S. f. (Jurisprudence) quasi de manumissio, c'est l'acte par lequel un maître affranchit son esclave ou serf, et le met, pour ainsi dire, hors de sa main. Ce terme est emprunté du droit romain, où l'affranchissement est appelé manumissio. Parmi nous on dit ordinairement affranchissement.

Il y avait chez les Romains trois formes différentes de manumissio.

La première, qui était la plus solennelle, était celle que l'on appelait per vindictam, d'où l'on disait aussi vindicare in libertatem. Les uns font venir ce mot vindicta de Vindicius, qui, ayant découvert la conspiration que les fils de Brutus formaient pour le rétablissement des Tarquins, fut affranchi pour sa récompense. D'autres soutiennent que vindicare venait de vindicta, qui était une baguette dont le préteur frappait l'esclave que son maître voulait mettre en liberté. Le maître en présentant son esclave au magistrat le tenait par la main, ensuite il le laissait aller, et lui donnait en même temps un petit soufflet sur la joue, ce qui était le signal de la liberté ; ensuite le consul, ou le préteur frappait doucement l'esclave de sa baguette, en lui disant : aio te esse liberum more quiritum. Cela fait, l'esclave était inscrit sur le rôle des affranchis, puis il se faisait raser, et se couvrait la tête d'un bonnet appelé pileus, qui était le symbole de la liberté : il allait prendre ce bonnet dans le temple de Féronie, déesse des affranchis.

Sous les empereurs chrétiens cette première forme de manumission souffrit quelques changements ; elle ne se fit plus dans les temples des faux Dieux, ni avec les mêmes cérémonies ; le maître conduisait seulement l'esclave dans une église chrétienne, là on lisait l'acte d'affranchissement ; un ecclésiastique signait cet acte, et l'esclave était libre : cela s'appelait manumissio in sacro-sanctis ecclesiis, ce qui devint d'un grand usage.

La seconde forme de manumission était per epistolam et inter amicos ; le maître invitait ses amis à un repas, et y faisait asseoir l'esclave en sa présence, au moyen de quoi il était réputé libre. Justinien ordonna qu'il y aurait du-moins cinq amis témoins de cette manumission.

La troisième se faisait per testamentum, comme quand le testateur ordonnait à ses héritiers d'affranchir un tel esclave qu'il leur désignait en ces termes, N... servus meus liber esto : ces sortes d'affranchis étaient appelés orcini, ou charonitae, parce qu'ils ne jouissaient de la liberté que quand leurs patrons avaient passé la barque à Caron, et étaient dans l'autre monde, in orco. Si le testateur priait simplement son héritier d'affranchir l'esclave, l'héritier conservait sur lui le droit de patronage ; et quand le testateur ordonnait que dans un certain temps l'héritier affranchirait un esclave, celui-ci était nommé statu liber ; il n'était pourtant libre que quand le temps était venu ; l'héritier pouvait même le vendre en attendant ; et dans ce cas, l'esclave, pour avoir sa liberté, était obligé de rendre à l'acquéreur ce qu'il avait payé à l'héritier.

Les affranchis étaient d'abord appelés liberti, et leurs enfants libertini ; néanmoins dans la suite on se servit de ces deux termes indifféremment pour désigner les affranchis.

Quand l'affranchissement était fait en fraude des créanciers, ils le faisaient déclarer nul, afin de pouvoir saisir les esclaves.

Il en était de même quand l'affranchi, n'ayant point d'enfants, donnait la liberté à ses esclaves ; le patron faisait déclarer le tout nul.

Ceux qui étaient encore sous la puissance paternelle, ne pouvaient pas non plus affranchir leurs esclaves.

La loi fusia caninia avait réglé le nombre des esclaves qu'il était permis d'affranchir ; savoir, que celui qui n'en avait que deux pouvait les affranchir tous deux ; celui qui en avait trois, deux seulement ; depuis trois jusqu'à dix, la moitié ; depuis dix jusqu'à trente, le tiers ; de trente à cent, le quart ; de cent à cinq cent, la 5e partie ; et elle défendait d'en affranchir au-delà en quelque nombre qu'ils fussent ; mais cette loi fut abolie par Justinien, comme contraire à la liberté qui est favorable.

En France, dans le commencement de la monarchie, presque tout le peuple était serf. On commença sous Louis le Gros, et ensuite sous Louis VII. à affranchir des villes et des communautés entières d'habitants, en leur faisant remise du droit de taille à volonté, et du droit de mortable, au moyen de quoi les enfants succédaient à leurs pères. On leur remit aussi le droit de suite, ce qui leur laissa la liberté de choisir ailleurs leur domicile. S. Louis acheva d'abolir presque entièrement les servitudes personnelles.

Il se faisait aussi quelques manumissions particulières dont on trouve des formules dans Marculphe.

Il reste pourtant encore quelques vestiges de servitude dans certaines provinces, dans lesquelles il y a des serfs ou gens de main-morte, comme en Bourgogne, Nivernais, Bourbonnais. Dans ces provinces l'affranchissement se fait par convention ou par désaveu. Il se fait aussi par le moyen des lettres de noblesse, ou d'une charge qui donne la noblesse, à la charge seulement d'indemniser le seigneur.

Dans les colonies françaises, où il y a des negres qui sont esclaves, ils peuvent être affranchis suivant les règles prescrites par l'édit du mois de Mars 1685, appelé communément le code noir.

Les maîtres âgés de vingt ans peuvent, sans avis de parents, affranchir leurs esclaves par tous actes entre-vifs, ou à cause de mort, sans être tenus d'en rendre aucune raison.

Les esclaves qui sont nommés légataires universels par leurs maîtres, ou nommés exécuteurs de leurs testaments, ou tuteurs de leurs enfants, sont tenus pour affranchis.

Les affranchissements ainsi faits dans les iles, y opèrent l'effet de lettres de naturalité, et dans tout le royaume.

Il est enjoint aux affranchis de porter un respect singulier à leurs anciens maîtres, à leurs veuves et à leurs enfants, en sorte que l'injure qu'ils leur auraient faite serait punie plus grievement que si elle était faite à toute autre personne. Les anciens maîtres n'ont cependant aucun droit, en qualité de patrons, sur la personne des affranchis, ni sur leurs biens et successions.

Les affranchis jouissent, suivant ces lois, des mêmes droits que ceux qui sont nés libres.

C'est une ancienne maxime de droit, que le ventre affranchit, c'est-à-dire, que les enfants suivent la condition de la mère par rapport à la liberté : les enfants d'une femme esclave sont esclaves.

En France toutes personnes sont libres ; et sitôt qu'un esclave y arrive, il devient libre en se faisant baptiser.

Il est néanmoins permis à ceux qui amènent des esclaves en France, lorsque leur intention est de retourner aux iles, d'en faire leur déclaration à l'amirauté, au moyen de quoi ils conservent leurs esclaves. Voyez l'édit de 1716.

Sur les manumissions et affranchissements. Voyez le liv. XXXX. du digest, et au code le liv. VII. depuis le tit. 1 jusqu'au tit. 25 ; le Gloss. de Ducange, au mot manumissio ; le Dict. de Brillon, au mot affranchi, et le tit. de la Jurisp. rom. de M. Terrasson. (A)