S. f. (Jurisprudence) littera testimonialis, est un certificat donné par un officier public, et par lui muni du sceau dont il a coutume d'user, par lequel il atteste que l'acte au bas duquel il donne ce certificat est authentique dans le lieu où il a été passé, et qu'on doit y ajouter même foi. L'effet de la légalisation est, comme l'on voit, d'étendre l'authenticité d'un acte d'un lieu dans un autre, où elle ne serait pas connue sans cette formalité.

L'idée que présente naturellement le terme de légalisation, est qu'il doit tirer son étymologie de loi et de légal, et que légaliser, c'est rendre un acte conforme à la loi ; ce n'est cependant pas là ce que l'on entend communément par légalisation ; ce terme peut venir plutôt de ce que cette attestation est communément donnée par des officiers de justice, que dans quelques provinces on appelle gens de loi, de sorte que légalisation serait l'attestation des gens de loi.

Nous trouvons dans quelques dictionnaires et dans quelques livres de pratique, que la légalisation est un certificat donné par autorité de justice, ou par une personne publique, et confirmé par l'attestation, la signature et le sceau du magistrat, afin qu'on y ajoute foi par-tout, testimonium autoritate publicâ firmatum ; que légaliser, c'est rendre un acte authentique, afin que par tout pays on y ajoute foi, autoritate publicâ firmare.

Ces définitions pourraient peut-être convenir à certaines légalisations particulières, mais elles ne donnent pas une notion exacte des légalisations en général, et sont défectueuses en plusieurs points.

1°. On ne devrait pas omettre d'y observer que les légalisations ne s'appliquent qu'à des actes émanés d'officiers publics ; actes qui par conséquent sont originairement authentiques, et dont la légalisation ne fait, comme on l'a dit, qu'étendre l'authenticité dans un autre lieu où elle ne serait pas connue autrement.

2°. La légalisation n'est pas toujours donnée par un officier de justice, ni munie de l'attestation et de la signature du magistrat ; car il y a d'autres officiers publics qui en donnent aussi en certains cas, quoiqu'ils ne soient ni magistrats ni officiers de justice, tels que les ambassadeurs, envoyés, résidents, agens, consuls, vice-consuls, chanceliers et vice-chanceliers, et autres ministres du prince dans les cours étrangères.

Les officiers publics de finance, tels que les trésoriers, receveurs et fermiers généraux, légalisent pareillement certains actes qui sont de leur compétence ; savoir les actes émanés de leurs directeurs, préposés et commis.

Il y a aussi quelques officiers militaires qui légalisent certains actes, comme les officiers généraux des armées de terre et navales, les gouverneurs et lieutenans généraux des provinces, villes et places, les lieutenans de roi, majors, et autres premiers officiers qui commandent dans les citadelles, lesquels légalisent, tant les actes émanés des officiers militaires qui leur sont inférieurs, que ceux des autres officiers qui leur sont subordonnés, et qui exercent un ministère public, tels que les aumôniers d'armées, des places, des hôpitaux, les écrivains des vaisseaux, etc.

3°. Il n'est pas de l'essence de la légalisation qu'elle soit munie du sceau du magistrat ; on y appose au contraire ordinairement le sceau du prince, ou celui de la ville où se fait la légalisation.

Enfin la légalisation ne rend point un acte tellement authentique, que l'on y ajoute foi par tout pays ; car si l'acte qu'on légalise n'était pas déjà par lui-même authentique dans le lieu où il a été reçu, la légalisation ne le rendrait authentique dans aucun endroit, son effet n'étant que d'étendre l'authenticité de l'acte d'un lieu dans un autre, et non pas de la lui donner : d'ailleurs la légalisation n'est pas toujours faite pour que l'on ajoute foi par tout pays à l'acte légalisé ; elle n'a souvent pour objet que d'étendre l'authenticité de l'acte d'une juridiction dans une autre ; et il n'y a même point de légalisation qui puisse rendre un acte authentique par tout pays ; parce que dans chaque état où on veut le faire valoir comme tel, il faut qu'à la relation des officiers du pays dont il est émané, il soit attesté authentique par les officiers du pays où l'on veut s'en servir ; en sorte qu'il faut autant de légalisations particulières que de pays où l'on veut faire valoir l'acte comme authentique.

Les lois romaines ne parlent en aucun endroit des légalisations ni d'aucune autre formalité qui y ait rapport ; ce qui fait présumer qu'elles n'étaient point alors en usage, et que les actes reçus par des officiers publics, étaient reçus par-tout pour authentiques jusqu'à ce qu'ils fussent argués de faux. Cependant chez les Romains, l'authenticité des actes reçus par leurs officiers publics ne pouvait pas être partout pays aussi notoire qu'elle le serait parmi nous, parce que les officiers publics ni les parties contractantes, ni les témoins ne mettaient aucune signature manuelle au bas de l'acte ; ils y apposaient seulement l'empreinte de leur cachet ; chacun avait alors son sceau ou cachet particulier appelé signum, sigillum, ou annulus signatorius. Mais l'apposition de ces sceaux particuliers était peu utîle pour prouver l'authenticité de l'acte ; car outre que c'étaient des sceaux particuliers qui pouvaient être peu connus même dans le lieu où se passait l'acte, on pouvait sceller un acte avec le cachet d'autrui, et tous les témoins pouvaient sceller avec le même cachet, suivant ce que dit Justinien aux Institutes, lib. II. tit. Xe §. 5. en sorte que les différents cachets apposés sur un acte, ne dénotaient point d'une manière certaine quelles étaient les personnes qui avaient eu part à cet acte, et surtout n'y ayant alors aucun sceau public chez les Romains, ainsi que l'observe M. Charles Loyseau en son traité des offices, ch. IVe n. 10.

Les légalisations auraient donc été alors plus nécessaires que jamais pour constater l'authenticité des actes, puisqu'il n'y avait aucune formalité qui en fit connaître l'auteur d'une manière certaine ; mais encore une fais, on ne trouve rien dans le droit romain d'où l'on puisse induire que l'on pratiquât alors aucune espèce de légalisation.

Il n'est point parlé non plus des légalisations dans le droit canon, quoique la plupart des lois dont il est composé, aient été faites dans un temps où les légalisations étaient déjà en usage. En effet, le decret de Gratien parut en 1151 ; les décretales de Grégoire IX. l'an 1230 ; le sexte en 1298 ; les clémentines en 1317, et les extravagantes de Jean XXII. en 1334 : or je trouve que les légalisations étaient dès-lors en usage.

Comme il n'y a aucune loi qui ait établi la formalité des légalisations, on ne sait pas précisément en quel temps on a commencé à légaliser. Mais il y a au trésor des chartes, registre 80 pour les an. 1350, 1351, une copie des statuts des tailleurs de Montpellier, délivrée par deux notaires royaux de la même ville, au-bas de laquelle sont deux légalisations datées de l'année 1323 ; la première donnée par le juge royal de Montpellier ; la seconde par l'official de Maguelonne.

Il parait même que l'usage des légalisations était déjà fréquent, car on en trouve plusieurs de toute espèce données dans les années 1330 et suivantes, qui sont aussi au trésor des chartes ; ce qui fait présumer que celles données en 1323 n'étaient pas les premières, et que l'usage en était déjà ancien.

Quelques docteurs ultramontains ont parlé des légalisations à l'occasion de ce qui est dit dans les lois romaines, des tabellions et de la foi dû. aux actes publics ; tels sont Ange Balde sur la novelle 44 de tabellionibus ; Paul de Castro en son conseil 394 ; Felin sur le chap. coram. versic. dubium, de officio delegati. Matthœus de afflictis in decision. napolit. 251 ; et Alberic sur le titre du code de fide instrum. Ces auteurs proposent l'espèce d'un testament reçu dans un pays éloigné par un notaire dont on revoque en doute la qualité dans le lieu où le testament est présenté ; ils demandent si la légalisation, qu'ils nomment litteram testimonialem donnée par l'official ou par le juge qui atteste que celui qui a reçu l'acte est réellement notaire, est suffisante pour prouver sa qualité, et ils décident pour l'affirmative.

Alberic de Rosate, jurisconsulte de Bergame dans le Milanais, qui vivait au commencement du xje. siècle, dit au même endroit qu'il a toujours Ve pratiquer en justice qu'on n'ajoutait pas foi par provision à un acte passé dans un endroit éloigné ; mais que l'on s'adresse au juge du lieu où le tabellion qui a reçu l'acte exerce ses fonctions, pour qu'il atteste si celui qui a reçu l'acte est réellement tabellion, ou bien que l'on prouve sa qualité de tabellion en représentant d'autres actes émanés de lui.

Pour prévenir l'embarras d'une légalisation, Balde, au même endroit, conseille à ceux qui passent des actes qu'ils doivent envoyer dans des endroits éloignés, de les faire écrire par un notaire, et de les faire signer par trois notaires, gens de probité, afin qu'en quelqu'endroit que l'on présente ces actes, on ne puisse point révoquer en doute qu'ils ont été reçus par un notaire.

Felin sur le chap. post cessionem de probationibus, et Caepola Vérone cautelâ 54, proposent le même expédient, lequel, suivant Felin, est conforme à la 152e des nouvelles décisions de la Rote ; mais Caepola indique aussi la voie de prendre une attestation du juge du lieu où l'acte a été passé, que celui qui l'a reçu était réellement notaire ; et M. Boyer, dans sa décision 154, dit que cette voie est la plus sure.

Voilà tout ce que ces docteurs ont dit des légalisations dont ils n'ont parlé qu'en passant, et fort légèrement : nos auteurs français n'en ont parlé en aucune manière.

Il ne faut pas confondre les légalisations avec les lettres de vidimus qui étaient anciennement usitées en France ; ces sortes de lettres n'étaient autre chose que des expéditions authentiques tirées sur l'original d'un acte, ou des copies collationnées sur une expédition : on les appelait lettres de vidimus, parce qu'elles commençaient ordinairement par ces termes, vidimus quasdam litteras integras et non cancellatas, quarum tenor sequitur, ensuite on transcrivait l'acte : tel était alors le style des expéditions et copies collationnées, et c'est de-là qu'en quelques provinces on dit encore copie vidimée pour copie collationnée ; on sent assez la différence qu'il y a entre ces lettres de vidimus, et les légalisations, puisque ces sortes de lettres n'étaient autre chose qu'une collation des expéditions ou copies avec l'original, laquelle collation se pouvait faire par le même officier qui avait reçu l'acte, et qui l'expédiait, ce qui par conséquent n'ajoutait rien à l'authenticité de l'acte original ni de la copie ; au lieu que les légalisations ont pour objet de faire mieux connaître l'authenticité de l'expédition ou copie qui en a été tirée, en la munissant du témoignage et du sceau de quelque officier, qui par son caractère soit plus connu que celui qui a reçu ou expédié l'acte.

Lorsqu'il s'agit de constater la vérité des faits contenus dans les actes, on distingue ces actes qui sont d'écriture privée, de ceux qui sont émanés de quelque officier public.

Pour ce qui est des actes d'écriture privée, comme l'auteur n'en est pas certain, on n'y a point d'égard, jusqu'à ce que l'écriture en soit reconnue ou tenue pour telle avec celui contre lequel on veut s'en servir.

Quoique ces sortes d'actes ne forment qu'une preuve peu certaine des faits qui y sont mentionnés, néanmoins on ne les légalise point, par ce que l'effet de la légalisation n'étant pas de donner l'authenticité à un acte, mais seulement de faire connaître qu'il est authentique, et pour ainsi dire d'étendre son authenticité d'un lieu dans un autre ; elle serait inutîle aux écritures privées, lesquelles dans leur principe ne sont point authentiques.

A l'égard des actes émanés des officiers publics, on les a appelés authentiques, du mot grec , qui veut dire, dont l'auteur est connu ; parce qu'en effet la signature de l'officier public est plus connue que celle des particuliers, et que son témoignage constate quelle est la personne qui a passé l'acte : c'est pour cela que l'on ajoute foi par provision à ces sortes d'actes, jusqu'à ce qu'ils soient inscrits de faux, et c'est en quoi consiste l'effet de l'authenticité.

Mais les actes émanés des officiers publics, tels que les notaires, greffiers, procureurs huissiers ne sont par eux-mêmes authentiques que dans le lieu où les officiers ont leur résidence, parce que l'authenticité des actes n'est fondée que sur ce que l'auteur en est connu, et que le caractère public de ces sortes d'officiers n'est censé connu que dans le lieu où ils ont leur résidence.

C'est pour remédier à cet inconvénient, que l'on a introduit les légalisations, et afin d'étendre l'authenticité d'un acte d'un lieu dans un autre ; car les légalisations sont une preuve de l'authenticité des actes et tiennent lieu d'une enquête sommaire que l'on ferait pour constater la qualité et la signature de l'officier public qui a reçu l'acte dans les lieux où son authenticité ne serait pas connue sans cette formalité.

Par exemple un acte reçu par un notaire au châtelet de Paris, n'est par lui-même authentique que dans le ressort du châtelet, parce que la signature de ce notaire n'est pas censée connue hors des lieux où il exerce ses fonctions ; mais si le juge royal auquel ce notaire est soumis, légalise l'acte, en attestant que celui qui l'a reçu est réellement notaire au châtelet de Paris, que la signature apposée à l'acte est la sienne, et que l'on ajoute foi aux actes émanés de lui, alors la qualité de l'acte étant constatée par le certificat du juge royal, l'acte sera authentique par tout le royaume, et même dans les pays étrangers, parce que le sceau des juges royaux est censé connu par tout pays.

La légalisation ne donne à l'acte aucun droit d'hypothèque ni d'exécution parée, s'il ne l'a par lui-même ; elle ne sert, comme on l'a dit, qu'à faire connaître son authenticité.

L'acte de légalisation est lui-même authentique en ce qu'il contient, dans le pays où le caractère de l'officier qui l'a donné, est connu ; et cet acte fait foi par provision, jusqu'à ce qu'il soit inscrit de faux.

Ce n'est pas seulement en France que les légalisations sont en usage ; elles le sont pareillement chez toutes les nations policées ; mais elles s'y pratiquent diversement.

Dans toute l'Italie, l'Allemagne, la Hollande, l'Angleterre, et l'Espagne, un acte reçu par un notaire devient authentique à l'égard de tous les pays de leur domination, par le certificat et la signature de trois autres notaires qui attestent la signature et la qualité du premier : j'ai Ve quelques légalisations de cette espèce, à la suite desquelles était une seconde légalisation donnée par les officiers municipaux des villes, et munies de leur sceau, lesquels attestaient la signature et la qualité des trois notaires qui avaient donné la première légalisation ; mais cette seconde légalisation n'avait été ajoutée que pour faire valoir l'acte en France, où l'on n'était pas obligé de connaître la signature ni la qualité des trois notaires qui avaient donné la première légalisation.

J'ai Ve pareillement plusieurs actes passés en Pologne, et que l'on faisait valoir en France comme authentiques, lesquels n'étaient munis que d'une seule légalisation, quelques-uns légalisés par les officiers municipaux des villes, d'autres par les officiers de la chancellerie du prince : je n'en ai Ve aucun qui fût légalisé par des notaires, et je ne crois pas que cela y soit en usage.

En France on pratique diverses légalisations, et il y a plusieurs sortes d'officiers publics qui ont le pouvoir de légaliser, selon la qualité des actes ; mais les notaires n'en légalisent aucun.

Il serait trop long d'entrer dans le détail de tous les actes qui peuvent être légalisés ; et des cas dans lesquels la légalisation est nécessaire ; il suffit d'observer en général qu'à la rigueur tous actes émanés d'un officier public, tel qu'un notaire, commissaire, huissiers, etc. quand on les produit hors du lieu où l'officier qui les a reçus fait ses fonctions, ne sont point authentiques s'ils ne sont légalisés.

On exige surtout que les procurations soient légalisées, lorsque l'on s'en sert hors du lieu de l'exercice des notaires qui les ont reçues : cette formalité est expressément ordonnée par tous les édits et déclarations rendus au sujet des rentes viageres, qui portent que les procurations passées en province par les rentiers, seront légalisées par le juge royal du lieu de leur résidence ; et ce sont-là les seules lois qui parlent des légalisations : encore n'est-ce qu'en passant, et en les supposant déjà usitées.

Les officiers qui ont caractère pour légaliser, ne doivent faire aucune légalisation, qu'ils ne connaissent la qualité de l'officier qui a reçu l'acte, sa signature, et le sceau qu'il avait coutume d'apposer aux actes qui se passaient par-devant lui : s'ils n'en ont pas une connaissance personnelle, ils peuvent légaliser l'acte suivant ce qu'ils tiennent par tradition, ou à la relation d'autrui, pourvu qu'ils s'informent des faits qu'il s'agit d'attester, à des témoins dignes de foi.

De-là suit naturellement, que l'on peut légaliser non-seulement les actes expédiés par les officiers qui sont encore vivants, mais aussi ceux qui ont été expédiés anciennement par des officiers qui sont morts au temps de la légalisation, pourvu que la qualité, la signature, et le sceau de ces officiers soient connus par tradition ou autrement.

Pour connaître plus particulièrement par quels officiers chaque espèce d'actes doit être légalisée, il faut d'abord distinguer les actes émanés des officiers publics ecclésiastiques, d'avec ceux émanés des officiers publics séculiers.

Les actes émanés d'officiers publics ecclésiastiques, tels que les curés, vicaires desservants, les vice-gérents, promoteurs, greffiers, notaires, et procureurs apostoliques, appariteurs, et autres officiers de cette qualité, peuvent être légalisés par les supérieurs ecclésiastiques de ces officiers, soit l'évêque ou archevêque, ou l'un de ses grands vicaires ; ou son official ; et une telle légalisation est valable non-seulement à l'égard des autres supérieurs ou officiers ecclésiastiques, mais aussi à l'égard de tous officiers séculiers royaux ou autres, parce que l'évêque et ses préposés sont compétens pour attester à toutes sortes de personnes l'authenticité des actes émanés des officiers ecclésiastiques, que personne ne peut mieux connaître que l'évêque, son official, ou ses grands vicaires.

Il faut seulement observer que si c'est l'official qui a fait la légalisation, et que l'on veuille la faire sceller pour plus grande authenticité, comme cela se pratique ordinairement, il faut la faire sceller ou par l'évêque ou par celui qui est préposé par lui pour apposer son sceau, car ordinairement les officiaux n'ont point de sceau même pour sceller leurs jugements.

On peut aussi faire légaliser des actes émanés des officiers ecclésiastiques, par le juge royal du lieu de leur résidence, et surtout lorsqu'on veut produire ces actes en cour laie, ou devant des officiers séculiers, royaux ou autres, parce que le juge royal est présumé connaître tous les officiers qui exercent un ministère public dans son ressort ; et une telle légalisation est valable même à l'égard des officiers ecclésiastiques auprès desquels on veut faire valoir l'acte, parce qu'ils ne peuvent méconnaître la légalisation du juge royal, dont le sceau est connu par-tout.

A l'égard des actes émanés d'officiers publics seculiers, anciennement lorsqu'on voulait les faire légaliser, on s'adressait à l'évêque, son official ou ses grands vicaires, plutôt qu'au juge royal ; ou si l'on faisait d'abord légaliser l'acte par le juge royal du lieu, on y ajoutait, pour plus grande authenticité, la légalisation de l'évêque, ou de son official ou grand-vicaire.

C'est ainsi, par exemple, que sont légalisés les statuts des tailleurs de Montpellier, dont j'ai déjà parlé ; ces statuts sont d'abord légalisés par le juge royal de Montpellier, et ensuite est une seconde légalisation donnée par l'official de Maguelone (à présent Mauguio), ville où était autrefois le siège des évêques du bas Languedoc, qui est présentement à Montpellier, cette légalisation est conçue en ces termes : Et ad majorem omnem firmitatem ; videlicet perdictus magister Simon de Tornaforti, sit notarius publicus regius pro ut se subscripsit, et instrumentis per eum confectis plena fides adhibeatur in judicio et extra, et ad ipsum recurratur, pro conficiendis publicis instrumentis tanquam ad personam publicam : nos Hugo Augerii, juris utriusque professor, officialis Magalonensis, sigillum authenticum nostrae officialitatis huic instrumento publico duximus apponendum, anno domini 1323, quarto nonas Augusti.

Ce qui avait introduit l'usage de faire ainsi légaliser, par les officiaux ou autres officiers ecclésiastiques, toutes sortes d'actes, même ceux reçus par des officiers royaux, c'est que les ecclésiastiques, profitant de l'ignorance de ces temps-là, s'étaient attribué la connaissance de presque toutes sortes d'affaires civiles, sous prétexte que la religion ou l'église y était intéressée, soit par la qualité des personnes ou des choses dont elles disposaient, soit par la solennité du serment que l'on insérait dans tous les actes ; en sorte que la signature et le sceau des évêques, leurs grands-vicaires ou official étaient réellement plus connus et plus authentiques que ceux des officiers royaux, parce que le pouvoir des premiers était plus étendu.

Mais depuis que les choses ont été rétablies en France dans leur ordre naturel par l'article 2 de l'ordonnance de 1539, les évêques, leurs grands-vicaires ou official ne légalisent plus que les actes reçus par des officiers ecclésiastiques, encore ces mêmes actes peuvent-ils aussi être légalisés par le juge royal, et l'on a le choix de s'adresser à l'un ou à l'autre, et même leurs légalisations ne servent point en cour laie si elles ne sont attestées par les juges laïcs ordinaires.

Pour ce qui est des actes émanés d'officiers publics séculiers, il faut distinguer ceux qui sont reçus par des officiers des seigneurs, de ceux qui sont reçus par des officiers royaux.

Les actes reçus par des officiers de justices seigneuriales, tels que les greffiers, notaires, procureurs, huissiers et autres officiers fiscaux, peuvent être légalisés par le juge seigneurial de la justice en laquelle ces officiers sont immatriculés, et cette légalisation est suffisante pour étendre l'authenticité de l'acte dans le ressort de la justice supérieure, soit royale ou seigneuriale, du moins à l'égard du juge supérieur qui doit connaître la signature et le sceau des juges de son ressort ; mais s'il s'agit de faire valoir l'acte auprès d'autres officiers que le juge supérieur, en ce cas il faut une seconde légalisation donnée par le juge supérieur, qui atteste que le juge inférieur qui a légalisé est réellement juge, et que ce sont sa signature et son sceau qui sont apposés à la première légalisation.

Si cette seconde légalisation n'est donnée que par un juge de seigneur, elle ne rend l'acte authentique que dans son ressort, parce que l'on n'est pas obligé ailleurs de connaître la signature ni le sceau de tous les juges de seigneurs ; mais si cette seconde légalisation est donnée par un juge royal, l'acte devient authentique dans tout le royaume, et même dans les pays étrangers, parce que le sceau royal est connu par-tout.

Quant aux actes émanés d'officiers publics royaux, lorsqu'on veut les rendre authentiques hors du lieu de la résidence des officiers qui les ont reçus, on les fait légaliser par le juge royal du lieu où ces officiers font leur résidence, lequel y appose le sceau de la juridiction.

On peut aussi les faire légaliser par les officiers municipaux des villes où ces officiers royaux font leur résidence, auquel cas ces officiers municipaux apposent le sceau de la ville et non le sceau royal, ces sortes de légalisations sont les plus authentiques, surtout pour faire valoir un acte en pays étranger, parce que les sceaux des villes ne changeant jamais, sont plus connus que les sceaux particuliers de chaque juridiction ; et que d'ailleurs le sceau de la ville est en quelque sorte plus général et plus étendu que celui de la juridiction, puisque la juridiction est dans la ville et même qu'il y a souvent plusieurs juridictions royales dans une même ville.

L'ordonnance de Léopold I. duc de Lorraine, du mois de Novembre 1707 (règlement touchant les officiers, article 20), dit que la légalisation des actes des notaires et tabellions sera faite par le lieutenant général seul qui y apposera le petit sceau des sentences dont il a la garde ; que dans les lieux où il y aura prevôté ayant juridiction avec le bailliage, le droit de légalisation appartiendra au prevôt. A l'égard des actes des notaires et tabellions établis dans l'étendue de sa prevôté, et qui auront été reçus devant lui, à la réserve néanmoins de ceux qui seront résidents dans le lieu de l'établissement du bailliage dont la légalisation appartiendra au lieutenant général quoiqu'il y ait un prevôt établi, l'article 23 ajoute que la légalisation des actes des greffiers appartiendra au chef de la compagnie où servira le greffier dont l'acte devra être légalisé.

Les actes émanés d'officiers publics des finances, comme les certificats, quittances, procès-verbaux des commis, receveurs, directeurs et préposés dans les bureaux du roi, doivent être légalisés par les officiers supérieurs des finances, tels que les receveurs généraux, trésoriers généraux, payeurs des rentes et autres semblables officiers, selon la nature des actes qu'il s'agit de rendre authentiques hors du lieu de la résidence des officiers qui les ont reçus.

Les actes émanés des officiers militaires, comme les quittances, congés, etc. donnés par les capitaines, lieutenans, majors, doivent, pour faire foi, être légalisés par les officiers généraux leurs supérieurs, et ensuite l'on fait légaliser par le ministre de la guerre la légalisation donnée par ces officiers supérieurs.

Il en est de même pour ce qui concerne la Marine, le commerce, les universités, et toutes les autres affaires civiles : ce sont les officiers supérieurs qui légalisent les actes émanés des officiers subalternes.

Lorsqu'on veut faire connaître l'authenticité d'un acte dans les pays étrangers, outre les légalisations ordinaires que l'on y appose pour le rendre authentique par tout le royaume, on le fait encore légaliser pour plus grande sûreté par l'ambassadeur, envoyé, consul, résident, agent ou autre ministre de l'état dans lequel on veut faire valoir l'acte.

L'ordonnance de la Marine, titre des consuls, article 23, porte que tous actes expédiés dans les pays étrangers où il y aura des consuls, ne feront aucune foi en France s'ils ne sont par eux légalisés.

Lorsqu'on produit en France des actes reçus en pays étranger par des officiers publics, et légalisés dans le pays par l'ambassadeur ou autre ministre de France, on légalise au bureau des affaires étrangères la légalisation donnée par l'ambassadeur envoyé ou autre personne ayant caractère public. Le ministre du roi qui a le département des affaires étrangères, atteste que celui qui a légalisé l'acte en pays étranger a réellement le caractère mentionné en la légalisation, que c'est sa signature et le sceau dont il a coutume d'user.

Quand on veut faire valoir en France un acte reçu dans certains pays étrangers où le roi n'a point de ministres, on peut le faire légaliser par quelque français qui s'y rencontre fortuitement, pourvu que ce soit une personne attachée à la France par quelque dignité connue, auquel cas cette personne, à defaut de ministre de France, a caractère représentatif pour légaliser ; il y en a un exemple tout récent. Un français étant dans les états de Moscovie sur les côtes de la mer de Lenskogo, y passa une procuration pour toucher des rentes à lui dû.s sur l'hôtel de ville de Paris. N'y ayant point de ministre du roi dans ces pays si éloignés, il fit légaliser sa procuration par un chef d'escadre des vaisseaux du roi qui se rencontra sur les côtes de cette mer. La légalisation fut faite dans le bord de cet officier ; lorsqu'on la présenta au payeur, il fit d'abord difficulté de déférer à une telle légalisation, néanmoins il fut décidé par les officiers supérieurs qu'elle était valable.

Tout ce que l'on vient de dire des légalisations ne doit s'appliquer qu'aux actes extrajudiciaires : car ordinairement on ne légalise point les jugements quand il s'agit de les mettre à exécution hors du ressort de la juridiction de laquelle ils sont émanés, mais dans l'intérieur du royaume ; le juge qui les a rendus délivre une commission rogatoire adressée au juge du lieu où on veut faire l'exécution, lequel délivre de sa part un paréatis ou commission exécutoire en vertu de laquelle on met le jugement à exécution.

Ces paréatis ne sont pas proprement des légalisations, mais ils équivalent à une légalisation, puisqu'ils mettent en état d'exécuter le jugement dans un pays où son authenticité ne serait pas connue sans paréatis, et ils renferment une légalisation tacite en ce qu'ordinairement le juge à qui l'on s'adresse pour les obtenir ne les accorde qu'autant qu'il reconnait pour authentiques la signature et le sceau dont le jugement est revêtu.

A l'égard des jugements rendus dans une souveraineté étrangère, que l'on veut faire valoir dans une autre souveraineté, on ne prend ni commission rogatoire, ni paréatis, parce qu'on ne peut pas les mettre à exécution ; ils ne produisent que l'action personnelle ex judicato, en vertu de laquelle il faut obtenir un jugement dans le lieu où on veut faire l'exécution, et dans ce cas je crois que dans la règle les jugements auraient besoin d'être légalisés comme les actes extrajudiciaires, pour devenir authentiques dans le lieu où l'on s'en sert comme d'un titre pour se pourvoir par action ex judicato, mais je n'ai point Ve de telles légalisations.

Il y a quelques états, tels que les Pays-bas, la Lorraine, et la principauté souveraine de Dombes, qui ont avec la France un droit réciproque d'entrecours de juridiction, c'est-à-dire que les jugements émanés de ces états étant revêtus d'une commission rogatoire du juge qui les a rendus, s'exécutent dans les autres états où ce droit d'entre-cours a lieu, pourvu qu'ils soient revêtus d'un pareatis du juge du lieu où on veut mettre le jugement à exécution.

Comme les paréatis qui s'obtiennent soit dans le royaume, soit dans les pays étrangers, n'ont été introduits que pour pouvoir mettre le jugement à exécution, je crois que lorsqu'on les produit soit dans le royaume, soit ailleurs, non pas pour les mettre à exécution, mais seulement pour la preuve de certains faits qui en résultent, que ce serait plutôt le cas de les faire légaliser que de prendre un paréatis.

En effet, outre que le paréatis n'est pas une véritable attestation de l'authenticité du jugement, il peut arriver que l'on ne puisse pas accorder de paréatis, soit parce que le jugement dont il s'agit aurait déjà été exécuté et qu'on ne le produit que pour la preuve de certains faits qui en résultent, soit parce qu'il ne serait pas exécutoire au profit de la personne qui le produit, soit enfin parce que l'expédition que l'on en représente n'est pas dans une forme exécutoire : dans tous ces cas où il s'agit de faire connaître l'authenticité du jugement, et où l'on ne peut pas prendre de paréatis, la légalisation me paraitrait nécessaire, soit à l'égard des jugements rendus dans les justices seigneuriales lorsqu'on veut qu'ils fassent foi hors de leur ressort, parce que le sceau du seigneur justicier n'est pas censé connu hors de son ressort, soit à l'égard des jugements émanés de juges royaux pour en constater l'authenticité dans les pays étrangers ; j'avoue néanmoins que je n'ai point Ve de telles légalisations.

Voyez l'édit du mois d'Octobre 1706, concernant le contrôle des registres des baptêmes, mariages et sépultures, article 2 ; l'arrêt du conseil du 30 Novembre suivant ; l'édit du mois d'Aout 1717, articles 6 et 7 ; l'arrêt du conseil du 16 Mai 1720, articles 7 et 9 ; l'édit du mois de Juillet 1723, portant création de 1 rentes viageres, articles 4 et 6 ; l'arrêt du conseil du 29 Aout 1724, au sujet des droits de péages et autres semblables ; la déclaration du 27 Décembre 1727, pour la perception des rentes viageres ; l'édit de création de rentes de tontines de Novembre 1733, article 13, et autres édits et déclarations concernant les rentes viageres et de tontine, dans lesquels il est parlé de légalisation des procurations, certificats de vie, etc. (A)