S. f. (Jurisprudence) appelée en Droit publicatio seu in acta relatio, est parmi nous l'enregistrement ou la transcription qui se fait dans un registre public destiné à cet usage, des actes qui doivent être rendus publics, afin d'éviter toute surprise au préjudice de ceux qui n'auraient pas connaissance de ces actes.

La première origine de l'insinuation vient des Romains. Les gouverneurs des provinces avaient chacun près d'eux un scribe appelé ab actis seu actuarius, qui ressemblait beaucoup à nos greffiers des insinuations. Sa fonction était de recevoir les actes de juridiction volontaire, tels que les émancipations, adoptions, manumissions, et notamment les contrats et testaments qu'on voulait insinuer et publier. On formait de tous ces actes un registre séparé de celui des affaires contentieuses.

On faisait alors insinuer volontairement presque tous les contrats et testaments, d'autant que les contrats reçus par les tabellions ne faisaient pas alors une foi pleine et entière jusqu'à ce qu'ils eussent été vérifiés par témoins ou par comparaison d'écritures ; pour éviter l'embarras de cette vérification, on les faisait insinuer et publier apud acta.

Cette insinuation se faisait à Rome et à Constantinople apud magistrum census ; dans les provinces elle se faisait devant le gouverneur, ou bien devant les magistrats municipaux, auxquels pour la commodité du public, on attribua aussi le pouvoir de recevoir les actes.

Il fallait que cette publication se fit en jugement et en présence de juge, actis intervenientibus et quasi sub figurâ judicii ; c'est pourquoi elle est appelée publicum testimonium, et les actes que l'on publiait ainsi, qui n'étaient auparavant qu'écritures privées devenaient alors écritures publiques et authentiques. Voyez Loyseau, des offices, liv. II. chap. Ve n°. 28. et suivants.

On était surtout obligé de faire insinuer les donations. Voyez ci-après INSINUATION DES DONATIONS.

En France, l'insinuation se faisait autrefois au greffe de la justice du lieu, où l'acte devait être rendu public ; mais comme les greffiers ordinaires se trouvaient trop distraits par ces insinuations, on a établi des bureaux particuliers qui sont comme une annexe du greffe, et des greffiers particuliers pour faire ces insinuations.

Elles sont de trois sortes ; savoir, les insinuations des donations, les insinuations ecclésiastiques, et les insinuations laïques.

Les registres des insinuations sont publics, et doivent être communiqués, sans déplacer, à tous ceux qui le requièrent. Voyez l'article 3 de la déclaration du 17 Février 1731. (A)

INSINUATION DES DONATIONS est la transcription qui se fait des donations sur un registre public destiné à cet effet.

On insinuait volontairement chez les Romains tous les actes que l'on voulait rendre publics ; mais comme des donations sont plus suspectes que les contrats à titres onéreux, on était obligé de faire insinuer toutes les donations d'une certaine somme. On avait d'abord fixé cela aux donations, qui montaient à 200 écus ; ensuite Justinien le réduisit aux donations qui excédaient 300 écus ; enfin il fut réglé qu'il n'y aurait que celles qui excéderaient 500 écus qui auraient besoin d'être insinuées, au lieu qu'auparavant il n'y avait que les donations pieuses qui étaient valables jusqu'à cette somme sans insinuation.

Il y avait encore certaines donations qui étaient exemptes de cette formalité.

Telles étaient les donations faites par le prince ou à son profit, celles qui étaient faites pour la rédemption des captifs, celles qui étaient faites pour la reconstruction des maisons ruinées par le feu ou autre dommage, les donations rémunératoires, et celles qui étaient faites à cause de mort.

Par le droit du code, les donations à cause de noces appelées anténuptiales, n'étaient pas non plus sujettes à insinuation, si la future était mineure, et qu'elle eut perdu son père : par le droit des novelles, elles étaient bonnes pour la femme indistinctement, mais non pour le mari.

En France, l'insinuation des donations se pratiquait dans les pays de droit écrit, conformément aux lois de Justinien et longtemps avant l'ordonnance de 1629 ; on trouve en effet dans les privilèges que Charles V. en qualité de régent du royaume, accorda au mois d'Octobre 1358 au chapitre de S. Bernard de Romants en Dauphiné, qu'une donation qui excédait 500 florins, n'était pas valable si elle n'était insinuée par le juge.

Mais l'insinuation n'était point usitée en pays coutumier jusqu'à l'ordonnance de François I. en 1539, qui porte, art. 132, que toutes donations seront insérées et enregistrées ès cours et juridictions ordinaires des parties et des choses données, qu'autrement elles seront réputées nulles, et ne commenceront à avoir leur effet que du jour de ladite insinuation.

L'article 58 de l'ordonnance de Moulins veut que toutes donations entre-vifs soient insinuées ès greffes des sièges ordinaires de l'assiette des choses données et de la demeure des parties dans quatre mois, à compter du jour de la donation pour les personnes et biens étant dans le royaume, et dans six mois pour ceux qui sont hors du royaume, à peine de nullité, tant en faveur du créancier que de l'héritier du donateur, et que si le donateur ou le donataire décédait pendant ce temps, l'insinuation pourra néanmoins être faite pendant ledit temps.

La déclaration du 17 Novembre 1690 ajoute que les donations pourront être insinuées pendant la vie du donateur, encore qu'il y ait plus de quatre mois qu'elles aient été faites, et sans qu'il soit besoin d'aucun consentement du donateur, ni de jugement qui l'ait ordonné ; et que lorsqu'elles ne seront insinuées qu'après quatre mois, elles n'auront effet contre les acquéreurs des biens donnés et contre les créanciers des donateurs que du jour qu'elles auront été insinuées.

L'édit du mois de Décembre 1703, appelé communément l'édit des insinuations laïques, veut que toutes donations, à l'exception de celles faites en ligne directe par contrat de mariage, soient insinuées dans les temps et sous les peines portées par l'ordonnance de 1539, celle de Moulins, et par les déclarations postérieures.

Il y a encore eu plusieurs autres règlements donnés en interprétation des précédents jusqu'à la déclaration du 17 Février 1731, qui forme le dernier état sur la matière des insinuations ; elle veut que toutes donations entre-vifs des meubles ou immeubles, mutuelles, réciproques, rémunératoires, onéreuses, même à la charge de service et fondations en faveur de mariage, et autres faites en quelque forme que ce sait, à l'exception de celles qui seraient faites par contrat de mariage en ligne, soient insinuées ; savoir, celles d'immeubles réels ou d'immeubles fictifs, qui ont néanmoins une assiette, aux bureaux établis pour la perception des droits d'insinuation près les bailliages ou sénéchaussées royales, ou autre siege royal ressortissant nuement en nos cours, tant du lieu du domicîle du donateur que de la situation des choses données ; et celle des meubles ou de choses immobiliaires qui n'ont point d'assiette, aux bureaux établis près lesdits bailliages, sénéchaussées, ou autre siege royal ressortissant nuement en nos cours du lieu du domicîle du donateur seulement ; et au cas que le donateur eut son domicile, ou que les biens donnés fussent dans l'étendue de justices seigneuriales, l'insinuation doit être faite aux bureaux établis près le siege qui a la connaissance des cas royaux dans l'étendue desdites justices, le tout dans le temps et sous les peines portées par l'ordonnance de Moulins et la déclaration du 17 Novembre 1690 ; toutes insinuations qui seraient faites en d'autres juridictions sont déclarées nulles.

Les donations par forme d'augment, contre-augment, don mobile, engagement, droit de rétention, agencement, gain de noces et de survie dans les pays où ils sont en usage, doivent être insinuées suivant la déclaration du 20 Mars 1708 ; mais celles du 25 Juin 1729 et du 17 Février 1731 portent que le défaut d'insinuation n'emporte pas la nullité de ces donations.

La peine de nullité n'a pas lieu non plus pour les donations des choses mobiliaires, quand il y a tradition réelle, ou quand elles n'excédent pas la somme de 1000 livres, les parties qui ont négligé de les faire insinuer sont seulement sujettes à la peine du double droit. (A)

INSINUATION ECCLESIASTIQUE est celle qui se fait au greffe de la juridiction ecclésiastique pour les actes qui y sont sujets, tels que les provisions des bénéfices et autres actes qui y sont relatifs, les lettres de vicariat général, ou pour présenter aux bénéfices les provisions d'official, de vice-gérent, de promoteur, de greffier des officialités ou chapitres, les révocations de ces actes, etc.

Les fraudes et les abus qui peuvent se commettre dans ces sortes d'actes donnèrent lieu à Henri II. de créer par édit du mois de Mars 1553 des greffes d'insinuations ecclésiastiques en chaque diocèse, et permit aux archevêques et évêques d'y nommer jusqu'à ce qu'il en eut été autrement ordonné.

Mais l'exécution de cet édit ayant été négligée, Henri IV. par l'édit de Juin 1595, érigea ces greffes en offices royaux séculiers et domaniaux.

Cependant le clergé obtint de Louis XIII. en 1615 la permission de rembourser ceux qui avaient acquis ces offices, à la charge d'y commettre des personnes laïques capables.

Quelques évêques ayant commis à ces places leurs domestiques, l'ordonnance de 1627 enjoignit à ces greffiers de se démettre de leurs places.

Le même prince, par son édit de 1637 ; créa dans les principales villes du royaume des contrôleurs des procurations pour résigner, et autres actes concernant les bénéfices.

Les difficultés qui s'élevèrent pour l'exécution de ce dernier édit, donnèrent lieu à une déclaration en 1646, qui permit au clergé de rembourser ces contrôleurs, au moyen de quoi leur charge serait faite par les greffiers des insinuations des diocèses.

Cette dernière déclaration ayant été interpretée diversement par les différentes cours, Louis XIV. pour fixer la Jurisprudence sur cette matière, donna un édit au mois de Décembre 1691, par lequel, en supprimant les anciens offices des greffiers des insinuations ecclésiastiques ; et en recréant de nouveaux, il régla les actes qui seraient sujets à insinuation, et la manière dont cette formalité serait remplie.

Voyez cet édit, et ce qui se trouve à ce sujet dans les mémoires du clergé. (A)

INSINUATION LAÏQUE est opposée à insinuation ecclésiastique ; toute insinuation d'un acte qui n'est pas ecclésiastique, telle que l'insinuation d'une donation ou d'un testament, est une insinuation laïque ; néanmoins dans l'usage on distingue l'insinuation des donations et substitutions des insinuations laïques. On entend par celles-ci, l'insinuation qui se fait de tous les autres actes translatifs de propriété, et autres auxquels la formalité de l'insinuation a été étendue par l'édit du mois de Décembre 1703, appelé communément l'édit des insinuations laïques.

Les actes des notaires sujets à insinuation doivent être insinués dans la quinzaine, à la diligence des notaires qui les passent, à l'exception des donations et substitutions, et des contrats translatifs de propriété de biens immeubles situés hors le ressort de la juridiction où ils sont passés.

Quand l'insinuation doit être faite à la diligence des parties, le notaire doit faire mention dans l'acte qu'il est sujet à insinuation.

Les nouveaux possesseurs, par contrats ou titres, doivent les faire insinuer dans les trois mois, et les nouveaux possesseurs à titre successif doivent faire leur déclaration, et payer les droits dans les six mois.

Les notaires de Paris ne sont en aucun cas chargés de faire faire insinuation.

Voyez les édits de 1703, la déclaration du 19 Juillet 1704, l'édit d'Octobre 1705, celui du mois d'Aout 1706, la déclaration du 20 Mars 1708, et autres règlements postérieurs. (A)

INSINUATION DES SUBSTITUTIONS a été établie par l'article 57 de l'ordonnance de Moulins, qui veut que les substitutions testamentaires soient enregistrées ou insinuées dans six mois, à compter du décès du testateur, et à l'égard des autres, du jour qu'elles auront été faites, à peine de nullité.

La déclaration du 17 Novembre 1690, permet de les faire publier et insinuer en tout temps, mais avec cette différence que quand ces formalités ont été remplies dans les six mois du jour que la substitution a été faite, elle a son effet du jour de la date, tant contre les créanciers que contre les tiers acquéreurs des biens qui y sont compris ; au lieu que si la publication et enregistrement ne sont faits qu'après les six mois, la substitution n'a d'effet contre les acquéreurs des biens donnés et contre les créanciers du donateur, que du jour qu'elle a été insinuée.

L'édit des insinuations laïques du mois de Décembre 1703, ordonne, article 10, que les substitutions seront insinuées et enregistrées ès registres des greffes des insinuations, tant du lieu du domicîle des donateurs ou testateurs, que de ceux où les immeubles seront situés, sans préjudice de la publication des substitutions prescrites par les ordonnances.

Toutes ces dispositions sont rappelées dans l'ordonnance des substitutions, titre IIe Voyez SUBSTITUTION. (A)