(Jurisprudence) est l'acte par lequel un bâtard est réputé enfant légitime et jouit des mêmes privilèges.

Les enfants nés en légitime mariage ont toujours été distingués des bâtards, et ceux-ci au contraire ont toujours été regardés comme des personnes défavorables.

Chez les Hébreux, les bâtards n'héritaient point avec les enfants légitimes, ils n'étaient point admis dans l'église jusqu'à la dixième génération ; et l'on ne voit point qu'il y eut aucun remède pour effacer le vice de leur naissance.

Les bâtards étaient pareillement incapables de succéder chez les Perses et les Grecs.

Pour ce qui est des Romains, dans tous les livres du digeste, il se trouve beaucoup de lois pour délivrer les esclaves de la servitude, et pour donner aux libertins ou affranchis la qualité d'ingénus ; c'est à quoi se rapportent le titre de jure aureorum annulorum, et celui de natalibus restituendis ; mais on n'y trouve aucune loi qui donne le moyen de légitimer les bâtards ni de les rendre habiles à succéder comme les enfants.

Il n'y avait alors qu'un seul moyen de légitimer les bâtards et de les rendre habiles à succéder, c'était par la voie de l'adoption à l'égard des fils de famille, ce que l'on appelait adrogation à l'égard d'un fils de famille ; un romain qui adoptait ainsi un enfant, l'enveloppait de son manteau, et l'on tient que c'est de-là qu'a été imitée la coutume qui s'observe parmi nous de mettre sous le poîle les enfants nés avant le mariage.

L'empereur Anastase craignant que la facilité de légitimer ainsi ses bâtards, ne fût une voie ouverte à la licence, ordonna qu'à l'avenir cela n'aurait lieu que quand il n'y aurait point d'enfants légitimes vivants, nés avant l'adoption des bâtards.

Cette première forme de légitimation fut depuis abrogée par l'empereur Justinien, comme on le voit dans sa novelle 89.

Mais Constantin le grand et ses successeurs introduisirent plusieurs autres manières de légitimer les bâtards.

On voit par la loi 1re, au code de naturalibus liberis, qui est de l'empereur Constantin, et par la loi 5 du même titre qu'il y avait du temps de cet empereur trois autres formes de légitimation ; la loi 1re en indique deux.

L'une qui était faite proprio judicio, du père naturel, c'est-à-dire, lorsque dans quelqu'acte public ou écrit de sa main, et muni de la signature de trois témoins dignes de foi, ou dans un testament ou dans quelqu'acte judiciaire, il traitait son bâtard d'enfant légitime ou de son enfant simplement, sans ajouter la qualité d'enfant naturel, comme il est dit dans la novelle 117, cap. ij ; on supposait dans ce cas qu'il y avait eu un mariage valable, et l'on n'en exigeait pas d'autre preuve. Cette légitimation donnait aux enfants naturels tous les droits des enfants légitimes, il suffisait même que le père eut rendu ce témoignage à un de ses enfants naturels, pour légitimer aussi tous les autres enfants qu'il avait eu de la même femme, le tout pourvu que ce fût une personne libre, et avec laquelle le père aurait pu contracter mariage. Cette manière de légitimer n'a point lieu parmi nous ; la déclaration du père ferait bien une présomption pour l'état de l'enfant ; mais il faut d'autres preuves du mariage, ou que l'enfant soit en possession d'être reconnu pour légitime.

L'autre sorte de légitimation dont la même loi fait mention, est celle qui se fait per rescriptum principis, c'est-à-dire, par lettres du prince, comme cela se pratique encore parmi nous.

La loi 5 qui est de l'empereur Zenon, en renouvellant une constitution de l'empereur Constantin, ordonne que si un homme n'ayant point de femme légitime, ni d'enfants nés en légitime mariage, épouse sa concubine ingenue, dont il a eu des enfants avant le mariage, ces enfants seront légitimés par le mariage subséquent ; mais que ceux qui n'auraient point d'enfants de leur concubine, nés avant la publication de cette loi, ne jouiront pas du même privilège, leur étant libre de commencer par épouser leur concubine, et par ce moyen d'avoir des enfants légitimes.

Cette forme de légitimation ne devait, comme on voit, avoir lieu qu'en faveur des enfants nés avant la publication de cette loi ; mais Justinien leur donna plus d'étendue par sa novelle 89, cap. IIe où il semble annoncer cette forme de légitimation par mariage subséquent, comme s'il en était l'auteur, quoique dans la vérité elle eut été introduite par l'empereur Constantin ; mais Justinien y fit plusieurs changements, c'est pourquoi il regardait cette forme comme étant de son invention.

Cette forme de légitimation est celle qu'il appelle per dotalia instrumenta, parce que dans ce cas le seul consentement n'était pas suffisant pour la validité du mariage ; il fallait qu'il y eut un contrat rédigé par écrit et des pactes dotaux.

Il ordonna donc que quand un homme épouserait une femme libre ou affranchie qu'il pouvait avoir pour concubine, soit qu'il eut déjà des enfants légitimes, ou qu'il eut seulement des enfants naturels de cette femme, que ces enfants naturels deviendraient légitimes par le mariage subséquent.

La même chose a lieu parmi nous, et comme pour opérer cette légitimation, il faut que le père naturel puisse contracter mariage avec la personne dont il a eu des enfants ; les bâtards adultérins et incestueux ne peuvent être légitimés par ce moyen, mais seulement par lettres du prince.

Néanmoins si un homme marié épousait encore une femme, et que celle-ci fût dans la bonne foi, les enfants seraient légitimes, cap. ex tenore extra qui filii sint legitimi.

Il y avait chez les Romains une cinquième forme de légitimation ; c'était celle qui se fait per oblationem curiae ; c'est-à-dire lorsque le bâtard était agrégé à l'ordre des décurions ou conseillers des villes, dont l'état devint si pénible, que pour les encourager on leur accorda divers privilèges, du nombre desquels était celui-ci : ce privilège s'étendait aussi aux filles naturelles qui épousaient des décurions. Cette manière de légitimer fut introduite par Théodose le Grand, ainsi que le remarque Justinien dans sa novelle 89 ; elle n'est point en usage parmi nous.

La légitimation par mariage subséquent, a été admise par le Droit canon ; elle n'est pas de droit divin, n'ayant été admise que par le droit positif des décrétales, suivant un rescrit d'Alexandre III. de l'an 1181, au titre des décrétales, qui filii sint legitimi.

Cet usage n'a même pas été reçu dans toute l'Eglise ; Dumolin, Fleta, Selden et autres auteurs, assurent que la légitimation par mariage subséquent, n'a point d'effet en Angleterre par rapport aux successions, mais seulement pour la capacité d'être promu aux ordres sacrés.

Quelque dispense que la cour de Rome accorde pour les mariages entre ceux qui ont commis incestes ou adultères, et quelque clause qui se trouve dans ces dispenses pour la légitimation des enfants nés de telles conjonctions, ces clauses de légitimation sont toujours regardées comme abusives ; elles sont contraires à la disposition du concîle de Trente, et ne peuvent opérer qu'une simple dispense quoad spiritualia, à l'effet seulement de rendre ces enfants capables des ministères de l'Eglise. Voyez les Mém. du clergé, tome V. pag. 858. et suiv.

Les empereurs voulant gratifier certaines familles, leur ont accordé la faculté de légitimer tous bâtards, et de les rendre capables de successions, en dérogeant aux lois de l'empire et à toutes les constitutions de l'empire comprises dans le corps des authentiques. Il y en a un exemple sous Louis de Bavière quatrième du nom, lequel par des lettres données à Trente le 20 Janvier 1330, donna pouvoir à nobles hommes Tentalde, fils de Gauthier, Suard et à Maffée, fils d'Odaxes de Forêts de Bergame, et à leurs héritiers et successeurs en ligne masculine, de légitimer dans toute l'Italie toutes sortes de bâtards, même ceux descendus d'incestes ; en sorte qu'ils pussent être appelés aux successions, être institués héritiers et rendus capables de donation, nonobstant les lois contraires contenues aux authentiques.

Il y a dans l'empire un titre de comte palatin, qui n'a rien de commun avec celui des princes palatins du Rhin ; c'est une dignité dont l'empereur décore quelquefois des gens de Lettres. L'empereur leur donne ordinairement le pouvoir de faire des docteurs, de créer des notaires, de légitimer des bâtards ; et un auteur qui écrit sur les affaires d'Allemagne dit, que comme on ne respecte pas beaucoup ces comtes, on fait encore moins de cas de leurs productions, qui sont souvent vénales aussi-bien que la dignité même.

On voit dans les arrêts de Papon, qu'un de ces comtes nommé Jean Navar, chevalier et comte palatin, fut condamné par arrêt du parlement de Toulouse, prononcé le 25 Mai 1462, à faire amende honorable, à demander pardon au roi pour les abus par lui commis en octroyant en France légitimation, notariats et autres choses, dont il avait puissance du pape contre l'autorité du roi ; et que le tout fut déclaré nul et abusif.

En France on ne connait que deux manières de légitimer les bâtards, l'une de droit, qui est par mariage subséquent ; l'autre de grâce, qui est par lettres du prince.

Le mariage subséquent efface le vice de la naissance, et met les bâtards au rang des enfants légitimes. Ceux qui sont ainsi légitimés jouissent des mêmes droits que s'ils étaient nés légitimes ; conséquemment ils succedent à tous leurs parents indistinctement, et sont considérés en toute occasion comme les autres enfants légitimes.

Le bâtard légitimé par mariage, jouit même du droit d'ainesse à l'exclusion des autres enfants qui sont nés constante matrimonio, depuis sa légitimation ; mais non pas à l'exclusion de ceux qui sont nés auparavant, parce qu'on ne peut enlever à ces derniers le droit qui leur est acquis.

La légitimation par mariage subséquent requiert deux conditions.

La première, que le père et la mère fussent libres de se marier au temps de la conception de l'enfant, au temps de sa naissance, et dans le temps intermédiaire.

La seconde, que le mariage ait été célebré en face d'Eglise avec les formalités ordinaires.

La légitimation qui se fait par lettres du prince est un droit de souveraineté, ainsi qu'il est dit dans une instruction faite par Charles V. le 8 Mai 1372.

Nos rois ont cependant quelquefois permis à certaines personnes de légitimer les bâtards. Le roi Jean, par exemple, par des lettres du 26 Février 1061, permet à trois réformateurs généraux, qu'il envoyait dans le bailliage de Mâcon, et dans les sénéchaussées de Toulouse, de Beaucaire et de Carcassonne, de donner des lettres de légitimation, soit avec finance, ou sans finance, comme ils jugeraient à propos.

De même Charles VI. en établissant le duc de Berri son frère pour son lieutenant dans le Languedoc par des lettres du 19 Novembre 1380, lui donna le pouvoir entr'autres choses, d'accorder des lettres de légitimation, et de faire payer finance aux légitimés.

Les lettres de légitimation portent qu'en tous actes en jugement et dehors, l'impétrant sera tenu, censé et réputé légitime ; qu'il jouira des mêmes franchises, honneurs, privilèges et libertés, que les autres sujets du roi ; qu'il pourra tenir et posséder tous biens, meubles et immeubles qui lui appartiendront par dons ou acquêts, et qu'il pourra acquerir dans la suite ; recueillir toutes successions et acceptions, dons entre-vifs, à cause de mort ou autrement, pourvu toutefois quant aux successions, que ce soit du consentement de ses parents ; de manière que ces lettres n'habilitent à succéder qu'aux parents qui ont consenti à leur enregistrement, et que la légitimation par lettres du prince, a bien moins d'effet que celle qui a lieu par mariage subséquent.

Les bâtards légitimés par lettres du prince acquièrent le droit de porter le nom et les armes de leur père ; ils sont seulement obligés de mettre dans leurs armes une barre, pour les distinguer des enfants légitimes.

On a quelquefois accordé des lettres à des bâtards adultérins, mais ces exemples sont rares.

Pour ce qui est de la légitimation, ou plutôt de la dispense, à l'effet de pouvoir être promu aux ordres sacrés et de pouvoir posséder des bénéfices, il faut se pourvoir en la juridiction ecclésiastique.

Sur la légitimation, Voyez ce qui est dit dans Henrys, tom. III. liv. VI. chap. V. quest. 27.