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Catégorie parente: Morale
Catégorie : Jurisprudence
S. f. (Jurisprudence) est une action possessoire, par laquelle celui qui est troublé en la possession d'un héritage, ou droit réel, ou d'un bénéfice, se plaint à la justice de ce trouble, et demande contre celui qui en est l'auteur d'être maintenu dans sa possession, et que défenses soient faites de l'y troubler.

Le propriétaire, l'usufruitier, l'usager et l'emphytéote peuvent intenter complainte ; mais il faut qu'ils aient possédé, non vi, non clam, non precario, c'est-à-dire publiquement et sans violence, et à autre titre que de possesseur précaire ; c'est pourquoi un simple fermier ou locataire ne peut pas user de complainte.

Aucun sujet ne peut l'intenter contre le roi, parce qu'on ne présume jamais que le roi ait causé du trouble ; l'apanager jouit aussi à cet égard du même privilège que le roi.

Les vassaux et censitaires ne peuvent pareillement intenter complainte contre leur seigneur, pour raison des héritages qui sont mouvants de lui.

Pour intenter complainte il faut avoir possédé an et jour, former sa demande en complainte dans l'an et jour du trouble, et que cette demande soit formée et jugée avant d'en venir au pétitoire.

Elle ne peut être intentée que pour héritages ou droits réels, tels que des servitudes, dixmes inféodées, droits de patronage, droits seigneuriaux et honorifiques, rentes foncières, etc. Les rentes constituées n'étant point réelles, même dans les lieux où elles sont réputées immeubles, ne peuvent faire la matière d'une complainte.

Elle a lieu pour des bénéfices et droits réels qui y sont attachés, tels que les dixmes ecclésiastiques.

On ne peut intenter complainte pour choses mobiliaires, à moins qu'il ne s'agisse d'une universalité de meubles.

On peut être troublé de fait, ou par paroles, ou par quelque acte qui tend à former un trouble, et dans tous ces cas la complainte a lieu.

Chaque juge connait des complaintes dans son territoire, et les juges royaux n'ont à cet égard aucune préférence ni prévention sur les juges de seigneur.

Le juge d'église ne peut connaître d'aucune complainte soit profane soit bénéficiale, il faut se pourvoir devant le juge laïc.

La complainte s'intente par explait, et quelquefois par opposition. Celui qui est assigné en complainte ne peut pas intenter lui-même complainte pour le même objet, en disant qu'il prend la demande en complainte pour trouble.

Celui qui a été dépossédé de l'héritage n'intente pas une simple complainte, mais l'action appelée réintégrande. Voyez Louet et Brodeau, lettre B. n. 11. l'ordonnance de 1667, tit XVe Papon, liv. VIII. tit. IVe Laisel, liv. V. tit. IVe Belordeau, en ses controverses, lett. C. art. 25.

COMPLAINTE BENEFICIALE ou EN MATIERE BENEFICIALE, est une action possessoire par laquelle celui qui est en possession d'un bénéfice, de fait ou de droit seulement, se plaint du trouble qui lui est fait par un autre prétendant droit au même bénéfice, et conclut à fin d'être maintenu et gardé en sa possession, avec défenses à sa partie adverse de l'y troubler ; et à ce que pour l'avoir fait, il soit condamné en ses dommages et intérêts et dépens.

Les juges royaux connaissent de la complainte en matière bénéficiale, parce que c'est une action possessoire. On voit dans une ordonnance de Philippe Auguste de l'an 1214, que dès ce temps-là c'était le juge laïc qui connaissait de ces sortes de complaintes ; et le pape Martin V. par une bulle de l'an 1429, a reconnu que c'était au roi et à ses officiers à maintenir les possesseurs des bénéfices, et non au juge d'église.

Anciennement le parlement connaissait en première instance de toutes sortes de complaintes, même en matière bénéficiale ; mais présentement la connaissance en appartient d'abord aux juges royaux, et par appel au parlement.

Les baillis et sénéchaux étaient d'abord les seuls qui en pussent connaître en première instance, suivant un arrêt de l'an 1277 ; mais suivant l'édit de Cremieu, de l'an 1536, et l'édit d'Henri II. du mois de Juin 1559, les juges royaux inférieurs en peuvent connaître chacun dans leur ressort ; les baillis et sénéchaux ont seulement sur eux le droit de prévention pour ces matières.

Les juges des seigneurs ne peuvent en aucun cas prendre connaissance d'une complainte bénéficiale, quand même il s'agirait de bénéfices de la fondation des seigneurs ou de leurs auteurs, et qu'ils en auraient la présentation ou collation. Ordonnance de 1667, tit. XVe art. 4.

La connaissance du pétitoire appartient de droit au juge d'église ; mais quand la complainte est jugée, celui des deux contendants qui a perdu devant le juge laïque, ne peut plus se pourvoir devant le juge d'église pour le pétitoire, parce que les juges laïques ne jugent pas le possessoire en matière bénéficiale sur les actes de possession seulement, mais aussi sur les titres des parties dont ils examinent la validité : de sorte que le possessoire étant jugé par le mérite du fond, il ne serait pas juste de reporter la même question devant le juge d'église.

La complainte bénéficiale diffère de la profane en ce que celle-ci ne peut être intentée que par ceux qui sont en possession actuelle et de fait ; au lieu que celui qui a été pourvu d'un bénéfice trouvant la place remplie par un autre, peut prendre possession de droit seulement, et prendre pour trouble la possession de fait de son adversaire, et intenter complainte contre lui.

Il n'y a jamais de complainte contre le roi ; c'est pourquoi en matière de régale, l'état ou récréance est toujours adjugé par provision au régaliste.

La complainte bénéficiale doit être intentée dans l'an et jour du trouble, de même qu'en matière profane. Ordonnance de 1539, art. 61.

Le demandeur en complainte doit exprimer dans sa demande le titre de sa provision, et le genre de vacance sur lequel il a été pourvu ; par exemple si c'est par mort, résignation, permutation ou dévolut, et donner avec le même explait au défendeur copie de ses titres et capacités, signée de lui et de l'huissier ou du sergent.

Si le demandeur ignore le domicîle de son adversaire, et ne peut le faire assigner en parlant à sa personne, il faut signifier l'explait dans le chef-lieu du bénéfice.

On prenait autrefois deux appointements sur une complainte ; l'un pour communiquer les titres et capacités, l'autre pour écrire par mémoires : mais ces formes inutiles ont été abrogées par l'ordonnance de 1667.

Lorsque la cause peut se juger à l'audience, le juge maintient en la possession du bénéfice celui qui se trouve en avoir été canoniquement pourvu ; si l'affaire ne peut pas se juger à l'audience, on appointe les parties en droit, et cependant on adjuge la récréance à celui qui a le droit le plus apparent ; et si le droit est fort problématique, on ordonne le sequestre ; le grand-conseil prend ordinairement ce parti, et accorde rarement la récréance.

Pour la validité d'une sentence de maintenue ou de récréance et de sequestre, il faut qu'il y ait au moins cinq juges de nommés dans la sentence ; et si elle est rendue sur une instance appointée, ils doivent tous signer la minute de la sentence : cela n'est cependant pas observé aux requêtes de l'hôtel et du palais.

La sentence de maintenue peut être exécutée nonobstant l'appel, pourvu qu'elle ait été donnée par des juges ressortissants immédiatement en la cour, et qu'ils fussent au nombre de cinq, et en donnant par l'intimé bonne et suffisante caution de rendre les fruits, s'il est ainsi ordonné sur l'appel ; telle est la disposition de l'ordonnance de Louis XII. de l'an 1498, art. 83.

Lorsque l'appel est d'une sentence de récréance, elle doit être exécutée nonobstant l'appel à la caution juratoire de celui au profit duquel elle aura été rendue ; il était autrefois obligé de donner bonne et suffisante caution, mais cela a été changé par l'ordonnance de 1667.

La sentence de récréance doit être entièrement exécutée avant que l'on puisse procéder sur la pleine maintenue. Voyez l'ordonnance de 1667, tit. XVe et POSSESSOIRE. (A)

COMPLAINTE EN MATIERE PROFANE, est celle qui n'a point pour objet un bénéfice ni aucun droit annexé à un bénéfice.

COMPLAINTE EN CAS DE NOUVELLETE, est celle qui s'intente dans l'an et jour du trouble, que l'on appelait autrefois nouvelleté ; on l'appelle aussi complainte en cas de saisine et de nouvelleté, ou complainte simplement. Voyez COMPLAINTE.

COMPLAINTE POSSESSOIRE, est la même chose que ce qu'on appelle simplement complainte, cette action étant toujours possessoire.

COMPLAINTE EN CAS DE SIMPLE SAISINE, était une complainte particulière, qui pouvait autrefois être intentée par celui qui avait joui d'une rente foncière sur un héritage avant et depuis dix ans, et pendant la plus grande partie de ce temps il pouvait intenter le cas de simple saisine contre celui qui l'avait troublé, et demander d'être remis en sa possession. Cette complainte avait lieu lorsque celui qui pouvait intenter l'action de nouvelleté en avait laissé passer le temps ou y avait succombé. Dans cette complainte il fallait prouver une possession qui remontât au-dessus de dix ans ; la coutume de Paris, art. 98. fait mention de cette complainte : mais présentement elle n'est plus d'usage ; et quand celui qui pouvait intenter complainte en cas de nouvelleté en a laissé passer le temps ou y a succombé, il ne peut plus agir qu'au pétitoire et doit rapporter un titre. Voyez Brodeau, Tronçon, Guerin, et le Maistre sur l'art. 98. de la coutume de Paris. (A)




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