S. m. (Commerce) toîle écrue, claire, de chanvre ou de lin, dont on se sert pour les ouvrages de tapisserie à l'aiguille. Cette toîle est divisée en carreaux qui dirigent l'ouvrage ; et même le dessinateur, lorsqu'il trace sur cette toîle des fleurs, des fruits, des animaux à remplir en laine, en soie, en or et argent, en marque les contours avec des fils de différentes couleurs, qui indiquent à la brodeuse les couleurs qu'elle doit employer.
Nous allons proposer ici une sorte de canevas qui rendrait la broderie, soit en laine, soit en soie, infiniment plus belle, moins longue, et moins couteuse : ce sont ceux qui se feraient sur le métier des ouvriers en soie. On monterait le métier comme s'il était question d'exécuter le dessein en brocher : mais on ne brocherait point ; ainsi le dessein resterait vide en-dessous, il serait couvert en-dessus par des brides, comme à la gase, et tout le fond serait fait ; la brodeuse n'aurait plus qu'à remplir les endroits vides. Il est étonnant qu'on ne se soit point encore avisé de faire de ces canevas ; le point en est infiniment plus beau et plus régulier qu'il ne se peut faire à l'aiguille ; le métier fait en même temps la toîle et le point ; et chaque coup de battant fait une rangée de points de toute la largeur du métier. Les contours du dessein sont tracés d'une façon infiniment plus régulière et plus distincte que par des fils. Il me semble que cette invention a autant d'avantage sur l'ouvrage à l'aiguille, soit pour la perfection, soit pour la vitesse, que l'ouvrage au métier à bas en a sur le tricot à l'aiguille. Il n'y a point d'ouvrier qui ne put faire en un jour presque autant d'aulnes de fonds de fauteuils, soit en soie, soit en laine, qu'un tisseran fait d'aulnes de toîle ; et qu'on ne croye pas qu'il y ait grand mystère à la façon de ces canevas. Il faut que la chaîne soit de gros fils retors de Piémont ; qu'elle lève et baisse moitié par moitié, comme pour la toîle ; avec cette différence qu'à la toile, où le grain doit être tout fin et par-tout égal, un fil baisse, un fil leve, un fil baisse, un fil leve, et ainsi de suite ; au lieu qu'ici, où il faut donner de l'étendue et du relief au point, on ferait baisser deux fils, lever deux fils, baisser deux fils, lever deux fils, et ainsi de suite. On prendrait une trame de laine ou de soie forte, large, épaisse, et bien capable de garnir. Au reste, j'ai Ve l'essai de l'invention que je propose ; il m'a paru infiniment supérieur au travail de l'aiguille. Quant à la célérité, on peut faire une rangée de points de la longueur de vingt pouces et davantage d'un seul coup de battant. Les brides qui couvriraient les endroits du dessein, les fortifieraient encore, et leur donneraient du relief.
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