propriétaires de leurs gouvernements, cessèrent de rendre la justice et en commirent le soin à des baillis : le roi fit la même chose dans les villes de son domaine.

Ces baillis, qui étaient d'épée, étaient néanmoins tenus de rendre la justice en personne ; il ne leur était pas permis d'avoir un lieutenant ordinaire. Philippe le Bel, par son ordonnance du mois de Novembre 1302, régla que le prevôt de Paris n'aurait point de lieutenant certain résident, mais que s'il était absent par nécessité, il pourrait laisser un prud'homme pour lui tant qu'il serait nécessaire.

Il enjoignit de même en 1302 à tous baillis, sénéchaux et autres juges, de desservir leur charge en personne ; et Philippe V. en 1318 leur défendit nommément de faire desservir leurs offices par leurs lieutenans, à moins que ce ne fût par congé spécial du roi, à peine de perdre leurs gages.

Les choses étaient encore au même état en 1327 : le prevôt de Paris avait un lieutenant ; mais celui-ci ne siégeait qu'en son absence.

Les auditeurs étaient aussi obligés d'exercer en personne ; et en cas d'exoine seulement, le prevôt de Paris devait les pourvoir de lieutenans.

Il y avait aussi à-peu-près dans le même temps, un lieutenant criminel au châtelet, ce qui fit surnommer l'autre lieutenant civil.

Philippe de Valais, dans une ordonnance du mois de Juillet 1344, fait mention d'un lieutenant des gardes des foires de Champagne, qu'il avait institué. Le chancelier et garde scel de ces foires avait aussi son lieutenant ; mais ces lieutenans n'avaient de fonction qu'en l'absence de l'officier qu'ils représentaient.

Ce même prince défendit en 1346 aux verdiers, châtelains et maîtres sergens, d'avoir des lieutenans, à moins que ce ne fût pour recevoir l'argent de leur recette ; et en cas de contravention, les maîtres des eaux et forêts les pouvaient ôter et punir. Il excepta seulement de cette règle ceux qui demeuraient en son hôtel ou en ceux de ses enfants, encore ne fut-ce qu'à condition qu'ils répondraient du fait de leurs lieutenans s'il advenait aucune méprise, comme si c'était leur propre fait. Ce règlement fut renouvellé par Charles V. en 1376, et par Charles VI. en 1402.

Le roi Jean défendit encore en 1351 à tous sénéchaux, baillis, vicomtes, viguiers et autres ses juges, de se donner des lieutenans, substitutos aut locum tenentes, sinon en cas de nécessité, comme de maladie ou autre cas semblable.

Il y avait cependant dès-lors quelques juges qui avaient des lieutenans, soit par nécessité ou permission du roi ; car dans les lettres de 1354 il est parlé des lieutenans des maîtres particuliers des monnaies.

Le connétable et les maréchaux de France ou leurs lieutenans, connaissaient des actions personnelles entre ceux qui étaient à la guerre ; il est parlé de ces lieutenans dans une ordonnance du roi Jean du 28 Décembre 1355, suivant laquelle il semble que l'amiral, le maître des arbalétriers et le maître des eaux et forêts, eussent aussi des lieutenans, quoique cela ne soit pas dit de chacun d'eux spécialement ; il est seulement parlé de leurs lieutenans in globo.

Le concierge du palais, appelé depuis bailli, avait aussi, dès 1358, son lieutenant ou garde de sa justice.

Il parait même que depuis quelque temps il arrivait assez fréquemment que les juges royaux ordinaires avaient des lieutenans ; car Charles V. en qualité de lieutenant du roi Jean, défendit en 1356 aux sénéchaux, baillis ou autres officiers exerçans juridiction, de ne prendre point pour leurs lieutenans les avocats, procureurs ou conseillers communs et publics de leur cour, ou d'aucun autre seigneur, à peine, par ceux qui auraient accepté ces places de lieutenans, d'être privés des offices qu'ils auraient ainsi pris par leur convoitise, et d'être encore punis autrement.

Le roi Jean étant de retour de sa prison en Angleterre, ordonna aux baillis et sénéchaux de résider dans leurs baillies et sénéchaussées, spécialement dans les guerres, sans avoir de lieutenans, excepté lorsqu'ils iraient à leurs besoignes hors de leur baillie ; ce qui ne leur était permis qu'une fois chaque année, et pendant un mois ou cinq semaines au plus.

Il défendit aussi, par la même ordonnance, aux baillis et à leurs lieutenans, de s'attribuer aucune juridiction appartenante aux prevôts de leurs bailliages.

Le bailli de Vermandais avait pourtant dès 1354, un lieutenant à Chauny, mais c'était dans une ville autre que celle de sa résidence.

Le bailli de Lille avait aussi un lieutenant en 1365, suivant des lettres de Charles V. qui font aussi mention du lieutenant du procureur du roi de cette ville, qui est ce que l'on a depuis appelé substitut.

Le bailli de Rouen avait en 1377 un lieutenant, auquel on donnait le titre de lieutenant-général du bailliage.

On trouve des provisions de lieutenant données dans la même année par le sénéchal de Toulouse, à vénérable et discrette personne, Pierre de Montrevel, docteur ès lais, et juge-mage de Toulouse. Le motif de cette nomination fut que le bailli était obligé d'aller souvent en Aquittaine ; mais il le nomme pour tenir sa place, soit qu'il fût dans ladite sénéchaussée ou absent, toties quoties non in dictâ senescalliâ adesse vel abesse contingerit ; il ordonne que l'on obéisse à ce lieutenant comme à lui-même, et déclare que par cette institution il n'a point entendu révoquer ses autres lieutenans, mais plutôt les confirmer ; ce qui fait connaître qu'il en avait apparemment dans d'autres villes de son ressort.

Ordinairement, dès que le juge était de retour et présent en son siège, le lieutenant ne pouvait plus faire de fonction ; c'est pourquoi dans la confirmation des privilèges de la ville de Lille en Flandres, faite par Charles VI. au mois de Janvier 1392, il est dit que les lieutenans qui avaient été nommés par le bailli ou par le prevôt de cette ville, lorsque ceux-ci devaient s'absenter, ou qu'ils ne pouvaient vaquer à leurs fonctions, ne pouvaient exercer cet office lorsque le bailli ou le prevôt était présent ; mais que si le titre de lieutenant leur avait été conféré par des lettres de provision, ils le conservaient jusqu'à ce qu'elles eussent été révoquées.

Quelques considérables que soient les places de lieutenans dans les principaux sièges royaux, le bailli ou autre premier officier a toujours la supériorité et la prééminence sur le lieutenant ; c'est en ce sens que dans des lettres de 1394, le lieutenant du bailli de Meaux, en parlant de ce bailli, le nomme son seigneur et maître.

Le roi ordonnait quelquefois lui-même à certains juges d'établir un lieutenant lorsque cela paraissait nécessaire ; c'est ainsi que Charles VI. en 1397, ordonna qu'il serait établi à Condom un lieutenant du sénéchal d'Agen par lequel il serait institué ; que ce lieutenant devait résider continuellement dans la ville, et connaître des causes d'appel.

Charles VII. voyant que les baillis et sénéchaux n'étaient point idoines au fait de judicature, leur ordonna en 1453 d'établir de bons lieutenans, sages, clercs et prud'hommes qui seraient choisis par délibération du conseil, et sans exiger d'eux aucune somme d'or ou d'argent ou autre chose ; que ces lieutenans ne prendront ni gages ni pensions d'aucuns de leurs justiciables, mais ils seront salariés et auront gages ; qu'ils ne pourront être destitués sans cause raisonnable ; qu'à chaque bailliage il n'y aura qu'un lieutenant général et qu'un lieutenant particulier, et que ce dernier n'aura de puissance au siège qu'en l'absence du lieutenant général.

Le parlement avait rendu dès l'année 1438, un arrêt pour la réformation des abus de ce royaume, et notamment par rapport aux baillifs ; en conséquence de quoi, et de l'ordre de Charles VII. Regnaud de Chartres, archevêque de Rheims et chancelier de France, fut commis et député pour aller par toute la France mettre et instituer des lieutenans des baillifs et sénéchaux, gens versés au fait de judicature.

Quelque temps après, Charles VII. et Charles VIII. ôtèrent aux baillifs et sénéchaux le pouvoir de commettre eux-mêmes leurs lieutenans, et nos rois commencèrent dès-lors à ériger en titre formé des offices de lieutenans des baillifs et sénéchaux.

Il y eut pourtant quelque variation à ce sujet ; car Louis XII. en 1499, ordonna que l'élection de ces lieutenans se ferait en l'auditoire des bailliages et sénéchaussées, en y appelant les baillis et sénéchaux, et autres officiers royaux, et ce quinzaine après la vacance des offices de lieutenant. Ce fut lui aussi qui ordonna que les lieutenans généraux des baillis seraient docteurs ou licenciés en une université fameuse.

Chenu dans son Traité des offices, dit avoir Ve des élections faites en la forme qui vient d'être dite du temps de Louis XII. pour les places de lieutenant général, de lieutenant particulier au bailliage de Berri, et de lieutenant en la conservation.

Depuis ce temps il a été fait diverses créations de lieutenans généraux et particuliers, de lieutenans civils et de lieutenans criminels, et de lieutenans criminels de robe courte, tant dans les sièges royaux ordinaires, que dans les sièges d'attribution ; quelques-uns ont été supprimés ou réunis à d'autres, lorsque le siège ne pouvait pas comporter tant d'officiers.

L'édit de 1597, fait en l'assemblée de Rouen, ordonnait que nul ne sera reçu lieutenant général de province qu'il ne soit âgé de trente-deux ans complets, et n'ait été conseiller pendant six ans dans un parlement. Les ordonnances de François I. et celle de Blais, ne requièrent que trente ans, ce que la cour, par un arrêt de 1602, a étendu à tous les lieutenans généraux et particuliers des bailliages grands et petits.

Voyez ci-après LIEUTENANT CIVIL, LIEUTENANT CRIMINEL, LIEUTENANT GENERAL, LIEUTENANT PARTICULIER. (A)

LIEUTENANT CIVIL, (Jurisprudence) est un magistrat de robe longue qui tient le second rang entre les officiers du châtelet de Paris ; il a le titre de lieutenant général civil, parce qu'il était autrefois le seul lieutenant du prevôt de Paris. Présentement il prend le titre de lieutenant civil de la prevôté et vicomté de Paris.

Anciennement le prevôt de paris jugeait seul en personne au châtelet toutes les affaires civiles, criminelles et de police ; il ne lui était pas permis d'avoir aucun lieutenant ordinaire en titre.

Suivant l'article 11. de l'ordonnance de 1254, il devait exercer personnellement son office, et ne pouvait commettre de lieutenant que dans le cas de maladie ou autre légitime empêchement, et pour ledit temps seulement.

Cette ordonnance fut renouvellée par celle de Philippe le Bel, du mois de Novembre 1302, qui porte, art. 7. que le prevôt n'aura point de lieutenant certain résident ; mais que s'il est absent par nécessité, il pourra laisser un prudhomme pour lui tant qu'il retournera ou que nécessité sera.

Le prevôt de Paris choisissait à sa volonté ce lieutenant et pouvait le destituer de même.

Les registres du châtelet, et autres actes publics, nous ont conservé les noms de ceux qui ont rempli la place de lieutenant civil ; le plus ancien que l'on trouve est Jean Poitaut, qui est qualifié lieutenant du prevôt de Paris en 1321.

Il est parlé de ces lieutenans dans plusieurs articles de l'ordonnance de Philippe de Valais, du mois de Février 1327, par lesquels il parait que le prevôt de Paris n'avait alors qu'un seul lieutenant qui expédiait, en l'absence du prevôt, toutes les causes, tant civiles que criminelles. Les auditeurs du châtelet avaient aussi déjà des lieutenans, mais ils n'étaient pas qualifiés lieutenans du prevôt de Paris.

Ce premier office de lieutenant du prevôt de Paris est celui qui s'est perpétué en la personne du lieutenant civil. Il fut le seul lieutenant du prevôt de Paris jusques vers l'an 1337 que le prevôt de Paris nomma un autre lieutenant pour le criminel.

En effet on trouve qu'en 1337 Pierre de Thuilliers qui était examinateur, était en même temps lieutenant civil ; et il est évident qu'il ne fut nommé civil que pour le distinguer de lieutenant criminel, aussi les monuments publics font-ils mention de ce dernier à peu-près dans le même temps.

Il y avait un lieutenant civil en 1346, en 1360, et en 1366.

Il y a eu plusieurs fois dans le même temps deux lieutenans civils, qui exerçaient alternativement ; en 1369, c'étaient deux avocats du châtelet qui faisaient alternativement la fonction de lieutenant civil. Ils la remplissaient encore de même en 1372, en 1404 et en 1408, c'étaient deux examinateurs qui étaient lieutenans civils.

Dans la suite, quelques-uns de ceux qui remplirent cette place, ne furent pas toujours attentifs à prendre le titre de lieutenant civil ; c'est ainsi qu'en 1479 Charles Dubus sieur de Lardy est qualifié simplement lieutenant du prevôt de Paris ; et en 1481 Nicolas Chapelle examinateur, se disait commis du prevôt de Paris à tenir le siege de l'audience.

Les noms de ceux que l'on trouve avoir rempli cette place en 1378, 1392, 1407, 1413, 1417, 1421, 1427, 1432 et 1433, prouvent qu'insensiblement les lieutenans du prevôt de Paris étaient devenus ordinaires, et que l'on reconnut la nécessité de les rendre tels pour l'expédition des affaires qui se multipliaient de jour en jour.

Ce fut par ce motif que l'ordonnance du mois d'Avril 1454, art. lxxxvij. permit au prevôt de Paris de commettre des lieutenans, non plus à temps seulement comme autrefois, mais indéfiniment, pourvu que ce fût par le conseil des officiers de son siege.

Ce pouvoir donné au prevôt de Paris, fut confirmé par l'ordonnance du mois de Juillet 1493, art. lxxiij. laquelle défend en même temps au prevôt de Paris de révoquer ses lieutenans après qu'ils auront été une fois commis, sauf au cas qu'il y eut cause raisonnable à la remontrer au roi, qui s'en est réservé la connaissance.

Cette ordonnance doit être regardée comme l'époque de l'érection des lieutenans en titre d'office, au lieu de simples commissions qu'ils étaient auparavant.

La disposition de l'ordonnance de 1493 fut renouvellée par celle du mois de Mars 1498, art. 47.

Le pouvoir d'élire et commettre des lieutenans fut ôté au prevôt de Paris par l'ordonnance de 1510, art. 41. et il ne lui resta plus que celui de choisir et nommer au Roi, par forme d'élection, trois sujets suffisans et capables, pour être l'un d'eux pourvu par S. M. vacation avenant de cet office.

Enfin, le prevôt de Paris a perdu jusqu'à ce droit de nomination par la vénalité des charges qui a été introduite sous François I.

Jean Alligret fut le premier lieutenant civil élu en titre, en conséquence de l'ordonnance de 1493. Il fut reçu au châtelet le 6 Mai 1496.

Cette place reçut alors un nouvel éclat ; et depuis ce temps a toujours été remplie par des personnes également distinguées par leur naissance et par leurs vertus, tels que les de Mesmes, les Miron, les Seguier, les le Jay, les Bailleul, les le Camus et les d'Argouges.

L'office de lieutenant civil souffrit pendant quelque temps un démembrement par l'érection qui fut faite en 1522 d'un bailliage à Paris, ou conservation des privilèges royaux de l'université, composé entr'autres officiers d'un lieutenant général ; mais ce nouveau tribunal ayant été supprimé en 1526, et réuni à la prevôté de Paris, l'office de lieutenant général de la conservation fut depuis éteint et réuni à celui de lieutenant civil par édit du mois de Juillet 1564.

Sous François I. cet office eut le même sort que tous les autres par rapport à la vénalité ; on faisait cependant encore prêter serment aux officiers à leur réception, de n'avoir rien donné pour leur office. Le parlement en usa ainsi à la réception de Jacques Aubery, lieutenant civil, le 28 Aout 1551.

Mais bien-tôt après, dans des lettres de jussion qui furent données en 1556 pour la réception de Jean Moulnier ou Mesnier, il est dit qu'il avait payé 10000 écus d'or sol au Roi pour l'office de lieutenant civil ; ce qui, en évaluant l'écu à 46 sols, ferait 23000 livres, somme considérable pour ce temps-là.

L'office de président au présidial qui avait été créé au mois de Juin 1557, fut réuni à celui de lieutenant civil par lettres patentes et édit des 14 et 22 Juillet 1558.

Ceux qui remplirent la place de lieutenant civil, depuis 1596, jusqu'en 1609, et depuis 1613 jusqu'en 1637, furent en même temps prevôts des marchands.

Après la mort du dernier, le Roi donna le 9 Novembre 1637 une déclaration portant que dorénavant la charge de lieutenant civil ne serait plus exercée que par commission de trois ans, sauf à proroger, et qu'elle ne pourrait plus être exercée avec celle de prevôt des marchands par une seule et même personne. La veuve du dernier titulaire reçut du Roi 360000 livres pour le remboursement de cet office.

Le 10 Novembre 1637, Isaac de l'Affermes, maître des requêtes, fut commis à l'exercice de la charge de lieutenant civil pour trois ans ; sa commission étant finie, fut renouvellée d'abord pour deux ans, ensuite pour deux autres années, puis pour trois ans, mais le 8 d'Avril 1643 la commission fut révoquée.

Dès le mois de Janvier 1643, le Roi avait par un édit rétabli la charge de lieutenant civil ; Dreux d'Aubray, maître des requêtes, y fut reçu le 8 Mai suivant, et l'exerça jusqu'à sa mort arrivée le 12 Septembre 1666 ; le prix de sa charge fut de 550000 liv.

Au mois de Mars 1667, l'office de lieutenant civil fut de nouveau supprimé, et en son lieu et place furent créés deux autres offices, l'un de lieutenant civil, et l'autre de lieutenant de police.

Le Roi ayant par édit du mois de Mars 1674, créé un nouveau châtelet qu'il démembra de l'ancien, y créa un lieutenant civil ; mais ce nouveau châtelet ayant été supprimé au mois de Septembre 1684, l'office de lieutenant civil du nouveau châtelet fut aussi supprimé et réuni à celui de l'ancien châtelet. Pour jouir du bénéfice de cette réunion, le Roi, par arrêt de son conseil du 14 Octobre 1684, ordonna que Jean le Camus, resté seul lieutenant civil, payerait au trésorier des revenus casuels une somme de 100000 livres, au moyen de quoi la charge de lieutenant civil demeurerait fixée à 400000 liv. En 1710 elle a été fixée à 500000 livres. M. d'Argouges, maître des requêtes honoraire, a rempli dignement cette charge jusqu'en 1762, que M. d'Argouges son fils, maître des requêtes, qui en avait déjà la survivance, lui a succédé.

Le lieutenant civil est donc le second officier du châtelet, et le premier des lieutenans de la prevôté et vicomté de Paris. C'est lui qui préside à toutes les assemblées du châtelet, soit pour réceptions d'officiers, enregistrement, et autres affaires de la compagnie.

C'est lui qui préside à l'audience du parc civil, qui recueille les opinions, et prononce les jugements, lors même que le prevôt de Paris y vient prendre place.

Il donne aussi audience les mercredi et samedi en la chambre civile, où il n'est assisté que du plus ancien des avocats du Roi.

Toutes les requêtes en matières civiles sont adressées au prevôt de Paris ou au lieutenant civil.

Il répond en son hotel sur les requêtes à fin de permission d'assigner dans un délai plus bref que celui de l'ordonnance, ou à fin de permission de saisir, et autres semblables, ou pour être reçu appelant desdites sentences des juges ressortissants au présidial ; c'est aussi lui qui fait les rôles des causes d'appel qui se plaident le jeudi au présidial.

Il règle pareillement en son hotel les contestations qui s'élèvent à l'occasion des scellés, inventaires ; et le rapport qui lui en est fait par les officiers, s'appelle référé.

Les procès-verbaux d'assemblée de parents pour les affaires des mineurs, ou de ceux que l'on fait interdire, et les procès-verbaux tendants au jugement d'une demande et séparation se font aussi en son hotel.

On lui porte aussi en son hotel les testaments trouvés cachetés après la mort des testateurs, à l'effet d'être ouverts en sa présence, et en celle des parties intéressées, pour être ensuite le testament déposé chez le notaire qui l'avait en dépôt, ou au cas qu'il n'y en eut point, chez le notaire qu'il lui plait de commettre. (A)

LIEUTENANT CRIMINEL, est un magistrat établi dans un siege royal pour connaître de toutes les affaires criminelles.

Le premier lieutenant criminel fut établi au châtelet de Paris.

On a déjà observé dans l'article précédent, qu'anciennement le prevôt de Paris n'avait point de lieutenant ; que cela lui était défendu, sinon en cas d'absence, de maladie, ou autre empêchement, et que dans ces cas mêmes, il n'en pouvait commettre que pour le temps où cela était nécessaire.

Il ne commettait d'abord qu'un seul lieutenant qui expédiait en son absence toutes les affaires tant civiles que criminelles. Dans la suite il en commit un pour le civil, et un pour le criminel. Il parait que cela se pratiquait déjà ainsi dès 1337, puisque l'on trouve dès-lors un lieutenant du prevôt de Paris, distingué par le titre de lieutenant civil.

Le premier lieutenant criminel connu est Pierre de Lieuvits en 1343. Il y en avait en 1366, 1395, 1405, 1407, 1418 ; celui qui l'était en 1432, l'était encore en 1436, ce qui fait connaître que ces lieutenans étaient devenus ordinaires, ce qui a été observé par rapport à l'office de lieutenant civil.

L'ordonnance de 1454, art. 87, ayant permis au prevôt de Paris de commettre des lieutenans indéfiniment, pourvu que ce fût par le conseil de son siege, il est à croire que cela fut observé ainsi pour l'office de lieutenant criminel.

Il fut ensuite défendu au prevôt de Paris, par l'ordonnance de 1493, art. 73, de révoquer ses lieutenans, sans cause raisonnable, dont le roi se réserva la connaissance, au moyen de quoi depuis ce temps ces lieutenans du prevôt de Paris ne furent plus de simples commis du prevôt, mais des officiers en titre.

Le premier lieutenant criminel qui fut pourvu en titre, en conséquence de ce règlement, fut Jean de la Porte, en 1494.

En 1529, Jean Morin qui possédait l'office de lieutenant général en la conservation, fut pourvu de la charge de lieutenant criminel, et obtint des lettres de compatibilité.

La chambre ordonnée par François I. en 1533, pour la police de Paris, et obvier au danger de la peste, consulta entr'autres personnes le lieutenant criminel de la prevôté de Paris, pour faire un règlement.

Jacques Tardieu dont l'histoire est connue, fut reçu lieutenant criminel le 31 Mars 1635, et exerça jusqu'au 24 Aout 1665, que ce magistrat et sa femme furent assassinés dans leur hôtel, rue de Harlay, par deux voleurs.

Le roi ayant par édit du mois de Février 1674, divisé le châtelet en deux sieges différents, l'un appelé l'ancien châtelet, l'autre le nouveau ; il créa pour le nouveau châtelet un office de lieutenant criminel qui subsista jusqu'au mois de Septembre 1684, que le nouveau châtelet ayant été supprimé et incorporé à l'ancien, l'office de lieutenant criminel du nouveau châtelet fut aussi réuni à l'ancien, moyennant une finance de 50000 liv. au moyen de quoi l'office de lieutenant criminel fut fixé à 200000 liv. par arrêt du Conseil du 14 Octobre 1684 : il avait depuis été fixé à 250000 liv. par un autre arrêt du conseil, du 24 Novembre 1699, et lettres sur ledit arrêt, en forme d'édit des mêmes mois et an, registrées au parlement le 25 Décembre suivant ; et en conséquence MM. le Conte et Negre l'avaient acquis sur le pied de 250000 liv. mais par arrêt du conseil du 18 Mars 1755, revêtu depuis de lettres-patentes du 29 Novembre 1756, le roi pour faciliter l'acquisition de cette charge à M. de Sartine, depuis lieutenant général de police, et maître des requêtes, a réduit et modéré à la somme de 100000 liv. toutes les finances qui pouvaient en avoir été payées ci-devant, et s'est chargé de rembourser le surplus montant à 150000 liv.

Le lieutenant criminel du châtelet est le juge de tous les crimes et délits qui se commettent dans la ville et faubourgs, prevôté et vicomté de Paris, même par concurrence et prévention avec le lieutenant criminel de robe-courte, des cas qui sont de la compétence de cet officier.

Dans le cas où le lieutenant criminel est juge en dernier ressort, il doit avant de procéder à l'instruction, faire juger sa compétence en la chambre du conseil.

Il donne audience deux fois la semaine, les mardi et vendredi, dans la chambre criminelle, où il n'est assisté d'aucuns conseillers, mais seulement d'un des avocats du roi ; on y plaide les matières de petit criminel, c'est-à-dire celles où il s'agit seulement d'injures, rixes et autres matières légères qui ne méritent pas d'instruction.

Il préside aussi en la chambre criminelle au rapport des procès criminels, qui y sont jugés avec les conseillers de la colonne qui est de service au criminel.

Le lieutenant criminel a toujours un exempt de la compagnie de robe-courte, avec 10 archers qui font le service auprès de lui en habit d'ordonnance, dans l'intérieur de la juridiction, pour être à portée d'exécuter sur-le-champ ses ordres, cet exempt ne devant point quitter le magistrat. Il y en a un autre aussi à ses ordres, pour exécuter les decrets ; ce dernier exempt réunit ordinairement la qualité d'huissier, afin de pouvoir écrouer.

Outre l'huissier audiencier qui est de service auprès du lieutenant criminel, ce magistrat a encore trois autres huissiers, l'un à cheval, et les deux autres à verge, qui dans l'institution devaient le venir prendre en son hôtel, et l'accompagner en son hôtel ; mais dans l'usage présent ils se trouvent seulement à l'entrée du tribunal où ils accompagnent le lieutenant criminel jusqu'à son cabinet, et restent auprès de lui pour prendre ses ordres.

Il parait par l'édit de François I. du 14 Janvier 1522, portant création des lieutenans criminels, en titre d'office ; qu'avant cette création il y avait dejà des lieutenans criminels dans quelques sieges autres que la prevôté de Paris ; le motif que cet édit donne de la création des lieutenans criminels, est que le roi avait reçu de grandes plaintes du défaut d'expédition des procès criminels ; l'édit créa donc un lieutenant criminel dans chaque bailliage, sénéchaussée, prevôté et baillie, et autres juridictions du royaume, pour connaître de tous cas, crimes, délits et offenses qui seraient commis dans le siege où il serait établi, et dans son ressort.

Cet édit n'eut pas d'abord sa pleine et entière exécution ; quelques-uns de ces offices furent remplis du temps de François I. et d'Henri II. ce dernier défendit même aux lieutenans criminels, par l'édit des présidiaux, d'assister au jugement des procès civils.

Mais plusieurs lieutenans généraux trouvèrent le moyen de se faire pourvoir de l'office de lieutenant criminel, pour l'exercer avec leur office de lieutenant général, civil et particulier, et obtinrent des dispenses à cet effet ; d'autres firent supprimer pour leur siege l'office de lieutenant criminel, pour connaître de toutes matières civiles et criminelles ; il intervint à ce sujet plusieurs jugements et déclarations pour la compatibilité de ces offices, ou des fonctions civiles et criminelles.

Henri II. trouvant qu'il y avait en cela de grands inconvéniens, par un édit du mois de Mai 1552, ordonna que l'édit de 1522 serait exécuté selon sa forme et teneur, en conséquence que dans chaque bailliage, sénéchaussée, prevôté et juridiction présidiale, il y aura un juge et magistrat criminel, lequel avec le lieutenant particulier, et les conseillers établis en chaque présidial, qu'il appellera selon la gravité et poids des matières, connaitra privativement à tous autres juges, de toutes affaires criminelles, sans qu'il puisse tenir aucun office de lieutenant général, civil ni particulier, ni assister au jugement d'aucun procès civil ; cependant depuis on a encore uni dans quelques sieges les fonctions de lieutenant criminel à celles de lieutenant général.

L'édit de 1552 déclare que le roi n'entend pas priver les prevôts étant ès villes où sont établis les sieges présidiaux, de l'exercice et autorité de la justice civîle et criminelle qui leur appartient au-dedans des limites de leur prevôté.

Henri II. fit le même établissement pour la Bretagne, par un autre édit daté du même temps.

La déclaration du mois de Mai 1553, portant règlement sur les différends d'entre les lieutenans criminels et les autres officiers des présidiaux, leur attribue privativement à tous autres, la connaissance des lettres de rémission et pardon, des appelations en matière criminelle interjetées des juges subalternes, des procès criminels où les parties sont reçues en procès ordinaire, ce qui a été confirmé par plusieurs autres déclarations.

Lorsque les prevôts des maréchaux provinciaux furent supprimés par l'édit de Novembre 1544, on attribua aux lieutenans criminels établis dans les présidiaux, et aux lieutenans particuliers des autres sieges, la connaissance des délits dont connaissaient auparavant ces prevôts des maréchaux.

Le même édit ordonne que les lieutenans criminels feront tous les ans des chevauchées avec leurs lieutenans de robe-courte, archers et sergens extraordinaires, pour la recherche des malfaiteurs.

Sur les fonctions des lieutenans criminels, Voyez Joly, tom. I. liv. IIIe tit. 10. le traité de la police, par Delamare ; le recueil des ordonnances de la troisième race, Neron, Fontanon. Voyez aussi l'article LIEUTENANT CRIMINEL DE ROBE-COURTE. (A)

LIEUTENANT CRIMINEL DE ROBE COURTE du châtelet de Paris, est un des quatre lieutenans du prevôt de cette ville. Il est reçu au parlement comme le prevôt et les autres lieutenans ; et c'est le doyen des conseillers de la grande chambre qui Ve l'installer au châtelet, où il siege l'épée au côté, et avec une robe plus courte que la robe ordinaire des magistrats.

Il serait assez difficîle de fixer le temps de sa création, son établissement étant fort ancien. Cette charge n'a été d'abord exercée que par commission ; ce fut Henri II., qui par un édit de 1554, la créa en titre d'office ; il n'y eut originairement que vingt archers pour l'exercice de cette charge ; mais par la suite des temps le nombre des officiers et archers en a été considérablement augmenté. Il parait par un édit de François I. de 1526, et différents autres de Henri II. et surtout celui de 1554, que le nombre des habitants de Paris qui était considérable dès ce temps-là, est ce qui a donné lieu à la création de cette charge. Par ces différents édits, il est enjoint au lieutenant criminel de robe courte de faire des chevauchées dans les rues, et de visiter les tavernes, et mauvais lieux de la ville et faubourgs de Paris ; et enfin d'arrêter tous gens malvivants pour en être fait justice.

La compagnie du lieutenant criminel de robe courte est spécialement attachée au parlement pour lui prêter main forte dans l'exécution de ses arrêts, en matière criminelle ; c'est par cette raison que la garde de Damiens lui fut remise le jour de son exécution.

Le lieutenant criminel de robe courte du châtelet de Paris, n'est point de la même classe que les lieutenans criminels de robe courte qui furent créés par la suite. Il existait longtemps avant eux, et ces derniers ne furent créés que pour remplacer les prevôts criminels provinciaux, qui furent supprimés, et auxquels on n'accordait d'autre attribution que celle des prevôts supprimés. L'on ne voit rien de semblable dans les différents édits de création du lieutenant criminel de robe courte du châtelet de Paris. Ses fonctions sont illimitées ; il parait être chargé de la poursuite de toutes sortes de crimes et délits ; il instruit ses procès sans assesseur, et les juge à la chambre criminelle du châtelet. Il n'y a point de procureur du roi particulier pour lui ; c'est celui du châtelet qui en fait les fonctions, comme procureur du roi de cette juridiction : aussi les lieutenans criminels de robe courte ayant été supprimés, et les prevôts retablis, il fut dit par l'édit de Henri II. de 1555, que la suppression des lieutenans criminels de robe courte ne regardait point celui du châtelet de Paris ; et il fut par le même édit maintenu et conservé dans ses fonctions ; il y fut même augmenté : car cet édit le charge de tenir la main à la punition des contrevenans aux arrêts, règlements et ordonnances faits pour la police de Paris, et sur les abus, malversations et monopoles qui pourraient avoir été commis, tant par les débardeurs et déchargeurs de foin, de bois, et autres denrées qui se descendent et amènent par eau et par terre en cette ville, que sur les particuliers qui les conduiront ; et ce par concurrence avec les juges à qui la connaissance en appartient.

Lors de la rédaction de l'ordonnance criminelle de 1670, le lieutenant criminel de robe courte était dans la jouissance de connaître à la charge de l'appel de toutes sortes de crimes et délits qui se commettaient dans l'étendue de la ville, prévôté et vicomté de Paris ; il y a même des arrêts rendus sur l'appel de ses jugements dans toute espèce de cas ; et comme cette ordonnance déterminait la matière des fonctions des prevôts des maréchaux et lieutenans criminels de robe courte, en les resserrant dans de certaines bornes, il semblait que le lieutenant criminel de robe courte du châtelet de Paris par sa seule dénomination devait être enveloppé dans cette modification ; néanmoins il en fut excepté, et par l'article 28 du titre deuxième de ladite ordonnance, il est dit : " entendons rien innover aux droits et fonctions de notre lieutenant criminel de robe courte du châtelet de Paris. "

L'édit de 1691 portant règlement entre le lieutenant criminel du châtelet, et celui de robe courte, fixe les cas dont celui-ci peut connaître à charge de l'appel, en sorte qu'il semble être devenu différent de ce qu'il était auparavant ; cependant depuis cet édit, l'on a Ve le lieutenant criminel de robe courte connaître et juger, à la charge de l'appel, dans des cas de toutes autres espèces que ceux déterminés par cet édit ; et les arrêts qui sont intervenus en conséquence ont confirmé sa procédure, suivant cet édit.

Le lieutenant criminel de robe courte doit commettre tous les mois un exempt et dix archers pour exécuter les decrets décernés par le lieutenant criminel, et même un plus grand nombre s'il était nécessaire.

En cas d'absence du lieutenant criminel de robe courte, ou légitime empêchement, c'est un des lieutenans particuliers qui fait ses fonctions ; et s'il arrive quelque contestation entre le lieutenant criminel de robe longue et celui de robe courte au sujet de leurs fonctions, c'est au parlement à qui la connaissance en est réservée aux termes du même édit.

Les quatre lieutenans et le guidon de sa compagnie peuvent recevoir plainte, et informer dans tous les cas de sa compétence, suivant l'édit de 1682.

Les officiers et archers de la compagnie du lieutenant criminel de robe courte sont pourvus par le roi sur sa nomination, et sont reçus par lui. Il y a un commissaire et contrôleur des guerres particuliers pour la revue de sa compagnie, et elle se fait devant lui-seul. (A)

LIEUTENANT PARTICULIER, est un magistrat établi dans certains sièges royaux, qui a rang après le lieutenant général ; on l'appelle particulier pour le distinguer du lieutenant général, qui par le titre de son office a droit de présider par-tout où il se trouve, au lieu que le lieutenant particulier préside seulement à certaines audiences, ou en l'absence du lieutenant général.

Au châtelet de Paris il y a deux offices de lieutenant particulier, l'un créé par édit du mois de Mai 1544, l'autre qui fut créé pour le nouveau châtelet en 1674, et qui a été conservé nonobstant la réunion faite des deux châtelets en 1684.

Jusqu'en 1586 les lieutenans particuliers avaient été également assesseurs civils et criminels, et en cette qualité ils substituaient et remplaçaient les lieutenans criminels, aussi-bien que les lieutenans civils. Au mois de Juin 1586, Henri III. donna un édit par lequel il démembra des offices de lieutenans particuliers, la connaissance des matières criminelles, et créa des assesseurs criminels pour connaître des crimes, et substituer et remplacer les lieutenans criminels : on attribua aussi à ces offices d'assesseurs criminels le titre de premier conseiller au civil, pour en l'absence des lieutenans civils et particuliers, et de l'assesseur civil, les remplacer et substituer.

Ces offices d'assesseurs criminels furent depuis supprimés par déclaration du 23 Mars 1588, et ensuite retablis par édit du mois de Juin 1596 ; ce dernier édit ne parle que des fonctions d'assesseurs criminels, et non de premier conseiller en la prevôté.

Depuis, suivant un accord fait entre les conseillers du châtelet le 26 Novembre 1604, et deux arrêts du conseil des 27 Novembre 1604 et 29 Novembre 1605, l'office d'assesseur criminel fut uni à celui de lieutenant particulier de la prevôté.

Les lieutenans particuliers président alternativement de mois en mois, l'un à l'audience du présidial, l'autre à la chambre du conseil ; et en l'absence des lieutenans civil de police et criminel, ils les remplacent dans leurs fonctions.

Celui qui préside à la chambre du conseil, tient tous les mercredis et samedis, à la fin du parc civil, l'audience de l'ordinaire, et ensuite celle des criées.

Ils peuvent avant l'audience rapporter en la chambre du conseil, et en la chambre criminelle, les procès qui leur ont été distribués.

Il y a un semblable office de lieutenant particulier dans chaque bailliage ou sénéchaussée, et dans plusieurs autres juridictions royales, ordinaires, qui préside en l'absence du lieutenant général.

Il y a aussi un lieutenant particulier en la table de marbre. (A)

LIEUTENANT GENERAL DE POLICE, ou LIEUTENANT DE POLICE, (Jurisprudence) est un magistrat établi à Paris et dans les principales villes du royaume, pour veiller au bon ordre, et faire exécuter les règlements de police ; il a même le pouvoir de rendre des ordonnances, portant règlement dans les matières de police qui ne sont pas prévues par les ordonnances, édits et déclarations du roi, ni par les arrêts et règlements de la cour, ou pour ordonner l'exécution de ces divers règlements relativement à la police. C'est à lui qu'est attribuée la connaissance de tous les quasi-délits en matière de police, et de toutes les contestations entre particuliers pour des faits qui touchent la police.

Le premier lieutenant de police est celui qui fut établi à Paris en 1667 ; les autres ont été établis à l'instar de celui de Paris en 1669.

Anciennement le prevôt de Paris rendait la justice en personne avec ses conseillers, tant au civil qu'au criminel ; il réglait aussi de même tout ce qui regardait la police.

Il lui était d'abord défendu d'avoir des lieutenans, sinon en cas de maladie ou autre empêchement, et dans ce cas il ne commettait qu'un seul lieutenant, qui réglait avec les conseillers tout ce qui regardait la police.

Lorsque le prevôt de Paris commit un second lieutenant pour le criminel, cela ne fit aucun changement par rapport à la police, attendu que ces lieutenans civils et criminels n'étaient point d'abord ordinaires (ils ne le devinrent qu'en 1454) ; d'ailleurs le prevôt de Paris jugeait en personne avec eux toutes les causes de police, soit au parc civil ou en la chambre criminelle, suivant que cela se rencontrait.

L'édit de 1493 qui créa en titre d'office les lieutenans du prevôt de Paris, fit naître peu de temps après une contestation entre le lieutenant civil et le lieutenant criminel pour l'exercice de la police ; car comme cette partie de l'administration de la justice est mixte, c'est-à-dire qu'elle tient du civil et du criminel, le lieutenant civil et le lieutenant criminel prétendaient chacun qu'elle leur appartenait.

Cette contestation importante demeura indécise entr'eux, depuis 1500 jusqu'en 1630 ; et pendant tout ce temps ils exercèrent la police par concurrence, ainsi que cela avait été ordonné par provision, par un arrêt du 18 Février 1515, d'où s'ensuivirent de grands inconvéniens.

Le 12 Mars 1630 le parlement ordonna que le lieutenant civil tiendrait la police deux fois la semaine ; qu'en cas d'empêchement de sa part, elle serait tenue par le lieutenant criminel, ou par le lieutenant particulier.

Les droits de prérogatives attachés au magistrat de police de la ville de Paris, furent réglés par un édit du mois de Décembre de l'année 1666, lequel fut donné à l'occasion des plaintes qui avaient été faites du peu d'ordre qui était dans la police de la ville et faubourgs de Paris. Le roi ayant fait rechercher les causes d'où ces défauts pouvaient procéder, et ayant fait examiner en son conseil les anciennes ordonnances et règlements de police, ils se trouvèrent si prudemment concertés, que l'on crut qu'en apportant l'application et les soins nécessaires pour leur exécution, la police pourrait être aisément retablie. Le préambule de cet édit annonce aussi que par les ordres qui avaient été donnés, le nettoyement des rues avait été fait avec exactitude ; que comme le défaut de la sûreté publique exposerait les habitants de Paris à une infinité d'accidents, S. M. avait donné ses soins pour la rétablir, et pour qu'elle fût entière, S. M. venait de redoubler la garde ; qu'il fallait aussi pour cet effet régler le port d'armes, et prévenir la continuation des meurtres, assassinats, et violences qui se commettaient journellement, par la licence que des personnes de toute qualité se donnaient de porter des armes, même de celles qui sont le plus étroitement défendues ; qu'il était aussi nécessaire de donner aux officiers de police un pouvoir plus absolu sur les vagabonds et gens sans aveu, que celui qui est porté par les anciennes ordonnances.

Cet édit ordonne ensuite l'exécution des anciennes ordonnances et arrêts de règlement touchant le nettoyement des rues, il enjoint au prevôt de Paris, ses lieutenans, commissaires du châtelet, et à tous autres officiers qu'il appartiendra d'y tenir la main.

L'édit défend la fabrication et le port des armes prohibées dont il fait l'énumération. Il est enjoint à ceux qui en auront à Paris de les remettre entre les mains du commissaire du quartier, et dans les provinces, entre les mains des officiers de police.

Il est dit que les soldats des gardes françaises et suisses ne pourront vaguer la nuit hors de leur quartier ou corps-de-garde, s'ils sont en garde, à six heures du soir depuis la Toussaints, et à neuf heures du soir depuis Pâques, avec épées ou autres armes, s'ils n'ont ordre par écrit de leur capitaine, à peine des galeres ; à l'effet de quoi leur procès leur sera fait et parfait par les juges de police ; et que pendant le jour ces soldats ne pourront marcher en troupe ni être ensemble hors de leur quartier en plus grand nombre que quatre avec leurs épées.

Les Bohémiens ou Egyptiens, et autres de leur suite, doivent être arrêtés prisonniers, attachés à la chaîne, être conduits aux galeres pour y servir comme forçats, sans autre forme ni figure de procès ; et à l'égard des femmes et filles qui les accompagnent et vaguent avec eux, elles doivent être fouettées, flétries et bannies hors du royaume ; et l'édit porte que ce qui sera ordonné à cet égard par les officiers de police, sera exécuté comme jugement rendu en dernier ressort.

Il enjoint aussi aux officiers de police d'arrêter ou faire arrêter tous vagabonds, filoux et gens sans aveu, et de leur faire et parfaire le procès en dernier ressort, l'édit leur en attribuant toute cour, juridiction et pouvoir à ce nécessaires, nonobstant tous édits, déclarations, arrêts et règlements à ce contraires, auxquels il est dérogé par cet édit ; et il est dit qu'on réputera gens vagabonds et sans aveu ceux qui n'auront aucune profession ni métier, ni aucuns biens pour subsister, qui ne pourront faire certifier de leurs bonne vie et mœurs par personnes de probité connues et dignes de foi, et qui soient de condition honnête.

La déclaration du 27 Aout 1701, a confirmé le lieutenant général de police dans le droit de juger en dernier ressort les mendiants, vagabonds et gens sans aveu ; mais il ne peut les juger qu'avec les officiers du châtelet au nombre de sept.

L'édit de 1666 règle aussi l'heure à laquelle les collèges, académies, cabarets et lieux où la bière se vend à pot, doivent être fermés.

Il est dit que les ordonnances de police pour chasser ceux chez lesquels se prend et consomme le tabac, qui tiennent académies, brelans, jeux de hasard, et autres lieux défendus, seront exécutés ; et qu'à cet effet la publication en sera renouvellée.

Défenses sont faites à tous princes, seigneurs et autres personnes, de donner retraite aux prévenus de crimes, vagabonds et gens sans aveu.

L'édit veut que la police générale soit faite par les officiers ordinaires du châtelet en tous les lieux prétendus privilégiés, ainsi que dans les autres quartiers de la ville, sans aucune différence ni distinction ; et qu'à cet effet le libre accès leur y soit donné : qu'à l'égard de la police particulière, elle sera faite par les officiers qui auront prévenu ; et qu'en cas de concurrence, la préférence appartiendra au prevôt de Paris. Il fut néanmoins ajouté par l'arrêt d'enregistrement, qu'à l'égard de la police, la concurrence ni la prévention n'aurait pas lieu dans l'étendue de la juridiction du bailliage du palais.

Enfin, il est encore enjoint par le même édit à tous compagnons chirurgiens, qui travaillent en chambre, de se retirer chez les maîtres, et aux maîtres, de tenir boutique ouverte ; comme aussi de déclarer au commissaire du quartier les blessés qu'ils auront pansés chez eux ou ailleurs, pour en être fait par le commissaire son rapport à la police, le tout sous les peines portées par cet édit, ce qui doit aussi être observé à l'égard des hôpitaux, dont l'infirmier ou administrateur qui a le soin des malades doit faire sa déclaration au commissaire du quartier.

C'est ainsi que la compétence des officiers de police était déjà réglée, lorsque par édit du mois de Mars 1667, Louis XIV. supprima l'office de lieutenant civil qui existait alors, et créa deux nouveaux offices, l'un de lieutenant civil, l'autre de lieutenant de police, pour être remplis par deux différents officiers. Il regla par ce même édit la compétence de chacun de ces deux officiers.

Suivant cet édit, le lieutenant de police connait de la sûreté de la ville, prevôté et vicomté de Paris, du port d'armes prohibées par les ordonnances, du nettoyement des rues et places publiques, circonstances et dépendances ; c'est lui qui donne les ordres nécessaires en cas d'incendie et inondation : il connait pareillement de toutes les provisions nécessaires pour la subsistance de la ville, amas et magasins qui en peuvent être faits, de leur taux et prix, de l'envoi des commissaires et autres personnes nécessaires sur les rivières pour le fait des amas de foin, botelage, conduite et arrivée à Paris. Il règle les étaux des boucheries et leur adjudication ; il a la visite des halles, foires et marchés, des hôtelleries, auberges, maisons garnies, brelans, tabacs, et lieux mal fermés ; il connait aussi des assemblées illicites, tumultes, séditions et désordres qui arrivent à cette occasion, des manufactures et de leur dépendance, des élections des maîtres et des gardes des six corps des marchands, des brevets d'apprentissages, reception des maîtres, de la réception des rapports, des visites, des gardes des marchands et artisans, de l'exécution de leurs statuts et règlements, des renvois des jugements ou avis du procureur du roi du châtelet sur le fait des arts et métiers ; il a le droit d'étalonner tous les poids et balances de toutes les communautés de la ville et fauxbourgs de Paris, à l'exclusion de tous autres juges ; il connait des contraventions commises à l'exclusion des ordonnances, statuts et règlements qui concernent l'imprimerie, en l'impression des livres et libelles défendus, et par les colporteurs qui les distribuent ; les chirurgiens sont tenus de lui déclarer les noms et qualités des blessés, il peut aussi connaître de tous les délinquans trouvés en flagrant délit en fait de police, leur faire le procès sommairement et les juger seul, à moins qu'il y ait lieu à peine afflictive, auquel cas il en fait son rapport au présidial ; enfin c'est à lui qu'appartient l'exécution de toutes les ordonnances, arrêts et règlements concernant la police.

Au mois de Mars 1674, le roi créa un nouveau châtelet, composé entr'autres officiers d'un lieutenant de police, aux mêmes droits et fonctions que celui de l'ancien châtelet ; mais attendu l'inconvénient qu'il y avait à établir deux lieutenans de police dans Paris, le nouvel office fut réuni à l'ancien par déclaration du 18 Avril de la même année, pour être exercé sous le titre de lieutenant général de police.

Comme il arrivait fréquemment des conflits de juridiction entre le lieutenant général de police et les prevôts des marchands et échevins de Paris, leur juridiction fut réglée par un édit du mois de Juin 1700.

Cet édit ordonne que le lieutenant général de police et les prevôt des marchands et échevins exercent, chacun en droit soi, la juridiction qui leur est attribuée par les ordonnances sur le commerce des blés et autres grains ; qu'ils les fassent exécuter à cet égard, ensemble les règlements de police, comme ils avaient bien et dû.ment fait jusqu'alors ; savoir, que le lieutenant général de police connait dans toute l'étendue de la prevôté et vicomté de Paris, et même dans les huit lieues aux environs de la ville, de tout ce qui regarde la vente, livraison et voiture des grains que l'on y amène par terre, quand même ils auraient été chargés sur la rivière, pourvu qu'ils en aient été déchargés par la suite sur la terre, à quelque distance que ce puisse être de la ville ; comme aussi de toutes les contraventions qui pourraient être faites aux ordonnances et règlements, quand même on prétendrait que les grains auraient été destinés pour cette ville, et qu'ils devraient y être amenés par eau, et ce jusqu'à ce qu'ils soient arrivés au lieu où on les doit décharger sur les rivières qui y affluent. Les prevôt des marchands et échevins connaissent dans les autres cas de la vente, livraison et voiture des grains qui viennent par eau.

Ils ont aussi la connaissance de ce qui regarde la vente des vins qui viennent par eau ; mais le lieutenant général de police a toute juridiction, police et connaissance de la vente et commerce qui se fait des vins lorsqu'on les amène par terre à Paris, et des contraventions qui peuvent être faites aux ordonnances et règlements de police, même sur ceux qui y ont été amenés par les rivières, aussi-tôt qu'ils sont transportés des bateaux sur lesquels ils ont été amenés des ports et étapes de ladite ville, dans les maisons et caves des marchands de vin, et sans que les officiers de la ville puissent y faire aucunes visites, ni en prendre depuis aucune connaissance sous prétexte de mesures, ou sous quelque autre que ce puisse être.

Les prevôt des marchands et échevins connaissent de la voiture qui se fait par eau des bois de mairain, et de charronage, et règlent les ports de la ville où ils doivent être amenés et déchargés ; le lieutenant de police connait de sa part de tout ce qui regarde l'ordre qui doit être observé entre les charrons et autres personnes qui peuvent employer lesdits bois de mairain et de charronage que l'on amène en la ville de Paris.

De même, quoique le bureau de la ville connaisse de tout ce qui regarde les conduites des eaux et entretien des fontaines publiques, le lieutenant général de police connait de l'ordre qui doit être observé entre les porteurs d'eau, pour la puiser et pour la distribuer à ceux qui en ont besoin, ensemble de toutes les contraventions qu'ils pourraient faire aux règlements de police ; il peut aussi leur défendre d'en puiser en certains temps et en certains endroits de la rivière lorsqu'il le juge à propos.

Par rapport aux quais, le bureau de la ville y a juridiction, pour empêcher que l'on n'y mette aucunes choses qui puissent empêcher la navigation sur la rivière, ou occasionner le dépérissement des quais dont la ville est chargée : du reste, le lieutenant général de police exerce sur les quais toute la juridiction qui lui est attribuée dans le reste de la ville, et peut même y faire porter les neiges lorsqu'il le juge absolument nécessaire pour le nettoyement de la ville et pour la liberté du passage dans les rues.

La publication des traités de paix se fait en présence des officiers du châtelet, et des prevôt des marchands et échevins, suivant les ordres que le roi leur en donne, et en la forme en laquelle elle a été faite à l'occasion des traités de paix conclus à Riswik.

Lorsqu'on fait des échafauds pour des cérémonies ou des spectacles que l'on donne, au sujet des fêtes et des réjouissances publiques, les officiers, tant du châtelet, que de l'hôtel de ville, exécutent chacun les ordres particuliers qu'il plait au roi de leur donner à ce sujet ; et lorsqu'ils n'en ont point reçu, le lieutenant général de police a de droit l'inspection sur les échafauds, et donne les ordres qu'il juge nécessaires pour la solidité de ceux qui sont faits dans les rues et même sur les quais, et pour empêcher que les passages nécessaires dans la ville n'en soient embarrassés ; les prevôt des marchands et échevins prennent le même soin, et ont la même connaissance sur ceux qui peuvent être faits sur le bord et dans le lit de la rivière, et dans la place de greve.

Lorsqu'il arrive un débordement d'eau, qui fait craindre que les ponts sur lesquels il y a des maisons bâties ne soient emportés, et que l'on ne puisse passer surement sur ces ponts, le lieutenant général de police et les prevôt des marchands et échevins donnent conjointement, concurremment, par prévention, tous les ordres nécessaires pour faire déloger ceux qui demeurent sur ces ponts et pour en fermer les passages ; et en cas de diversité de sentiments, ils doivent se retirer sur le champ vers le parlement pour y être pourvu ; et en cas que le parlement ne fût pas assemblé ; ils doivent s'adresser à celui qui y préside pour être réglés par son avis.

Les teinturiers, dégraisseurs et autres ouvriers qui sont obligés de se servir de l'eau de la rivière pour leurs ouvrages, doivent se pourvoir pardevers les prévôt des marchands et échevins pour en obtenir la permission d'avoir des bateaux ; mais lorsqu'ils n'ont pas besoin de bateaux, ils doivent se pourvoir seulement pardevers le lieutenant général de Police.

Ce magistrat connait, à l'exclusion des prevôt des marchands et échevins, de ce qui regarde la vente et le débit des huitres, soit qu'elles soient amenées en cette ville par eau, ou par terre, sans préjudice néanmoins de la juridiction des commissaires du parlement, sur le fait de la marée.

Cet édit porte aussi, qu'il connaitra de tout ce qui regarde l'ordre et la police, concernant la vente et le commerce du poisson d'eau-douce, que l'on amenera à Paris.

Il est enjoint au surplus par ce même édit de 1700 au lieutenant général de police, et aux prevôt des marchands et échevins, d'éviter autant qu'il leur est possible, toutes sortes de conflits de juridiction, de régler s'il se peut à l'amiable et par des conférences entr'eux, ceux qui seraient formés, et de les faire enfin régler au parlement le plus sommairement qu'il se pourra, sans qu'ils puissent rendre des ordonnances, ni faire de part et d'autre aucuns règlements au sujet de ces sortes de contestations, ni sous aucun prétexte que ce puisse être.

Le lieutenant général de police a encore la connaissance et juridiction sur les recommandaresses et nourrices dans la ville et fauxbourgs de Paris ; le préambule de la déclaration du 29 Janvier 1715 porte, que l'exécution du règlement que S. M. avait fait sur cette matière, regardait naturellement le magistrat qui est chargé du soin de la police dans Paris, et que S. M. avait jugé à-propos de réformer l'ancien usage, qui sans autre titre que la possession avait attribué au lieutenant criminel du châtelet, la connaissance de ce qui concerne les fonctions des recommandaresses, pour réunir à la police une inspection qui en fait véritablement partie et qui a beaucoup plus de rapport à la juridiction du lieutenant général de police, qu'à celle du lieutenant criminel.

Le dispositif de cette déclaration porte entr'autres choses, que dans chacun des quatre bureaux de recommandaresses, il y aura un registre qui sera paraphé par le lieutenant général de police. Que chacun de ces quatre bureaux sera sous l'inspection d'un des commissaires du châtelet, qui examinera et visera tous les mois les registres, et qu'en cas de contravention à cette déclaration, il en référera au lieutenant général de police pour y être par lui pourvu, ainsi qu'il appartiendra, et que chacun de ces registres lui sera représenté quatre fois l'année, même plus souvent, s'il le juge à-propos, pour l'arrêter et viser pareillement.

Les certificats que les recommandaresses donnent aux nourrices doivent être représentés par celles-ci à leur curé, qui leur en donne un certificat, et elles doivent l'envoyer au lieutenant général de police, lequel le fait remettre aux recommandaresses.

En cas que les pères et mères manquent à payer les mois dû. aux nourrices, et de répondre à l'avis qui leur en a été donné, les nourrices doivent en informer, ou par elles-mêmes, ou par l'entremise du curé de leur paraisse, le lieutenant général de police qui y pourvait sur le champ.

Les condamnations qu'il prononce contre les pères et mères, sont exécutées par toutes voies dû.s et raisonnables, même par corps, s'il est ainsi ordonné par ce magistrat, ce qu'il peut faire en tout autre cas que celui d'une impuissance connue et effective ; la déclaration du premier Mars 1727 ordonne la même chose ; cette dernière déclaration qui concerne les recommandaresses, nourrices, et les meneurs ou meneuses, rappelle aussi ce qui est dit dans celle de 1715, concernant la juridiction du lieutenant général de police sur les recommandaresses, et ajoute, que les abus qui s'étaient glissés dans leur fonction ont été réprimés, par les soins que ce magistrat s'était donnés pour faire exécuter la déclaration de 1715.

Il est enjoint par celle de 1727, aux meneurs ou meneuses, de rapporter un certificat de leur curé. Ces certificats doivent être enregistrés par les recommandaresses, et mis en liasse pour être visés par le lieutenant général de police, ou d'un commissaire au châtelet par lui commis.

Les meneurs ou meneuses de nourrices sont aussi tenus aux termes de cette même déclaration, d'avoir un registre paraphé du lieutenant général de police, ou d'un commissaire au châtelet par lui commis, pour y écrire les sommes qu'ils reçoivent pour les nourrices.

La déclaration du 23 Mars 1728 enjoint aux ouvriers qui fabriquent des bayonnettes à ressort, d'en faire leur déclaration au juge de police du lieu, et veut que ces ouvriers tiennent un registre de vente qui soit paraphé par le juge de police.

Cette déclaration a été suivie d'une autre du 25 Aout 1737, qui est aussi intitulée, comme concernant le port d'armes, mais qui comprend de plus tout ce qui concerne la police de Paris, par rapport aux soldats qui s'y trouvent, l'heure de leur retraite, les armes qu'ils peuvent porter, la manière dont ils peuvent faire des recrues dans Paris ; il est enjoint à cette occasion aux officiers, sergens, cavaliers, dragons et soldats, et à tous autres particuliers qui auront commission de faire des recrues à Paris, d'en faire préalablement leur déclaration au lieutenant général de police, à peine de nullité des engagements ; enfin, il est dit que la connaissance de l'exécution de cette déclaration et des contraventions qui pourraient y être faites, appartiendra au lieutenant général de police de la ville de Paris ; sauf l'appel au parlement.

C'est par une suite et en vertu de cette déclaration, que le lieutenant général de police connait de tout ce qui concerne le racolage et les engagements forcés.

Ce magistrat a aussi concurremment avec les trésoriers de France, l'inspection et juridiction à l'occasion des maisons et bâtiments de la ville de Paris qui sont en péril imminent ; celui de ces deux tribunaux qui a prévenu demeure saisi de la contestation, et si les assignations sont du même jour, la préférence demeure au lieutenant général de police ; c'est ce qui résulte de deux déclarations du roi, l'une et l'autre du 18 Juillet 1729.

Toutes les contestations qui surviennent à l'occasion des bestiaux vendus dans les marchés de Sceaux et de Paissy, soit entre les fermiers et les marchands forains, et les bouchers et chaircuitiers, même des uns contre les autres, pour raison de l'exécution des marchés entre les forains et les bouchers, même pour cause des refus que pourrait faire le fermier, de faire crédit à quelques-uns des bouchers, sont portées devant le lieutenant général de police, pour y être par lui statué sommairement, et ses ordonnances et jugements sont éxécutés par provision, sauf l'appel en la cour ; telle est la disposition de l'édit du mois de Janvier 1707, de la déclaration du 16 Mars 1755, et de l'arrêt d'enregistrement du 18 Aout suivant.

Lorsque des gens sont arrêtés pour quelque léger délit qui ne mérite pas une instruction extraordinaire, et que le commissaire juge cependant à-propos de les envoyer en prison par forme de correction ; c'est le lieutenant général de police qui décide du temps que doit durer leur détention.

On porte aussi devant lui les contestations sur les saisies que les gardes des corps et communautés font sur ceux, qui sans qualités se mêlent du commerce et de la fabrication des choses dont ils ont le privilège, les discussions entre les différents corps et communautés pour raison de ces mêmes privilèges.

Les commissaires reçoivent ses ordres pour l'exécution des règlements de police, et lui font le rapport des contraventions qu'ils ont constatées, et en général de l'exécution de leurs commissions ; ces rapports se font en l'audience de la chambre de police, où il juge seul toutes les causes de sa compétence.

A l'audience de la grande police, qui se tient au parc civil ; il juge sur le rapport des commissaires, les femmes et les filles débauchées.

Enfin pour résumer ce qui est de la compétence de ce magistrat, il connait de tout ce qui regarde le bon ordre et la sûreté de la ville de Paris, de toutes les provisions nécessaires pour la subsistance de cette ville, du prix, taux, qualités, poids, balances et mesures, des marchandises, magasins et amas qui en sont faits ; il règle les étaux des bouchers, les adjudications qui en sont faites ; il a la visite des halles, foires, marchés, hôtelleries, brelands, tabagies, lieux malfamés ; il connait des différends qui surviennent entre les arts et métiers, de l'exécution de leurs statuts et règlements, des manufactures, de l'élection des maîtres et gardes des marchands, communautés d'artisans, brevets d'apprentissage, du fait de l'Imprimerie, des libelles et livres défendus, des crimes commis en fait de police, et il peut juger seul les coupables, lorsqu'il n'échet pas de peine afflictive ; enfin, il a l'exécution des ordonnances, arrêts et règlements.

Les appelations de ses sentences se relèvent au parlement, et s'exécutent provisoirement, nonobstant opposition ou appelation.

Le procureur du roi du châtelet a une chambre particulière, où il connait de tout ce qui concerne les corps des marchands, arts et métiers, maitrises, réceptions des maîtres et jurandes ; il donne ses jugements qu'il qualifie d'avis, parce qu'ils ne sont exécutoires qu'après avoir été confirmés par sentence du lieutenant général de police, lequel a le pouvoir de les confirmer ou infirmer ; mais s'il y a appel d'un avis, il faut relever l'appel au parlement.

Le lieutenant général de police est commissaire du roi pour la capitation et autres impositions des corps d'arts et métiers, et il fait en cette partie, comme dans bien d'autres, les fonctions d'intendant pour la ville de Paris.

Le roi commet aussi souvent le lieutenant général de police pour d'autres affaires qui ne sont pas de sa compétence ordinaire ; de ces sortes d'affaires, les unes lui sont renvoyées pour les juger souverainement et en dernier ressort à la bastille, avec d'autres juges commis ; d'autres, pour les juger au châtelet avec le présidial. Quelques-unes, mais en très-petit nombre, sont jugées par lui seul en dernier ressort, et la plus grande partie est à la charge de l'appel au conseil. (A)

LIEUTENANT DE ROBE COURTE est un officier qui porte une robe beaucoup plus courte que les autres, et qui siège l'épée au côté.

Au bailliage et capitainerie royal des chasses de la varenne du louvre, grande vénerie et fauconnerie de France, il y a un lieutenant de robe courte qui siège après le lieutenant général en charge.

Il y a aussi des lieutenans criminels de robe courte, voyez LIEUTENANT CRIMINEL DE ROBE COURTE. (A)

LIEUTENANS GENERAUX, (Art militaire) dans l'artillerie, sont des officiers qui, sous les ordres du grand-maître, commandent à toute l'artillerie dans les provinces de leur département ; ils donnent les ordres à tous les lieutenans et commissaires provinciaux ; ils ont le droit de faire emprisonner ou interdire ceux des officiers qui peuvent faire des fautes dans l'exercice de leurs fonctions ; ils peuvent se faire donner les inventaires de toutes les munitions qui sont dans les magasins des places, toutes les fois qu'ils le jugent à-propos ; faire des tournées dans ces places deux fois l'année pour examiner les poudres et les autres munitions, et remédier à tout ce qui se trouve défectueux, etc.

Les départements de ces officiers sont l'Ile de France, la Picardie, le Boulonnais, Saissonnais, Flandre et Hainault ; les Trais-Evêchés, et les places de la Moselle et de la Sare ; la Champagne, l'Alsace, duché et comté de Bourgogne ; le Lyonnais, Bresse et Bugey ; Dauphiné et Provence ; Languedoc et Roussillon ; Guyenne, Navarre, Biscaye, Béarn, pays d'Aunis et Angoumais ; Bretagne, Touraine, Anjou et Maine ; la Normandie : ce qui fait en tout treize départements pour toute l'étendue de la France.

LIEUTENANT GENERAL, (Art militaire) C'est dans le militaire de France un officier qui est immédiatement subordonné au maréchal de France. Le lieutenant général est le premier entre ceux qu'on appelle officiers généraux : c'est un grade où l'on parvient après être monté à celui de brigadier et ensuite à celui de maréchal de camp.

Les ordonnances de Louis XIV. données en 1703, considérant l'armée comme partagée en trois gros corps, savoir, de l'infanterie au centre et des deux ailes de cavalerie, de la droite et de la gauche, portent que trois lieutenans généraux auront le commandement de ces trois corps, c'est-à-dire qu'il y en aura un pour l'infanterie, et les deux autres pour les ailes de la cavalerie.

Il y a ordinairement trois autres lieutenans généraux pour la seconde ligne, mais ils sont subordonnés à ceux de la première. S'il y a un plus grand nombre de lieutenans généraux dans une armée, ils servent sous les premiers, ou bien ils commandent des réserves ou des camps volans.

Lagarde d'un lieutenant général est de trente soldats avec un sergent, commandés par un lieutenant. Ses appointements montent à quatre mille livres par mois de quarante-cinq jours, y compris le pain de munition, deux aides de camp et ses gardes.

Dans un siège, le lieutenant général de service est à la droite des attaques, et le maréchal de camp à la gauche.

En campagne, les lieutenans généraux ont alternativement un service ou un commandement qui dure un jour : c'est ce qu'on appelle parmi eux être de jour, ce qui veut dire le jour de service de ces officiers. Celui qui est de jour commande ou a le pas sur tous les autres lieutenans généraux de l'armée, quoique leur grade soit plus ancien.

Pour qu'un lieutenant général jouisse des droits et des prérogatives de sa place en campagne, il faut qu'il ait pour cet effet des lettres du roi, qu'on appelle lettres de service.

Pour servir avec distinction dans le grade de lieutenant général, il faut beaucoup d'expérience et de capacité. Les fonctions bien ou mal remplies de cet emploi, décident souvent du gain ou de la perte d'une bataille : le général ne pouvant point être partout, ni remédier à tout, c'est aux lieutenans généraux à prendre leur parti suivant que les circonstances l'exigent. Un lieutenant général intelligent qui verra un moment décisif pour battre l'ennemi, ne manquera pas d'en profiter ; s'il a moins de connaissance, il attendra les ordres du général, et il manquera l'occasion.

LIEUTENANT GENERAL, (Histoire milit. de France.) Ce fut en 1633, sous le règne de Louis XIII. qu'on commença à connaître en France le titre de lieutenant général dans les armées, n'y ayant auparavant que des maréchaux de camp, et même en fort petit nombre, sous les maréchaux de France. Melchior-Mitte de Chevrières, marquis de Saint-Chamond, est le premier pour qui on trouve des pouvoirs de lieutenant général, en date du 6 Février de l'année 1633. Le P. Daniel ne l'a pas connu.

Leur nombre fut augmenté sous Louis XIV. à la guerre de 1667, et bien multiplié depuis la guerre de 1672. Cette institution était utile, 1°. pour mettre un grade entre le maréchal de camp et le maréchal de France, comme on en mit aussi par le grade de brigadier entre le colonel et le maréchal de camp, et pour soutenir l'ambition des officiers, en leur faisant voir de plus près les différents degrés d'honneur qui les attendent : 2°. parce que chacun de ces grades augmentant les fonctions de l'officier, le rend plus capable du commandement : 3°. parce que les armées étant devenues plus nombreuses, il fallait plus d'officiers généraux à leurs divisions. Henault. (D.J.)

LIEUTENANT DE ROI, (Art militaire) c'est un officier qui commande dans une place de guerre en l'absence du gouverneur, et immédiatement avant le major.

LIEUTENANT COLONEL, (Art militaire) c'est le second officier d'un régiment ; il est avant tous les capitaines, et commande le régiment en l'absence du colonel.

C'est le roi qui choisit ordinairement les lieutenans colonels parmi les officiers de service qui ont donné en plusieurs occasions des marques de valeur et de conduite, parce que le régiment roule presque toujours sous la discipline du lieutenant colonel. Les colonels, pour l'ordinaire, étant de jeunes gens de qualité qui pensent moins au service qu'à leurs plaisirs, on prend communément pour cet emploi, lorsqu'il vient à vaquer, le plus ancien capitaine, parce qu'il est rare qu'étant parvenu à cette ancienneté, il n'ait pas toutes les qualités convenables pour s'en bien acquitter. Il doit être actif, vigilant, et connaître toutes les fonctions des différentes charges du régiment, afin de savoir si ceux qui les possèdent s'en acquittent bien ; il doit savoir la force de chaque compagnie pour employer les meilleurs hommes dans les occasions, où il faut qu'il soit assuré de la valeur de sa troupe ; il doit tenir la main à la discipline du régiment, savoir attaquer et défendre un poste qui lui est confié, s'y retrancher selon le terrain et la conséquence du poste ; savoir mener un régiment au combat, faire une retraite quand il y est forcé, et donner à son bataillon les différentes formes, selon qu'il est attaqué dans le combat ou dans la retraite. Au siège d'une place, il fait, dans l'absence du colonel, les mêmes fonctions, qui sont de faire défense à tous soldats du régiment de sortir du camp la veille du jour qu'il doit monter la garde de la tranchée ; et après avoir reçu l'ordre du lieutenant général ou du maréchal de camp qui est de jour, il conduit le régiment dans les postes, pour relever les autres ; il marche à l'endroit de l'attaque le plus à couvert qui lui est possible. Lorsqu'il est arrivé, il visite les travaux, fait exécuter les ordres qu'il a reçus, et prend un grand soin des officiers et des soldats : son poste est à la gauche du colonel lorsque le régiment n'a qu'un bataillon ; car quand il est de plusieurs, le colonel commande le premier, et le lieutenant colonel le second. Maximes et instructions sur l'art militaire, par M. de Quincy.

Dans le régiment des gardes françaises, celui qui commande la colonelle sous le colonel, porte le titre de capitaine-lieutenant commandant la colonelle. Dans le corps de cavalerie étrangère, le lieutenant colonel est le premier capitaine du régiment qui le commande en l'absence du colonel. Dans les régiments français de cavalerie, c'est le major qui fait les fonctions de lieutenant colonel, et qui en a les prérogatives.

Comme la charge de lieutenant colonel est considérable et importante, et qu'elle est exercée par des officiers de mérite et d'expérience, le roi y a ajouté des distinctions qui sont marquées dans ses ordonnances.

Il y dispense les lieutenans colonels des régiments d'infanterie de monter la garde dans les places ; il ordonne que bien que les colonels soient présents au corps, les lieutenans colonels auront le choix des logements préférablement aux capitaines, sans qu'ils soient obligés de les tirer avec eux. Qu'en outre, il leur soit loisible de choisir, après les colonels, celui des quartiers dans lesquels ils viendront commander, encore bien que leurs compagnies ne s'y trouvent point logées. Que quand les régiments seront en bataille, et que les colonels seront présents à la tête, les lieutenans colonels conserveront le pas devant tous les capitaines. Qu'en l'absence des colonels, ils auront le commandement sur tous les quartiers des régiments, et qu'ils commanderont le second bataillon quand le colonel sera présent pour commander le premier.

Il est encore ordonné que les lieutenans colonels des régiments de cavalerie, en l'absence des mestres-de-camp, et sous leur autorité en leur présence, commanderont lesdits régiments de cavalerie, et ordonneront à tous les capitaines des compagnies et à tous les officiers desdits régiments, ce qu'ils auront à faire pour le service de sa majesté, et pour le maintien et rétablissement desdites compagnies ; et que partout où ils se trouveront, ils commanderont à tous capitaines et majors de cavalerie. Histoire de la milice française.

LIEUTENANT, (Art militaire) dans une compagnie de cavalerie, d'infanterie et de dragons, c'est le second officier ; il commande en l'absence du capitaine, et il a le même pouvoir que lui dans la compagnie.

Quand une compagnie d'infanterie est en ordonnance, le lieutenant se porte à la gauche du capitaine, et à la droite, si l'enseigne s'y rencontre.

Il y a des lieutenans en pied et des réformés ; les rangs de ceux ci sont réglés par les ordonnances à-peu-près de la même manière que ceux des colonels et capitaines en pied, avec les colonels et capitaines reformés.

LIEUTENANT GENERAL DES ARMEES NAVALES, (Art militaire) c'est un des premiers grades de la marine de France. Cet officier a le commandement immédiatement après le vice-amiral ; il précède les chefs d'escadre et leur donne l'ordre. Les fonctions du lieutenant général sont marquées en dix articles dans l'ordonnance de Louis XIV. pour les armées navales et arsenaux de marine, du 15 Avril 1689, titre III. qu'il est inutîle de transcrire ici.

LIEUTENANT DE VAISSEAU, (Art militaire) C'est un officier qui a rang immédiatement après le capitaine, qui commande et en fait toutes les fonctions en l'absence de ce dernier. Les fonctions particulières du lieutenant sont réglées par la même ordonnance de 1689, titre IX.




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