(Jurisprudence) est tout à la fois un des grands offices de la couronne, un fief de dignité relevant de la couronne, et une justice seigneuriale du premier ordre avec titre de pairie. Ce n'est pas ici le lieu de traiter de tout ce qui appartient aux pairs et à la pairie en général, ainsi nous nous bornerons à ce qui est propre aux duchés-pairies, considérées sous les trois différents points de vue que l'on a annoncés, c'est-à-dire comme office, fief, et justice.

On dit d'abord que les duchés-pairies sont de grands offices de la couronne. Les duchés, dont l'usage venait des Romains, étaient dans les commencements de la monarchie des gouvernements de provinces que le roi confiait aux principaux seigneurs de la nation, que l'on appelait d'abord princes, ensuite barons et ducs ou pairs. Ces ducs réunissaient en leur personne le gouvernement militaire, celui des finances, et l'administration de la justice. Ils jugeaient souverainement au nom du roi, avec les principaux de la ville où ils faisaient leur résidence, les appels des centeniers, qui étaient les juges royaux ordinaires. Un duché comprenait d'abord douze comtés ou gouvernements particuliers ; cette répartition fut depuis faite différemment. Le titre de duc était si déchu sur la fin de la première race, que pendant la seconde, et bien avant dans la troisième, celui qui avait un duché se faisait appeler comte ; dans la suite les titres de ducs et de duchés reprirent le dessus. Les ducs cessèrent de rendre la justice en personne, lorsqu'on institua les baillis et sénéchaux ; de sorte que présentement la fonction des ducs et pairs, comme grands officiers de la couronne, est d'assister au sacre du roi et autres cérémonies considérables, et de rendre la justice au parlement avec les autres personnes dont il est composé.

L'office de duc et pair est de sa nature un office viril ; il y a cependant eu quelques duchés-pairies érigées sous la condition de passer aux femelles à défaut de mâles : ces duchés sont appelés duchés-pairies mâles et femelles : il y en a même eu quelques-uns érigés pour des femmes ou filles, et ceux-ci ont été appelés simplement duchés femelles.

Anciennement les femmes qui possédaient une duché-pairie, faisaient toutes les fonctions attachées à l'office de pair. Blanche de Castille mère de S. Louis, pendant son absence, prenait séance au parlement. Mahaut comtesse d'Artais étant nouvellement créée pair, signa l'ordonnance du 3 Octobre 1303 : elle assista en personne au parlement de 1314, pour y juger le procès du comte de Flandres et du roi Louis Hutin ; elle assista au sacre de Philippe V. dit le Long, en 1316, où elle fit les fonctions de pair, et y soutint avec les autres la couronne du roi son gendre. Une autre comtesse d'Artais fit fonction de pair en 1364 au sacre de Charles V. Au parlement tenu le 9 Decembre 1378, pour le duc de Bretagne, la duchesse d'Orléans s'excusa par lettres de ce qu'elle ne s'y trouvait pas. Présentement les femmes qui possèdent des duchés-pairies, ne siègent plus au parlement : il en est de même en Angleterre, où il y a aussi des pairies femelles.

Les duchés-pairies considérées comme fiefs, sont des seigneuries ou fiefs de dignité qui relèvent immédiatement de la couronne. Ces sortes de seigneuries tiennent le premier rang entre les offices de dignité.

Les premières érections des duchés-pairies remontent au moins jusqu'au temps de Louis le Jeune ; d'autres les font remonter encore plus haut ; c'est ce qui sera discuté plus amplement au mot PAIRIE.

Toutes les terres érigées en pairies n'ont pas le titre de duché : il y a aussi des comtés-pairies. Il y a eu plusieurs de ces comtés-pairies laïques, tels que le comté de Flandres, de Champagne, de Toulouse, et autres qui sont présentement réunis à la couronne.

Il y a encore trois comtés-pairies qui ont rang de duchés ; savoir, le comté de Beauvais, celui de Châlons, et celui de Noyon, qui forment les trois dernières des six anciennes pairies ecclésiastiques.

Les autres seigneuries, soit comtés, marquisats, baronies ou autres qui sont érigées à l'instar des pairies, ne sont point des pairies proprement dites : et si quelques-unes en portent le titre, c'est abusivement, n'ayant d'autre prérogative que de ressortir immédiatement au parlement, comme les duchés et comtés pairies dont on a parlé.

Depuis l'érection des grandes seigneuries en pairies, le titre de duc et pair est toujours attaché à la possession d'une duché-pairie ; car la pairie qui était d'abord personnelle est devenue réelle.

L'édit du mois de Mai 1711, concernant les ducs et pairs, ordonne entr'autres choses, que par les termes d'hoirs et successeurs, et par les termes d'ayans cause, inserés tant dans les lettres d'érection précédemment accordées, que dans celles qui pourraient l'être à l'avenir, ne s'entendront que des enfants mâles de celui en faveur de qui l'érection aura été faite, et des mâles qui en seront descendus de mâle en mâle en quelque ligne et degré que ce sait.

Que les clauses générales insérées ci-devant dans quelques lettres d'érection de duchés-pairies en faveur des femelles, et qui pourraient l'être en d'autres à l'avenir, n'auront aucun effet qu'à l'égard de celle qui descendra et sera de la maison et du nom de celui en faveur duquel les lettres auront été accordées, et à la charge qu'elle n'épousera qu'une personne que le roi jugera digne de posséder cet honneur, et dont il aura agréé le mariage par des lettres patentes qui seront adressées au parlement de Paris, et qui porteront confirmation du duché en sa personne et descendants males, etc.

Ce même édit permet à ceux qui ont des duchés-pairies, d'en substituer à perpétuité le chef-lieu avec une certaine partie de leur revenu, jusqu'à 15000 livres de rente, auquel le titre et dignité desdits duchés et pairies demeurera annexé, sans pouvoir être sujet à aucunes dettes ni détractions de quelque nature qu'elles puissent être, après que l'on aura observé les formalités prescrites par les ordonnances pour la publication des ordonnances ; à l'effet de quoi l'édit déroge à l'ordonnance d'Orléans, à celle de Moulins, et à toutes autres ordonnances et coutumes contraires.

Il permet aussi à l'ainé des mâles descendants en ligne directe de celui en faveur duquel l'érection des duchés et pairies aura été faite, ou à son défaut ou refus, à celui qui le suivra immédiatement, et ensuite à tout autre mâle de degré en degré, de les retirer des filles qui se trouveront en être propriétaires, en leur remboursant le prix dans six mois sur le pied du denier 25 du revenu actuel, et sans qu'ils puissent être reçus en ladite dignité qu'après en avoir fait le payement réel et effectif.

L'édit ordonne encore, que ceux qui voudront former quelque contestation au sujet des duchés-pairies, etc. seront tenus de représenter au roi, chacun en particulier, l'intérêt qu'ils prétendent y avoir, afin d'obtenir du roi la permission de poursuivre l'affaire au parlement de Paris, etc.

La haute, moyenne, et basse justice qui est attachée aux duchés-pairies, est une justice seigneuriale.

Les fourches patibulaires de ces justices sont à six piliers.

Anciennement lorsqu'une seigneurie était érigée en duché, c'était ordinairement à condition que l'appel de sa justice ressortirait sans moyen au parlement. Il y a cependant quelques-unes des anciennes pairies ecclésiastiques qui ne ressortissent pas immédiatement au parlement, comme Langres, etc. Les érections de duchés étant devenues plus fréquentes, on met ordinairement dans les lettres, que c'est sans distraction de ressort du juge royal : ou si l'on déroge au ressort, c'est à condition d'indemniser les officiers de la justice royale ; et jusqu'à ce que cette indemnité soit payée, la distraction de ressort n'a aucun effet.

Les nouveaux règlements enregistrés au parlement sont envoyés par le procureur général aux officiers des duchés-pairies ressortissantes nuement au parlement, pour y être enregistrées, de même que dans les sièges royaux.

Ces justices des duchés-pairies n'ont pas néanmoins la connaissance des cas royaux ; elle demeure toujours réservée au juge royal, auquel la pairie ressortissait avant son érection.

Depuis la déclaration du 17 Février 1731, on ne peut plus faire aucune insinuation au greffe des duchés-pairies, non plus que dans les autres justices seigneuriales.

On tenait autrefois des grands jours pour les duchés, en vertu de la permission qui en était accordée par des lettres patentes du roi. On permettait même quelquefois de tenir ces grands jours à Paris ; ces grands jours ont été supprimés et retablis par différentes déclarations, et enfin supprimés définitivement. Voyez GRANDS JOURS et PAIRIES. (A)