(Jurisprudence) Ce qui concerne l'état de cléricature est expliqué aux mots CLERC et CLERGE, et ci-après au mot ECCLESIASTIQUE ; on parlera seulement ici des privilèges de cléricature. Ces privilèges consistent :

1°. En ce que le clergé forme le premier ordre du royaume ; il est ainsi qualifié dans l'édit du mois d'Avril 1695. Quant au rang de chaque ecclésiastique en particulier vis-à-vis des laïcs, lorsqu'un ecclésiastique fait quelque fonction de son ministère, il précède tous les laïcs ; mais lorsqu'il n'est point en fonction propre à son caractère, son rang vis-à-vis des laïcs se règle par la qualité des personnes et autres circonstances. Voyez Domat, tr. du Dr. publ. liv. I. tit. IXe sect. IIIe n. 47. et suiv.

2°. En matière criminelle, les clercs peuvent demander leur renvoi pardevant le juge d'église, pour être jugés par lui sur le délit commun ; et lorsque ce renvoi est ordonné, le cas privilégié ne peut être jugé que par le juge royal, attendu qu'il n'est pas d'usage que les juges d'église instruisent conjointement avec les juges des seigneurs, mais seulement avec les baillis et sénéchaux royaux. Ils ne sont sujets en aucun cas à la juridiction du prevôt des maréchaux, et les présidiaux ne peuvent les juger qu'à la charge de l'appel ; et lorsque l'affaire se trouve portée au parlement, soit par appel, ou en première instance, ils peuvent demander d'être jugés en la grand-chambre, et non à la Tournelle, afin que les conseillers-clercs, qui ne font point de service à la tournelle, puissent assister à leur jugement. Voyez l'ordonnance de Moulins, art. 41. celle de 1670, art. 21. l'édit d'Avril 1695, art. 42. et la déclaration du 5. Février 1731, art. 11. et 15.

3°. En matière civile, lorsqu'il s'agit d'actions personnelles, les ecclésiastiques ont le privilège de ne pouvoir être traduits que pardevant le juge d'église, sinon le défendeur peut demander son renvoi, quand même le demandeur serait un laïc. Voyez les lois eccl. de d'Héricourt, part. I. ch. xjx. n. 8.

Ils ont aussi le privilège de ne pouvoir pas être contraints par corps pour dépens ou autres dettes purement civiles, si ce n'est qu'il y ait stellionat ou autre délit qui les fasse juger indignes de jouir des privilèges de cléricature. Voyez le traité de la juridiction ecclésiastique de Ducasse ; l'édit de 1606, art. 123. et la déclaration du 30 Juillet 1710.

4°. Les ecclésiastiques sont exempts de taille dans tous les pays où elle est personnelle, et ils jouissent du même privilège pour faire valoir une ferme de quatre charrues, pourvu qu'elle soit du patrimoine de leur bénéfice, ou si c'est un bien de famille qui leur soit échu en ligne directe.

Les curés peuvent même prendre à ferme les dixmes de leur paraisse, sans être pour cela sujets à la taille ; mais leurs fermiers sont taillables. Voyez les règlements rapportés dans le code des tailles.

5°. Ils sont exempts des charges personnelles, telles que tutele, curatelle, collecte des impôts, guet et garde dans les villes. Ils sont aussi exempts du logement des gens de guerre, si ce n'est en cas d'urgente nécessité. Ils sont pareillement exempts des corvées personnelles ; mais ils sont tenus des réelles, qu'ils peuvent faire par un tiers. Ils ne sont pas sujets à la banalité du four, mais ils le sont à celle du moulin et du pressoir. Voyez la Jurisprudence can. de de la Combe, au mot privilège clérical, sect. VIIe

6°. En matière d'aides, ils sont exempts des nouveaux cinq sous pour les vendanges et le vin du cru de leur bénéfice. Ils peuvent vendre en gros le vin du cru de leur bénéfice et de leur titre sacerdotal, sans payer aucun droit de gros et d'augmentation. Ils sont aussi exempts du droit de jauge et courtage, à la vente en gros et à l'entrée pour le vin du cru de leur bénéfice ; et du droit de subvention, à l'entrée du vin du cru de leur bénéfice, pour ce qu'ils en consommeront dans leur maison, pour leur provision. Voyez l'ordonnance des aides, et les recueils de règlements concernant cette matière.

Pour jouir de ces différents privilèges, il faut que les clercs soient constitués aux ordres sacrés, ou bénéficiers ou attachés actuellement au service de quelqu'église.

Ils sont déchus des privilèges de cléricature, lorsqu'ils cessent de vivre cléricalement ; ce qui arrive lorsqu'ils portent des habits séculiers, ou qu'il exercent quelque fonction incompatible avec l'état ecclésiastique.

Au reste il est essentiel d'observer que les privilèges accordés aux ecclésiastiques par les papes, ne sont point reconnus parmi nous. Il en est de même de ceux qui leur ont été accordés par les empereurs romains, à l'exception néanmoins des empereurs qui étaient en même temps rois de France.

Les clercs sont sujets du Roi comme les autres particuliers ; ainsi leurs personnes et les biens de leurs églises, de même que leurs biens propres et personnels, sont soumis aux lois du royaume, et doivent contribuer aux charges personnelles et réelles, sauf les privilèges qui leur ont été accordés, qu'ils tiennent tous de la libéralité de nos rais, lesquels peuvent, de la même autorité, étendre quelques-uns de ces privilèges, les interpréter, les restraindre et modifier, même révoquer ceux qu'ils jugeraient à propos, lorsque le bien de l'état le demande. Voyez de Héricourt, loc. cit. le dictionn. des arrêts, au mot clerc ; et la Jurisprudence can. de de la Combe, au mot privilège. (A)